Journée d’études organisée par le Groupe Vieillissements du Réseau des jeunes chercheurs Santé et société
Responsables :
Veronika Duprat-Kushtanina et Carlotta Monini
26 septembre 2014, 10h-18h
Paris 13ème
Argumentaire :
La prise en compte du genre paraît incontournable pour comprendre le vieillissement (Arber, Ginn, 1995). La vieillesse dépendante serait un domaine essentiellement féminin. Ceci est le constat quasi omniprésent des recherches consacrées à cette question. Effectivement, les études dans différents pays révèlent une majorité féminine parmi le groupe d’âge avancé et une prépondérance des femmes parmi les aidants. Mais définir le domaine du vieillissement comme un univers exclusivement féminin serait une simplification injustifiée.
La journée que nous proposons aura pour objectif de revenir sur cette question, en interrogeant les normes, les représentations et les pratiques genrées dans les différentes configurations d’aide autour des femmes et des hommes vieillissants, dans le cadre de l’aide familiale, professionnelle ou bénévole.
En effet, les différents modes de prise en charge de personnes vieillissantes renvoient à la question de savoir ce qu’est être une femme ou un homme dans la société donnée. Par ailleurs, les figures genrées sont toujours inscrites dans l’espace social et la lecture en termes de milieux sociaux est souvent éclairante des mécanismes de leur fabrication. En matière de prise en charge des personnes âgées, il s’agit non seulement d’appréhender les aspects normatifs implicites aux assignations genrées mais également d’approfondir les enjeux identitaires traversant les arrangements à géométrie variable des aidant-e-s. Comment à partir d’une position sociale donnée interagit-on avec les représentations culturelles de la féminité et de la masculinité ? Et enfin, quels rôles jouent les activités de caring dans la construction des identités sexuées ? Cette approche peut également être associée aux études sur la division sexuée du travail, insistant sur l’imbrication entre genre, classe, et appartenances nationales/raciales dans ce domaine. Dans le contexte de la crise de l’État Social, ces questions semblent particulièrement pertinentes. En effet, dans ce domaine, l’appel de la part des réformateurs aux « solidarités de proximité » interroge les différents modes d’organisation des relations d’aide et de soutien à l’égard des personnes âgées dépendantes. Il demande également de réfléchir sur les inégalités sociales et celles de santé susceptibles d’affecter le transfert de soins et de responsabilité entre l’espace familial et l’aide professionnelle.
Dans cette perspective, il s’agira de réfléchir sur les pratiques, les réseaux d’aide et les arbitrages entre aide professionnelle, familiale et bénévole, en privilégiant plus spécifiquement deux axes thématiques :
1) les normes et les pratiques de solidarité intrafamiliale mobilisées dans la prise en charge d’un proche dépendant :
En ce qui concerne les aidant/es : Il s’agit de réfléchir sur les normes de partage et les injonctions morales en œuvre en fonction de la place au sein de la configuration familiale (conjoint/e, fils/fille, petits-enfants) et du sexe. Il s’agit également d’expliciter les assignations, les représentations et les logiques d’implication dans le réseau d’aide genrées et la manière de les appréhender dans le cadre de nos enquêtes ethnographiques. Souvent les diverses attitudes, montrées au moment de la première prise de contact et au cours de l’entretien, sont révélatrices des rôles, des manières d’expérimenter ces assignations et de s’impliquer. Les moments de conflits, d’incompréhensions et de désajustements montrent également la répartition des rôles et les difficultés rencontrées dans nombreuses formes de prise en charge entre différentes personnes de l’entourage familial et les professionnel(le)s. Quelles sont les articulations entre les injonctions du rôle, les assignations genrées et les ancrages biographiques des relations d’aide familiale ?
Ȇtre une femme aidée ou un homme aidé : quels sont les attentes et modèles normatifs auxquels on fait référence lorsqu’on reçoit une aide souvent multiple de type professionnel, familial ou bénévole ? De quelle manière les logiques de solidarité pratique contribuent-elles à maintenir la tension typique de la « déprise », de l’« éloignement du monde » et du « maintien dans le monde » (Caradec, 2004) ?
2) Le genre dans l’aide professionnelle :
Quelles dynamiques genrées se développent selon les contextes d’intervention (en institution ou bien à domicile) et traversent les dispositifs de prise en charge ?
Les logiques de professionnalisation de l’activité : entre familiarisation et technicisation des prestations auprès des personnes âgées, quelles sont les normes de comportement, plus ou moins implicites, auxquelles sont soumis(es) les professionnel(le)s travaillant auprès des personnes âgées (postures différentielles à l’égard de la norme et possibles décalage entre discours et pratique) ? Peut-on parler de la professionnalisation des qualités « féminines » ? Existe-il une division du travail genré dans le care professionnel ?
L’intervention introductive de la journée sera faite par :
Françoise Le Borgne-Uguen, Professeure, Université de Bretagne Occidentale, Brest, Laboratoire d’Etudes et de Recherche en Sociologie (LABERS - EA 3149). Ses travaux portent sur la grand-parenté, la production de santé et la répartition des services, entre proches et professionnels. Ses questions de recherche concernent la préservation des capacités des vieilles personnes à décider pour elles-mêmes.
et
Simone Pennec, Maîtresse de conférences, Atelier de Recherche Sociologique (EA 3149), Université de Brest, MSH Bretagne. Ses recherches concernent la répartition du travail de soin entre les sexes, les services de la parenté et ceux des professionnels, et, les usages des territoires, de l’habitat et des dispositifs techniques au cours de l’avance en âge.
Les propositions de communication (un titre et un paragraphe de résumé) sont à envoyer à veronika.kushtanina@gmail.com et carlottamonini@gmail.com le 10 septembre au plus tard