précédé d’une introduction méthodologique : "Genre, sexe et sexualité dans l’Antiquité grecque et romaine"
Interventions dans le cadre du séminaire inter-axes en 2014-2015 de l’université d’Angers
mardi 7 octobre 2014 | 12h - 14h | salle Frida Kahlo, MSH Confluences, Angers
Présentation :
En Grèce antique, du VIIIe au Ve siècle avant notre ère, les pratiques sociales les plus importantes se faisaient en musique : c’était le cas, en particulier, de l’éducation. L’analyse porte sur une pratique particulière qui consiste à raconter, par le chant, des histoires pour convaincre un/e aimé/e de céder à l’amour. Ces « histoires », que les modernes appellent parfois « mythes », deviennent alors des muthoi, paroles aussi agréables qu’efficaces. Plusieurs poèmes mettent en scène des situations de communication où le « je » raconte au « tu » une belle ou tragique histoire d’amour, comme celle de Tithon, aimé de la déesse Aurore, ou celle d’Atalante, la chasseresse qui a longtemps refusé les avances de ses prétendants.
Ces chants construisent des identités de genre à la fois dans l’histoire racontée et dans la dimension pragmatique du poème. Il apparaît que les catégories contemporaines (relation hétérosexuelle vs. relation homosexuelle) sont caduques et ne permettent pas de rendre compte du processus à l’œuvre dans cette pratique. En Grèce antique, l’élan érotique était pensé comme une force qui transforme et qui a toute sa place dans l’éducation, une pratique culturelle et sociale qui a pour objet un changement de la personne : c’est cette métamorphose de l’individu, par le biais de la poésie érotique et de sa pratique concrète (chant, danse, changement de rôles), qu’il s’agit de mettre au jour avec les outils du genre (gender).
Cet exposé sera précédé d’une introduction méthodologique qui propose de montrer en quoi une approche de l’Antiquité est utile pour mettre en perspective les catégories contemporaines et pour nourrir les études de genre en général.
L’étude des textes et des images du monde gréco-romain révèle en effet une construction des catégories sexuelles et un fonctionnement du genre très différents de ceux de nos sociétés contemporaines occidentales : dans l’Antiquité, la différenciation sexuelle n’y est pas le critère de catégorisation centrale et, en Grèce comme à Rome, l’opposition homosexualité / hétérosexualité n’est pas pertinente. La démarche de l’historien s’apparente à celle de l’anthropologue : mieux comprendre les sociétés étudiées suppose de porter préalablement un regard scientifique sur des catégories contemporaines que l’on s’imagine souvent universelles, voire naturelles. Cette « historicisation » du sexe et de la sexualité (ainsi que des genres discursifs) permet d’éviter les projections et les anachronismes, et de mieux connaître les sociétés dans leur ensemble. Cette approche met en évidence également que, dans ces mondes d’« avant la sexualité », la notion même d’identité personnelle est à interroger.
Sandra Boehringer est historienne. Elle est rattachée à ARCHIMEDE UMR 7044, Université de Strasbourg
Contact :
mireille.loirat@univ-angers.fr