Colloque organisé par le GTM-CRESPPA
Avec le soutien de la Fédération RING
Organisatrice :
Isabelle Clair, chargée de recherche, CNRS
10-11 décembre
CNRS - Site Pouchet, 59 rue Pouchet, Paris
Présentation :
Ce colloque part d’une interrogation, présente depuis longtemps dans le travail des participant.e.s, sur la difficulté de faire du genre, de la sexualité et des questions postcoloniales, des perspectives constitutives de la recherche en sciences humaines et sociales. Il a pour objectif de mener une réflexion critique, transdisciplinaire et transnationale, sur la production des savoirs dans un cadre global - ce qu’on appelle aujourd’hui de manière controversée « La société de la connaissance ». Quels sont les sites et les conditions de production et de circulation des savoirs genrés dans ce contexte géopolitique, les procédés et les normes de rigueur scientifiques par lesquels ces savoirs acquièrent une validité et une pertinence universelle ou, au contraire, gardent le statut de savoirs partiaux et partiels, ou même minorisés et assujettis ? Dans quelle mesure - et, à quelles conditions - les perspectives du genre, de la « race », de la sexualité, du déplacement telles qu’elles émergent de la matérialité des expériences, des pratiques et de l’action humaines, arrivent-elles à et/ou sont-elles susceptibles d’introduire de l’inconnu dans les savoirs produits par les Sciences Humaines et Sociales, et d’infléchir les modes établis d’appréhender et penser le réel ?
Ces questions, situées au cœur d’une actualité à la fois politique et scientifique, seront explorées et débattues par un groupe de chercheur.e.s venant de plusieurs institutions scientifiques françaises et internationales, d’horizons disciplinaires qui vont de la sociologie et la science politique à la littérature, la philosophie et l’histoire des sciences – de positions théoriques et d’objets de recherche très variés. La visée principale d’une telle réflexion sera de repérer et de croiser ce qui fait barrage à la visibilité et à l’intelligibilité de pans entiers des expériences humaines passées et actuelles, les barrières cognitives qui, au-delà de la bonne ou mauvaise foi des chercheur.e.s, empêche d’en appréhender la pertinence.
On examinera les présupposés de ces barrières, en se situant à leurs frontières : frontières du genre, frontières des disciplines, frontières nationales et impériales ; frontières entre la connaissance d’experts inaccessibles au « vulgaire » et la connaissance qui peut contribuer à une intelligence partagée, polytopique et polyphonique susceptible de penser ensemble des configurations historiques dissonantes du savoir/pouvoir et leurs effets sur la production des savoirs genrés dans le monde.
Programme :
9h30 - Accueil, café
Table ronde 1. Frontières statistiques et populations invisibles. Qui compte(r) ?
10h - 13h, salle des conférences
Le décompte de populations est un lieu important de classement, d’inclusions et d’exclusions de groupes humains, ainsi que de création (ou de disqualification) de catégories de pensée. Lorsque des chercheur.e.s décident de construire une enquête quantitative (nécessitant généralement des ressources importantes afin d’obtenir des résultats significatifs), ils et elles ont souvent pour objectif soit de perpétuer un décompte existant, soit de le modifier en modifiant les modes d’interrogation, les problématiques voire les types de personnes à interroger, soit de combler un manque relativement à telle ou telle population. On s’intéressera, au cours de cette table ronde, à des enquêtes (passées ou en cours) dont l’un des principaux enjeux est ou a été de renouveler la connaissance en incluant des questions jusqu’alors impensables ou jugées illégitimes, non seulement du côté des financeurs mais aussi des chercheur•e•s eux-mêmes.
Animation : Isabelle Clair, chargée de recherche au CNRS, CRESPPA-GTM.
> Monique Meron, administratrice de l’Insee, Crest-LSQ « Notions d’emploi et de chômage : variations au fil du temps et différences selon le sexe »
> Thomas Amossé, administrateur de l’Insee et chercheur au CEE « Hommes et femmes en ménage (statistique) »
> Wilfried Rault, chargé de recherche à l’Ined « De ‘Etude de l’Histoire Familiale’ (1999) à ‘Famille et Logements’ (2011) : la « dés-hétérosexualisation » d’une grande enquête »
9h00 - Accueil, café
Table ronde 2. Frontières nationales et épistémologiques. Les féminismes matérialistes dans une perspective transnationale.
9h30 - 12h30, salle des conférences
Ce panel invite à une réflexion sur les matérialismes féministes, dont la diversité est peu discutée : du féminisme matérialiste « à la française » à l’école de Bielefeld en Allemagne en passant par le material turn suscité notamment par Susan Hekman et Stacey Aleimo, ou encore le féminisme socialiste. Le clivage, aujourd’hui très fort, entre perspectives dites « matérialistes » (renvoyant à la prise en compte de la dimension matérielle des expériences) et perspectives dites « postructuralistes » tend à invisibiliser l’hétérogénéité de chaque ensemble. À l’inverse de ce mouvement de polarisation des débats, ce panel se concentrera sur les premières, pour interroger leurs histoires, leurs phases d’échanges au-delà des frontières et leurs phases de (re)nationalisations (communications en anglais et en français).
Animation : Cornelia Möser, chargée de recherche au CNRS, CRESPPA-GTM.
Les communications de Hanna Meißner et de Milla Tiainen seront prononcées en anglais, traduction suivie.
> Hanna Meißner, TU Berlin, Zentrum für Interdisziplinäre Frauen- und Geschlechterforschung « Material/ist Feminisms - Slippages and Demarcations » (« Féminismes matériels/alistes – Glissements et démarcations »)
> Milla Tiainen, Department of English, Communication, Film and Media, Anglia Ruskin University (UK) / Dept. of Philosophy, History, Culture and Art Studies, University of Helsinki « Is musical performance a (new materialist) feminist issue ? Building a feminist genealogy of the study of music as performance » (« La performance musicale est-elle un enjeu féministe (néo-matérialiste) ? Construire une généalogie féministe de l’étude de la musique comme performance »)
> Jules Falquet, Université Paris Diderot, CEDREF-CSPRP « L’épistémologie de l’imbrication des rapports sociaux de pouvoir aujourd’hui : l’apport de Colette Guillaumin et des féministes matérialistes francophones »
> Maira Luisa Goncalves de Abreu, Universidade Estadual de Campinas (Unicam-Brésil), Université Paris 8, CRESPPA-GTM « Genèse et débats autour du féminisme matérialiste en France dans les années 1970 »
Table ronde 3. Frontières cognitives et exploration des subjectivités. Que dit le récit autobiographique des vécus minorisés ?
14h30 - 17h30, salle 159
Le projet à la fois politique et théorique du féminisme, et d’autres mouvements sociaux, de rendre visibles les expériences minorisées, effacées ou déclarées indignes d’informer les catégories « universelles » par lesquelles on étudie le social, ont attribué à l’expérience vécue - et au récit de soi qui l’énonce - un statut cognitif privilégié. Mais ce parti pris a souvent été critiqué pour sa tendance à accorder un caractère ontologique à l’expérience ; celle-ci est en effet souvent traitée comme étant inhérente au groupe dont l’individu minorisé est issu et dont il apparaît comme un exemplaire. De telles conceptualisations homogénéisantes, qui présument, plutôt que de chercher à comprendre, le sens que les individus accordent à leurs actions, font barrage à la perception et à l’étude de la pluralité et de l’historicité des expériences et des modes de subjectivation constitutives des groupes sociaux. Lieu privilégié d’attribution d’un sens public à des expériences du monde enfouies dans le non-sens de l’inénarrable, le récit autobiographique se prête à l’exploration des tensions et dilemmes qui président aujourd’hui à la formation des identités dans nos sociétés globalisées. À partir de travaux récents et en cours, on revisitera les débats relatifs aux récits de soi, non pas tant du point de vue de leur « vérité » ou de leur « authenticité », mais en tant que ressources puissantes d’actualisation de la capacité qu’ont les êtres humains de prendre la parole afin de transformer les sens établis (du genre, de la race, de la sexualité) et de recommencer à nouveau.
Animatrice : Eleni Varikas, professeure émérite à l’Université Paris 8, CRESPPA-GTM.
> Margareth Rago, professeure d’histoire contemporaine, Université de Campinas (UNICAMP) Brésil « L’aventure de se raconter : féminisme, écriture de soi, invention de la subjectivité »
> Martine Leibovici, professeure de philosophie politique, Université Paris Diderot. « La ressource autobiographique de la transfuge »
> Ève Gianoncelli, doctorante en science politique et études genre, Université Paris 8, CRESPPA-GTM. « Registres autobiographiques chez Claude Cahun. Paulette Nardal et Viola Klein : la confusion des genres comme lieu du dicible d’un jeu féminin. »
17h30 - café, fin du colloque
Contact :
sandra.nicolas@gtm.cnrs.fr