Intervention dans le cadre du séminaire Sextant
Mardi 17 décembre
12h30 à 14h, Salle Doucy (Bâtiment S, 12e étage)
Université Libre de Bruxelles
Présentation :
Cette communication portera sur les politiques d’égalité de genre développées par le SERNAM (Servicio nacional de la Mujer) au Chili durant les gouvernements de la Concertación. L’objectif est d’analyser les réseaux de diffusion d’expertise (savante et profane) et leur rôle dans ces politiques. Suite à l’article que nous avons publié sur « Savoir et système de genre au Chili », nous entendons poursuivre nos réflexions en mettant en lumière la construction de ce que nous pourrions nommer le losange de l’action féministe. Celui-ci est constitué de quatre pôles : trois d’entre eux, centrés sur le genre comme catégorie d’action publique, sont composés de féministes du système onusien, par les femmes des groupes féministes et des instances exécutives et législatives ; le dernier pôle est composé de femmes dont les voix sont marginalisées par le féminisme institutionnel. Ce faisant, nous mettrons l’accent sur les conflits et les compromis à l’œuvre dans ce contexte institutionnel et organisationnel et qui s’expriment dans les discours et les expertises savantes et profanes produites à l’échelle internationale, transnationale et nationale, discours et expertises ayant trait aux politiques d’égalité de genre de la Concertación. Ainsi, deux questions de recherche guident notre travail : d’une part, quels sont les réseaux d’expertise et d’autre part, quels sont les mécanismes de diffusion des connaissances du système de genre mis en œuvre par ces réseaux. Dans cette perspective, nous nous baserons sur trois types de mécanismes mis en évidence par Charles Tilly : les mécanisme d’ordre contextuel permettant de créer un espace politique d’ouverture à des alternatives sociales et politiques, les mécanismes d’ordre cognitif qui modifie les cadres de perception qui permettent la réception et la re-signification des idées, et les mécanismes d’ordre relationnel qui recompose les relations entre groupes et individus porteurs de ces idées. Pour ce faire, nous mettrons en exergue la réalité et les limites de la dé-légitimation de la vision naturalisante des rapports de genre, issue de la dictature, en soulignant trois moments majeurs : la ratification de la CEDAW en 1989, la création du SERNAM en 1991, la préparation de la Conférence internationale tenue à Beijing en 1995. Ensuite, nous mettrons en lumière les mécanismes cognitifs et relationnels à l’œuvre dans les réseaux d’expertise multi-niveaux (national, international et transnational). Dans ce cadre, nous envisagerons les plans d’égalité des chances élaborées par le SERNAM, la politique de gendermainstreaming porté par celui-ci, et quelques enjeux majeurs de l’individuation des femmes (violence de genre, droits reproductifs, quotas et parité). Les réseaux d’expertise à l’œuvre dans la diffusion de l’idée d’égalité de genre à travers ces politiques et ces enjeux, participent d’une consolidation du genre comme catégorie d’action publique. En même temps, nous montrerons que ces réseaux produisent des effets d’exclusion des voix des féministes autonomes, populaires et indigènes.
Biographie :
Bérengère Marques-Pereira (bmarques@ulb.ac.be) est professeure à l’Université libre de Bruxelles, présidente de l’Université des Femmes, co-organisatrice de l’atelier “Genre et Politique” de l’ABSP, qu’elle a fondé lorsqu’elle en était présidente. Elle a également été professeure invitée dans diverses universités étrangères (IEP de Paris, Université Laval, Université de Montréal, Université de Lyon 2...). Elle est l’auteure de nombreuses publications ayant trait à la citoyenneté politique et sociale des femmes en Amérique latine et en Europe.
Contact :
laura.dispurio@gmail.com