Pour un prochain numéro de la revue Champ pénal
Argumentaire :
L’histoire des institutions pénales (prisons, établissements de redressement, centres de rétention, bagne, camps d’internement) est marquée par des préoccupations liées à la sexualité des personnes enfermées. Selon les périodes historiques et selon les régimes de sexualité en vigueur, selon qu’elles aient concerné le dedans ou le dehors des institutions de réclusion précitées, ces préoccupations ont évolué. Interroger la gestion de la sexualité au sein des institutions pénales permet de proposer une analyse multidimensionnelle de la variation des normes et des formes de déviances au sein d’organisations chargées justement d’encadrer ou de mettre à l’écart du reste de la société des personnes qualifiées de « déviantes ».
Au-delà de la description de l’agencement de la sexualité et des pratiques sexuelles dans les institutions pénales, ce champ de recherche est traversé par de nombreuses questions : dans quelle mesure les pratiques sexuelles dans ces institutions sont-elles comparables à celles existant dans le reste de la société ? Peut-on évoquer une sous-culture sexuelle propre à ces institutions ? Comment les formes de négociation et de transactions sexuelles s’articulent-elles à l’économie des pouvoirs existant dans ces institutions ? Quel rôle joue l’organisation spatiale ? Quels imaginaires sexuels sont produits par ces institutions ? À ces questions, s’ajoutent des considérations méthodologiques sur des enquêtes qui se confrontent aux difficultés traditionnellement rencontrées par les recherches menées sur la prison et par celles menées sur la sexualité.
Jusqu’à présent, les réponses qui étaient données à ces questions étaient fortement influencées par le concept d’« institution totale ». Que l’on observe une dé-totalisation de ces institutions ou bien que les travaux se situent dans les interstices de la clôture entre dehors et dedans, les analyses semblent se complexifier. Ainsi, la non-mixité (entre personnes détenues et entre surveillé-e-s et surveillant-e-s), fruit d’un long processus historique, est aujourd’hui battue en brèche. De même, la cellularisation ou l’individualisation des peines contribuent à modifier les formes de sociabilités – notamment sexuelles – entre « reclus-e-s ». Par ailleurs, la transformation culturelle des normes sexuelles (notamment la reconnaissance légale de l’homosexualité comme forme de vie instituée) n’est pas sans conséquences sur les normes et les formes de transgression de ces dernières. Enfin, les nouvelles technologies de l’information et de communication, tout comme l’évolution des méthodes de surveillance, contribuent aussi à transformer les rapports au sexuel au sein d’institutions pénales où la frontière entre dedans et dehors devient mouvante.
Afin d’éclairer les questions que suscite la sexualité au sein des institutions pénales, les articles de ce numéro thématique pourront notamment porter sur les quatre axes de réflexions suivants :
1. Politiques et organisation de la sexualité : Comment les institutions, et par-delà le législateur, règlement-ils la sexualité dans les institutions pénales ? Comment les discours sur la mixité et sur la cellularisation ont-ils contribué à structurer la sexualité dans les institutions de réclusion ?
2. La frontière dedans/dehors : Peut-on parler d’une adaptation ou d’une substitution des pratiques sexuelles en milieu fermé ? Quels sont les effets de la libération sexuelle, voire de la reconnaissance d’un « droit à la sexualité », sur les institutions pénales ?
3. Pratiques, représentations et discours : Comment se dit, à la première personne, la sexualité dans les récits de prisonniers, prisonnières et interné-e-s ? Comment les représentations de la sexualité des personnes enfermées participent-elles d’une hétérotopie sexuelle dans les productions culturelles (littérature, théâtre, cinéma) ?
4. Questions méthodologiques : Comment enquêter sur les sexualités dans les institutions pénales ? Comment s’articulent ou se confortent les contraintes des recherches sur les sexualités et celles des recherches dans/sur les lieux d’enfermement ?
Modalités :
Cet appel à contributions s’adresse en particulier aux chercheur-e-s travaillant en sociologie, anthropologie, sciences-juridiques et histoire, mais il reste ouvert aux autres approches disciplinaires. Il n’est pas restrictif quant aux périodes historiques et aux aires géographiques étudiées. Les doctorant-e-s et jeunes chercheur-e-s sont fortement encouragé-e-s à soumettre un article.
Bilinguisme
Les propositions de contribution peuvent être soumises en anglais ou en français. Ce dossier a pour ambition d’être bilingue : les auteur.e.s dont les articles sont acceptés sont invité.e.s (mais non obligé.e.s) à produire ou faire produire une version traduite des articles.
Normes de présentation
La taille attendue pour un article se situe entre 8 000 et 15 000 mots. Les articles doivent se conformer aux règles de présentation de la revue qui peuvent être consultées à l’adresse suivante : http://champpenal.revues.org/13
Comment soumettre les articles
Un résumé de la proposition de contribution doit être soumis au plus tard le1er juin 2015.
La proposition de contribution doit être soumise au plus tard le 1er novembre 2015. Dans les deux cas, faire parvenir les textes aux deux adresses suivantes :
regis.schlagdenhauffen@univ-lorraine.fr
gwenola.ricordeau@univ-lille1.fr