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Colloque

Noms et prénoms : établir l’identité dans l’empire du choix

11 décembre - Paris INED


Date de mise en ligne : [05-11-2013]



Mots-clés : identité


Organisation :

Baptiste Coulmont, Sociologue, Maître de conférences (CRESPPA-CSU, Université Paris 8)
Virginie Descoutures, Sociologue, Allocataire post-doctorante de l’IEC (Ined & CRESPPA-GTM)

11 décembre 2013

INED, salle Sauvy (133 boulevard Davout - 75020 Paris)

Argumentaire :

Le prénom et le nom de famille sont les premiers éléments que nous utilisons pour identifier et se faire identifier au sein de la société. Le nom de famille nous rattache à une certaine lignée (par la filiation) tandis que le prénom laissé au libre choix des parents permet de s’individualiser. Alors que, jusqu’à récemment, des habitudes locales et coutumières ou des règles juridiques restreignaient fortement la transmission du nom de famille ou l’inscription du prénom à l’état civil, il semble que les hommes et surtout les femmes disposent désormais d’une plus grande liberté de dénomination. Quel usage est-il fait de cette liberté ?
Le processus de libéralisation est bien visible en France. La loi du 8 janvier 1993 révise l’état civil et la filiation en supprimant tout contrôle a priori sur le choix du prénom et en facilitant les changements de prénom. Plus récemment, c’est le nom de famille qui s’est inscrit dans ce qui apparaît à première vue comme un « empire du choix ». La loi du 4 mars 2002, entrée en application en 2005 et portant réforme du nom de famille permet en effet aux parents de choisir, lors de la déclaration de naissance, de transmettre à leur(s) enfant(s) soit le nom du père, soit celui de la mère, soit encore un « double nom », c’est-à-dire un nom constitué des noms de chacun des parents « accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite toutefois d’un nom de famille pour chacun ». De même très récemment la Direction des affaires civiles et du Sceau a commencé à accepter les demandes de certaines personnes souhaitant retrouver leur nom de famille d’origine (après une francisation de ce dernier).
Mais ce processus est aussi visible ailleurs : en 1978 le Conseil de l’Europe adopte une résolution qui recommande aux Etats membres d’assurer ou de promouvoir l’égalité des époux en droit civil, notamment en ce qui concerne l’attribution du nom de famille. Pour autant les législations des pays européens divergent : les pays nordiques, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse doivent choisir entre le nom du père et celui de la mère ; en Espagne et au Portugal il est possible (comme en France mais aussi depuis 1981 au Québec) de transmettre soit le nom de la mère, soit celui du père, soit les deux noms accolés dans l’ordre choisi par les parents, tandis que la Belgique et l’Italie n’autorisent à ce jour que la transmission du patronyme.
Des contextes nationaux différents semblent donc s’inscrire à présent dans une conception à la fois plus libérale du droit au nom et au prénom, et plus égalitaire (entre les femmes et les hommes), dans laquelle importe l’expression de la volonté. Mais cette libéralisation est partielle, « l’empire du choix » n’est peut-être qu’une façade. Elle reste soumise aux centres d’intérêts de l’État : sécurisation de l’identité et des papiers d’identité, informatisation de l’état civil etc. L’identité onomastique est ainsi peut-être beaucoup plus fixe et cristallisée aujourd’hui qu’elle pouvait l’être par le passé, quand les noms d’usage pouvaient s’imposer.
Elle reste aussi soumise à l’empire du national : noms et prénoms sont des marqueurs (ou perçus comme tels) de l’origine nationale des ascendants et ascendantes. Ils peuvent ainsi servir de support de discrimination, de revendication identitaire mais aussi de stratégie d’invisibilisation.
Enfin elle reste soumise à la domination masculine, intériorisée tant par les hommes que par les femmes, aux implicites des rapports sociaux de sexe. Le choix de la transmission d’un nom de famille peut désormais faire l’objet de négociations entre parents. Or l’Insee indique que près de 83% des enfants nés en 2012 portent uniquement le nom de leur père ; quand 8,5% d’entre eux portent le double nom, la première position revient au nom du père dans la majorité des cas (environ quatre fois sur cinq). Que disent ces parents qui éprouvent une plus grande satisfaction à être tous les deux représentés dans le nom de leur enfant ? Que disent les femmes qui conservent leur patronyme et celles qui adoptent celui de leur conjoint ? Quels choix font-elles en fonction des différentes législations ?
Tout choix était-il impossible sous le Code Napoléon ? Comment le nom se transmettait-il dans le cas de mariage « en gendre » (quand le gendre venait habiter dans la terre de son épouse, prenait-il le nom de la terre) ? Dans quelles circonstances certaines femmes ont-elles réussi à transmettre leur nom ? Quel jeu était alors possible avec les règles juridiques et coutumières ? Quelles furent, quelles sont, les mobilisations de juristes ou de « cause lawyers » autour du nom et du prénom ? Comment les juges, les élus et le pouvoir exécutif, depuis une soixantaine d’années, ont-ils ouvert, par étape, un processus de libéralisation ?
Dans quelle mesure nom et prénom sont-ils supports de discriminations (liées à l’origine, au sexe) sur le marché du travail (ou ailleurs) ? Le prénom, dans la quasi-totalité des cas, a un genre, qui correspond au sexe de l’état civil (bien que cette correspondance ne soit pas requise en droit). L’identité revendiquée – par le choix d’un nom ou d’un prénom particulier – a-t-elle un « coût » ?
Le sens commun présente souvent la prédominance du patronyme comme le pendant « naturel » de la grossesse et de l’accouchement, aux hommes le symbolique et aux femmes le « charnel ». Ces distinctions entre culture et nature, production (le nom peut être perçu comme un capital social, symbolique et culturel) et reproduction ne sont pas nouvelles, ces représentations sont-elles toujours d’actualité ? Pour autant, l’attachement au patronyme de nos jours revêt-il la même signification qu’autrefois ?
Enfin qu’en est-il en dehors du contrôle étatique ? Quand des institutions plus ou moins solides (Églises, sociétés « secrètes », mondes artistiques) développent en toute « liberté » des usages particuliers du nom (nom de religion, pseudonymes etc.) les règles que les individus se donnent sont-elles homologues aux règles de droit ?
Il s’agit donc, dans ce colloque, de prendre pour acquis nombre de travaux ayant indiqués combien nom et prénom servent à matérialiser l’identité sociale, et d’étudier des situations empiriques mouvantes, changeantes, quand le choix offert peut servir de révélateur des contraintes symboliques. Ce colloque s’organisera autour de la présentation pluridisciplinaire de travaux de recherche empirique.

Programme (provisoire) :

. 9h Ouverture
Allocution de Chantal Cases, directrice de l’INED
Allocution de la représentante de l’Institut Emilie du Châtelet
. 9h15 Introduction
> Baptiste Coulmont, sociologue (Université Paris 8, CSU-CRESPPA)
. 9h30-11h00 :

Histoire de l’adoption et des pratiques de nomination

Présidence Agnès Fine, anthropologue (Ehess, LISTT-Cas, Université Toulouse Le Mirail)
> Catherine Dol, historienne (CRH-Ehess) : « L’institution de l’adoption au XIXe siècle et au début du XXe siècle en France constitue un révélateur de la place du nom de famille et des prénoms dans l’ordonnancement social »
> Carole Faucher, historienne (ICT-Université Paris 7) : « Quel usage faisait-on de la liberté de nommer à la fin du Moyen Âge à Paris ? »
Philippe Charrier, sociologue (CMW-Université Lyon II) et Gaëlle
> Clavandier, sociologue (CMW, Université Jean Monnet, Saint-Etienne) : « Prénommer pour exister. Le prénom sous le prisme de la naissance »
. 11h30-12h30 :

Dénomination politique et militante par les femmes

Présidence Anne-Marie Devreux, sociologue (CSU-CRESPPA, Université Paris 8)
> Carolyn J. Eichner, department of History and Center for Women’s Studies (University of Wisconsin, Milwaukee) : « Revendiquer le pouvoir : la dénomination radicale et la remise en cause de l’Etat par les femmes »
> Camille Masclet, sociologue, université de Lausanne (CRAPUL-IEPI) & Université Paris 8 (CSU- CRESPPA) : « Contester le patronyme pour contester le patriarcat : rapports au nom et stratégies individuelles des militantes féministes de la deuxième vague »
. 14h-15h30 :

Choix et transmissions

Présidence Wilfried Rault, sociologue (Ined)
> Thierry Mayer, économiste (SciencesPo) : « Les incitations économiques à la transmission culturelle »
> Agnès Pelage, sociologue (ESPE-Université Paris Est Créteil- Printemps), Sara Brachet, sociologue (Printemps), Anne Paillet, sociologue (UVSQ-Printemps), Catherine Rollet, historienne et démographe (UVSQ-Printemps), Olivia Samuel, démographe (UVSQ-Printemps-Ined) : « A la recherche du prénom : un exemple de négociation parentale »
> Beate Collet, sociologue (GEMASS-Université Paris-Sorbonne) : « Choix du prénom et transmission identitaire chez les couples mixtes : entre culture et genre »
. 16h-17h30 :

Faire avec le nom

Présidence Tiphaine Barthélémy, sociologue et anthropologue (CURAPP-Université de Picardie Jules Verne)
> Virginie Descoutures, sociologue (IEC-Ined) : « La transmission du double nom en France »
> Laurence Charton, Denise Lemieux, Françoise-Romaine Ouellette, (Centre Urbanisation Culture Société-INRS, Montréal) : « La transmission du nom au Québec après la réforme du Code Civil de 1981 »
> Ouerdia Yermèche, (ENS Bouzaréa, Alger) : « La dénomination algérienne entre identité, législation et conjonctures socio-économiques »
. 17h30-18h : Conclusion du colloque

Informations :

http://coulmont.com/nomprenom/

Contacts :

baptiste.coulmont@univ-paris8.fr, virginie.descoutures@ined.fr

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