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Colloque international

Classe, genre et construction de la paix au Pérou (1961-2014)

9-10 juillet - Pérou


Date de mise en ligne : [04-07-2014]



Mots-clés : Amérique latine | classe | guerre


Comité d’organisation :

Anouk Guiné, Groupe de Recherche Identités et Cultures (GRIC), Université du Havre, France
Luis Rodriguez Toledo, Université Nationale Majeure de San Marcos, Lima, Pérou
Association Nationale des Familles de Séquestrés, Détenus et Disparus du Pérou (ANFASEP), Ayacucho
- Mouvement Citoyen pour les Droits Humains de Ayacucho
Casa Matteo Ricci, Ayacucho
‘Annalicemos Historia’ (AH), Groupe universitaire de recherches historico-sociales, Lima

9-10 juillet 2014

Casa Matteo Ricci, 4pm

Ayacucho, Pérou

Présentation :

Faire l’histoire de la subversion au Pérou avec un sérieux élémentaire, exige de disposer d’information confiable, presque jamais à la portée du chercheur’, affirme l’historien Franklin Pease. Travailler sur les groupes armés qui se sont organisés dans le cadre de la ‘lutte des classes’ depuis les années 1960, est une tâche difficile dans la mesure où cela signifie travailler sur la clandestinité.
Nommer, repenser, faire des recherches sur des groupes comme le Parti Communiste du Pérou-‘Sentier Lumineux’ (PCP-SL) (d’obédience maoïste) et le Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) suppose un danger pour le chercheur : être appelé ‘terroriste’ est commun dans un milieu où le discours officiel et le discours académique se fondent en une version unique.
Ce colloque se présente comme l’occasion de découvrir et de visibiliser des histoires restées secrètes à fin de remettre en question la manière dont s’écrit et se vit le passé et le présent au Pérou. Nous nous intéresserons à la façon dont les deux groupes et leurs organisations respectives ont pensé l’articulation entre rapports sociaux de sexe et de classe (au sein du groupe et envers la société civile), en fonction de la nécessité qu’ont eue ses intégrant.e.s de se forger une identité collective (politique et militaire) afin de transformer radicalement la société et de construire un Etat alternatif.
Etant donné que la plupart des travaux sur le conflit armé péruvien utilisent des sources secondaires ou sources primaires écrites, et que rares sont les travaux qui recueillent les voix particulières des hommes et en particulier des femmes des groupes armés sans les stigmatiser ou les essentialiser, ce colloque encourage la méthodologie de l’enquête orale. Les propositions devront couvrir, pour le cas du PCP-SL, la période allant de 1961 - année de création de la ‘section féminine’ du Front Révolutionnaire Etudiant (FER) - jusqu’à nos jours. Cette période inclut le militantisme révolutionnaire de la pré-guérilla (1961-1980) et le ‘Movimiento Femenino Popular’ (Mouvement Féminin Populaire) (MFP) créé par Augusta La Torre dans les années 1970, ainsi que les femmes et les rapports sociaux de sexe dans la ‘Guerre Populaire’ (1980-1992), ‘Proseguir (Poursuivre) (la guerre populaire)’ (1992-1999) et le ‘Parti Communiste du Pérou - Marxiste-Léniniste-Maoïste Militarisé’ (PCP-MLM) (Groupe de la région du VRAEM en amazonie péruvienne) (de 1999 à aujourd’hui ) ; et enfin le ‘Movimiento de Mujeres, Niños y Ancianos’ (Mouvement de Femmes, Enfants et Personnes Agées) (MODEFMUNA) (1999-2009) et le ‘Movimiento Hijas del Pueblo’ (Mouvement des Filles du Peuple) (MHIJAS) (de 2009 à aujourd’hui).

1. Représentations et connaissance située des femmes des groupes armés

Les théorisations sur la participation des femmes dans les entreprises guerrières se divisent en deux grandes perspectives : ‘déterministe’ et ‘critique’. Nous invitons la réalisation de travaux depuis cette dernière, avec des textes recueillant les histoires de vie des protagonistes. Nous cherchons non seulement à comprendre les femmes de ces groupes en fonction des différentes modalités d’interaction sociale (à chaque niveau de la hiérarchie du groupe), mais aussi à voir comment, à travers ces dynamiques, elles construisent une identité propre (en tant que guerrière, politique, militante, idéologue, etc…) tout en essayant de rompre avec la façon dont le libéralisme et la société bourgeoise les ont classées. Finalement, sachant que la plupart des militantes ont été emprisonnées pendant plusieurs années pour ‘délit de terrorisme’, nous nous intéresserons aux récits de l’expérience carcérale et à l’impact de celle-ci sur la vie post-carcérale. Qu’implique la ‘liberté’ dans un contexte de stigmatisation, de représentations négatives et de persécution politique ? Enfin, nous explorerons également les représentations des (ex) intégrantes des groupes armés dans les médias (presse, TV).

2. Constructions théoriques des féminismes et mouvements de femmes au Pérou : le ‘féminisme prolétaire’

Un certain courant épistémologique péruvien ne reconnaît pas, donc invisibilise le ‘féminisme populaire’ ou ‘féminisme prolétaire’ qui caractérise, par exemple, le Mouvement Féminin Populaire (MFP). Celui-ci est inspiré de la tradition marxiste et de l’œuvre féministe du philosophe José Carlos Mariátegui qui faisait une distinction entre ‘féminisme bourgeois, féminisme petit-bourgeois et féminisme prolétaire’, affirmant que ‘la classe différencie les individus plus que le sexe’. Les rapports entre socialisme et féminisme ne sont pas évidents, certains mouvements socialistes ayant toujours refusé le féminisme de peur que celui-ci ne devienne ‘spécifique’ et ‘séparatiste’. Le marxisme-léninisme-maoïsme a souvent fait l’amalgame entre ‘genre’ et ‘féminisme bourgeois’, et entre ‘féminisme’ et ‘féminisme bourgeois’. Pour certaines femmes des groupes armés ici étudiés, ceci peut même aller jusqu’au refus de se définir comme ‘féministe’ au vu des ‘relations dangereuses’ que le féminisme a entretenu avec le néolibéralisme lors des dernières décennies. Dans ce contexte, comment se développe un ‘féminisme insurrectionnel’ ou ‘féminisme de la distribution’ (économique) en lien avec la ‘lutte des classes’ qui elle-même contemple ‘l’émancipation de la femme’ ? De quelle manière les intégrant.e.s du PCP-SL et MRTA travaillaient-elles/ils avec les femmes et les hommes des classes ouvrière et paysanne et des communautés indigènes ? Quels étaient le rapport des militant.e.s du PCP-SL avec le concept de ‘féminisme prolétaire’, avec le Mouvement Féminin Populaire et, depuis 2009, avec le Mouvement (maoïste) des Filles du Peuple ? Sur ces sujets, nous encourageons l’élaboration de travaux basés sur les témoignages oraux des protagonistes (à l’intérieur et en dehors des prisons).

3. Justice de classe et justice de genre dans la guerre interne

Afin de dénouer la complexité des rapports sociaux de classe et de genre en jeu au Pérou dans le cadre des projets des groupes armés depuis les années 1960, nous explorerons l’application de la politique de genre de ces mouvements. Il s’agit d’analyser la manière dont ils ont articulé l’ordre politique (classe sociale) et l’ordre moral (genre) qu’ils défendaient. Ceci comprend la vie reproductive, sexuelle et affective des hommes et des femmes des groupes armés, en particulier pendant la guerre interne (1980-1992 et au-delà), ainsi que la justice de genre qu’ils pratiquaient. Nous différencions ici deux types de traitement moral en termes de justice de genre :
- Le traitement émancipateur : dans le cas du PCP-SL, le système informel de médiation (résolution non violente des conflits) en cas de violence domestique, soit entre membres du groupe armé ou au sein de la population civile.
- Le traitement répressif : contrôle et éradication de la prostitution, de l’adultère et de l’homosexualité, conception de la famille en fonction de la guerre, et sexisme ordinaire au sein des groupes armés. Nous nous intéresserons ici aux situations de polygamie et d’abus sexuels commis par certains dirigeants du PCP-SL qui ‘n’ont pas appliqué la morale de classe’ et ont ‘discrédité’ leur organisation. Nous analyserons aussi les tensions, contradictions et résistances à l’œuvre dans la pratique, tant au niveau intragroupal qu’intergroupal (c’est-à-dire envers les populations ouvrières, paysannes, indigènes, en particulier envers les femmes et les minorités sexuelles de ces groupes).
Les témoignages de femmes et d’hommes ayant intégré ces groupes armés, qu’ils.elles aient été ou pas condamné.e.s pour délit politique, contribueront à rompre avec les représentations selon lesquelles ces groupes sont ‘homogènes’ et composés de personnes qui auraient un ‘discours uniforme’

4. Les femmes dans les productions culturelles du PCP-SL et organisations communes

Peu de chercheurs se sont intéressés aux productions culturelles et à l’art populaire ou ‘art au service du peuple’ élaborés par les membres du PCP-SL en tant que tâche politique de ‘mobilisation’ et ‘arme de combat’, et encore moins à l’articulation entre productions culturelles et ‘émancipation de la femme’. Nous nous centrerons sur la manière dont le thème des femmes est traité dans les productions culturelles des membres et groupes artistiques de cette organisation, entre 1961 et 2014 (à l’intérieur et à l’extérieur des prisons). Il est également urgent de tenter de comprendre les groupes armés non seulement comme éléments destructeurs, mais aussi depuis l’élément créateur. Sur le plan historiographique, dans le discours officiel et académique, Sentier Lumineux apparaît comme une composante qui a uniquement semé le chaos : il est rapidement associé aux innombrables morts que la Commission de la Vérité et Réconciliation estime à environ 70.000, l’Etat l’associe à la déstabilisation du pays et la Gauche l’identifie comme l’élément qui a détruit une option socialiste. Ceci nous paraît être une vision très partielle et même compréhensible par rapport aux sensibilités contemporaines. Néanmoins, les groupes armés n’ont pas été seulement des éléments idéologiques, guerriers ou politiques. Ils ont aussi créé une mystique et un art propre qui ont été invisibilisés. Nous nous intéressons à cet art élaboré depuis la subversion et la ‘lutte des classes’, où les femmes ont une présence forte.
Nous espérons que ce colloque sera le début d’une série de travaux académiques qui permettront le débat et la production de connaissances et de nouvelles narratives en vue de servir l’exercice de la mémoire avec liberté d’expression, dans un pays qui devrait pouvoir se reconstruire à partir des subjectivités de tous les acteurs impliqués et pas seulement à partir d’une mémoire ‘officielle’.

Infos :

http://www.univ-lehavre.fr/ulh_services/Presentation,2115.html

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