Christine Machiels a soutenu sa thèse "Les féminismes face à la prostitution aux XIXe et XXe siècle (Belgique, France, Suisse)", sous la direction de Mme Christine Bard et M. Xavier Rousseaux
Le 25 février 2011 à la Faculté Philosophie et Lettres – Collège Erasme – Place Blaise Pascal 1 – 1348 LOUVAIN LA NEUVE - BELGIQUE
Résumé :
La participation des féministes au débat public sur la régulation de la prostitution est au coeur de cette recherche. Au-delà de l’histoire des mouvements proprement dits, les sources du féminisme permettent d’éclairer un champ historique peu exploré, celui des conceptions militantes des sexualités et de leur contrôle social. Cette recherche propose une lecture combinée d’approches issues de deux historiographies : l’histoire des régulations sociales et l’histoire des féminismes.
La prostitution, élevée au rang de « problématique sociale », draine une multitude d’enjeux, dépassant de loin les prémisses du débat public (pour ou contre la réglementation) : mobilité des populations, genre et normes sociales, protection de la jeunesse, préoccupations sanitaire et sécuritaire, motifs financiers, coopération internationale, etc. Les féministes auront à se positionner sur les projets politiques de contrôle social qu’ils inspirent, tout en restant fidèles à une ligne de conduite « morale » (comme gage d’égalité). Quelles sont les implications sociopolitiques (acquis émancipatoires et effets pervers au regard des rapports sociaux entre les sexes) de cette croisade féministe qui vise, tout au long du XXe siècle, au nom de l’égalité morale entre les sexes, à combattre la licence masculine, potentiellement source de menace, violence ou contamination, nécessitant restreinte et contrôle ?
Le lobby féministe international, porteur de discours originaux sur la prostitution, est étudié à plusieurs niveaux d’échelle. L’approche comparative est au coeur de cette recherche : d’une part, entre le transnational et le national, et, d’autre part, entre trois terrains d’observations (la Belgique, la France, la Suisse). Les sources internes des associations et des personnalités féministes dévoilent un débat public émaillé de moments de tension, et de doutes, liés tout à la fois au contexte sociopolitique, aux tournures et volte-faces de la joute opposant les réglementaristes aux abolitionnistes, mais aussi à l’histoire des mouvements proprement dits, traversés par des dilemmes et des impératifs tactiques. Ce sont précisément ces moments de tension, jalonnant l’évolution temporelle du débat public, qui façonnent la structure de la thèse en six épisodes, regroupés en deux étapes : les héritages et fondements d’une vocation abolitionniste (1840-1919) et le développement du féminisme abolitionniste (1920-1967). Le focus sur les mouvements féministes belges, français et suisses illustre d’abord les conditions d’émergence et de développement d’une mobilisation collective. L’approche chronologique montre ensuite comment celle-ci a, dès la fin du XIXe et tout au long du XXe siècle, participé du processus de politisation des questions sexuelles.