Journée d’étude organisée par Yannick Fer (CNRS, GSRL) et Gwendoline Malogne-Fer (GSRL)
mardi 20 novembre 2012 - site Pouchet (59-61 rue Pouchet, Paris 17e)
Présentation :
Au sein des protestantismes, les églises et mouvements pentecôtistes se caractérisent par l’insistance accordée aux « dons du saint esprit » (charisma) – parler en langues, mais aussi guérisons et prophéties – et mettent l’accent sur une démarche de « conversion personnelle », sur l’ « expérience émotionnelle » (Willaime, 1999) et la mise en ordre des vies individuelles. Officiellement né au début du XXe siècle aux Etats-Unis, le pentecôtisme s’est rapidement diffusé, porté initialement par les missions nord-américaines, en Afrique subsaharienne, en Amérique latine en Asie et en Europe. Les églises pentecôtistes participent ainsi à la montée des « christianismes du sud » tout autant qu’aux profondes recompositions des paysages religieux des « pays du nord » – tout particulièrement en Europe, présentée comme un « nouveau champ de mission » – sous l’effet des migrations, de l’urbanisation et de la structuration d’églises transnationales (Fancello & Mary, 2010).
Paradoxalement alors que les mouvements et églises pentecôtistes sont très largement féminisés, la participation des femmes à ces courants pentecôtistes – les modalités pratiques de leurs conversions, de leurs engagements religieux et les motivations de ces femmes – n’a pas suscité une attention soutenue en sciences sociales des religions, particulièrement dans la littérature francophone. Si la plus forte pratique religieuse des femmes n’est pas propre aux pentecôtismes et caractérisent de nombreuses confessions et dénominations (Campiche, 1996), en revanche l’engagement de femmes dans des organisations religieuses a priori conservatrices – qui refusent le plus souvent l’accès des femmes au pastorat et prônent une répartition traditionnelle des tâches sexuées – mérite de plus amples recherches empiriques et réflexions théoriques. Différentes études ont montré que les églises pentecôtistes développent des normes de genre complexes basées sur de nouveaux modèles de féminité et de masculinité (Cucchiari, 1990) qui ouvrent de possibles espaces de négociation, notamment en contexte migratoire (Maskens, 2009). Les normes de genre en pentecôtisme s’inscrivent ainsi le plus souvent dans un contexte de pluralisation normative et de mobilité religieuse qui incite les nouveaux convertis, tout en insistant sur la rupture biographique de la conversion, à réinvestir, pour certains, des dispositions pratiques héritées de l’église d’origine (Fer, 2009) ou à se conformer strictement à des normes et codes comportementaux de la société en général dans un souci de respectabilité individuelle. La valorisation des normes de genre traditionnelles tout en permettant à certaines femmes une plus grande capacité d’action et d’autonomie, a également pour conséquence, une « domestication des hommes » (Martin, 2003) en incitant ces derniers à se recentrer sur leurs rôles de mari et père de famille impliqués et en délégitimant des actions qui seraient contraires aux intérêts de leur famille. Les églises pentecôtistes, en insistant sur les « valeurs familiales », offrent ainsi des espaces de négociation, de réappropriation ou de contournement de ces normes religieuses de féminité et de masculinité.
Pour autant l’organisation du pouvoir et la répartition sexuée des responsabilités dans les églises pentecôtistes sont généralement peu favorables aux femmes. Le genre apparaît ici comme « un élément constitutif de rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir » (Scott, 1988). La répartition des responsabilités attribue le plus souvent aux femmes des dons (temporaires) et aux hommes des ministères (institutionnalisés) pour reprendre les termes de Cucchiari (1990). L’analyse de parcours de femmes prophétesses, évangélistes, pasteures ou épouses de pasteurs (Fancello, 2005) et des mouvements de femmes permettra d’approfondir les études relatives aux configurations du pouvoir en pentecôtisme. Il s’agira également de poursuivre, dans une perspective de genre, les réflexions critiques sur les processus de fragilisation ou de confortation de l’ « autorité charismatique » et plus largement sur les circulations individuelles et les modalités d’engagement et de désengagement religieux.
Enfin le dernier axe de réflexion a pour objectif, à la croisée des études de genre, de la sociologie/anthropologie des émotions et des religions, de s’interroger sur les modalités d’expression émotionnelle et d’inviter à un réexamen critique du statut de l’émotion en pentecôtisme (Fer, 2005). Il s’agira notamment de mettre en évidence les dimensions sexuées (mais aussi sociales et culturelles) des modalités d’apprentissage, d’expression et d’encadrement des émotions.
Cette journée d’études a pour vocation de réunir des sociologues et anthropologues (doctorants, jeunes chercheurs et chercheurs confirmés) ayant mené des recherches empiriques sur une ou plusieurs églises pentecôtistes.
Cinq axes retiendront tout particulièrement notre attention :
. Les conversions au pentecôtisme, les circulations individuelles et les désengagements religieux au prisme du genre
. Genre, hétérosexualité, construction de la féminité et de la masculinité en pentecôtismes
. Genre et autorité religieuse
. Le genre des émotions
. Genre et migrations en pentecôtismes
Les propositions d’une page maximum (ainsi qu’un bref C.V. et l’affiliation institutionnelle) sont à envoyer avant le 1er juin 2012 aux deux adresses suivantes : yannick.fer@gsrl.cnrs.fr et gwendoline.malogne-fer@gsrl.cnrs.fr
Il est attendu des participants qu’ils envoient leur communication aux organisateurs deux semaines avant la date de la journée d’études. Le projet de publication des communications nécessite la présentation de travaux originaux.