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Appel à contributions

Dire sans dire : Stratégies obliques

Avant le 31 décembre


Date de mise en ligne : [02-11-2010]




Journées « Jeunes chercheurs »
organisées par
SEAA XVII-XVIII, SFEDS, EA CÉCILLE, EA ALITHILA, UMR IRHIS

Université Charles de Gaulle - Lille 3

18 - 19 mars 2011

Présentation :

Oblique. « Ce mot en grammaire est opposé à direct », indique Beauzée dans l’article « Oblique » de l’Encyclopédie. De la grammaire à la géométrie, l’oblique s’oppose ou « s’écarte de la situation droite ou perpendiculaire ». Dans sa célèbre Analyse de la beauté, William Hogarth le fait dériver de la « ligne serpentine » ou « ondoyante », principe d’ornement élégant et agréable : l’oblique, principe de variété, décliné en spirale, flexion, torsion, arrondi, touche au « sublime des formes », inscrit dans le corps humain, son anatomie intime, et sous la peau, son ossature même. Toutes figures où se rejoignent beaux-arts et écriture.

Mais, si le principe esthétique a pu suggérer des applications littéraires, anciennes, et discutées, il pourrait être envisagé à nouveaux frais comme analogon de stratégies d’écriture de biais, entre les lignes (interdites), en quête de solutions poétiques aux dilemmes de la pensée, à la censure, voire à la persécution. L’oblique comme forme impose un point de vue décentré sur les choses, imprime aux objets un éclairage en clair-obscur, une signification décalée, un art de la duplicité, et sollicite l’interprétation. A l’opposé de la rationalité analytique, de l’esprit de système, privilèges d’un certain sujet de la pensée, occidental, mis au service de la recherche de la vérité, l’oblique conduit sur des chemins de traverse, étrangers aux transparences et aux évidences supposées de la linéarité, en marge des règles, des rhétoriques, des lois. Il trace ses voies entre silences et non-dits, les lacunes du dire, l’inachèvement, l’absence d’oeuvre, tout ce qui décompose la pensée, et l’oblige à se recomposer ailleurs, parole non pleine, non conclusive, le cas échéant.

L’oblique à défaut de la ligne droite, de la parole directe, du sens obvie, de la tentation (ou de la possibilité) de « tout dire » : on examinera ce que peuvent suggérer ces vues obliques, les voix/voies emprunté(e)s, les moyens rhétoriques mis en oeuvre en vue de contourner interdits et contraintes, de déjouer la censure (politique, morale...), voire l’auto-censure, pour faire parler les silences, pour faire entendre un certain régime de la vérité. Stratégies énonciatives, dialogiques, usages de la citation, ironie, dispersion, jeux de renvois – dans l’Encyclopédie –, autant de façons de réorganiser le rapport aux savoirs, aux pouvoirs et à soi. À cet égard, la prise en compte du contexte politique permet de comprendre comment le réinvestissement de formes anciennes est parfois une manière d’éviter une lecture univoque des textes par les autorités : pendant la Révolution française, le sens à donner à des chansons faisant référence à Henri IV est équivoque.

Au-delà des stratégies rhétoriques, il est possible de comprendre les modalités concrètes de transgression de la censure en s’intéressant aux pratiques de contournement du contrôle des pouvoirs politiques sur les écrits. Ainsi, l’attention portée à la circulation des textes et aux réseaux, depuis les libraires-imprimeurs jusqu’aux colporteurs de livres interdits passant les frontières en contrebande, permet d’articuler l’histoire du livre et l’histoire socio-culturelle.

L’utilisation de ces stratégies obliques peut être le fait de groupes dominés dans la sphère publique, minorités religieuses, étrangers, pauvres, ou femmes. Au début de l’époque moderne, le silence est ainsi considéré comme une condition indissociable de la chasteté féminine et comme l’élément central de la sujétion des femmes. La prise de parole est liée à la licence sexuelle ainsi que la connaissance au péché originel. Sous une apparente conformité aux normes de bienséance, les femmes essayèrent de se forger un espace de liberté, notamment par des « encodages obliques », indique Lynette Mcgrath : « For women writers, especially in the early modern period, the effort to escape from gender-based constraints of stereotypes roles, behavior, and thought produces provocative, suggestive, and oblique codings and representations ». Il se trouve que Simone de Beauvoir associe l’oblique au féminin : « de même que pour les anciens il y avait une verticale absolue par rapport à laquelle se définissait l’oblique, il y a un type humain absolu qui est le type masculin ». Les techniques du discours oblique constituent autant de stratégies d’indirection, d’auto-effacement mais aussi, parfois, d’auto-affirmation à décoder entre les lignes des textes. En conséquence, comme le souligne Elaine Showalter : « [women’s texts are always] double-voiced discourses [taking place] within [...] a dominant male discourse, through acts of ‘ revision, appropriation, and subversion ’ ». Il faut, en outre, prendre en compte le contexte religieux, social et politique qui conduit, lui aussi, à l’encodage de la résistance. On peut ainsi se demander comment, pendant la Révolution française, les femmes parviennent à négocier leur appartenance à la citoyenneté, au sein d’une sphère politique qui reste fondamentalement masculine. Entre soumission apparente et volonté de participation, des modes originaux de sociabilité politique sont ainsi inventés.

Quelques ouvertures, donc, pour suggérer des développements et des liens possibles entre les contributions des uns et des autres.

Les propositions (500 mots environ + bibliographie sélective) des jeunes chercheurs (doctorants ou tout récents docteurs) en Lettres modernes, en études anglaises et en Histoire accompagnées d’un CV sont à envoyer pour le 31 décembre 2010 à chacun des trois organisateurs :

Caroline Jacot Grapa (SFEDS, EA ALITHILA) : caroline.jacot-grapa@univ-lille3.fr

Guyonne Leduc (SEAA XVII-XVIII, EA CÉCILLE) : guyonne.leduc@univ-lille3.fr

Renaud Morieux (UMR IRHIS) : renaud.morieux@univ-lille3.fr

Elles seront examinées par un comité scientifique qui rendra son avis pour le 10 janvier 2011.

Les frais de transport seront à la charge des communiquants (les doctorants peuvent les faire financer pour moitié par leur EA et pour moitié par leur Ecole Doctorale, les jeunes docteurs par leur EA).

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