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Lucie Nayak, "Sexualité et handicap mental. Enquête sur le traitement social de la sexualité des personnes désignées comme « handicapées mentales » en France et en Suisse"

1er juillet 2014 - Genève


Date de mise en ligne : [16-06-2014]



Mots-clés : sexualité | handicap | Suisse


Lucie Nayak soutiendra sa thèse de sociologie intitulée "Sexualité et handicap mental. Enquête sur le traitement social de la sexualité des personnes désignées comme « handicapées mentales » en France et en Suisse", préparée en cotutelle internationale sous la direction de Claudine Burton-Jeangros (Université de Genève) et de Philippe Combessie (Université Paris Ouest) le mardi 1er juillet 2014 à 14h15 à l’Université de Genève, Bâtiment Uni-Mail, 40 Boulevard du Pont d’Arve, en salle 2160.

Jury :

Claudine Burton-Jeangros, Professeure à l’Université de Genève, codirectrice de la thèse
Philippe Combessie, Professeur à l’Université Paris Ouest, codirecteur de la thèse
Eric Fassin, Professeur à l’Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, rapporteur
Alain Giami, Directeur de recherche à l’INSERM, rapporteur
Eric Widmer, Professeur à l’Université de Genève, président du jury

Résumé :

Le propos de la thèse est d’étudier le traitement social de la sexualité des personnes désignées comme « handicapées mentales » en Suisse et en France, par le biais d’une enquête qualitative réalisée par entretiens avec des personnes considérées comme « handicapées mentales », des parents, des éducateurs spécialisés et des assistants sexuels.
Une première partie est consacrée à l’analyse des représentations des personnes désignées comme « handicapées mentales » au sujet de la sexualité et à la mise en lumière des formes de leur vie sexuelle. Les données du terrain ont révélé quatre types de sexualité. Les deux premiers, majoritaires sur notre terrain, sont la sexualité écartée, qui est celle des personnes refusant les relations sexuelles ou se déclarant indifférentes à la sexualité, et la sexualité conformiste normalisante, caractérisée par une grande conformité aux normes sexuelles qui prévalent à l’ère de la « santé sexuelle », à travers laquelle les personnes « handicapées » recherchent une « normalité » qui ne leur est pas reconnue dans les autres domaines de leur vie. En marge de ces deux principales catégories, la sexualité revendicative est celle des personnes luttant pour l’autodétermination de leur vie sexuelle et refusant les contraintes qui leur sont imposées par la vie institutionnelle. Enfin, les personnes à la sexualité alternative opèrent une redéfinition de la sexualité en érotisant des pratiques qui ne sont pas ordinairement considérées comme en relevant. Cette typologie offre une première grille de lecture de la sexualité des personnes « handicapées mentales », souvent commentée mais qui demeurait inexplorée. Les analyses développées opèrent une rupture avec les représentations dominantes en déconstruisant les spécificités communément prêtées à leur sexualité. Alors que, de façon quasi systématique, leurs comportements sexuels sont expliqués par leur seul handicap, nous montrons que les différentes catégories de sexualité observées ne sont pas spécifiques aux personnes « handicapées ». En revanche, nous mettons en évidence l’influence de la désignation en tant que personnes « handicapées mentales » sur la vie sexuelle de celles et ceux qui en ont fait l’objet, et donc son caractère socialement construit de cette sexualité. Cette première partie permet ainsi de définir ce à quoi l’on fait référence lorsque l’on parle de « la sexualité des personnes handicapées ».
Se construisant largement en réaction aux positionnements des autres catégories d’acteurs en la matière, la sexualité des personnes considérées comme « handicapées mentales » ne peut se comprendre sans l’analyse des représentations et des pratiques institutionnelles et parentales relatives à son accompagnement, objectif de la deuxième partie de cette thèse. Dans le récent contexte normatif de la « santé sexuelle », celles-ci se sont considérablement transformées. Les données du terrain révèlent tout d’abord la persistance de représentations qui envisagent les personnes « handicapées mentales » comme porteuses d’une différence perçue comme une caractéristique individuelle, qui les sépare du monde des « valides ». Dans une telle perspective, leur sexualité est considérée comme impossible car dangereuse. Mais parallèlement s’observe une tendance croissante à la reconnaissance de leurs « besoins » en termes de « santé sexuelle » et au développement de conduites visant à en favoriser la satisfaction. Celles-ci découlent d’une évolution des représentations de la personne « handicapée mentale », qui tend désormais à être envisagée comme une « personne », à laquelle il convient de donner les mêmes droits qu’aux « non handicapés ».
Dans ce contexte paradoxal, nous avons fait émerger quatre positionnements institutionnels et parentaux, qui s’inscrivent sur un continuum allant de l’interdit à l’encouragement de la sexualité dans une perspective de santé, en passant par les nuances de la compensation de la différence et de la limitation. Cette typologie met en évidence cette situation de paradoxe et les conflits qu’elle entraîne, qui débouchent sur le maintien de la sexualité des personnes « handicapées mentales » dans la liminalité : si elle n’est plus totalement empêchée, elle n’est pas laissée libre de s’exprimer au même titre que celle des « valides ».
Depuis quelques années, une nouvelle catégorie d’acteurs est impliquée dans l’accompagnement de la sexualité des personnes « handicapées mentales ». Il s’agit des assistants sexuels, dont les représentations et les pratiques sont analysées dans la troisième et dernière partie de cette recherche. L’analyse porte sur le travail de promotion de la « santé sexuelle » réalisé par cette activité récente, qui repose sur un objectif pragmatique : permettre aux personnes « handicapées » d’accéder à la sexualité dans un objectif de santé. Cela suppose la transgression de plusieurs normes sexuelles dominantes, telles que la gratuité des échanges sexuels, l’association de la sexualité et des sentiments amoureux et l’exclusivité sexuelle. L’assistance sexuelle rend également possible des contacts sexuels entre des personnes « handicapées », notamment « handicapées mentales » et des individus « valides », brisant ainsi un interdit moral important. Mais ces transgressions ne sont pas revendiquées en tant que telles. Les assistants sexuels les présentent comme nécessaires à ouvrir l’accès des personnes « handicapées » à la sexualité mais n’en font pas l’apologie en dehors de leur activité. Au contraire, nous observons qu’ils tendent à perpétuer certaines représentations traditionnelles de la sexualité et du handicap. Ainsi soutenons-nous que l’assistance sexuelle est finalement une activité conformiste, qui sert l’idéologie actuelle de la « santé sexuelle », qu’elle valide et dont elle est une application pratique. Si l’assistance sexuelle présente l’intérêt d’offrir une solution concrète aux personnes « handicapées », elle ne s’inscrit pas dans la logique de leur inclusion sociale. En tant que dispositif qui leur est spécifiquement destiné, elle illustre au contraire le statut liminal qui leur est réservé.
En prenant le parti de mobiliser le handicap mental et la sexualité comme des révélateurs mutuels, cette recherche se donne ainsi pour objectif d’analyser comment les différentes catégories d’acteurs impliqués dans l’accompagnement de la sexualité des personnes « handicapées mentales » co-construisent les normes qui régissent la vie sexuelle de ces dernières. Elle vise à offrir une étude la plus complète possible du traitement social de leur sexualité et des logiques qui le sous-tendent.

Contact :

lucienayak@yahoo.fr

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