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Parler pour dominer ? Paroles, discours et rapports de pouvoir

Avant le 30 juin - revue Autrepart


Date de mise en ligne : [16-06-2014]



Mots-clés : pouvoir


Pour un prochain numéro de la revue Autrepart

Coordination :

Sandra Bornand (anthropolinguiste, CNRS UMR 8135 LLACAN)
Alice Degorce (anthropologue, IRD UMR 8171 IMAF)
Cécile Leguy (Professeur d’anthropologie linguistique à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3)

Argumentaire :

L’analyse des pratiques langagières en situation constitue un révélateur des relations sociales, tout particulièrement de l’instauration de rapports de force ou de hiérarchie. Le pouvoir porté par les mots est connu, notamment des médias et des politiques. Mais ces mots ne prennent généralement sens que dans le contexte dans lequel ils ont été énoncés, et leur pouvoir n’est effectif que lorsqu’ils sont articulés au sein d’un discours lié à une situation de communication particulière. En ceci, les rapports de pouvoir et les stratégies de domination ne passent pas seulement par des actes mais aussi par la parole sous ses formes les plus diverses : nommer, élaborer un discours politique ou religieux, avoir recours à une langue particulière dans un contexte de politique linguistique tendu sont autant de lieux d’exercice du pouvoir dans ses liens à la parole. Si ces questionnements se sont trouvés à l’intersection de disciplines telles que l’anthropologie, la linguistique et la philosophie, ils concernent des objets de recherche et des concepts intéressant d’autres domaines des sciences humaines et sociales. Relations de genre, de générations, revendications autochtones, politiques, religieuses ou linguistiques sont ainsi autant d’objets d’études qui mettent en jeu la question du pouvoir et celles de la capacité d’agir des interlocuteurs, ainsi que de l’efficacité de la parole.
Ces problématiques se posent de façon nouvelle dans les sociétés des Suds, où des réformes politiques aussi importantes que les processus de décentralisation, des changements de régime, peuvent être le lieu de discours tendant à l’appropriation du pouvoir, ou encore de luttes syndicales usant de stratégies discursives particulières ; où la langue de l’administration, de l’école, des services de santé ou d’autres services publics de base peut être exclusive dans un contexte plurilingue ; où la mise en place de projets de développement participatifs ou communautaires présuppose une certaine circulation de la parole ; où les noms de lieux peuvent également être l’objet de stratégies d’appropriation du foncier, pour ne citer que ces exemples.
Le pouvoir a en effet partie liée à la parole et, plus la société est hiérarchisée, plus l’accès à la parole est codifié. Mais si le statut social peut offrir un droit à la parole, ceux qui sont censés être sujets à une forme de domination ont également la possibilité, notamment par des pratiques langagières qui leur sont propres, de prendre position et de faire entendre leur voix de manière subversive dans l’arène politique. Ainsi les “dominés” se créent-ils au quotidien des interstices langagiers dans les sociétés hiérarchisées, qui peuvent tant conforter l’ordre social que le remettre en cause. Le rapport à la domination peut aussi être normatif, les recherches sur ce thème ayant montré comment la contestation de la norme passe aussi par son incorporation ou sa réappropriation (Butler, Mahmood). Dans ces contextes, le chercheur peut lui-même se trouver dans un processus dont il ne maîtrise pas toujours les enjeux, voire être manipulé par les interlocuteurs qui l’utilisent à des fins dont il n’a pas toujours conscience. Une approche réflexive est donc encouragée dans les contributions qui seront proposées.
Les axes thématiques suivants pourront être abordés dans ce numéro de manière indépendante ou en lien les uns aux autres. Ces thèmes n’entendent pas exclure d’autres entrées possibles. Les contributions, qui pourront être issues de toutes les disciplines des sciences sociales, se baseront sur des enquêtes de terrain menées dans différents pays du Sud.
Un premier questionnement interroge la manière dont le langage est susceptible de devenir à la fois le moyen d’exercer un pouvoir ou une domination sur autrui par une série de manipulations, et l’objet de ces manipulations. Les discours politiques et religieux, la construction de discours historiques mettant en jeu la mémoire d’un peuple ou d’une nation en paraissent l’illustration même, tant par leurs conditions d’élaboration que par les contextes dans lesquels ils sont dits et les effets attendus sur leurs auditoires. Mais les stratégies de domination par l’intermédiaire du langage peuvent s’exercer par d’autres voies, observables dans des situations à plus petites échelles telles que les salutations, les secrets cancans ou rumeurs, ou des énoncés langagiers du quotidien dans lesquels se jouent les identités des interlocuteurs. Des contributions interrogeant les pratiques de nomination des hommes, des lieux ou des objets seront également attendues dans cet axe : nommer peut en effet être le moyen d’exercer un pouvoir sur autrui, mais aussi de contrer ou de tourner en dérision ce même exercice du pouvoir. Dans cette perspective, on se demandera également si des créations linguistiques comme l’argot ou le verlan, ou artistiques (rap, slam…), qui peuvent participer d’une démarche d’émancipation par rapport au pouvoir, notamment étatique, ne relèvent pas elles-mêmes de logiques de domination.
La maîtrise de la langue est un élément déterminant dans l’instauration de relations de pouvoir, que les interlocuteurs parlent des langues ou utilisent des registres différents (par exemple professionnels). La connaissance de la langue des bailleurs ou d’une langue locale est ainsi fondamentale dans la mise en œuvre de projets de développement, mais peut aussi avoir pour conséquence l’instauration de rapports de force ou de hiérarchie entre les différents acteurs du projet. La mise en place de politiques linguistiques (tant nationales qu’internationales, avec par exemple la francophonie) peut également concourir à la construction de relations de pouvoir par la langue. La volonté d’écrire de la littérature, dans les médias, et de publier dans sa propre langue peut elle même s’inscrire dans des stratégies linguistiques en lien ou en opposition avec le pouvoir.
Enfin, avec le développement rapide des nouvelles technologies apparaissent aujourd’hui des espaces de paroles jusqu’alors inédits dans les Suds comme l’internet et les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) ou encore les SMS. Il s’agit d’interroger les représentations des situations de communication qu’impliquent ces technologies et ce qu’instaurer un rapport de force ou de domination dans ces contextes signifie. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) supposent en effet de nouveaux usages écrits et oraux des langues, tout en plaçant les paroles émises dans un contexte globalisé et transnational qui bouleverse les situations de communication « traditionnelles ».

Les intentions de contributions (titre et résumé ne dépassant pas 1000 signes) doivent être adressées à la revue Autrepart le 30 juin 2014 au plus tard
Les articles sélectionnés devront être remis le 30 septembre 2014
Les notes de lecture sur le thème du numéro doivent être adressées à la revue Autrepart avant le 15 octobre 2014

Contact :

revue.autrepart@gmail.com

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