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Les Economies politiques des sentiments

EHESS


Date de mise en ligne : [19-11-2013]




Séminaire organisé par Jean-Baptiste Pettier, doctorant à l’EHESS, ATER à l’Université Paris-Est Créteil, et Michela Villani, chargée de recherche à l’Université de Fribourg

EHESS Paris

2e vendredi du mois de 11 h à 13 h (salle 587, bât. Le France, 190-198 av de France 75013 Paris), du 8 novembre 2013 au 13 juin 2014. Les séances des 10 janvier et 14 février sont annulées. La séance du 14 mars est avancée au 7 mars. Pas de séance le 9 mai

Argumentaire :

Incontournables dans les relations humaines que les sciences sociales étudient, les sentiments interindividuels, les émotions et les affects, restent cependant souvent réduits à une dimension irrationnelle et dès lors peu examinée des enquêtes. Bien que les traditions sociologique et anthropologique aient depuis longtemps souligné des aspects tels que l’expression obligatoire des sentiments (Mauss, 1921) ou le soubassement affectif des rapports de pouvoir et des goûts propres aux différentes classes sociales (Bourdieu, 1979), ces études se sont généralement limitées à montrer que ceux-ci relèvent d’une construction collective, ou d’une contrainte culturelle ou sociale. Reprenant ces travaux, cet atelier propose de les prolonger en examinant l’articulation entre la dimension subjective des sentiments telle qu’elle est vécue par les acteurs et la dimension politique de leur gouvernement. Notre projet sera donc d’examiner la dimension processuelle des sentiments, et ce à travers l’exploration de trois axes principaux.

1. La dimension corporelle des émotions et des sentiments. Le caractère sensible des pratiques sociales, l’engagement affectif, l’élaboration de justifications morales, la formulation de décisions, l’affirmation de jugements, conduisent à interroger la manière dont les émotions "agissent" en situation (Joas, 1999), ou dont elles expriment une subjectivité du corps humain (Csordas, 1990). Comment les acteurs justifient-ils leurs prises de décision, leurs raisons et finalement leurs actions, notamment à partir de leurs affects ? Remettre les émotions au cœur de l’analyse permet ainsi également de réinterroger les stratégies individuelles au sein des théories de l’action sociale.

2. La gestion des émotions. Le patriotisme, le désir d’enfant, la demande de reconnaissance officielle des couples et des sexualités, les questions de réparation ou de solidarité, constituent autant d’exemples de différences de légitimités affectives instituées et sujettes à négociation. Le "travail émotionnel" exigé des individus, notamment dans l’univers professionnel (Hochschild, 1983), est un autre aspect essentiel de cette gestion quotidienne du sensible. Si l’expression des sentiments est encouragée, voire exigée dans certains cas, dans d’autres les émotions font l’objet d’un travail d’effacement afin de maintenir l’idée de rationalité dans l’ordre moral. Il s’agira donc ici d’interroger ces situations de gouvernement des sentiments.

3. La dimension épistémologique de l’étude des sentiments. Il s’agit enfin de prendre en compte le statut des émotions comme fondement même de l’engagement et des modalités de conduite de la recherche (choix du sujet, gestion des relations de terrain, modalités d’analyse et de restitution). La prise en compte des affects implique l’établissement d’une épistémologie du point de vue qui n’engage pas simplement le soulignement des particularités sociologiques du chercheur et de la chercheuse (son sexe, son genre, son âge, ses origines sociales…) mais implique également leurs expériences, leurs parcours, et les sentiments qu’ils engagent dans leurs choix de recherche. Comment ces expériences personnelles sont-elles alors (re)valorisées comme des savoirs situés ?

La sociologie des sentiments et l’anthropologie des émotions permettent ainsi de restituer la dimension subjective des modalités de l’action sociale et d’offrir des pistes essentielles pour penser concrètement le lien entre le politique et l’intime. Cet atelier reposera sur l’examen de cas de figures exemplaires des questions soulevées par les trois axes, notamment à partir de lectures et d’analyses de textes de sciences sociales, et au travers de présentations d’invités extérieurs travaillant sur des thèmes en rapport avec les enjeux de l’atelier.

Programme :

. Séance 1 / 8 novembre : Introduction
Michela Villani et Jean-Baptiste Pettier : Séance d’introduction. Anthropologie et sociologie des émotions.

. Séance 2 / 13 décembre : Les émotions au cœur de l’action
Benoît Beuret (doctorant, Université de Fribourg, CH) : Comment conformer les émotions au droit ? Evaluation d’autrui et travail émotionnel chez les enquêtrices à domicile de l’assurance-invalidité.
Stephan Dahmen (doctorant, Université de Bielefeld, DE) : Quelle conception de l’acteur pour l’analyse des politiques sociales ? Emotions, sentiments moraux, reconnaissance et rationalité.

. Séance 3 / 7 mars : La construction des sentiments parentaux
Anne-Sophie Vozari (doctorante, EHESS/IRIS) : « Si maman va bien, bébé va bien ». La régulation institutionnelle des affects maternels autour de la naissance.
Julie Ancian : (doctorante, EHESS/IRIS) : Grossesses non voulues et maternités imposées : l’injonction aux "sentiments maternels" dans le traitement judiciaire et médiatique des néonaticides.

. Séance 4 / 11 avril : L’engagement affectif et moral dans la recherche sur des sujets sensibles
Dorothée Dussy (chargée de recherche CNRS, EHESS/Centre Norbert Elias) : Surjouer les affects pour réussir son enquête auprès de détenus condamnés pour viols sur mineurs.

. Séance 5 / 9 mai : Le travail émotionnel à l’œuvre dans le travail du sexe
Gwénaëlle Mainsant (post-doctorante, CURAPP, Université de Picardie Jules Verne) : Au-delà d’une sociologie de la force publique, comment saisir la place des émotions dans le travail policier ? Le cas du contrôle de la prostitution.
Laurent Melito (doctorant EHESS/Centre Norbert Elias) : La domination par/de ses émotions : une forme d’échange économico sexuel négocié au prisme du capitalisme émotionnel.

. Séance 6 / 13 juin (date sous réserve) : L’amour dans les sciences sociales
Eva Illouz (Professeure, Hebrew University of Jerusalem) : Séance de travail avec les doctorant-e-s

Contact :

jpettier@ehess.fr

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