Pour un numéro thématique de Sociologie et sociétés (Vol.46, no1)
Dirigé par Chiara Piazzesi
Présentation :
Le cas de l’amour érotique ou « romantique » est un cas exemplaire d’objet de recherche, par rapport auquel la définition de l’objet même est la tâche sans doute la plus compliquée à laquelle le chercheur doit faire face. Plutôt que d’être liée seulement à l’ampleur des usages du mot « amour » dans le discours occidental contemporain, cette complexité semble avoir un caractère davantage structurel : elle est liée aux procès d’articulation de l’expérience amoureuse qui ont intéressé les sociétés occidentales modernes, et qui ont enchevêtré une multiplicité de pratiques, idées, formes de relation, cadres normatifs, imaginaires, discours. Parmi ces procès, on peut discerner, par exemple, la légitimation de l’amour érotique en tant que fondement de la relation durable, ainsi que le mouvement de détraditionalisation de celle-ci ; la croissante individualisation et concentration sur soi des agents, ainsi que l’intensification de l’autorité individuelle sur le projet de vie et son évaluation ; les mouvements d’émancipation des femmes et des homosexuels, qui ont changé les enjeux normatifs dans le cadre de l’expérience amoureuse ; la « thérapeutisation » de la relation et de la communication d’amour ; la recherche de formes alternatives d’« authenticité » émotive par rapport à la tradition du mariage bourgeois ; l’inclusion réflexive, dans le « travail » par rapport à la relation d’amour, de la conscience de l’instabilité constitutive de la relation même, etc. L’amour, en tant que relation plus ou moins stable entre au moins deux personnes, caractérisée par un haut degré d’intensité émotive et d’engagement subjectif des acteurs, impliquant une thématisation de la sexualité ainsi que des problématiques de genre, est en ce sens un domaine d’expérience articulé par une multiplicité de codes, de discours, de « programmes culturels ». Depuis que Niklas Luhmann (Liebe als Passion, 1982) a attiré à nouveau l’attention de l’enquête sociologique sur le champ des relations intimes, les pratiques amoureuses ont fait l’objet d’analyses portant sur la sémantique historique qui les a informées ; les développements contemporaines des formes d’amour par rapport aux changements sociaux (p.e. F. Cancian, Love in America, 1990 ; A. Giddens, The Transformation of Intimacy, 1992) ; les relations entre procès économiques et formes d’intimité (p.e. V. Zelizer, The Purchase of Intimacy, 2006 ; E. Illouz, Consuming the Romantic Utopia, 1997), etc.
Le but de ce numéro est de publier des approfondissements théoriques et empiriques qui contribuent à mieux définir le rapport entre l’enquête sociologique et cet objet de l’enquête sociologique même qui est l’amour. On vise, d’une part, à détailler dans une perspective sociologique les formes et les spécificités de l’expérience amoureuse contemporaine, et on souhaite, d’autre part, approfondir et discuter les manière dont la sociologie construit l’amour en tant qu’objet de recherche et d’analyse.
Les contributions pourront se concentrer, par exemple, sur les aspects suivants :
1. Perspectives sur les formes et les cadres de l’expérience amoureuse dans les sociétés occidentales contemporaines – coexistence entre anciennes et nouvelles formes de relation et de communication ; leur signification ; leurs horizons normatifs et pratiques de référence ; les nouveaux cadres de rapport à soi et de socialisation qu’elles impliquent.
2. Les discours amoureux – lieux, media, grammaires, cadres des discours amoureux contemporaines, selon leur pertinence et rapport à la tradition ; horizons de compréhension, ordres prescriptifs qui gouvernent le paysage de l’expérience amoureuse : l’amour vu comme « programme culturel » spécifique.
3. Les pratiques amoureuses (ainsi que leur rapport avec le discours) et les identités auxquelles elles donnent un terrain de performance. Pratiques amoureuses fondées sur la transgression et la marginalité, surtout dans leur rapport de critique implicite ou explicite de ce qui est retenu comme étant mainstream.
4. Dynamiques de domination, de reconnaissance, d’émancipation – par rapport aux questions de genre, aux identités et aux marges de légitimité dans le cadre des relations d’amour.
Sociologie et sociétés paraît deux fois par année. Les numéros thématiques explorent et analysent des objets d’étude reflétant l’évolution des sociétés contemporaines. Bien que la revue mette l’accent en priorité sur une perspective sociologique, les approches interdisciplinaires sont encouragées. Des propositions provenant de disciplines comme l’histoire, les sciences de la communication, le design ou l’architecture, notamment, seront considérées.
Calendrier :
15 décembre 2012 : Date limite de réception des propositions d’articles
15 janvier 2013 : Information aux auteurs des propositions retenues
1er septembre 2013 : Date limite de réception des textes prêts à être évalués par les pairs
La parution du volume est prévue pour le printemps 2014.
Propositions :
Un résumé des propositions – de 300 mots maximum – doit parvenir au responsable du numéro avant le 15 décembre 2012 : Chiara Piazzesi, CCEAE, Université de Montréal (chiara.piazzesi@gmail.com).