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Appel à contributions

Travail, femmes et migrations dans les Suds

Avant le 1er septembre - revue Tiers Monde


Date de mise en ligne : [16-05-2012]



Mots-clés : Sud - Nord | migration | travail


pour un numéro de la revue Tiers Monde à paraître fin 2013

Coordination scientifique : Natacha Borgeaud-Garciandía* et Isabel Georges

Présentation :

Si un nombre croissant de travaux croisent analyse du travail et féminisation des migrations, ils portent le plus souvent sur les mouvements qui vont des pays « du Sud » vers les pays « du Nord ». Par exemple, parmi les études qui se revendiquent du « care », l’internationalisation du travail reproductif rémunéré et le transfert de travailleuses du Sud venues combler le « déficit de care » (Paperman, 2005 : 292) des pays du Nord (alors que s’approfondit celui dont souffre leur pays d’origine) se développent au sein de l’espace académique (Chaney et al. 1989 ; Hochschild, 2008 ; Cahiers du Genre, 2006 ; Falquet et al., 2010 ; Mozère, 2005 ; Hirata, 2011). Un certain nombre de ces travaux intègrent les études du genre et de la mondialisation (Bisilliat, 2003 ; Morokvasik, 2008 ; Rubio, 2001). Plus rares sont cependant ceux qui traitent de la mise au travail de femmes issues des migrations de travail entre pays du Sud. Or, les crises et difficultés économiques, combinées aux différences de niveaux de vie entre pays, ont poussé de plus en plus de femmes, diplômées ou pas, à rechercher du travail ailleurs, dans des pays plus ou moins voisins de l’hémisphère Sud. Citons, à titre d´exemples, les migrations féminines de travail - entre pays d’Amérique Latine : Paraguayennes et Péruviennes en Argentine, Colombiennes au Venezuela, Nicaraguayennes et Salvadoriennes au Costa Rica ou au Mexique, etc. ; - au départ de pays asiatiques : de l’Indonésie, les Philippines et le Sri Lanka vers le Moyen Orient, les Pays du Golf ou d’autres pays d’Asie (Taïwan, Corée du Sud, etc.) ; - entre pays africains : du Burkina Faso, du Mali, du Nigéria ou du Sénégal vers des pays tels que la Côte-d’Ivoire, le Gabon, le Cameroun, etc. – ou entre ces continents. Ces déplacements de femmes à la recherche de travail, parfois préparés depuis l’État exportateur de main-d’œuvre (p.e. les Philippines), ont pu se développer au point de modifier substantiellement et durablement les migrations de travail (qui connaissent des phénomènes de féminisation), ainsi que certains secteurs d’emplois dans les pays d’accueil (par exemple, les services à la personne). Ces migrations s´articulent à l´important éventail de stratégies et mouvements migratoires liés au travail, « traditionnels » ou plus récents, allant des migrations « internes » vers les villes aux migrations de travail saisonnier, en passant par les migrations « pendulaires » marquées par la succession d´allers-retours entre pays ou encore les migrations « de transit », en principe destinées à n’être qu’une étape vers d’autres régions (p.e. pays du Maghreb pour l’Europe, Mexique pour les Etats-Unis), mais qui ne s’accompagnent pas moins de formes de mise au travail des migrantes. Ces processus ont tendance à modifier les représentations sociales de ces emplois qui se nourrissent à leur tour de cette double appartenance, femmes et migrantes.

Dans les mégalopoles, qui exercent un fort pouvoir d’attraction de la main-d’œuvre migrante, et où se conjuguent vieillissement de la population, emploi croissant des femmes et insuffisance des structures publiques et parapubliques, l’emploi domestique et les emplois du « care », socialement dévalorisés, absorbent une proportion significative de cette main-d’œuvre migrante, étrangère et/ou interne (p.e. Jacquet, 1998 ; Vidal, 2007 ; Georges, 2008 ; Borgeaud-Garciandía, 2012). Bien qu’emblématiques, ce ne sont pas les seuls : ainsi la vente à la sauvette, la couture en ateliers clandestins, la prostitution, le petit commerce, représentent-ils d’autres activités développées par les migrantes sur le territoire d’accueil (p.e. Bonacich, 1989/90 ; Green, 1997 ; Rizek et al., 2010). Ces activités peuvent faire l’objet de concurrence entre différents groupes ethniques et/ou la population pauvre du pays d’immigration, comme il peut exister des phénomènes de passages, de circulation et de cumuls entre ces divers emplois. Ces « carrières informelles » (Hughes, 1937), se façonnent en fonction des opportunités qui se présentent, mais également sur la base d’une hiérarchisation par les migrant-e-s concerné-e-s des activités et des destinations géographiques, ce que certains ont nommé la « mondialisation par le bas » (Portes, 1997 ; Tarrius, 2002 ; Alba Vega, 2011), sans toutefois s’interroger sur la dimension du genre de ces stratégies et tactiques multiples. Ces activités diverses, généralement caractérisées par des conditions d’embauche et de travail des plus précarisées (absence de contrat, droits au rabais, négociation nulle ou fortement inégale), constituant dans certains espaces de véritables « niches d’emploi », accueillent et guident les trajectoires des migrant-e-s, de même qu’elles peuvent les y enfermer (Lautier, 1994). Selon les pays, les niveaux d’« enfermement » ou de « ghettoïsation » peuvent toutefois varier fortement et mobiliser nombre d’intermédiaires (des organismes d’État à diverses Eglises en passant par les syndicats, ONG, organisations « mafieuses » de types variés, etc.). On observe, ainsi, parallèlement, des formes d’uniformisation des activités dévolues aux migrant(e)s (comme en témoigne l’exemple paradigmatique des emplois domestiques et du « care ») et de différenciation des activités en fonction notamment de l’origine des travailleurs et des pays d’accueil. On ne peut, en outre, éviter de s´interroger sur l´impact de la « crise mondiale » sur les migrations féminines entre « pays du Sud » ni ignorer les effets « homogénéisants » de phénomènes supranationaux tels que, par exemple, l’influence des « coûts asiatiques » sur l’ensemble du secteur textile et de la couture, ou les politiques liées à la mise en place de zones de libre-échange.

L’appel à communication s’organise autour de cinq axes :

- Un premier axe cherche à articuler les significations et représentations de l´emploi et du travail dans la perspective de la trajectoire biographique et de la trajectoire de travail marquées par le phénomène migratoire. On inscrit ici l’expérience de travail dans le temps long de la biographie, et ses inscriptions spatiales, pour en comprendre les significations, mais aussi les mobilités suivies, les stratégies déployées et les projections futures. Autrement dit, on s´interroge sur les significations qui se dégagent du travail réalisé au regard de la trajectoire biographique marquée par la migration de travail, mais également par les aléas de la vie et les bouleversements des pays d´origine et d’accueil, à la croisée d´une perspective à la fois synchronique et diachronique.

- Dans cette même perspective biographique, un deuxième axe vise à articuler stratégies migratoires, stratégies de travail et stratégies familiales. L´idée est de cerner le cheminement des bifurcations biographiques, les organisations et réorganisations familiales liées au recours à la migration, mais aussi aux conditions d´emploi et de logement, les stratégies à court ou à long terme où s´articulent travail, famille et économie familiale, bref aux (re)configurations familiales à partir des possibilités et des contraintes de ses membres, plus particulièrement du point de vue de la travailleuse migrante.

- Dans un troisième axe, on se situe du côté des problématiques où se croisent les questions de statut : statut de migrant, statut de travailleur (immigré) et statut des activités et des emplois (Morice, Potot, 2010). Comment, dans des contextes précis, s’articulent, voire se confondent, ces statuts ; à quelles représentations –des populations locales, de gouvernements, des travailleuses migrantes– et à quels rapports aux droits ces articulations ou confusions renvoient-elles ? Comment l’État, à ses divers niveaux, définit, organise, s’adapte, combat, etc., ce qui en théorie lui échappe (légalité et illégalité des séjours, légalité ou illégalité des emplois) ? Quels autres intermédiaires contribuent à des formes de régulation de ces emplois, et comment s’articulent-ils avec l’État ? Quelle en est la répercussion dans le quotidien des travailleurs et travailleuses, dans leurs rapports au travail et à leurs employeurs, et comment ces derniers, de leur côté, contribuent-ils à façonner les formes d’institutionnalisation de ces emplois ?

- Un quatrième axe, plus ouvert, cherche à comparer à la fois des expériences migratoires des hommes et des femmes, et de différents groupes professionnels dont la construction sociale repose sur le croisement de caractéristiques « ethniques » et/ou de genre. Comment ces différentes stratégies genrées de la migration, dans leurs dimensions familiale et professionnelle, diffèrent-elles dans le temps et dans l’espace ? Quelles relations s’élaborent entre l’expérience vécue et la configuration de groupes professionnels ayant une identité sexuée ? Comment la construction du genre d’une certaine activité et l’origine ethnique des migrant-e-s s’influencent-elles mutuellement ; et comment se configure leur croisement en « filière ethnique » ?

- Et last but no least, un dernier axe concerne plus spécifiquement les emplois domestiques et du « care » – qui concentrent le gros des migrantes – et les dimensions variées des rapports de pouvoir qui sous-tendent leur vécu et expériences quotidiens. Ces emplois ont des caractéristiques très particulières, qu’il s’agisse des relations de travail fortement marquées par les relations interpersonnelles (souvent entre femmes) et le poids de l’affectivité ; du chevauchement ou du brouillage entre espaces – espaces privés (propre, de l’employeur, surtout pour les travailleuses à demeure), espace public du travail ; de leur féminisation extrême ; ou encore de l’étendue de l’informalité et de la précarité qui les caractérise. L´attention est placée sur l´articulation entre le poids de l’affectif, la structuration des rapports de domination entre patronne (ou bénéficiaire du « care ») et travailleuse, les problématiques à la croisée des rapports sociaux de classe, de sexe et de « race », dans le contexte jamais neutre d’un emploi fortement associé à l’expérience migratoire.

Les propositions de contribution, qui ne pourront en aucun cas dépasser les deux pages (time new roman 12, espace 1.5), devront présenter brièvement le sujet abordé, la méthodologie employée ainsi qu´une courte bibliographie. Seront privilégiées les propositions qui associent enquête empirique originale et interprétation théorique.

Les propositions doivent être envoyées aux coordinatrices du dossier (natachbg@gmail.com et isabel.georges@ird.fr), ainsi qu´au secrétariat de rédaction (tiermond@univ-paris1.fr) avant le 1er septembre 2012.

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