"Corps de chanteurs. Performance et présence dans la chanson française et francophone" [titre provisoire]
Appel à contribution pour un ouvrage collectif dirigé par Barbara Lebrun (Université de Manchester, G.B.), à paraître en France, courant 2011.
Présentation :
Si l’invention de l’enregistrement sonore a réussi à isoler la voix du chanteur du reste de son corps, il est évident que ce dernier demeure central dans toute performance musicale, à la fois par sa composante physique ‘naturelle’ (la moustache de Brassens, les cheveux de Dalida, les fesses de Polnareff) et par sa mise-en-scène (la robe noire d’Edith Piaf, les paillettes de Claude François, le cuir de Johnny Hallyday). La chanson étant devenue, par l’ampleur de sa médiatisation au cours du vingtième siècle, un art éminemment visuel, il est impossible de considérer un chanteur hors de sa physicalité. Que le corps soit jeune ou vieux, homme ou femme, noir ou blanc, qu’il danse ou pas, il est là. Qu’il soit mis en valeur avec plus ou moins d’aisance, d’humour ou d’intention séductrice, il est là, sur scène, sur les pochettes d’album, à la télé ou sur Internet. Le chanteur donne au moins autant à voir qu’à entendre, et son corps, en tant que véhicule de la chanson, reflète et questionne nos a priori sociaux, esthétiques et idéologiques.
En se concentrant sur la présence du corps dans la chanson d’expression française, cet ouvrage offre une approche inédite de la musique populaire dans le monde francophone, visant à mettre sur un pied d’égalité, au moins méthodologique, des formes de chansons habituellement séparées. A travers le prisme du corps, la chanson à texte (la sueur de Jacques Brel), le rap (les dents de Joey Starr) et la variété (la jeunesse d’Alizée) ont leur légitimité, ainsi que tout autre genre musical ‘populaire’ qui mélange ou dépasse ces catégories.
Espérant démontrer la grande diversité de l’expression corporelle dans la chanson, tout en dégageant peut-être certaines tendances sur les usages ‘acceptables’ du corps, il s’agit également ici d’étendre à la France et au monde francophone une réflexion largement entamée vis-à-vis d’artistes anglo-américains. De nombreux chercheurs ont, depuis une vingtaine d’années, pris au sérieux la musique populaire dans son incarnation physique, faisant attention à la voix, à la gestuelle et au costume, dans le but de dégager des spécificités sur la place du genre masculin et féminin, et sur la place de l’ethnicité, dans différents contextes musicaux (voir Koskoff, 1989 ; Dunn et Jones, 1994 ; Moisala et Diamond, 2000 ; Bernstein, 2004 ; Middleton, 2006 ; Jarman-Ivens, 2007). Entre autres exemples, ils ont étudié la posture phallique de Mick Jagger (Whiteley, 1997), la masculinité ‘rurale’ de Hank Williams (Leppert, 2007), le camp politisé des Pet Shop Boys (Hawkins, 1997), les variations vocales d’Annie Lennox (Davidson, 2001), l’ambivalence amoureuse de P.J. Harvey (Burns et Lafrance, 2002 ; Whiteley, 2000), ou encore le formatage de l’érotisme chez Britney Spears (Hawkins et Richardson, 2007).
Certes, nombre de ces réflexions sont inspirées des travaux de théoriciens français, dont Roland Barthes (1977), et plusieurs travaux pionniers existent en France qui considèrent le plaisir de l’écoute chez les auditeurs (Pecqueux et Roueff, 2009), ou la place de la voix dans la chanson (Chabot-Canet, 2008 ; le colloque de l’IRPALL sur ‘La voix’, Toulouse, mai 2009). D’autre part, plusieurs analyses pertinentes existent en France sur l’utilisation du corps dans un milieu social (Detrez, 2002) et dans les medias (Leconte, 2004). Cependant, l’exploration du rôle de la personne physique dans la chanson d’expression française demeure un domaine relativement neuf, mais passionnant et prometteur, que ce livre propose de défricher plus avant.
De multiples pistes de réflexion sont donc encouragées, qu’il sera possible de regrouper selon les axes suivants :
Corps, codes et prestige :
. Le corps ‘intellectuel’ de la chanson, le corps ‘séducteur’ de la variété
. Icônicité et popularité ; comment un artiste devient-il une ‘star’ ?
. Le corps fétiche ; cultes musicaux ; imitation des artistes.
. Le corps dansant, corps et musique.
Corps et plaisir :
. Erotisme et séduction ; pudeur et provocation ; déjouer ou combler les attentes du public.
. Contraintes de médiatisation et stratégies d’artistes pour utiliser son corps.
. Le travail sur le corps.
. Réception de la chanson ; le corps de l’auditeur ; le plaisir sensoriel de l’écoute et de la vue.
Corps et spectacle :
. Costume, gestuelle, mise-en-scène, performance.
. Questions de styles, influences, traditions, innovations.
. Extravagance et modestie.
. Génération ; le corps qui change, vieillit, meurt ; le succès posthume des corps.
Identités des corps :
. Identité ethnique, régionale, nationale du corps ; la voix et l’accent ; le corps étranger, immigré, post-colonial.
. Expression du genre (masculin, féminin), ambivalence queer du corps, neutralité.
. Corps et sexualité : hétéro-normativité de la chanson ; les gays et lesbiennes de la chanson ; machisme ; féminisme.
. Le corps politique ; le corps social.
Toutes approches méthodologiques et tous artistes sont les bienvenus pour illustrer ces points ou d’autres encore. La dimension francophone (hors métropole) est fortement encouragée.
Calendrier :
Les propositions de chapitres (250 mots maximum) sont à envoyer en pièce jointe avant le 15 décembre 2009 à l’adresse email suivante :
barbara.lebrun@manchester.ac.uk Après sélection et accord de principe, les textes (maximum 6000 mots, bibliographie comprise ; soit environ 40 000 signes) seront à remettre au plus tard fin juillet 2010.
Contact :
barbara.lebrun@manchester.ac.uk