Séminaire d’études
1er semestre 2016 – Universités de Lyon
Organisation : Isabelle Hare, Stéphanie Kunert, Aurélie Olivesi / ELICO
Projet soutenu par l’XXI et l’ISH
Argumentaire :
Le genre, en tant qu’outil théorique remettant en cause la doxa naturaliste de la différence des sexes et permettant d’analyser les discriminations liées aux rapports sociaux de sexe, fait l’objet d’un violent conflit de définitions dans l’espace public, qu’il s’agisse des thématiques que ce concept met en œuvre, de ses implications, ou des instances habilitées à le définir de manière légitime. Ces polémiques ponctuelles actualisent et alimentent la controverse déjà ancienne autour de la différence des sexes. L’étude du genre dans l’espace public ne peut donc se départir d’une approche des polémiques qui lui sont afférentes.
Le séminaire s’inscrit dans le contexte des travaux actuels sur l’analyse de données et la prise en compte de l’espace public numérique. Dans quelle mesure les dispositifs numériques contribuent-ils à raviver cette controverse ? Dans quelle mesure permettent-ils d’observer de nouveaux rapports polémiques ? La masse de données permet-elle d’observer des rapports de genre différents ?
Les espaces publics numériques, de par les modes d’interaction qu’ils mettent en œuvre (identités, grammaires communicationnelles), se prêtent tout particulièrement à des usages polémiques (campagnes de dénigrement, hashtags thématiques…) mais aussi paradoxalement à la dilution des enjeux politiques et de la charge critique des concepts issus du féminisme. L’enjeu de ce séminaire d’études est de comprendre dans quelle mesure les modes d’interaction spécifiques aux espaces numériques (pseudonymat, temporalité éphémère, “effet cascade”) se prêtent à une mise en oeuvre des polémiques de genre, des conflits de définition du genre, mais aussi à l’érosion de sa portée critique en tant que concept. Ces espaces numériques sont souvent comparés à des lieux de confrontation des opinions, mais au final ces lieux supporteraient plutôt des débats par dissociation (Gauthier, 2014), au sein desquels les opinions évoluent en parallèle plutôt qu’elles ne se confrontent véritablement. Cela aurait pour effet principal de générer des débats de grande amplitude, c’est à dire des débats dont la confrontation originale se diluerait dans des micro-débats alimentés par une multitude de contributeurs.
Etudier le discours sur le Genre dans ses différentes expressions permet de saisir des enjeux liés à la sociologie des réseaux, aux conservatismes sociaux et langagiers, à la désaffection d’une partie du public pour certains médias, ainsi qu’au développement – ou à l’obsolescence – de certaines pratiques discursives. Dans cette perspective, nous prendrons en compte les propositions portant sur les questions liées au Genre et leurs commentaires dans les versions Internet des grands médias, mais également les médias “pure players”, les réseaux sociaux, les blogs et forums féminins et/ou féministes, mais aussi les médias et blogs qui se sont focalisés sur la thématique de la “Théorie du genre” pour s’y opposer.
L’analyse des points d’ancrage des définitions qui se font jour au sein de l’espace numérique, en articulant dimensions explicite et implicite, permet de comprendre dans quelle mesure le discours sur le Genre demeure in/stable : il peut se renouveler tout en continuant à véhiculer des représentations traditionnelles.
L’objectif de ce séminaire d’études est de resserrer les dialogues et les collaborations entre chercheurs de divers horizons disciplinaires (sciences de l’information et de la communication, sciences politiques, sociologie, sciences du langage, droit, informatique...) afin de relier les méthodes et les connaissances des polémiques dans les espaces numériques - tout en soulignant la spécificité de ces espaces et de ces dispositifs numériques au regard d’une controverse politique et des polémiques qui l’actualisent et la nourrissent en impactant le corps social. En effet, les différentes branches de l’analyse du discours, ainsi que l’informatique, la sociologie des médias, la sémiotique … sont autant d’approches permettant de se saisir de cette controverse qui se déploie et se reconfigure dans les divers espaces et dispositifs numériques. Ces approches se trouvent toutes également confrontées à la dimension labile, instable et polymorphe des discours qui participent de la controverse sur le Genre, ainsi qu’à leur polyphonie. Ce séminaire vise non seulement à faire dialoguer les chercheur-e-s dans le champ des recherches sur le Genre comme sur les controverses, sur les espaces publics numériques et la fouille d’opinion, mais aussi à offrir plus de visibilité aux nouvelles collaborations et recherches émergentes, en proposant notamment une publication collective à l’issue du cycle de séminaires.
Programme :
Ce séminaire d’études s’organise autour quatre séances entre janvier et juin 2016 :
Thématique 1 (29 janvier 2016) : « Polyphonie des discours sur le genre : Progressisme, backlash, redéfinition, dilution »
Les discours en ligne sur les questions liées au genre sont très polyphoniques. On y trouve à la fois des propos progressistes (campagnes spontanées de soutien en ligne à des victimes de discrimination), des matérialisations de backlashs conservateurs (Manif pour tous, lad culture) et la dilution de la charge critique des féminismes (Pop feminism). Partant de ces contenus, une approche liée aux cultural studies permet d’analyser les représentations à l’œuvre et la circulation des questionnements au-delà des discours “institutionnels” ou “militants”. En quoi les espaces numériques peuvent-ils être un lieu d’émergence de nouvelles formes de discours sur le genre ?
Thématique 2 (11 mars 2016) : « Cyberviolence et préventions »
Lieux où la violence (symbolique et verbale) se déploie de façon spécifique, les espaces numériques sont étudiés par les chercheurs et saisis par la politique publique à travers la thématique de la cyberviolence. Ces violences en ligne touchent particulièrement les femmes et les jeunes filles, mais aussi les minorités sexuelles : harcèlement, atteinte à la réputation (médisance, diffamation), appel au viol, revenge porn, insultes homophobes, divulgation non-consentie de représentations sexuellement explicites, géolocalisation et surveillance... En quoi la cyberviolence reprend-elle à plus grande échelle les formes traditionnelles des violences de genre, en quoi est-elle différente ? En quoi peut-on sensibiliser et lutter contre les violences de genre via les outils numériques ?
Thématique 3 (1er avril 2016) : « Mesurer le genre dans les espaces numériques ? »
La question du genre semble un terrain particulièrement pertinent pour aborder les conflits de définition comme pour prendre la mesure, qualitative et quantitative, des stéréotypes et des rôles sociaux. Cette thématique a pour but de confronter des approches statistiques sur des corpus complexes à plus grande échelle. En quoi ces perspectives peuvent-elles être adaptées à une approche algorithmique ? En quoi sont-elles dépendantes d’une étude qualitative préalable pour déterminer les catégories d’analyse ? Peut-on vraiment “mesurer” le genre en ligne ?
Thématique 4 (27 mai 2016) : « Féminismes et anti-féminismes en ligne »
Si les espaces numériques fonctionnent comme des espaces polémiques, nous souhaitons dans cette séance nous attacher aux usages plus structurés, spécifiquement militants et/ou institutionnels. Les espaces numériques permettent de structurer et de concentrer les discours militants, d’élargir la visibilité des plans d’actions gouvernementaux et du féminisme d’état, comme les discours des associations de la “cause des hommes” et de groupes religieux conservateurs. Quelles sont les stratégies d’investissement des espaces numériques par les féministes et les anti-féministes aujourd’hui ? En quoi les outils d’analyse du militantisme numérique permettent-ils d’observer la structuration de la controverse sur le genre ?
Appel à communication :
Chaque séance du séminaire d’études accueillera un-e conférencier-e invité-e. Néanmoins, nous souhaitons ouvrir ce séminaire à un panel plus large, à travers cet appel à communication.
Les communications proposées devront s’inscrire dans l’une des quatre thématiques exposées ci-dessus. Chaque proposition fera l’objet d’une lecture en double aveugle par un comité scientifique (en cours de constitution).
Les doctorant-e-s et jeunes chercheur-e-s sont fortement encouragé-e-s à soumettre une communication.
Date de soumission : 15 septembre 2015
Format : un résumé de 2000 à 3000 signes (espaces compris et références bibliographiques incluses) + une courte bio-bibliographie (1000 signes).
La soumission d’une proposition de communication se fera via le système EasyChair en suivant le lien suivant : https://easychair.org/conferences/?conf=cgo20160
Il vous sera demandé de préciser, en plus de vos coordonnées, un titre, un résumé et au moins 3 mots-clefs avant de pouvoir téléverser votre document.
Attention : veillez bien à ce que votre document respecte les contraintes énoncées ci-dessus dans l’appel à participation.
Pour toutes questions, n’hésitez pas à nous écrire :
aurElie.olivesi[at]univ-lyon1.fr
isabelle.hare[at]sciencespo-lyon.fr
Stephanie.Kunert[at]univ-lyon2.fr.