Université du Havre - Faculté des Affaires Internationales
26-27 mai 2011
Groupe de Recherche Identités et Cultures (GRIC)
Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les Mobilités (CIRTAI)
Groupe de Recherche et d’Etudes en Droit
Fondamental, International et Comparé (GREDFIC)
Comité d’organisation : Nada Afiouni et Anouk Guiné
Présentation :
Les débats français, catalans, britanniques, canadiens et nord-américains sur les tensions entre universalisme et particularisme sont au centre des questions relatives à l’immigration et à la diversité ethno-raciale, religieuse et de genre (ou rapports sociaux de sexe). A l’heure où la matrice coloniale ou « colonialité du pouvoir » (Anibal Quijano) reste fondamentale dans la structuration des rapports de genre, de « race » et de classe, les formes de domination politique, économique, sociale, religieuse et culturelle de la France, de la Grande-Bretagne, du Canada et des USA sur leurs minorités ethniques sont plus que jamais productrices de tensions. A cela s’articule l’oppression exercée par certaines minorités ethniques sur les membres les plus vulnérables de celles-ci, en particulier les femmes et les hommes qui en transgressent les normes sociales, culturelles et religieuses (Susan Moller Okin).
La critique féministe du multiculturalisme, très importante en Grande-Bretagne, au Canada et aux USA, et dans une moindre mesure en France, offre l’un des cadres les plus utiles et les plus riches pour l’analyse de ces problématiques.Par ailleurs, l’analyse du concept de groupe ethnique à partir de la “structure historique de l’économie-monde capitaliste” (Immanuel Wallerstein), permet de comprendre la féminisation de la pauvreté au sein de populations issues de l’immigration, d’où la pertinence de lier développement économique et rapports sociaux de sexe. « Système-monde et ordre patriarcal ne font qu’un” (Rada Ivekovic). De même, les divisions “raciales” et ethniques peuvent être envisagées en tant que conséquence d’ “antagonismes économiques” (Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenart) dus aux inégalités de pouvoir qui s’originent en partie dans les relations coloniales, ce qui a un impact différent selon que l’on est un homme ou une femme issu-e d’une même minorité ethnique.
Ce colloque se propose tout d’abord d’explorer les manières dont chacun des cinq pays gère les tensions entre le multiculturalisme (dans ses dimensions ethno-raciale, socio-économique et /ou religieuse) et le genre. Il s’agit de se demander de quelle manière les Etats font face aux conflits liés à l’imbrication des rapports de domination raciste, sexiste et classiste. Par quels mécanismes ces systèmes de domination sont-ils produits et reproduits par les sociétés concernées ? De quelles manières le « multiculturalisme d’Etat » conçoit-il les groupes ethniques en termes de reconnaissance (culturelle), redistribution (économique) et représentation (politique) (Nancy Fraser), ainsi que les rapports de pouvoir existant à l’intérieur de chaque groupe, en particulier les rapports liés au genre ? Par ailleurs, quels sont les rapports entre « féminisme d’Etat » (Helga Hernes) et « multiculturalisme d’Etat » dans chacun des pays étudiés ? Comment traiter « le paradoxe de la vulnérabilité multiculturelle » (Ayelet Shachar) ? Comment adopter une approche délibérative du multiculturalisme qui soit favorable aux droits individuels ? (Seyla Benhabib).
Deuxièmement, face aux réponses institutionnelles et aux pressions du groupe, de quelle manière les personnes les plus vulnérables des groupes réagissent-elles ? Sachant que “les dimensions identitaires de l’ethnicité ne sont pas favorables à la prise en compte des femmes comme sujets de leur propre existence” (Michel Wieviorka) quels sont les mécanismes de résistance à l’œuvre face à l’oppression, qu’elle soit d’ordre ethnique, classiste, religieuse ou de genre, et qu’elle provienne de l’Etat et / ou du groupe ? (Nacira Guénif). Comment les opprimé-e-s luttent-elles/ils contre l’intériorisation du statut inférieur (Christine Delphy) que les sociétés dominantes et leur groupe leur imposent ? De quelle manière le sexisme est-il racialisé et peut à son tour devenir identitaire ? (Christelle Hamel).
Enfin, dans quelle mesure les mouvements antiracistes sont-ils les alliés des mouvements féministes ? Pourquoi l’antiracisme délaisse-t-il parfois les revendications de genre au profit de revendications religieuses et ethno-raciales qui servent uniquement les intérêts des droits collectifs des groupes ethniques ? Quel peut être l’impact de ces enjeux sur les rapports entre les gouvernements des sociétés dominantes et les féministes issues de minorités ethniques racialisées originaires d’Afrique, d’Amérique Latine et Caraïbes, d’Asie-Pacifique et du Moyen-Orient, ainsi que sur les rapports entre ces dernières et les féministes « blanches » ? Enfin, travailler à la remise en cause et à la transformation des rapports de pouvoir liés au genre implique-t-il ou pas une opposition aux revendications ethniques, raciales et religieuses des groupes concernés (Anne Phillips) ?
Contact :
anouk.guine@univ-lehavre.fr