Séminaire de Nadia Tazi
Collège international de Philosophie
Le séminaire se tiendra de 19 à 21 heures
Lycée Henri IV Salle 3, 23 rue Clovis Paris 75005
Dates : les 4, 11, 18 et 25 mai, et les 8, 15 et 22 juin
Présentation :
« L’homme est un chef naturel » dit Ibn Khaldûn ,« il est fait pour commander puisqu’il est le représentant de Dieu sur terre ». Pour introduire le thème de la virilité, on revisitera le récit de l’historien sur le devenir cyclique de l’Etat, en insistant notamment sur la notion « d’effémination » qui qualifie selon lui le déclin des dynastes et de leurs sujets . La souveraineté est bordée par deux périls qu’incarnent hyperboliquement des sites mythiques : le désert et le sérail.
Ils donneront lieu à une première typologie du masculin et aux apories politiques correspondantes. Alors qu’au premier s’attache l’excès (viriliste), le second est marqué par la défaillance du masculin.
La virilité aristocratique sera introduite à partir de l’Arabie préislamique (Jahiliyya) On l’identifie souvent à un milieu (le désert, qui opère une forme de réduction eidétique) et à un problème politique (la fitna, qui signifie à la fois séduction et sédition) Elle est incantée par l’aède-guerrier, figure épurée dont la vertu cardinale est la muruwwa, une virilité qu’informent la guerre, l’éloquence, la dépense. Le paradoxe traverse ce bédouin que la dogmatique religieuse réprouve encore au nom de « l’ignorance »,mais dont l’honneur et l’imagerie héroïque sont glorifiés par toute une tradition littéraire. Ses excès, à hauteur du désert et au titre de l’orgueil du nom, expliquent aussi bien une bellicosité incessante que la conjuration de la violence par des sociations nomades, des pratiques hospitalières et langagières, un certain art de la guerre ... qui à la fois entretiennent et démentent la rigueur du rôle de genre.
Loin de constituer une figure tragique, ces usages et ces lois mettent en évidence l’une des constantes du thème viril : l’écart entre l’ordre des visibilités et la pragmatique politique. Ils orientent vers l’une des questions fondamentales de la pensée classique depuis al-Farabi, qui voit au désert et dans la bédouinité le règne animal de la politique. Comment les Arabes qui se veulent tous des « des chefs par essence » (Ibn Khaldûn) parviennent-ils à vivre ensemble sans céder à l’anarchie, à la fitna ? La politique, art de perpétuer la guerre tout en l’évitant, devient une passion, une « passion aventureuse » qui en départageant les « vrais hommes » dresse cette société contre l’Etat.