Colloque international organisé par l’association DEMETER-CORE
16 et 17 janvier 2015, Aix-en-Provence
Il prolongera la réflexion amorcée au cours du précédent colloque : La maternité à l’épreuve du genre dans l’aire méditerranéenne. (Aix-en-Provence, janvier 2011). Actes publiés par les presses de l’EHESP, Rennes 2012.
Argumentaire :
Selon les économistes de l’ère industrielle le " travail" est "productif" (producteur de valeur marchande), il se vend et s’achète sur le marché, relève de la sphère publique, et appartient essentiellement aux hommes. Les activités liées à la reproduction (mise au monde et première éducation des enfants) n’entrent pas dans la catégorie "travail" parce qu’elles ne se vendent pas et n’auraient donc pas de "valeur" ; relevant de la sphère privée, elles sont confiées aux femmes, mères et futures mères, sous le contrôle des pères. Cette distinction a été remise en question depuis les années 1970, à mesure que s’installait la société "postindustrielle". D’une part l’essor économique des "Trente glorieuses" a stimulé le développement du "travail productif", à tel point qu’il est devenu le grand organisateur des sociétés contemporaines : il tend à annexer "le travail reproductif" en le professionnalisant. D’autre part les femmes, mères comprises, sont sorties de la sphère privée pour entrer massivement sur le marché du "travail", où elles exercent des activités rémunérées, sans renoncer pour autant à enfanter.
Ce bouleversement fondamental des mœurs et des représentations, vivement encouragé par le féminisme, s’est traduit par l’émergence de nouveaux enjeux sociaux que les sciences humaines s’efforcent d’analyser. La plupart des études ont pris le "genre" comme base d’investigation, sans faire toujours la différence entre les femmes qui ont des enfants et celles qui n’en ont pas. Pendant ce temps une littérature abondante et éloquente exprimait la souffrance de celles qui assument une "double journée". Depuis une quinzaine d’années, l’Union européenne a incité ses membres à prendre des mesures pour faciliter la "conciliation" travail-famille et soutenir les mères en emploi en améliorant l’accueil des jeunes enfants. Aujourd’hui le problème semble concerner également certains pères, qui souhaitent se réaliser non seulement dans leur travail mais aussi dans la paternité. Les relations entre la sphère privée et la sphère publique connaissent de nouveaux remaniements, que le féminisme devra, lui aussi, prendre en compte. La définition même du "travail" est remise en question.
Ce colloque doit mettre en valeur l’identité plurielle de mère et de travailleuse. Il vise à observer attentivement non pas les femmes mais les mères qui cumulent le travail "productif" et le travail "reproductif", en tenant compte des conditions sociales, des structures familiales de l’organisation du travail (urbain, rural, industriel, de service, etc), et des politiques publiques. Ce questionnement sera focalisé sur l’aire méditerranéenne. Pourquoi ? Sans doute parce que le culte de "la bonne mère" y a toujours été célébré avec ferveur, depuis la plus haute antiquité !... Et aussi parce que la "société salariale" s’y généralise plus tardivement : l’externalisation des charges domestiques (grâce à des politiques publiques comme en France, ou grâce à des initiatives privées comme aux Etats-Unis) y reste encore peu développée. D’ailleurs, le nord, le sud et l’est de la Méditerranée offrent une grande variété de situations. Cette diversité s’explique-t-elle seulement par des décalages d’ordre socio- économique, liés plus ou moins à la colonisation ? Ou bien quels autres facteurs méritent d’être pris en compte ?
Contacts :
Yvonne Knibiehler, yvonne.k@club-internet.fr ; Brigitte Hess, brigitte.hess@free.fr