Journée d’étude CeRIES IUT B de Tourcoing
jeudi 13 mars 2014
IUT B Lille 3
35 rue Sainte Barbe
59208 Tourcoing
Argumentaire :
Les « jeunes de cité » occupent la scène médiatique depuis un certain nombre d’années autour de faits de violence voire, plus récemment, d’« islamisme ». Assimilés dans les discours de manière systématique à un groupe composé de jeunes hommes et d’adolescents, enfants d’immigrés des anciennes colonies (Maghreb, Afrique subsaharienne), en échec scolaire et en situation de délinquance, ils sont présentés et perçus comme une population spécifique et homogène posant problème (Kokoreff, 2003 ; Marlière, 2005 ; Mucchielli, 2005). L’essentialisation de la figure des « jeunes de cité » relève donc d’une construction sociale réduisant la jeunesse populaire urbaine aux garçons « issus de l’immigration », violents envers les filles (Guénif Souilamas & Macé, 2004) et en rupture avec les institutions républicaines notamment à travers les émeutes (Beaud, Pialoux, 2003). Les stéréotypes sociaux, sexués voire postcoloniaux du « banlieusard » nous posent question tant ces jeunes présentent une hétérogénéité et une diversité nettement plus importante que la construction politico-médiatique veut bien nous le montrer.
En effet, la réalité empirique est beaucoup plus complexe. De nombreux travaux de terrain menés dans les quartiers populaires urbains notent l’existence d’autres groupes de jeunes dans les cités HLM moins visibles du point vue médiatique. Tout d’abord, il existe des bandes de jeunes filles et/ou d’adolescentes qui commettent des actes délictueux, souvent envers d’autres filles, conformément aux règles de « la loi du plus fort » (Rubi, 2005). Certaines jeunes filles en échec scolaire, moins visibles, investissent d’autres sphères de la vie sociale comme l’espace domestique
(Faure, 2006). De nombreux adolescent(e)s (collégien(e)s ou lycéen(e)s) suivent un parcours scolaire relativement classique et s’engagent dans des associations culturelles et/ou sportives (Guérandel, 2013). De même, des jeunes (filles ou garçons), salariés dans la vie active ou engagés dans des études supérieures, privilégient la mobilité et la discrétion à l’appropriation de l’espace résidentiel public ou encore quittent leur quartier (Marlière, 2005 ; Santelli, 2007). Enfin, certains se révèlent dans des dynamiques associatives voire politiques et s’éloignent ainsi des critères politicomédiatiques du « sauvageon » ou du « casseur » (Kokoreff, 2003).
L’objectif de cette journée d’étude vise la présentation et la discussion des récentes avancées scientifiques du point de vue empirique permettant de mieux comprendre la notion « jeunes de cité » et les logiques de construction sociale qui la sous-tendent. Il s’agit ainsi de nous interroger sur la validité d’une telle notion et de réfléchir sur les différents rapports sociaux de classe, de sexe, d’âge et de race (entendus comme l’analyse des effets de la domination postcoloniale) qui peuvent également constituer des déterminismes sociaux intrinsèques à cette jeunesse. Comment ces rapports sociaux s’articulent-ils selon les contextes et les temporalités (Kergoat, 2010) ? Quels en sont les effets sur la construction de soi des jeunes, sur leur pratique et sur leur rapport au monde social ? Les théories de l’« intersectionnalité » (Crenshaw, 1989) entre genre, classe et race pourraient également être mobilisées pour appréhender plus finement les logiques sociales qui permettent de comprendre les destins de ces jeunes femmes et hommes habitants les quartiers
populaires urbains. Il ne s’agit pas de privilégier une dimension (classe, genre, âge et race) mais de voir comment elles s’articulent et se co-construisent (Bilge, 2010). Cette journée a donc pour objectif de s’interroger sur les enjeux sociaux qui font de cette jeunesse dite « des cités », une jeunesse à part entière dans la « diversité » (Masclet, 2012) des jeunesses françaises.
Délinquance masculine et féminine
La problématique de la délinquance est centrale car elle est censée caractériser le comportement d’une partie des jeunes hommes évoluant dans les quartiers populaires. Qu’en est-il réellement sur le terrain ? Quels rôles jouent les filles dans ce domaine ? Sont-elles absentes ou au contraire participent-elles également à ce type de comportements « déviants » habituellement dévolus aux garçons des cités ?
L’école et les rapports aux études
Les jeunes filles et garçons des cités sont-ils tous en échec scolaire et en rupture avec le monde des études ? Sur nos différents terrains, nous avons également rencontré des parcours de réussite à l’école. Il s’agirait ici de s’interroger sur les conditions sociales et relationnelles explicatives de la diversité des expériences et des destins scolaires de ces jeunes.
L’emploi, le rapport au travail
Comment peut-on interpréter les résultats des récents rapports ONZUS qui montrent qu’un jeune de moins de 24 ans sur deux est au chômage dans les quartiers, une situation qui les distinguent davantage des autres jeunes en France, également touchés par la « crise » ? Pour autant, l’emploi
n’est pas absent du monde des cités. L’étude des différentes modalités de rapports au monde du travail de ces jeunes filles et garçons pourrait constituer un axe de réflexion spécifique.
Les loisirs sportifs et culturels
Les manières de faire du sport et de se divertir varient souvent selon le sexe, l’âge et les intérêts « culturels ». Comment appréhender ces différences au prisme des variables tels que le sexe, le milieu social et les rapports ethniques au fondement de la construction des représentations
sociales des jeunes filles et garçons des cités ? Les différences de rapports au corps sont-ils davantage accentués entre filles et garçons dans les quartiers populaires urbains ? Dans le registre culturel, l’« ethnicisation » des goûts musicaux, religieux, voyages, etc. parait-elle significative ?
Les relations filles/garçons dans les espaces sociaux des cités
Les différents travaux réalisés au sein des cités populaires urbaines ont montré une absence réelle de mixité entre filles et garçons dans les espaces du quartier due notamment à la culture de rue (Lepoutre, 1997) et aux injonctions liées à la préservation de sa réputation au sein du groupe de pairs (Clair, 2008 ; Lapeyronnie, 2008). Les jeunes hommes fréquentent davantage l’espace public du quartier (halls d’immeubles, cafés, terrains de jeux, etc.) alors que les filles s’approprient l’espace domestique, associatif ou d’autres cercles sociaux extérieures à la cité (université, centreville, etc.). Comment interpréter cette situation ? Au regard des travaux menés, peut-on considérer ces comportements comme spécifiques de cette jeunesse française ?
Les propositions de communications comprendront entre 1500 et 2000 signes (espace compris) et doivent être envoyées, au plus tard le 2 décembre 2013, aux deux adresses suivantes :
carine.guerandel@univ-lille3.fr, eric.marliere@univ-lille3.fr