Journée d’étude organisée avec le soutien le soutien de l’institut de Sociologie et de la Faculté des Sciences sociales et politiques (ULB-LAMC)
23 mai 2011 - Bruxelles
Présentation :
Bien que des lois en faveur des couples de même sexe aient été adoptées ces dernières années dans plusieurs pays, il demeure de nombreuses situations pour lesquelles ces lois ne peuvent s’appliquer et où le statut et les possibilités des gays et lesbiennes en matière de couple ou de parenté restent limités ou non reconnus. Néanmoins, comme le montrent diverses recherches socio-anthropologiques sur le sujet (Descoutures, Herbrand, Lewin, Pichardo, Rault,…), des gays et lesbiennes parviennent à réaliser leurs projets familiaux et à légitimer leurs relations. Ils usent pour cela au quotidien de différents moyens, notamment par la circulation de l’argent et l’utilisation de mesures légales existantes. Cette journée d’étude sera l’occasion d’examiner et d’approfondir comment l’argent et le droit, dans leurs usages ordinaires ou stratégiques, constituent des voies privilégiées par les couples gays et lesbiens pour accéder et donner sens à certains statuts et pratiques de type familial. Les couples homosexuels doivent, plus que d’autres, chercher activement des moyens symboliques et pratiques d’y parvenir. Ils mettent ainsi en lumière des pratiques et modes de légitimité innovants, souvent laissés dans l’ombre des représentations et des pratiques familiales dominantes qui paraissent généralement aller de soi.
La première partie de la journée portera sur la manière dont des couples de même sexe sollicitent, contournent, voire détournent certaines mesures légales pour parvenir à légitimer leur situation. L’enjeu est double. Il s’agit bien sûr de donner aux relations conjugales et familiales des cadres juridiques parfois détournés de leurs usages habituels (par exemple la délégation d’autorité parentale) et de leur ouvrir ainsi un certain nombre de droits. Mais le droit est aussi générateur d’une reconnaissance symbolique tout aussi importante et que différents auteurs ont bien mis en lumière (Rault, Hull, Coulmont, Mello, Oliveira, Paternotte, Courduriès).
La deuxième partie de la journée sera consacrée à la circulation et de l’argent dans les sphères conjugale et familiale. Un certain nombre de chercheurs, anthropologues, historiens et sociologues, ont mis en évidence que contributions, dons et transactions dans la vie privée « apparaissent comme autant de manières de légitimer, de valoriser ou de fabriquer des relations et des statuts mouvants, parfois non reconnus par le droit ou la coutume » . L’argent et les biens qui circulent disent les liens amoureux et familiaux en même temps que les usages que l’on en fait participent à leur construction. Cela est désormais bien montré pour les couples et les familles fondés sur des unions entre homme et femme (Martial, Belleau, Henchoz). Mais c’est également une grille de lecture pertinente et jusqu’ici peu explorée (Carrington, Courduriès) pour analyser la manière dont les couples de même sexe cherchent une forme de légitimité et une existence matérielle dans des espaces sociaux où, malgré des formes existantes de reconnaissance juridique comme en Belgique et en France, l’orientation homosexuelle reste un mode d’organisation de la vie privée marginal pas toujours légitime.
Avec son ouvrage publié récemment, Ellen Lewin nous invite à mettre à relation les circonstances dans lesquelles les hommes gays accèdent à la reproduction et à la parenté, dépensant beaucoup d’argent, avec les représentations sociales dont l’argent est porteur. Les discours laissent toujours entrevoir des personnes désintéressées par les questions financières. L’argent ainsi mis en circulation serait donc débarrassé de sa dimension strictement marchande. Les sciences sociales s’invitent cependant à interroger les liens entre ces modes d’accès à la procréation où souvent circulent des sommes importantes d’argent et la sphère du monde commercial. C’est sur ces dernières interrogations que se terminera la journée, avec la conférence d’Ellen Lewin.
Si ces processus de légitimation apparaissent et sont particulièrement sollicités dans le cadre des couples gays et dans une moindre mesure des couples lesbiens, pour qui le désir d’enfant est dévalorisé ou dénié, ils concernent également, bien sûr, les couples hétérosexuels. Aborder ces enjeux via les couples de même sexe permettra ainsi d’éclairer, lors de cette journée d’étude, des phénomènes et pratiques plus larges qui restent parfois occultés ou sous-estimés.
Programme et infos :
http://www.sophia.be/index.php/fr/events/view/1623
Contact :
dapatern@ulb.ac.be