revue Autrepart, n° 60 (4/2011), sous la direction de Agnès Adjamagbo et Anne Calvès
Présentation :
Au cours des dernières décennies, les pays du sud ont connu des transformations sociales, économiques et politiques majeures qui ont eu des conséquences importantes pour les rapports sociaux de sexes. La scolarisation, la croissance urbaine et, plus récemment, la montée des mouvements associatifs mais aussi la globalisation économique et culturelle ont profondément modifié le contexte dans lequel les nouvelles générations de femmes ont été socialisées et ont accédé à l’âge adulte.
Depuis les années 1990, la promotion de l’égalité des sexes est par ailleurs au cœur de l’agenda de différentes conférences internationales (CIPD, 1994 ; Beijing, 1995). Dans la foulée, les études sur les rapports de genre et sur les processus d’émancipation des femmes se sont multipliées en sciences sociales. Bon nombre de ces études soulignent la résistance des structures patriarcales de domination et le maintien, voire parfois le renforcement, des inégalités hommes-femmes au cours des dernières décennies. Malgré ces résultats peu optimistes, plusieurs travaux de sociologues, anthropologues, historiens, économistes, démographes, et politologues témoignent de réels changements dans des pays du sud dans le statut et le rôle des femmes et dans leurs capacités individuelle et collective à acquérir du pouvoir. Les résultats de ces études demeurent cependant souvent très cloisonnés par discipline et par aire géographique.
Ce numéro d’Autrepart entend rendre compte de la manière dont les processus d’autonomisation des femmes au sud, même partiels et marginaux se déploient tant dans la sphère domestique et familiale que dans la sphère publique. Il s’agit entre autre d’éclairer les conditions effectives de l’empowerment pris au sens des premiers travaux de féministes, c’est- à-dire la manière dont certaines, individuellement et collectivement dépassent les injonctions normatives contradictoires, neutralisent les écueils, résistances et discriminations et parviennent à se libérer des structures sociales, culturelles, légales et économiques oppressives qui perpétuent la domination selon le sexe mais aussi l’origine ethnique et la classe. Dans cette perspective, les contributions attendues pourront s’articuler autour de trois axes :
. Dans la sphère domestique et familiale, on s’intéressera à décrire et analyser les changements survenus dans les trajectoires féminines en lien notamment avec la redistribution des charges et des responsabilités au sein des unités familiales imposée par les aléas économiques. Il s’agit de mettre en lumière les processus d’émergence de modèles familiaux en rupture avec les modèles dominants ; la manière dont certaines contournent les normes procréatives, sexuelles ou matrimoniales communes, incompatibles avec un projet personnel. La question de l’accès au travail rémunéré et de la manière dont il s’articule aux autres composantes de la trajectoire de vie (mariage, maternité) est une question importante que nous souhaiterions voir traitée.
. L’expérience migratoire est souvent au cœur des processus d’émancipation économique et sociale. On s’intéressera aux trajectoires de femmes qui quittent leur pays d’origine pour aller gagner leur vie ailleurs et à l’influence de leurs parcours singuliers sur les rapports qu’elles entretiennent avec les hommes de leur famille mais aussi sur leurs lieux de migration. On s’attachera à éclairer le nouveau statut social auquel accèdent ces femmes migrantes dans leur société d’origine et, plus largement, aux nouvelles identités inhérentes aux situations de familles transnationales.
. Les contributions pourront également rendre compte des changements importants survenus dans la place des femmes dans la sphère publique et politique dans les pays du sud. On s’intéressera ici aux nouvelles opportunités qui ont permis aux femmes de faire entendre leur voix dans des domaines variés tels que le droit familial (mariage, divorce), l’accès aux ressources (accès à la terre, héritage), la santé reproductive (mutilations génitales, violences sexuelles), et l’emploi. Comment certaines femmes sur le terrain, s’organisent au sein d’associations, de coopératives, ou d’alliances politiques nationales et internationales pour lutter contre la pauvreté, l’injustice sociale, la dégradation de l’environnement mais aussi contre les effets d’oppression entrecroisés du capitalisme, du racisme et du patriarcat ?
Les études qui intègrent la dimension « intersectionnelle » du pouvoir, c’est-à-dire la manière dont, entre autres, le patriarcat, l’origine ethnique et la classe sociale s’articulent, se renforcent et créent des inégalités au sein des groupes de femmes au Sud seront appréciées. Le but de ce numéro d’Autrepart est de porter un regard pluridisciplinaire sur les modalités de l’émancipation féminine et ses enjeux sociaux et statutaires, tels qu’ils apparaissent plus ou moins distinctement selon les contextes dans les pays du sud. Il s’agit d’interroger la condition des femmes en se focalisant sur les trajectoires singulières de l’émancipation, là où une certaine littérature nous a plutôt habitués à ne voir que vulnérabilité et passivité. La démarche consiste donc à rendre compte par un chemin détourné (c’est-à-dire par la marge) des processus d’émancipation effective des femmes au sud et, notamment, de leur « empowerment ».
Les intentions de contribution (Titre et résumé de 1500 caractères max.) sont à adresser à La revue Autrepart : autrepart@ird.fr Le lundi 4 octobre au plus tard Après sélection, vous aurez 4 mois pour rédiger l’article.