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Darine Bsaibes, "Artistes et artisanes : points de vue croisés entre art féministe et arts populaires du proche-Orient"

14 novembre 2014 - Paris 8


Date de mise en ligne : [13-11-2014]



Mots-clés : arts | Proche-Orient | féminisme


Darine Bsaibes a soutenu sa thèse intitulée "Artistes et artisanes : points de vue croisés entre art féministe et arts populaires du proche-Orient" le 14 novembre à l’université Paris 8.

Jury :

Randi Deguilhem
Hélène Marquié
Silvia Naef
Antonietta Trasforini
Nadia Setti (directrice de thèse)

La thèse de doctorat intitulée Artistes et artisanes : points de vue croisés entre art féministe et arts populaires du proche-Orient porte sur ce qui se passe et ce qui s’est passé dans la zone du Proche-Orient lors de sa transition d’un monde culturel de l’art caractérisé par un art « artisanal » et populaire et donc « non professionnel » ou « pas sérieux », à une définition et conception de l’art « occidental », selon lesquelles le progrès téléologique de l’art détacherait complètement l’artiste de la société. Cette vision fondée sur une représentation de l’artiste en tant que mâle, blanc, bourgeois, produit une histoire discriminante à maintes niveaux : par exemple tout l’art anthropologique et ethnique en est exclu.
A partir d’un constat et d’une réflexion autour des enjeux qui définissent la notion d’art et le métier d’artiste dans une culture non-occidentale nous nous interrogeons sur la place qui pourrait être accordée aux productions culturelles issues de processus créatifs tels que les broderies et les tapis proches-orientaux où les cultures et les arts populaires ont été jusque-là négligés par la recherche académique. À la lumière des chocs culturels, sont également analysés les processus redistribution de compétences et de pertinences par rapport au genre. Car, d’une part, contrairement au monde occidental où le métier d’artiste semble avoir longtemps été un métier d’homme, il s’avère qu’au Proche-Orient cette discrimination n’a pas vraiment existé. D’autre part, l’histoire des artistes féministes du XXe siècle, évoquant et déconstruisant la figure de l’artiste que l’histoire canonique de l’art a célébré et produit, nous éclaire sur les fonctionnements du marché de l’art et des musées et renouvelle profondément le statut de l’artiste en mettant en jeu la dimension du genre dans la production artistique.
En adoptant des points de vue croisés entre arts populaires proche-orientaux et prises de conscience féministes en art, cette thèse prend en compte l’émergence de liens entre actions féministes et postcolonialisme. L’histoire féministe de l’art, ainsi que les réflexions autour des productions artistiques non occidentales, avec le renouveau de l’histoire sociale de l’art à travers les Visual Culture Studies, nous obligent à nous interroger sur le fossé qui a séparé ces deux grandes catégories et à mieux conceptualiser l’inversion fonctionnelle entre art « production » et Beaux-Arts. C’est en associant la discussion théorique avec une recherche sur le terrain au Liban qu’apparaît l’œuvre des femmes classée comme artisanat et capable de modifier la distinction « occidentale » entre artiste et artisan.
La première partie cette problématique pluridimensionnelle est d’abord explorée à partir de la définition canonique des arts majeurs et des arts mineurs, mais aussi de la question de la distribution genrée du travail artistique/artisanal, de la relation entre culture traditionnelle et nouvelle culture occidentalisée, jusqu’à la problématisation du champ de recherche à travers le point de vue de la postmodernité. Les approches marxistes servent d’outils pour aborder les questions sociales, de classe et de genre car par-delà la tension entre les classes sociales, persiste une tension entre les sexes. Ces questionnements sont analysés à la lumière des enjeux socio-esthétiques et au travers d’exemples détaillés et emblématiques. À travers l’articulation des deux méthodes, celle de l’histoire sociale de l’art et celle de la dimension « culture » rajoutée aux piliers des programmes de développement (ONU), la lecture des arts populaires du Proche-Orient est abordée avec une approche différente.
Dans cette perspective nous nous appuyons sur plusieurs formulations théoriques celle decostructionniste de la nouvelle histoire de l’art féministe représentée notamment par Griselda Pollock. Le réflexion sur l’art et l’ornementation d’Emile Gallé ainsi que la théorie de l’anthropologie de l’art d’Alfred Gell. Le concept de « agency » tel qu’il a été défini par la philosophie féministe et postmoderne nous permet d’aborder d’un autre angle les caractéristiques fonctionnelles, relationnelles et sociales de l’art, plutôt que ses caractéristiques esthétiques.
Dans la deuxième partie, à travers une étude historique, nous démontrons qu’à la fin du XIXe siècle, à savoir pendant des années charnières, synonymes de rupture comme d’ « évolution », à l’ère « précoloniale » ou « pré-hégémonique », il n’y avait pas de séparation entre arts majeurs et arts mineurs. La complexité du débat autour des relations entre peinture et arts décoratifs est interrogée ici à travers le gout du public mais aussi les œuvres d’artistes qui occupent, à des degrés divers, les zones frontalières. Il s’agit d’une approche des problématiques spécifiques aux arts locaux et à l’hégémonie culturelle qui domine les sociétés non-occidentales, dans cette perspective nous nous appuyons sur la théorie postcoloniale de Franz Fanon, d’Edward Saïd et Homi Bhabha sur la relation entre colonisés et colonisateurs, sans jamais négliger la dimension du genre.
Au niveau institutionnel, le monde occidental tient à distance les arts populaires non-occidentaux en les exposant dans les lieux dédiés aux « arts primitifs », « arts premiers » ou « arts traditionnels ». Finalement, l’art contemporain, chargé de questionnements sur le statut des objets de culture, n’a fait que rapatrier ces objets et ses formes ethniques à la modernité en leur accolant l’étiquette d’ « art contemporain ».
Cependant, la particularité de l’art populaire proche-oriental réside dans le fait d’endosser différents statuts concomitants : objets fait-mains, objets utilitaires, objets sollicitant une perception esthétique et éco-durable, puis objet patrimonial et culturel. Ces objets sont une sorte de résistance qui provient d’un endroit extérieur au milieu culturel euro-occidental. C’est un art en train de se faire à la marge des structures établies, et par conséquent s’intéresser à ces productions nous a permis de voir comment ces œuvres intègrent les questions de genre, en articulation aux questions liées à l’identité ou la domination culturelle. Les œuvres de Mona Hatoum, Buthina Abu Melhem et Huda Jammal nous permettent de voir à quel niveau se jouxtent les deux paradigmes qui sont celui de la figure de l’Artiste et celui de la femme artisane. Confrontés à la notion de modernité liée au présent et à l’avant-garde, contre les idéologies nationalistes (régionalistes dans notre cas) où l’enseignement des arts devrait également faire face au phénomène de la globalisation. La comparaison entre l’institution des Beaux-Arts en Occident (en particulier en France) et au Liban permet d’appuyer le projet de transformation des principes qui les inspirent. Par conséquent, cette étude montre que les arts populaires ne sont plus assimilables à des arts traditionnels du passé, mais au contraire ces formes et pratiques laissent émerger de nouvelles réalités, et entrevoir un moyen pour échapper au statut d’auteur et à une propriété intellectuelle auxquelles même les avant-gardes n’ont pas échappé.

Contact :

darineb@hotmail.fr

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