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La prostitution urbaine en Europe du Moyen-Âge à nos jours

Avant le 18 mai - Toulouse 2


Date de mise en ligne : [17-05-2014]



Mots-clés : prostitution


Colloque organisé par Lola Gonzalez-Quijano (Paris, LaDéhis) et Agathe Roby (Toulouse, Framespa)

Toulouse 2, novembre 2014

Argumentaire :

Considérée comme un problème sociétal, la prostitution est périodiquement remise au cœur de l’actualité médiatique et législative. Les recherches en sciences sociales autour de ces questions se sont développées à partir des années 1970. Ces années ont vu les mobilisations de prostitué.es avec l’occupation de l’église Saint-Nizier en 1975 mais aussi la parution d’un livre majeur pour l’histoire de la prostitution en France : Les Filles de noce d’Alain Corbin. Si les publications sur les prostitutions vont sans cesse croissant [Le Corre, 2011], ce n’est qu’à partir des années 2000 que de jeunes historiens et historiennes, sensibles à l’histoire des femmes et du genre, se sont emparés de la question et en ont considérablement renouvelé l’approche.
« Prostituée » vient du latin prostituere qui signifie « mettre devant, exposer au public » et son usage en français est attesté depuis le XVIe siècle. L’invariant du terme de prostituée ne doit pas cacher le parcours historique d’une notion qui, entre le XVIe siècle et aujourd’hui, s’est considérablement modifiée. De même, qu’il ne doit pas faire penser qu’il ait fallu attendre le XVIe siècle pour que « le plus vieux métier du monde » se développe en France. Couvrant une période qui va du Moyen Âge à nos jours, cette journée d’étude devrait être l’occasion de mettre en lumière l’historicité de l’activité prostitutionnelle en abordant les différentes étapes par lesquelles les prostitutions et leurs gestions sont passées au fil des siècles en Europe.
S’il est important de relire l’histoire de la prostitution en Europe à l’aune des avancées méthodologiques et historiographiques proposées par l’histoire du genre et des sexualités, cette journée d’étude entend également mener une réflexion transversale sur la place de la prostitution dans la ville et l’imbrication des dynamiques sociales et spatiales dans l’élaboration des formes prises par l’activité prostitutionnelle. Les axes suivants seront plus particulièrement privilégiés — ce qui n’exclut pas d’autres approches ou d’autres thématiques (et leur croisement) qui ne trouveraient pas leur place au sein des sous-thèmes.

Espaces et lieux de l’activité prostitutionnelle

Les sciences sociales françaises abordant les questions de sexualité ne se sont intéressées que très tardivement à leur dimension spatiale. La géographie française n’a fait que marginalement place aux études sur les questions de sexe et de genre contrairement aux travaux des géographes anglophones [Séchet, 2009]. En histoire, les rares travaux abordant les sexualités sous l’angle de la dimension spatiale portent sur les cultures gays et lesbiennes ou sur le monde prostitutionnel principalement aux époques modernes et contemporaines [Benabou, 1987 ; Hubbard, 1999].
Pourtant les déambulations des prostitué.es à travers la ville, l’emplacement des lieux de prostitution (officiels ou clandestins), les arrestations et la présence d’agents de l’autorité, les tensions entre « filles publiques » et riverains tissent à chaque fois des territoires prostitutionnels uniques. Dans quel(s) quartier(s) ou lieu(x) se trouvent les prostitué.es ? Que nous révèlent-ils de la place économique et morale accordée à l’activité prostitutionnelle dans l’espace urbain ? Quels impacts ont les dynamiques urbaines sur la géographie de la prostitution ? Qu’est-ce qui explique l’apparition, l’aménagement, la disparition voire la destruction d’espaces voués à la prostitution, que ce soit à l’échelle de la ville, du quartier ou de la rue ? Les territoires de la prostitution dessinent-ils en creux une géographie hétérosexuelle de la ville ?

Prostitution et ville coloniale

L’histoire des femmes et du genre a profondément renouvelé l’histoire de la domination européenne outre-mer et de la transformation des sociétés qui s’y trouvèrent confrontées, en démontrant notamment l’importance d’une approche intersectionnelle —
prenant en compte le genre, la race et la classe —, des questions de famille, de mariage et de sexualité [Stoler, 2013]. Dans cette perspective, nous aimerions interroger les spécificités éventuelles de la prostitution coloniale et ce qu’elles peuvent révéler des rapports sociaux en contexte colonial. L’activité prostitutionnelle est-elle hiérarchisée et organisée racialement ? Et comment ? Qui sont les prostituées indigènes ? Leur situation diffère-t-elle des prostitué.es blanc.hes et/ou en provenance de la métropole ?
Enfin, l’entreprise coloniale étant presque toujours une entreprise militaire, comment les autorités militaires gèrent-elles les « besoins sexuels » des soldats en garnison, lors des campagnes militaires ? L’organisation de la prostitution dans les villes à forte présence militaire (ports, villes-garnisons) est-elle comparable en métropole et aux colonies ?

Du contrôle à la définition : autorités publiques, activités policières et réglementations

Les travaux de Gail Pheterson ont montré combien le terme de « prostituée » et ses équivalents insultants « putain », « catin » étaient des stigmates de genre spécifiques aux femmes. Toute femme s’expose à être stigmatisée de la sorte dès qu’elle s’adonne à des rapports sexuels jugés immoraux mais aussi en raison de son appartenance sociale, de son apparence physique, des violences qu’elle a subies, de sa conduite, et de sa présence en certains lieux [Pheterson, 2001].
Dans cet axe, il s’agit de s’intéresser aux différents textes, politiques et dispositifs publics encadrant l’activité prostitutionnelle — qu’ils soient législatifs, juridiques, policiers, municipaux, sanitaires, etc. — et aux frontières qu’ils révèlent et contribuent à établir entre les différentes formes de sexualités. La prostitution est-elle considérée comme une sexualité vénale ? Criminelle ? Déviante ? Et qu’en est-il des personnes qui se prostituent ? Quelles sont les formes de prostitution contrôlées, réprimées et pourquoi ? Quel modèle de sexualité légitime et de « bonne sexualité féminine » se dessine-t-il en creux ? Que nous révèle l’action publique encadrant la prostitution des conceptions sociales et morales d’une époque en matière de sexualité ?

Prostitution, mariage et échanges économico-sexuels

L’efficience toujours actuelle du stigmate de putain ne doit cependant pas faire croire à une définition anhistorique et universelle de la prostitution [Karras, 1996 ; Bard, Taraud, 2003]. Les travaux de Paola Tabet ont montré que ce n’était pas la prestation qui définissait la transaction prostitutionnelle mais la forme qu’elle prend dans un contexte historique, social et culturel particulier. Ainsi, ce qui conduit à nommer prostitution certaines formes de sexualité féminine, c’est la transgression des règles qui structurent et définissent la ou les formes de sexualité légitimes, notamment le mariage [Tabet, 2004].
Dans cette perspective, que nous révèlent les formes de l’activité prostitutionnelle sur l’ensemble des sexualités ? Comment sont pensés les rapports entre mariage et prostitution pour les hommes et/ou pour les femmes, pour les client.es et pour les prostitué.es ? Comment la prostitution est-elle conçue et définie par rapport aux autres formes de sexualité hors mariage (concubinage, adultère, amours libres, etc.) ?

Un mal nécessaire ? Eglises, religion et prostitué.es

Très tôt, la religion s’est emparée du problème que posait la prostitution à ses yeux. Ainsi, les discours et réflexions à son sujet reviennent au fil des siècles dans les textes religieux [Brundage, 1976]. En ce qui concerne le christianisme, les arguments de saint Augustin sont repris durant l’ensemble du Moyen Âge, justifiant l’activité prostitutionnelle afin de préserver l’ordre matrimonial. Ces arguments reviennent notamment dès qu’un modèle réglementariste se met en place. Au XIXe siècle, cette conception augustinienne de la prostitution en tant que mal nécessaire est combattue tant par des mouvements féministes que par des ligues de moralité publique [Corbin, 1978]. Joséphine Butler, fondatrice de la Ladies National Association for the Repeal of the Contagious Diseases Acts était femme de pasteur et quaker : son engagement politique envers les droits des prostituées tout comme sa « croisade abolitionniste » étaient en partie guidés par sa foi [Regard, 2013 ; Machiels, 2009].
Des contributions s’intéressant aux relèvements des « filles perdues » et la préservation des jeunes filles ainsi qu’à la place prise par l’action envers les prostitué.es dans les œuvres de charité féminines sont attendues. Mais nous apprécierons également des communications abordant les discours religieux et théologiques, l’attention portée aux sexualités illégitimes et/ou vénales dans les pratiques confessionnelles ou la fréquentation ecclésiastique des prostitué.es.

Acteurs et actrices

Dans leur très grande majorité, les études historiques abordent la prostitution sous l’angle du législatif, de la répression, de la statistique et des représentations. Contrairement à d’autres travaux de sciences humaines — sociologie et anthropologie notamment — et en raison des sources et des matériaux propres à la discipline historique, elles permettent rarement de faire émerger la parole des principaux concerné.es, qu’ils soient prostitué.es, proxénète, client.es.
Dans cet axe, on s’intéressera autant aux discours émis par les différents protagonistes qu’à la place prise par la prostitution dans leurs trajectoires personnelles, sociales et/ou professionnelles. Comment devient-on prostitué.e mais aussi proxénète, comment passe-t-on de l’un à l’autre ? Quelles sont les évolutions possibles au sein du monde prostitutionnel, et en dehors ? Qui sont les client.es ?

Modalités de participation :

La journée souhaite privilégier, sans exclusivité, les jeunes chercheur-e-s (étudiant.es en master, doctorant.es, post-doctorant.es).
Les propositions de communication, rédigées en français, doivent nous parvenir en format doc. ou pdf et contenir les informations suivantes :
- nom, prénom - statut et rattachement institutionnel - adresse mail de l’auteur.e - titre envisagé de la proposition - résumé́ d’une page maximum
Les propositions de communication doivent être envoyées au plus tard le 18 mai 2014 en affichant en objet du mail nom, prénom et JEP2014 à : agathe.roby[a]gmail.com lolagonzalez[a]wanadoo.fr

La journée se déroulera en novembre 2014 à l’Université Toulouse Le Mirail. La date et le lieu exacts seront précisés ultérieurement. Le choix des communications sera communiqué par mail le 20 juin 2014.

Pour toute information complémentaire, merci de contacter les responsables scientifiques de la journée : Lola Gonzalez-Quijano (Paris, LaDéhis) : lolagonzalez[a]wanadoo.fr Agathe Roby (Toulouse, Framespa) : agathe.roby[a]gmail.com

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