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La biologisation de quoi ?

Avant le 31 janvier - revue Genre, sexualité & société


Date de mise en ligne : [16-01-2014]



Mots-clés : biologie


Pour le numéro 12 de la revue Genre, sexualité & société

Argumentaire :

Depuis les années 1990, les études sur le genre et la sexualité ont renouvelé leurs objets et se sont aventurées dans le domaine des « sciences naturelles », cherchant d’une part à prendre au sérieux les questionnements de la biologie et d’autre part à en critiquer certains résultats. La question du « sexe biologique » peut à cet égard être considérée comme le paradigme de cette critique, permettant à la fois de revendiquer une série d’objets auparavant « réservés » aux sciences de la nature, et de questionner à nouveaux frais les cadres conceptuels sur lesquels les études sur le genre avaient construit leurs premières épistémologies (sexe naturel vs. genre social). Terme polysémique par excellence, le sexe reste au cœur des controverses scientifiques et connaît des déplacements incessants, recherchant tantôt son plus petit commun dénominateur du côté des sciences naturelles, ou sa meilleure définition au-delà du clivage nature/culture dans les sciences sociales (Gardey & Löwy, 2000 ; Löwy & Rouch, 2003 ; Rouch, Dorlin & Fougeyrollas, 2005 ; Hoquet, 2013).
La critique de la « biologisation du social » parfois portée par les sciences sociales, a-t-elle eu des effets sur les sciences « de la nature » ? De quelle façon les recherches en biologie et en médecine entendent-elles l’idée du social et incorporent éventuellement dans leurs travaux les critiques des sciences sociales ? Quels impacts les conceptions biologiques du sexe ont-elles sur l’analyse et l’organisation du social ?
Loin d’inviter à la clôture des débats, ce numéro de la revue Genre, sexualité & Société propose de multiplier les angles exploratoires afin de permettre un état des lieux des nouvelles approches consacrées aux rapports entre sciences biologiques et sciences sociales autour de la question du sexe et de la sexualité. Si l’idéologie de la nature passe par la perpétuation de l’idée selon laquelle le sexe dit biologique est un donné, il vaut la peine de poursuivre l’enquête sur les différentes définitions du sexe : d’une part, en portant d’avantage d’attention aux contextes disciplinaires où ces définitions sont établies et à l’historicité des catégories mobilisées pour les poser ; d’autre part, en analysant les discours et les pratiques qui fondent la différence sexuée comme telle, leurs effets sur les traitements, les prises en charge et les interventions médicales sur les corps. De nombreux domaines de recherches s’ouvrent alors :
Un premier axe interrogera les savoirs et les théories contemporaines de la différence sexuée et de la sexualité. Depuis les années 1990, de nombreux travaux en études féministes des sciences ont mis en évidence la présence de métaphores genrées, de biais androcentriques et hétéro-normatifs dans les représentations scientifiques du sexe et de la sexualité (Fox Keller, 1995 ; Haraway, 1991 ; Martin, 1991 ; Weils, 2006).
La naturalisation des comportements sexués et sexuels se joue de plus en plus dans les études scientifiques en quête d’explications de type biologique – principalement dans les études néo-darwiniennes, les travaux en génétique ou les recherches neuro-endocriniennes. Ainsi, les tentatives d’expliquer par des facteurs biologiques des supposées différences cognitives entre les sexes, de trouver une origine génétique aux désirs sexuels ou aux identifications psychiques, posent à nouveaux frais le problème des prismes sociaux à travers lesquels ces questions sont posées, les protocoles d’enquête établis, leurs résultats interprétés et diffusés, notamment via l’édition scientifique de vulgarisation.
Dans quelle mesure ces enquêtes constituent-elles le dernier avatar de la naturalisation des identités sociales, au moment même où celles-ci sont réinvesties politiquement ? Ces recherches et ces théories participent-elles uniquement à la légitimation et à la validation scientifiques des inégalités entre les sexes, ou pourraient-elles également servir d’argument scientifique pour contester l’origine biologique de ces inégalités ?
Un deuxième axe questionnera les implications de l’usage de la catégorie de sexe – comme catégorie médicale – dans la médecine clinique et/ou expérimentale contemporaine, ce qu’on nomme en anglais le « sex- based biology » ou « gender-specific medicine ».
Depuis la fin des années 1980, un mouvement en faveur de la diversification des populations dans les études de santé a conduit à l’inclusion des femmes et des minorités – auparavant sous-représentées dans ces études. Or, tandis que le « profilage ethno-racial » a rapidement suscité de nombreuses critiques et controverses arguant qu’aucune catégorie ethno-raciale ne peut se fonder sur des différences qualitatives, uniformes et stables, mais uniquement sur des différences statistiques et variables, le « profilage sexué » a, semble-t-il, été plus facilement accepté (Epstein, 2007).
Compte tenu de la complexité qu’il y a à distinguer biologiquement deux sexes, quelles sont les tensions que soulève le recours à la catégorie de sexe comme catégorie médicale dans les champs de la santé ? Quels sont les effets d’une prise en charge différenciée des individus selon leur sexe ? Dans quelle mesure ce profilage sexué contribue-t-il à la réification des catégories hommes/femmes ?
Enfin, un troisième axe portera sur la façon dont les savoirs et les pratiques biomédicales contemporaines fabriquent du sexe à proprement parler. Les interventions sur les individus intersexués, les opérations de réassignation de sexe pour les personnes trans, les reconstructions du clitoris post-excision ou les opérations d’élargissement du pénis sont des exemples d’interventions chirurgicales exprimées tantôt dans les termes d’un besoin médical (correction, réparation), tantôt dans les termes d’un droit à disposer de son corps et de le transformer. Quels sont les problèmes actuels que pose cette clinique du sexe : entre demande motivée par les personnes concernées et imposition normative produite par l’institution médicale ?
Au-delà des aspects anatomiques et chirurgicaux, la fabrique du sexe s’effectue de façon croissante par la voie de substances moléculaires. L’usage des hormones dans différents contextes - la pilule contraceptive (Watkins 2001), les « traitements hormonaux de substitution », les « hormonothérapies », mais aussi les substances telles que le viagra - constituent tout autant des pratiques de régulation sexuelle et sexuée qui transforment des corps et des identités. Cependant, depuis quelques années, ces substances échappent au monopole médical à travers leur mise en circulation sur les marchés officiels et officieux. Comment dès lors appréhender les multiples réappropriations et détournements dont font l’objet ces technologies, contribuant à la fabrique de corps et de subjectivités hors normes (bodybuilders, corps trans, dopage, etc.) ?
Les axes sont présentés à titre indicatif et n’ont pas vocation à épuiser le sujet. À partir de ces différents questionnements, ce numéro entend croiser les approches disciplinaires et méthodologiques afin de garder ouverte la possibilité d’un dialogue critique entre sciences de la vie et sciences sociales autour de la question du sexe et de la sexualité. Nous invitons par conséquent les contributeurs/trices à proposer des articles s’inscrivant dans ces perspectives de recherche. Les travaux empiriques (s’appuyant sur des sources diverses ; archives, ethnographie, analyse de littérature scientifique etc.) seront particulièrement les bienvenus.

Calendrier :

Les propositions d’articles, d’environ 5000 signes, doivent inclure un titre, une présentation de l’article, de ses objets et ses méthodes, ainsi que les nom, prénom, statut, rattachement institutionnel et email de l’auteur.e. Elles doivent être envoyées avant le 31 janvier 2014 aux coordinateurs/trices du numéro (Alexandre Jaunait, alexjaunait@hotmail.com, Michal Raz, michal.raz@ehess.fr et Eva Rodriguez, eva.r.rodriguez@gmail.com) et au comité de rédaction (gss@revues.org). Les auteur.e.s seront avisé.e.s par mail des propositions retenues au cours du mois de février 2014. Les articles devront être envoyés le 30 mai 2014 au plus tard. Selon la charte déontologique de la revue, chaque article fera l’objet d’une double évaluation anonyme. À noter donc que l’acceptation de la proposition ne signifie pas acceptation automatique de l’article.

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