Colloque organisé par Marta Álvarez (Université de Franche-Comté), Ida Hekmat (Université de Franche-Comté), Sabine Lauret (Université de Franche-Comté)
18, 19, 20 juin 2015
Grand Salon, Faculté des Sciences du Langage, de l’Homme et de la Société, Université de Franche- Comté, Besançon.
Argumentaire :
Sale temps pour l’amour ? En ce début de siècle, l’amour « ferait mal » et cela aurait beaucoup à voir avec une mercantilisation des affects (Illouz 2012, 2006) responsable de la transformation d’« Eros » en « €®0$ » (Fernández Porta 2010). L’amour se serait liquéfié (Bauman 2010 [2003]), comme tant d’autres éléments dans une société qui est invitée à « défaire le genre », dénaturalisant et démythifiant les notions qui sont associées à cette catégorie (Butler 2006 [2004], Preciado 2000). Nombreux sont ceux qui décrivent un contexte au sein duquel la fragilité des liens humains et le sentiment d’insécurité auraient changé radicalement le comportement de l’homo eroticus et de l’homo sentimentalis (Illouz 2006, 2012 ; Bauman 2010 [2003], Lipovetsky 2006, etc.). Et cependant... Il s’agit des mêmes auteurs qui définissent la logique de séduction comme l’un des principes régulateurs de cette même société, et qui soulignent une grandissante sentimentalisation du monde.
C’est peut-être ce contexte complexe et paradoxal qui redonne à l’éternelle et universelle question une nouvelle actualité, comme le montrent les nombreux ouvrages qui questionnent le sujet, ainsi que les récentes rencontres que le milieu universitaire a consacrées à l’amour : « Le corps amoureux », 2010, Paris III ; « Au nom de l’amour... Des liens électifs aux obligations affectives », 2011, Université de Bretagne occidentale ; « ‘Mi vagina clama una venganza’. Fureur et désir féminins dans les littératures contemporaines de langues romanes », 2014, Paris Est Marne la Vallée... Nous voudrions contribuer à ce débat en proposant des journées d’étude croisant différents regards sur l’amour, à partir de champs disciplinaires différents ― littérature, linguistique, arts visuels, sociologie, philosophie, psychologie,... ― ainsi que de corpus portant sur des champs linguistiques et culturels divers. Dans le même temps, une approche historique nous permettra sans doute de mieux comprendre les évolutions de cette thématique jusqu’à notre époque.
Les points de vue à adopter sur cet objet polymorphe sont multiples, c’est pourquoi nous attendons des propositions de communication procédant des champs disciplinaires multiples, elles peuvent :
Envisager l’amour sous ses divers aspects : Eros, Agapé, Philia.... Il s’agira ainsi d’étudier l’amour amoureux, l’amour sexuel, l’amour filial ou familial, l’amour conjugal, l’amour- amitié, l’amour de soi, mais aussi de prendre en compte les divers états amoureux compris comme moments d’un processus : amour naissant, amour-fusion, amour-attachement, désamour...
Tenir compte du fait que, si le sentiment amoureux, pris comme état individuel, est toujours ancré dans du social (et l’on pourra mettre en avant l’historicité de tel ou tel type d’amour), on peut aussi envisager l’amour comme une passion collective, politique (amour de la patrie etc.).
S’intéresser aux sentiments/émotions qu’on considère2 habituellement comme articulés à l’amour, comme la jalousie (« une passion mal-aimée ? » ), etc.
Analyser les us et coutumes amoureux tenant compte de différents contextes culturels et historiques et des institutions qui leur sont associées (par exemple le mariage...).
Porter sur les marges de l’amour, les formes amoureuses taboues, qu’il sera intéressant d’inscrire dans leur historicité et dans les constructions sociales et discursives qui en font des amours monstrueuses (inceste, pédophilie, sexualités considérées comme déviantes). Dans cette perspective, et toute proportion gardée, on pourra interroger la thèse de Barthes, selon laquelle aujourd’hui c’est la sentimentalité et non plus la sexualité qui est construite comme l’obscène de l’amour (Barthes 1977 : 207-209)
Questionner les rapports entre amour et connaissance : si on a coutume d’opposer sentiment amoureux et facultés rationnelles (pensons à la phrase de Barthes, qui dans les Fragments, fait état de la doxa : « quoi de plus bête qu’un amoureux ? » ; ou encore au proverbe « l’amour rend aveugle »), les neurosciences montrent clairement que raison et émotions, raison et sentiment, interagissent (Damasio 1995).
Étudier l’expression de l’amour :
. Dans des discours divers. On observera les formes de représentation de l’amour dans les arts littéraires, plastiques et audiovisuels, ainsi que l’évolution de ces formes. On pourra également se pencher sur des formes d’expression artistique considérées comme populaires (sur le roman sentimental sériel voir les travaux de Bigey, nous renvoyons également à l’analyse du roman à succès Fifty Shades of Grey : Illouz 2014), l’expression de l’amour dans des discours non fictionnels (Sassoon 2012, Damian- Gaillard 2012), et bien sûr dans des corpus authentiques.
. Du point de vue linguistique : on pourra s’intéresser à l’expression de l’amour (explicite/implicite, analyse lexicologique, comparaison du lexique amoureux en langue dans une perspective contrastive ; voir Lang 1998). On pourra interroger les genres discursifs dans lesquels s’ancre la parole amoureuse (la déclaration d’amour : Durrer 1998, Kerbrat Orecchioni 1998 ; la lettre d’amour : Amossy 1998, Siess 1998 etc.). A l’instar des émotions, dont on a montré qu’elles peuvent non seulement servir l’argumentation mais aussi être argumentées (Plantin 2011, Hekmat, Micheli et Rabatel 2013), on pourra se demander si l’amour peut servir d’argument ou constituer lui-même objet d’une argumentation.
Modalités :
Jusqu’au 30 novembre 2014 : envoi des propositions de communication (titre de la communication, auteur, institution, résumé – 500 mots maximum –, adresse électronique). Merci d’envoyer les propositions, en format Word aux trois organisatrices 15 décembre 2014 : communication de l’acceptation des propositions.
18, 19 et juin 2014 : journées d’étude à l’Université de Franche-Comté. 30 septembre 2015 : envoi des travaux pour la publication. 2016 : publication aux Presses Universitaires de Franche-Comté.
Contacts :
martaalvarezro@gmail.com, ihekmat@univ-fcomte.fr, lauret.sabine@gmail.com