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Livre

Yannick Ripa, L’Affaire Rouy. Une femme contre l’asile au XIXe siècle


Date de mise en ligne : [16-06-2010]




Tallandier, 295 p., 27 euros. ISBN : 978-2-84734-662-6

Quand elle protestait, c’était la camisole. Ou les brimades des sœurs du pavillon des agités. A moins que ce ne soit les mains entravées, comme pour tout « client » jugé dangereux. Lorsqu’en septembre 1863, Hersilie Rouy, 49 ans, professeur de piano, est placée, faubourg Madeleine, à l’asile d’Orléans, elle a déjà connu neuf années d’internements et d’errances à travers la France. Un lourd passif. Pourtant, après quinze jours d’observation, le médecin-chef orléanais la décrit « sans aucun trouble », se refusant à la garder plus longtemps dans l’établissement. Il le fait savoir au préfet. Une fin de parcours ? Non : une simple étape dans un calvaire remontant à 1854, lorsqu’un médecin aliéniste, proche de son frère, l’inscrit d’autorité - qui plus est « née de parents inconnus » - à la maison de santé de Charenton. Mêlée aux débiles profonds, Hersilie n’a de cesse d’exposer par écrit - au procureur impérial, au baron Haussmann, à l’impératrice Eugénie - les ruses d’un frère qui l’a fait interner pour rester seul en ligne dans la succession. Une agitation suspecte qui fait sa réputation : Hersilie est une indocile, une véhémente dont la séquestration s’impose. Informé de son insubordination, le médecin-chef se ravise et la diagnostique atteinte de folie d’orgueil ou « folie lucide ».

Une lucidité qui finit tout de même par attirer l’attention d’administrateurs des hospices, puis du préfet. Un rapport au garde des Sceaux réclame pour la demoiselle de meilleures conditions. Après cinq ans de séjour, en 1868, on lui délivre même une attestation de guérison. Avec le concours de notables du cru, Hersilie sort enfin des murs. Le ministre de l’Intérieur reconnaît l’irrégularité commise. Son frère et l’administration centrale sont montrés du doigt. La presse s’en mêle. Elle évoque une « résurrection » quand, à l’occasion d’un récital à l’Institut musical, la pianiste joue Carl Maria von Weber.

Elle s’engage alors dans un nouveau combat, pétitionnant contre les internements psychiatriques abusifs et pour une réforme de la loi de 1838. A la Chambre des députés, les parlementaires du Loiret sollicitent Gambetta. Le sujet doit être débattu le 16 juillet 1870... jour de l’ordre de mobilisation. Les Prussiens et la défaite de Sedan ont raison d’Hersilie.

Yannick Ripa nous emmène sur les pas de cette femme hors du commun en prenant appui sur ses Mémoires d’une aliénée, parus après sa mort. La description de la réalité de son quotidien, dépassant souvent la fiction, est un plaidoyer à charge contre l’asile et sa fonction politico-sociale au XIXe siècle, mais aussi sur la terrible condition féminine de l’époque.

Historienne, Yannick Ripa enseigne l’histoire des femmes et du genre à l’université Paris VIII. Elle est l’auteur de La Ronde des folles. Femmes, folie et enfermement au XIXe siècle (Aubier, 1985), Les Femmes actrices de l’Histoire. France, 1789-1945 (SEDES, 1999) et Les Femmes (Cavalier bleu, 2002).

http://www.tallandier.com/

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