Colloque international, Université de Lausanne (Suisse), 2-3 septembre 2010
organisé par le Laboratoire de sociologie (LabSo) & Centre d’études de genre (LIEGE), en partenariat avec le GDRE MAGE (Marché du travail & genre)
Comité d’organisation
Natalie Benelli, Angélique Fellay, Nicky Le Feuvre, Marie-Eve Tschumi (coordinatrice du LIEGE).
Présentation :
L’importance prise par les activités professionnelles comportant une dimension relationnelle marque le point de départ d’un phénomène de tertiarisation de l’emploi qui se poursuit encore aujourd’hui et qui s’accompagne d’une féminisation croissante de la population active. L’ampleur des conséquences du passage d’une société industrielle à une société des services constitue un enjeu majeur pour la sociologie du travail, dont l’histoire est fortement marquée par le travail ouvrier et la production de biens de consommation de masse. En Europe, c’est seulement à partir des années 1980 que les activités professionnelles communément amalgamées sous l’appellation « métiers de service », vont progressivement attirer l’attention des chercheur·e·s et devenir un objet légitime de la sociologie du travail. Les études menées depuis ont fait avancer la compréhension des activités professionnelles qui mettent les salarié·e·s en relation avec un public. Or, si l’on peut saluer l’inscription de plus en plus visible de ces activités sur l’agenda scientifique, l’émergence de ce nouveau champ de recherche soulève un certain nombre de questions, en particulier au regard des enjeux sexués qui s’y jouent.
Tout d’abord, force est de constater qu’il règne un certain flou quant à la définition même de ce que sont les « métiers de service ». L’hétérogénéité des activités regroupées sous cette bannière rend difficile le repérage de leurs éventuelles caractéristiques communes. Il est courant de situer leur spécificité dans l’interaction qu’elles impliquent avec un public. Ce critère est même devenu la principale grille d’analyse des métiers de service, comme si la mobilisation de compétences relationnelles ou émotionnelles constituait leur caractéristique irréductible. Toutefois, se focaliser sur la dimension relationnelle du travail revient souvent à céder à une rhétorique de la nouveauté, conduisant à faire du relationnel une caractéristique primaire de certains métiers de service en forte expansion aujourd’hui, tout en gommant la dimension relationnelle des métiers plus anciens. Plus largement, peut-on se satisfaire de l’idée que des activités qui impliquent une interaction avec un public sont d’abord et avant tout des métiers relationnels, alors même qu’elles engagent le corps et possèdent une dimension manuelle et matérielle non négligeable ?
Deuxièmement, outre les angles morts qu’engendre une telle approche, dans la nébuleuse des « métiers de service », tous ne sont pas logés à la même enseigne. En effet, la survalorisation du relationnel semble surtout réservée aux métiers féminisés, notamment ceux qui sont situés au bas de l’échelle (services à la personne, vente, métiers de la petite enfance, etc.). Autrement dit, il s’opère un découpage fortement sexué des approches sociologiques des métiers de service, fondé sur une différenciation implicite entre les métiers féminisés et déqualifiés, souvent pensés en termes de « travail relationnel » ou de care, et les « autres » métiers de service, où cette dimension est rarement évoquée comme caractéristique centrale des contenus et situations de travail. Ainsi, la dimension relationnelle des métiers de service est nettement moins convoquée lorsqu’il s’agit d’appréhender des professions masculinisées, mixtes et/ou plus qualifiées. Or, avons-nous raison de penser que le travail infirmier est nécessairement plus relationnel ou émotionnel que celui de dépanneur informatique, de garagiste ou d’avocat ? Est-ce que le contact avec la clientèle ou les usagers est réellement plus prégnant dans l’activité d’une serveuse ou d’une caissière de supermarché que dans celle d’un.e. enseignant.e ou d’un.e médecin ? Et qu’en est-il de la dimension matérielle et/ou intellectuelle du travail féminin, largement occultée par l’approche exclusivement centrée sur sa dimension relationnelle ? N’est-il pas frappant de constater que le contenu matériel du travail reste largement au centre des analyses du travail masculin, toujours appréhendé par le biais d’outils conceptuels élaborés pour analyser le travail artisanal, industriel ou bureaucratique, alors que le « relationnel » devient LA caractéristique par excellence du travail féminin déqualifié ? La dimension relationnelle du travail constitue-elle vraiment le nouveau critère de différenciation du « travail féminin » et du « travail masculin », un fondement des formes actuelles de la division sexuelle du travail ? Ne s’agit-il pas là d’un « biais sexué » dans la manière d’appréhender les métiers de service ? Cette différenciation des approches en fonction du « sexe » des activités ne risque-t-il pas de donner une image incomplète et asymétrique des métiers investigués et des enjeux actuels qui les entourent ?
L’objectif de ce colloque est d’interroger le « biais sexué » de ces grilles de lecture, au travers desquelles les sociologues, y compris les féministes, tendent à reproduire les stéréotypes sexués attachés à ces métiers. Il s’agit d’enrichir la réflexion sur les « métiers de service », en interrogeant cette différenciation des approches en fonction de la composition sexuée des métiers et de leur contenu – matériel et relationnel -, en développant des outils d’analyse plus adéquats à une comparaison systématique entre des métiers ou secteurs d’activités de composition sexuée variable.
C’est dans cette perspective que nous faisons appel à des communications qui proposent des cadres analytiques à même d’intégrer la dimension relationnelle des métiers féminins, masculins et mixtes et de reconnaître la matérialité des métiers « relationnels » les plus féminisés, sans pour autant gommer les enjeux sexués de l’organisation du travail aujourd’hui.
Les communications devraient montrer en quoi l’analyse du travail relationnel et/ou émotionnel des « métiers de service » peut aider à saisir les enjeux actuels de l’organisation du travail, tout en évitant de reproduire les biais sexués dans la manière d’appréhender les groupes professionnels. Il s’agit de réunir des chercheur·e·s travaillant sur les métiers de service au sens large (professions libérales, artisanat, les métiers situés à l’interface du privé et le public, tels la coiffure, le jardinage, les métiers dits de care, etc.), et qui acceptent d’interroger la pertinence d’un découpage qui place l’émotionnel et le relationnel exclusivement du côté des femmes et du bas de l’échelle, et qui passe sous silence ces aspects dans les métiers plus masculins/plus qualifiés.
Calendrier :
Date limite d’envoi des propositions de communication (2 pages max) : 15 mars 2010
Sélection des communications retenues : 20 avril 2010
Date limite d’envoi des textes (15 pages max) : 15 juillet 2010