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D’Adonis à Alexandre : cartographie du masculin, bilan et perspectives

Avant le 15 juillet - Paris Sorbonne


Date de mise en ligne : [06-07-2015]



Mots-clés : masculin | Antiquité


Journée d’études organisée par Véronique Gély, Anne Debrosse et Marie Saint Martin (CRLC) le 30 octobre 2015, Université Paris-Sorbonne

Argumentaire :

En juin 2015, le colloque « D’Adonis à Alexandre. Cartographie du masculin de la Renaissance aux Lumières », a été l’occasion de baliser un certain nombre de questions liées aux représentations de genre dans les textes anciens. Comme on pouvait s’y attendre, il a été l’occasion de parcourir et de réévaluer différentes pistes méthodologiques désormais traditionnelles, concernant les grilles de lecture applicables à ces textes. La journée d’étude que nous proposons, conçue comme une apostille conclusive à ce colloque, se propose de reprendre de manière systématique le chantier méthodologique laissé ouvert par ces réflexions, en s’interrogeant sur la pertinence, l’utilité et le caractère problématique qu’il peut y avoir à utiliser un outil d’analyse contemporain au sujet de textes pour lesquels cette grille de lecture peut sembler anachronique – l’outil gender constituant un poste de réflexion particulièrement intéressant de ce point de vue, parce qu’il entre en résonance avec une série de questions extrêmement brûlantes, alors même qu’il se prête à un grand écart en direction des textes anciens.
On pourra réfléchir sur la légitimité d’une telle approche, et sur la fusion problématique des horizons d’attentes, au sens de Jauss, qu’elle risque d’impliquer : puisqu’il n’est pas envisageable de restituer intégralement l’horizon d’attente ancien – puisque cela n’est, peut-être, pas même souhaitable, sauf à transformer le texte en monument, en lettre morte -, de quelle manière peut-on envisager l’interpénétration de ces deux horizons l’un par l’autre ? L’horizon d’attente contemporain doit-il assumer son anachronisme ou doit-il tenter de rejoindre ce que le lecteur imagine être une grille de lecture ancienne ? Sandra Boehringer a pu montrer comment l’utilisation, pour comprendre les textes grecs, de « catégories indigènes », en apparence transposées en droite ligne du monde qui avait produit ces textes, comme le concept de logos ou celui, forgé par Foucault, d’aphrodisia, cache une nouvelle forme d’anachronisme peut-être plus pernicieuse que celui qu’implique l’importation d’une catégorie ouvertement anachronique : l’illusion que l’on arrive à « penser avec la culture indigène », alors que cette culture a subi les détours d’une transmission diachronique sinueuse. Ne vaudrait-il pas mieux lutter contre la tentation de croire que l’on pense grec sous prétexte qu’on utilise des mots grecs, et assumer que puissent être opératoires des catégories contemporaines (comme celle de sexualité, par exemple), afin d’y trouver en permanence le rappel des apories qui découlent nécessairement de la confrontation aux textes anciens ? Ces apories, lorsqu’elles sont consenties, ne pourraient-elles devenir fécondes ? C’est d’ailleurs ce que ne se privaient pas de faire les anciens eux-mêmes, Aristote lisant Sophocle à travers ses propres catégories (au premier chef, la trop célèbre catharsis), ou La Mesnardière relisant Aristote en en forgeant de nouvelles (les bienséances), et ainsi de suite.
Le choix d’utiliser un outil élaboré au XXe siècle pour un corpus ancien est sans doute une forme d’éloge de l’anachronisme : justement parce que les rapports de sujétion entre sexualité et identité ou la différence entre sexe et genre n’existaient pas dans l’esprit des auteurs anciens, et parce que la différence entre masculin et féminin ne recouvrait pas la même polarité que la nôtre (ou ne recouvrait aucune polarité signifiante, peut-être), appliquer ces grilles de lecture aux textes anciens – et, surtout, voir à quels endroits elles frottent avec les grilles anciennes et ne les recouvrent pas -, est aussi une manière de faire retour vers le contemporain, de déconstruire les évidences présentes en les mettant aux prises avec des évidences passées qui leur sont étrangères. De cette confrontation devrait jaillir autant une mise en valeur de l’outil gender, en ce qu’il constitue une grille de lecture possible pour des textes qui l’ignorent, que des textes anciens, en ce qu’ils se prêtent à cet écart vers le contemporain et qu’ils constituent à son égard une force d’exotisme permettant d’en défaire les a priori.
En parallèle, il ne faut pas seulement lire l’anachronisme comme une simple relecture contemporaine de faits passés, puisque les études de genre, nouvelles, reprennent aussi des réflexes anciens. L’éloge de l’anachronisme prend aussi sens si l’on envisage qu’il y aurait, outre une relecture moderne de l’ancien, des phénomènes de continuité et de répétitions, alors même que cela se fait sous des formes renégociées et au prix de déplacements dans les oppositions catégorielles. Même si c’est en de nouveaux termes qu’elle se trouve théorisée aujourd’hui, la distinction entre genre et sexe ne date pas tout à fait d’hier ; il suffit, pour s’en convaincre, de lire les traités de la Querelle des Femmes, qui s’attachaient par ailleurs à sortir les noms de femmes de l’oubli, à les valoriser (certes, selon des critères qui diffèrent de ceux d’aujourd’hui et qui pourraient sembler maladroits si l’on cédait à la tentation d’une perspective téléologique condescendante) - ce qui est l’objet des études de genre originelles. Sous la diversité des étiquettes (homme étrange, queer, bisexuel, etc.), on pourrait peut-être constater une forme de permanence des arguments, du moins tels qu’en rend compte le jeu littéraire, qui permet alors d’interroger de manière plus fine les déplacements qu’ils reçoivent et d’évaluer leur réelle originalité. Le prisme ancien permet en retour de rappeler que les problèmes de genre et de sexe ne sont pas nés ex nihilo dans les années 1970. Cette démarche, qui inscrit les études de genre dans la lignée des pratiques anciennes et dans un temps long marqué par des continuités tout autant que par des ruptures, pourrait nous permettre d’échapper au phénomène de courte vue dans lequel nous enferment le XIXe et le XXe siècles et d’éviter de réduire la complexité de la notion d’anachronisme, qui se lit de plusieurs façons et à travers des concepts lourds de sens – réception, relecture, transmission, rupture et continuité, etc. Il s’agirait alors de repenser et, peut-être, dépasser la dichotomie entre anachronisme et historicisme telle que la pose traditionnellement la théorie littéraire, pour y substituer la notion peut-être plus féconde de feuilletage.

Modalités :

Nous invitons les candidats à nous adresser leurs propositions (une quinzaine de lignes) à l’adresse suivante : colloquemasculin2015@gmail.com
avant le 15 juillet 2015.

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