Produire des connaissances empiriquement ancrées : initiation à la pratique d’enquête à Maputo, Mozambique

À une dizaine de kilomètres du centre-ville de Maputo, capitale du Mozambique, entre la très fréquentée route nationale 1, une gare routière et le stade national, se trouve le marché de Zimpeto, le marché grossiste de la ville, entouré d’espaces très denses où nourriture et biens divers sont vendus au détail. La vente se fait depuis les camions, dans de petites baraques en dur et sur des étals à même le sol.

Pendant une dizaine de jours, début octobre 2017, des étudiants du département d’anthropologie et de sociologie de l’Université Pédagogique du Mozambique (UP) se sont rendus à Zimpeto, accompagnés par deux enseignants français de PARIS 8, Nicolas Jounin et Livia Velpry, et un enseignant mozambicain de l’UP, Carlos Manjate. Répartis en groupes de 3 ou 4, ils ont réalisé des observations et mené des conversations informelles, qu’ils analysaient au fur et à mesure. Ils ont ainsi élaboré quelques connaissances sur leur thème d’enquête et défini des pistes de recherche à poursuivre.

Ainsi, l’enquête sur les taxes perçues par la municipalité auprès des vendeurs s’est révélée être une entreprise sans fin : à chaque sortie sur le terrain, les étudiants en découvraient une nouvelle. Taxe mensuelle de location des lieux de vente, taxe journalière d’usage du lieu qui se révèle payée par tous les vendeurs, y compris ceux dont la présence n’est pas autorisée, taxe de sortie du marché appliquée aux camions venus acheter en gros pour la revente…

Les étudiantes qui avaient décidé de comprendre comment on acquérait un espace de vente dans le marché ont fini par se repérer dans la multiplicité des légitimités et des usages. Elles ont également fait apparaître que les mouvements de révolte récurrents des vendeurs informels délogés de leurs espaces habituels jouaient un rôle de régulation dans la répartition de l’espace.

À l’entrée du marché, des jeunes garçons surveillent les voitures des clients du marché et les lavent parfois. Après trois matinées passées sur le terre-plein, les étudiantes ont identifié une répartition du travail et une hiérarchie entre les différents groupes qui se partagent les zones. Le chef de ces groupes, qu’elles avaient repéré lors de la première observation, s’est avéré avoir lui aussi un chef, venu ponctuellement faire l’inspection et récupérer un peu d’argent. Au sein de chaque groupe, la division du travail est poussée et s’accompagne d’un fort contrôle de l’activité. De l’avis de plusieurs, l’ancienneté est une condition nécessaire pour gravir les échelons. Surtout, intégrer ces groupes constitue, semble-t-il, une promotion par rapport aux autres activités exercées par les jeunes garçons sur le marché, qu’il s’agisse de décharger les camions, de vendre des sacs plastiques et , de transporter les marchandises achetées, ou encore d’attirer le client.

Ce stage de terrain intensif était organisé dans le cadre du partenariat entre le département de sociologie de PARIS 8 et celui de l’Université Pédagogique du Mozambique (Cette expérience est présentée en détail dans le rapport de mission-lien). Sa conception est inspirée de l’enseignement de pratique d’enquête proposé aux étudiants en sociologie de PARIS 8 : une formation à l’enquête de terrain par la pratique, que les enseignants accompagnent à chaque étape. À partir de lieux sélectionnés par les enseignants, les étudiants choisissent un thème précis d’enquête et reçoivent quelques consignes méthodologiques simples, puis se rendent rapidement sur le terrain où ils effectuent observations et entretiens, accompagnés par les enseignants. Les données produites sont discutées, analysées et critiquées le jour-même ou le lendemain, avant de retourner sur le terrain. Ces allers et retours permettent d’élaborer des hypothèses de recherche et de dégager des analyses ancrées de façon empirique. Dans cet exercice d’attention à la réalité sociale, la connaissance des étudiants et le savoir-faire méthodologique des enseignants se combinent pour identifier de bonnes questions et quelques pistes de réponses. Les groupes alternent séances d’observations sur le terrain et sessions de travail en salle sur le campus de Lhanguene. Lors de la dernière journée, chaque groupe présente un résultat concernant son thème, constituant un ensemble d’hypothèses de travail pour des recherches à venir.

Cette année, le stage a mobilisé les 80 étudiants inscrits en 3ème et 4ème années de licence. Outre la soixantaine d’étudiants qui s’est rendue à Zimpeto, une vingtaine d’autres sont allés au marché aux poissons, accompagnés de Michel Samuel, un collègue retraité de PARIS 8, et d’Aurelio Miambo, enseignant de l’UP.

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