Le commerce des pissotières

Henri Peretz, sociologue et maître de conférences (retraité) au département de sociologie de l’université Paris 8, a traduit Tearoom Trade, un ouvrage du sociologue Laud Humphreys publié en 1970 (et réédité en 1975) aux États-Unis. Sa traduction est publiée ces jours-ci par les Éditions La Découverte :

Les pissotières, les ‘tasses’ dans l’argot des homosexuels masculins, désignaient jusqu’à la fin des années 1970 les toilettes publiques où se rencontraient, pour des relations sexuelles éphémères, des partenaires anonymes. Laud Humphreys a observé ces rencontres dans ces lieux situés dans une ville du Middle West des Etats-Unis. En adoptant le rôle du guetteur, cet ancien pasteur a pu assister à ces rencontres, en tant qu’observateur non déclaré, attentif et minutieux, sans entraver le déroulement de l’action. Sur la base de ses notes de terrain, il analyse les phases successives des opérations, du contact préliminaire jusqu’à la séparation, ainsi que la division des rôles. Laud Humphreys ne s’est pas contenté d’observer des hommes dans l’enceinte des toilettes publiques, il les a interviewés en dissimulant son identité et en les retrouvant chez eux. C’est ainsi qu’il peut analyser les caractéristiques sociales de ces personnes et dévoiler la face publique de leur vie clandestine. Si une partie des participants sont gays, il apparaît qu’un plus large groupe est constitué de pères de famille. Le ‘commerce des pissotières’ révèle alors la face cachée de la norme hétérosexuelle.
Le Commerce des pissotières, Pratiques homosexuelles anonymes dans l’Amérique des années 1960, de Laud Humphreys, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Henri Peretz, Paris, Éditions La Découverte, 2007, ISBN : 9782707152039

Libération (Jean-Baptiste Marongiu) écrit :

la biographie de Laud Humphreys (1930-1988) n’a laissé personne indifférent. Avant d’enseigner dans diverses universités, il avait été prêtre de l’Eglise épiscopale (l’équivalent américain de l’église anglicane britannique), marié pendant une dizaine d’années et avait adopté deux enfants. Arrêté à plusieurs reprises dans des cabinets publics et au cours de manifestations anti-Nixon, il était devenu une figure de la sous-culture gay, dont l’émergence publique lui doit beaucoup. Comme l’écrit Henri Peretz, le traducteur de ce livre culte, il est surtout remarquable que, déconnectant sexe et genre, rôle actif ou passif, virilité et féminité, il s’oppose à toute idée essentialiste ou univoque de l’homosexualité : on ne naît pas et on ne devient pas non plus homosexuel. Il arrive qu’à partir d’un certain moment, et dans des positions variables et changeantes, on commence à entrer dans des jeux sexuels aussi prenants et légitimes que tout autre.
source : Jean-Baptiste Marongiu, « Voyeur de commerce », Libération, 26 avril 2007

Une conférence-débat aura lieu, le mercredi 25 avril (16h-18h), à la bibliothèque de Paris 8, en présence de Henri Peretz (traducteur et auteur de la postface) et Éric Fassin (directeur de la collection et auteur de la préface) :


Affiche de la conférence-débat