Archive for novembre, 2010

Camille Peugny dans Le Monde

« Parvenir à l’«égalité réelle» est un beau projet de société : titre d’une tribune parue dans Le Monde écrite par Camille Peugny, maître de conférences au département de sociologie de l’université Paris 8, avec Fabienne Brugère.

Discussion avec Mathieu Rigouste

En octobre 2010, pendant une manifestation, deux étudiants de sociologie de Paris 8 sont arrêtés, placés en garde à vue et mis en examen pour rébellion…
Mathieu Rigouste est l’auteur de L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine . Il est invité à venir discuter des politiques répressives, le Mardi 7 décembre 2010, à 10h en Salle A1 163 (studio de danse).
Pour plus d’informations :
– contactez Nicolas Jounin,
Affiche de présentation de l’événement

Annulation : cours de Marie Auffray-Seguette

Marie Auffray-Seguette ne pourra pas assurer son cours (Méthodologie du travail et cursus universitaire, MCU), aujourd’hui, lundi 29 novembre 2010

Cours â??Questionnaireâ?? de JM Etienne: Information importante

La présence sera obligatoire pendant les 3 prochains cours. Je donnerai mercredi et jeudi prochain les cartes téléphoniques, les questionnaires définitifs ainsi que la liste d’étudiants à enquêter. Nous détaillerons également la manière dont il faudra réaliser la passation. L’enquête durera deux semaines. La semaine d’après nous saisirons les résultats sur informatique et verrons comment réaliser des tableaux sur excel.

Compte tenu des délais dont nous disposons pour l’enquête, les absences seraient lourdes de conséquences. C’est pourquoi je pénaliserai les absences et retards non justifiés d’un motif sérieux (j’entends certificat médical ou RATP). Je rappelle également que les étudiants ayant eu plus de trois absences non justifiées seront pénalisés.

Merci pour votre compréhension.

Information sur les programmes d’échange

Une réunion sur les programmes d’échanges (Erasmus, Crepuq…) ouverts aux étudiants en majeure de sociologie aura lieu le : lundi 6 décembre de 10h30-12h, en B336, en présence de Virginia Mallet du service des relations internationales.
Pour plus d’informations, vous pouvez prendre contact avec Ingolf Diener ou Claire Lévy-Vroelant, lire la page consacrée aux programmes d’échanges ou les impressions des étudiants partis l’année dernière ou les années précédentes

Décès de Michel Meyer

Le département de sociologie a le regret de vous faire part du décès de Michel Meyer, assistant puis maître de conférences au département de 1969 à 2005, responsable du département au début des années 2000, période lors de laquelle il a contribué à l’établissement d’une nouvelle maquette d’enseignement.

Empires et colonies :

Ingolf Diener, anthropologue et maître de conférences au département de sociologie, participera à une présentation-débat de l’ouvrage « Empires et colonies » auquel il a participé.

Institut Goethe : 27 avenue dâ??Iéna, lundi 29 novembre à 19H

PRÃ?SENTATION ET DÃ?BAT
Participants : Christine de Gemeaux, Jean-Paul Cahn et Ingof Diener
Modération : Nicole Colin (Professeur à lâ??Université dâ??Amsterdam)

EMPIRES ET COLONIES. Lâ??Allemagne, du Saint-Empire au deuil postcolonial, sous la direction de Christine de Gemeaux, Collection Politiques et Identités, PUBP, Clermont-Ferrand, juin 2010, ISBN 978-2-84516-437-6, 350 p. â?? 20 â?¬ pour lâ??édition papier. ISBN 978-2-84516-444-4, 348 p. â?? 13 â?¬ pour lâ??édition numérique (pdf).

De la fin du XIXe au début du XXe siècle se constitue brièvement un important Empire colonial allemand. La question du Reich, liée au rapport entre lâ??Empire et ses colonies, restera posée jusquâ??à lâ??époque de la République Fédérale. Convergences entre le Reich allemand et les autres grands Empires coloniaux ou bien â??voie spécifiqueâ?? allemande (Sonderweg)? Le débat portera sur cette interrogation, sur la thèse du « retour du refoulé », après les massacres en Afrique du sud-ouest, et sur lâ??hypothèse du deuil postcolonial allemand après la Guerre d’Algérie.

Christine de Gemeaux est Professeur de civilisation et histoire des idées allemandes à l’Université François Rabelais de Tours
Jean-Paul Cahn est Professeur de civilisation allemande à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), il a notamment publié « La République Fédérale d’Allemagne et la Guerre d’Algérie », Le Félin, 2003
Ingolf Diener est anthropologue-sociologue, Maître de Conférences à l’Université de Paris VIII, spécialiste de l’Afrique du sud-ouest, il a publié « Namibie. Une histoire, un devenir », Paris, Karthala, 2000, et, avec Olivier Graefe, lâ??ouvrage collectif â??La Namibie contemporaine. Les premiers jalons dâ??une société post-apartheidâ??, Paris, Karthala, 1999.

Plus d’informations : Empires et colonies (PDF)

Réorientation

Informations et réunions concernant une réorientation éventuelle.

Informations : Service commun universitaire de l’insertion et de l’orientation

Discussion paritaire sur les enseignements de licence

Le département de sociologie a décidé de mettre en place un cadre où étudiant-e-s et enseignant-e-s pourront échanger sur les cours dispensés dans la licence. Tous les sujets concernant l’enseignement doivent pouvoir y être abordés.

Pour ce faire, nous organiserons trois réunions au début du second semestre, pour chacun des niveaux de la licence, réunissant enseignant-e-s et étudiant-e-s.
Afin que chacun-e ne parle pas qu’en son nom, les étudiant-e-s auront des représentant-e-s. Chaque cours* doit donc produire, d’ici à la fin du semestre, un-e représentant-e étudiant-e (modalités à définir au sein du cours : élection, consensus…) s’engageant à recueillir et répercuter les questions, avis, commentaires, ou critiques de l’ensemble des étudiant-e-s.

Dates des réunions :
– pour les cours de L1 : mardi 22 février à 9h30
– pour les cours de L2 : jeudi 24 février à 9h30
– pour les cours de L3 : mardi 22 février à 14h
– les cours des des demi-mineures « Anthropologie » et « Métiers du social » seront discutés lors de la réunion de L2 : jeudi 24 février à 9h30

* Un cours = un intitulé et un créneau horaire. Par exemple « Genèse des sciences sociales 1, mardi 15-18h » = un cours. Il y a cinq cours « Genèse des sciences sociales 1 » au premier semestre, il devra donc y avoir cinq représentant-e-s étudiant-e-s (un par cours).

Désherbage

Désherbage

Du 18 novembre au 3 décembre 2010

La bibliothèque universitaire de Paris 8 met gratuitement à disposition de toute personne ou association qui le désire 13 000 ouvrages issus de ses collections dont elle se sépare.

A cette occasion, une exposition présentera les fonds, les activités et les métiers de la bibliothèque ainsi que ses nouveaux chantiers, dont notamment celui de la future « bibliothèque numérique ».


Projection du film Kokonor

Dans le cadre de la journée d’études L’éclatement de la ville sur les campagnes ? organisée par Béatrice David, anthropologue au département de sociologie de l’université Paris 8 :

Projection du film  »Kokonor, un lac tibétain en sursis » (2008, 52′, vostf.), un documentaire du poète et réalisateur tibétain Jangbu (Chenaktsang Dorje Tsering), en présence du réalisateur, et avec la participation de la co-traductrice du film, Françoise Robin, tibétologue, maîtresse de conférences à l’INALCO.
Lundi 6 décembre 18h30-20h30 Bât D Amphi D002

Le lac salé Kokonor s’étend sur plus de 3000 km2, à une altitude de 3200 mètres dans la province du Qinghai en République populaire de Chine. Depuis toujours connu comme lac sacré, Kokonor est devenu dans les années 1960 une célèbre base de recherche militaire accueillant les essais de la première bombe atomique chinoise. Aujourd’hui, Kokonor est une station balnéaire très prisée par les touristes chinois fuyant les chaleurs des plaines. Chenaktsang Dorje Tsering (Jangbu) réalisateur tibétain originaire de la région donne la parole aux personnes qui vivent autour du lac: nomades tibétains, parents et enfants, immigrés chinois … Sa sensibilité d’écrivain et poète réussit à capter l’invisible, l’indicible et fait de ce film un témoignage troublant.

Organisation et contact: Béatrice David, anthropologue, maître de conférences au département de sociologie (UFR HSLG)

L’éclatement de la ville sur les campagnes ?

Béatrice David, anthropologue au département de sociologie, organise une journée d’études qui se tiendra le 6 décembre 2010.
Programme complet de la journée d’études (pdf)
Un film, Kokonor sera projeté publiquement le même jour à 18h30.

L’éclatement de la ville sur les campagnes? Les recompositions du rapport urbain-rural dans les mobilités de loisirs en Chine au début du XXIe siècle

Journée d’études organisée dans la cadre du Pôle Ville de l’Université Paris-8, en partenariat avec le Centre d’Etudes sur la Chine Moderne et Contemporaine (CECMC-UMR 8173 Chine Corée Japon EHESS-CNRS) et le Pôle de Recherches pour l’Organisation et la Diffusion de l’Information Géographique (PRODIG-UMR 8686/Paris-1 Panthéon-CNRS.)

Lundi 6 décembre 2010 9H15 – 18H00
Université Paris-8 Bâtiment A 1er étage salle 2278 (service de la recherche)

Texte de présentation :

Si l’on admet que la pratique du tourisme est « une des caractéristiques qui définissent l’homme moderne », le tourisme, envisagé comme lieu d’une expérience concrète de la modernité, offre « la métaphore succincte » à partir de laquelle appréhender la modernité chinoise. Ce postulat d’une relation entre tourisme et modernité doit être reposé à la lumière des situations locales en mutation dans une « Chine en mouvement » profondément remodelée par l’essor des mobilités contemporaines du travail et d’agrément.
Les mobilités de loisirs sont un important vecteur d’une modernité qui impose un regard urbain sur les lieux fréquentés temporairement. Durant les premières décennies qui ont marqué l’envol de l’activité touristique en Chine au début des années 1980, l’approche du tourisme dans les travaux de sciences sociales (principalement en anthropologie et géographie) a surtout porté sur les dynamiques identitaires à l’œuvre dans les lieux du « tourisme ethnique », dans les régions des nationalités minoritaires, particulièrement celles du sud-ouest. La saillance du rôle de l’Etat dans la production des « cultures » réifiées des «minorités ethniques » engageait en effet à mettre au centre de l’observation et de l’analyse les lieux par excellence de la mise en scène de ces « altérités internes ». Cette mise en tourisme des ethnicités minoritaires informe souvent davantage sur les représentations du groupe dominant, porté par une quête d’exotique par laquelle confirmer sa centralité politique et culturelle dans la définition de la nation chinoise moderne.
Cette journée d’étude invite à poursuivre la réflexion sur le rôle des mobilités du tourisme dans la construction d’une « expérience chinoise de la modernité » qui recompose les paysages, réels et imaginaires, de l’urbanité et de la ruralité selon des modes inédits. La « ville » et la totalité des expériences et des images qui lui sont associées, sont devenues le signifiant conquérant d’une condition moderne chinoise contemporaine. L’essor des mobilités touristiques produit « un éclatement de la ville sur les campagnes » qui, sans abolir les distances entre les deux, rogne l’opposition radicale et arbitraire issue des expériences du siècle dernier.
Comme toute destination touristique, la « campagne » fréquentée dans le cadre des mobilités de loisirs est un lieu inventé, re-dessiné par les imaginaires et les attentes de visiteurs pour l’essentiel en provenance des zones urbaines. Les formes de la rencontre entre le rural et l’urbain qui se construit dans le temps et l’espace de la fréquentation touristique des lieux (re)façonnés pour la consommation touristique doivent être examinées, particulièrement dans les nouveaux sites où se réalisent ces « désirs d’ailleurs » (campagne, montagne, bord de mer etc.)
Pour les urbains de la Chine en transition depuis le début des réformes de la fin des années 1970, le rural, sous ses formes localisées diverses, fut longtemps (et le demeure) synonyme de pauvreté, d’un style de vie arriéré. Le développement des flux touristiques encouragés par le développement et le réaménagement du temps des loisirs depuis la fin des années 1990 (re)conduit désormais son lot, chaque année plus nombreux, d’ « urbains » vers des espaces ruraux réaménagés et offerts à la fréquentation
touristique sous les étiquettes de « tourisme rural », de « tourisme vert », « bleu », « blanc », « d’écotourisme », de « tourisme
environnemental » et d’un « tourisme rouge » aux accents patriotiques. Ces mots nouveaux résonnent comme autant d’espoirs d’expériences inédites qui inscrivent les acteurs sociaux dans le « monde (ré)enchanté » du tourisme, lieu d’une expérience de la modernité partagée à l’échelle universelle.

– Organisation
Béatrice DAVID, anthropologue, maître de conférences au département de sociologie (UFR HSLG) de l’Université Paris-8, chercheuse associée au Centre d’Etudes sur la Chine Moderne et Contemporaine (CECMC)

– Contact
bdavid@univ-paris8.fr

Le «jeune de banlieue» n’existe pas

Fabien Truong, professeur agrégé au département de sociologie de l’université Paris 8, signe aujourd’hui une tribune dans le quotidien Libération :
Le «jeune de banlieue» n’existe pas :

En octobre 2005, il y a juste cinq ans, éclataient les émeutes urbaines, perçues à juste titre comme le cri de révolte et de désespoir de la jeunesse reléguée et stigmatisée des quartiers populaires périphériques. Et cela fait cinq ans que l’on croit tout savoir sur le jeune de banlieue. On a tout lu, tout vu, tout entendu. Il a été analysé, observé, filmé, croqué, interviewé jusqu’à satiété. La couverture médiatique a été à la mesure de l’ampleur du soulèvement juvénile et, finalement, à son image : massive et inaudible. Massive : 1 260 000 résultats en 0,41 seconde pour l’occurrence « jeune de banlieue » sur Google.fr. Inaudible, car catégoriser la jeunesse de ces quartiers sous cette seule appellation d’origine contrôlée n’a pour seul effet que de renforcer le pouvoir simplificateur et rassurant du stéréotype.

A travers mon expérience de « prof de banlieue » au lycée – encore un autre stéréotype – je n’ai jamais rencontré le jeune de banlieue dont on me parle tant. Par contre, j’ai travaillé à Drancy, à Saint-Denis, à Stains et à Aubervilliers avec Aminata, Boris, Clarissa, Daniela, Elena, Fatiha, Gil, Hicham, Ikhlef, Jamila, Kevin, Larissa, Mansour, Nawelle, Ophélie, Pedro, Quin Yuan, Rajan, Sekou, Tatiana, Umit, Vinelson, Walid, Xiang, Yamina, Zohair et bien d’autres. (…)
Lien vers la tribune

La montée du déclassement

Camille Peugny, maître de conférences au département de sociologie de l’université Paris 8, vient de diriger un numéro de la revue Problèmes politiques et sociaux publiée par la Documentation française.
Voici comment Camille Peugny présente ce numéro sur son blog :

Dans un numéro de Problèmes politiques et sociaux que je viens de réaliser pour la Documentation française, jâ??ai tenté de faire le point sur tous les débats en rassemblant des textes publiés par des sociologues et économistes depuis le début des années 2000. Comment expliquer que trente ans après les débats autour de â??la fin des classes socialesâ?? et de la â??moyennisationâ??, la dynamique de la société se soit à ce point inversée que lâ??on débat désormais autour des notions de déclassement ou de déstabilisation?

La â??grande transformationâ?? du capitalisme dans les années 1970, pour reprendre une expression célèbre des sciences sociales utilisée plus récemment par Robert Castel, constitue la toile de fond explicative de ce dossier. Montée et persistance du chômage de masse, précarisation du monde du travail, profonde transformation des manières de produire et dâ??échanger, tout ceci contribue à largement détériorer les â??chances de vieâ?? des individus et des groupes sociaux.
Pour en savoir plus…

La réforme des retraites : un recul pour les femmes

La réforme des retraites : un recul pour les femmes
Coline Cardi, MCF, Paris 8.

Ce n’est pas en tant que spécialiste des retraites que j’interviendrai ici : si j’ai pu travailler dans le cadre de mes recherches sur les rapports sociaux de sexe et sur la dimension genrée de l’Etat social, la question des retraites n’est pas au cœur de mes travaux. Ce texte est donc le résultat d’une synthèse de la lecture de différents articles scientifiques et militants que je me permets de reprendre à mon compte en tant qu’ils offrent une entrée par le genre, et en particulier par la situation des femmes, dans le débat actuel sur la réforme des retraites.
A ce propos, il convient avant tout de souligner combien le sort fait aux femmes retraitées, et plus généralement la dimension sexuée et genrée du système français des retraites, reste un impensé, tant des travaux scientifiques que des débats publics. Certes, on a vu paraître ces derniers mois quelques articles mais, jusque là, le sujet a été largement ignoré. « On a constaté qu’il n’existe pas de réel débat public en France sur les droits propres des femmes en matière de retraites et que peu d’études et de recherches abordent cette question » (Kerschen, 2002). Pour exemple, le premier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de 2001, qui avait pour objectif de mettre à jour un certain nombre de sujets « qui lui paraissent essentiels pour poser le socle des réformes à venir », ignore la question des femmes, constatent Carole Bonnet et Christel Colin (2003).
La question est pourtant fondamentale, tant d’un point de vue politique qu’économique, au moins à deux égards. D’une part parce que les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail salarié : à l’heure actuelle, un actif sur deux (47%) est une femme, si bien qu’on ne peut parler des travailleurs sans évoquer le sort des travailleuses. D’autre part, parce que notre système de protection sociale a été historiquement construit sur le modèle de « Monsieur Gagne-pain » : il repose sur une conception familialiste et andro-centré, qui tend à reproduire une conception traditionnelle des rôles de sexe (Gautier, Heinen, 1993, Jenson, 1997, Revillard, 2007). Ce modèle est particulièrement perceptible en ce qui concerne nos retraites, le régime français ayant été pensé en référence à un homme pourvoyeur, bénéficiant au moment de la retraite de droits directs, et une femme au foyer, bénéficiaire à la retraite de droits « indirects », droits ouverts par le statut d’ « épouse de » (Lanquetin, 2003, Brocas, 2004). Or, le contexte économique n’est plus celui du lendemain de la seconde guerre mondiale : le plein emploi n’est plus de mise et les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail. Pour autant, la réforme qui vient d’être votée permet-elle une plus grande égalité entre les hommes et les femmes en matière de retraites ? Nous verrons que cette réforme constitue au contraire un recul : non seulement elle ne traite pas la question des inégalités hommes-femmes, mais elle contribue même à les renforcer, comme elle renforce les inégalités entre femmes, selon leur appartenance de classe.

1. La retraite : une situation marquée par de fortes inégalités entre les sexes

La réforme aggrave une situation déjà très fortement inégalitaire. Même si les écarts se réduisent en partie, les inégalités hommes-femmes en matière de retraites demeurent très importantes, contrairement à ce qu’affirme souvent le gouvernement. Ces inégalités se lisent au travers de trois constats statistiques qu’ils convient de rappeler. Ici distingués, ils sont en fait étroitement liés.
Tout d’abord des femmes perçoivent des retraites de beaucoup inférieures à celles perçues par les hommes. En 2004, les pensions dites « de droit direct », (c’est-à-dire celles acquises en contrepartie d’une activité professionnelle tout au long de la vie), n’atteint que 45% de celle des hommes, soit une retraite de 55% inférieure à celle des hommes. Même en ajoutant les « droits dérivés » (pensions de réversion qui correspondent aux dispositifs conjugaux et familiaux dont elles peuvent bénéficier), on constate, certes, une réduction des écarts, mais cette réduction est très faible puisque la retraite des femmes reste inférieure de 48% à celle des hommes. Concrètement, aujourd’hui, alors qu’en moyenne les hommes perçoivent une retraite de 1455 euros par mois, les femmes, elles, perçoivent en moyenne 822 euros mensuels. Ainsi, contrairement à ce que peut avancer le gouvernement, les dispositifs de solidarité dont peuvent bénéficier les femmes, notamment ceux qui compensent l’impact des enfants, ne suffisent pas, et de loin, à réduire les inégalités hommes-femmes devant la retraite.
Deuxièmement, et parce que les femmes touchent des pensions bien plus faibles que les hommes, ce sont aussi elles qui sont le plus touchées par la précarité au moment de la retraite : 4 femmes retraitées sur 10 perçoivent moins de 600 euros par mois, contre un homme retraité sur 10. La Commission européenne attirait elle-même l’attention sur un risque de pauvreté plus important pour les femmes, ce qui se vérifie tout au long de la vie, en particulier au moment de la retraite. Ajoutons à cela la situation assez dramatique de toutes celles, femmes d’artisans ou de paysans par exemple, qui n’ont jamais été déclarées et qui ne touchent donc aucune pension de droit direct, alors qu’elles ont travaillé leur vie durant.
Enfin, troisième point, les femmes sont moins nombreuses à partir à la retraite avec un taux plein. Du fait de carrières souvent interrompues, souvent à temps partiel, elles ont beaucoup moins de trimestres validés que les hommes, contrairement à ce qu’affirmait Eric Woerth lorsqu’il déclarait lors de la présentation du projet de loi en juin dernier qu’« aujourd’hui les femmes ont autant de trimestres validés que les hommes ». Les rapports du Conseil d’Orientation des retraites disent des choses très différentes : certes, les écarts entre les durées validées par les hommes et les femmes se réduisent, mais pour autant, les femmes parties à la retraite en 2004, avaient 20 trimestres de moins que les hommes, soit 5 annuités de moins. Sachant que 5 annuités manquantes entraînent une décote de 25%. Dans ce contexte, on comprend aussi que les femmes attendent souvent leurs 65 ans pour partir à la retraite et bénéficier d’un taux plein.
En ce qui concerne l’avenir, le gouvernement se montre très confiant : l’entrée massive des femmes sur le marché du travail contribuerait à réduire les inégalités. A en croire Eric Woerth encore, « les femmes nées dans les années 1960, lorsqu’elles prendront leurs retraites, auront 15 trimestres de plus que les hommes (débat à l’assemblée nationale, 9 sept 2010), et le Ministre de s’en référer au rapport du Conseil d’orientation sur les retraites. Or, que peut-on lire dans ce rapport ? D’abord que l’écart serait beaucoup moins grand que celui annoncé : le rapport parle de 5 trimestres pour celles nées en 1980 et qui partiront à la retraite fin 2040. Non seulement l’écart est plus faible qu’annoncé, mais on peut aussi se demander ce qu’il adviendra de toutes celles qui partiront à la retraite d’ici cette date.
Pour être plus précise, les études montrent qu’avec l’augmentation du taux d’activité des femmes et la réduction des différences de rémunération liées à la hausse des qualifications féminines, il y aura sans doute une réduction des écarts de retraite, sans pour autant qu’on arrive à l’égalité (Bonnet, Colin, 2003). Les projections de l’INSEE, sous l’hypothèse d’une poursuite de la hausse du taux d’activité des femmes, tablent que pour les femmes nées entre 1965 et 1974, les pensions seraient encore inférieures de 32% à celles des hommes. Pour ces mêmes générations, seules 33% des femmes liquideraient leurs droits à la retraite, soit une proportion identique à celle de leurs ainées (Bonnet, Buffeteau, Godefroy, 2006).
De plus, les chiffres cités par le gouvernement restent à prendre avec une extrême prudence, c’est ce que rappelait Nicolas Castel, c’est aussi ce que précise le dernier rapport du COR : « Ces estimations doivent néanmoins être interprétées avec prudence, du fait des limites inhérentes aux projections ». Prudence d’autant plus importante que les inégalités hommes-femmes sur le marché de l’emploi demeurent très importantes (Maruani, 2000, Gadrey, 2001, Marry, Maruani, 2003). Il y a des éléments structurels à cette situation, qui sont autant de facteurs qui risquent de venir contrecarrer cette évolution présentée comme « positive » par le gouvernement et auxquels la réforme ne remédie en rien. Ces inégalités tiennent à la fois à la division sexuelle du travail domestique et éducatif (encore très largement dévolu aux femmes) et aux discriminations dont les femmes sont victimes sur le marché du travail.

2. Le moment de la retraite : un miroir des inégalités sexuées au travail

Les inégalités hommes-femmes face à la retraite sont en effet le résultat, le miroir grossissant des inégalités persistantes sur le marché du travail (Bereni et al, 2008).
D’une part, l’accès à l’emploi reste très inégalitaire, ce qui n’est pas sans conséquence sur les retraites. Les modalités d’insertion des hommes et des femmes sur le marché du travail restent, malgré la féminisation du marché du travail, très différenciées, les femmes étant les plus touchées par la précarité de l’emploi. Elles sont d’abord les plus concernées par le temps partiel, qui, dans toute l’Union Européenne, a pour caractéristique première et pour constante d’être avant tout féminin. Ainsi, en 2006, au niveau européen, 31,2% des femmes salariées travaillaient à temps partiel, contre 7,7% des hommes en emploi. En France, en 1998 par exemple, parmi les 3,9 millions de travailleurs à temps partiel, 82% étaient des femmes. Contrairement à une idée reçue, le temps partiel est rarement le résultat d’un choix pris par les femmes pour des raisons familiales : il s’agit plutôt d’un temps partiel imposé ou choisi « faute de mieux ». Notons qu’il concerne d’ailleurs davantage les femmes de moins de 25 ans et celles de plus de 59 ans, celles qui, justement, ne sont pas les plus touchées par les charges de famille. A cela s’ajoute que les femmes sont aussi plus nombreuses parmi les stagiaires et les contrats aidés, ainsi que parmi les contrats à durée indéterminée. Surtout, les femmes sont plus touchées par le chômage et l’inactivité. En France en 2006, le taux de chômage était de 8,1% pour les hommes et de 9,6% pour les femmes. Ces aléas de carrière ne sont évidemment pas sans impact sur les droits à la retraite acquis.
D’autre part, les hommes et femmes n’occupent pas les mêmes postes et les mêmes conditions de travail. L’indice emblématique de ces inégalités concerne les salaires. En France, le salaire moyen des femmes représente entre 75% et 85% de celui des hommes et ce chiffre se retrouve dans l’ensemble de l’UE. Si cette inégalité reflète en partie les inégalités dans l’accès à l’emploi (fréquence du temps partiel), elle ne suffit pas à expliciter ces différences de salaires : en France, chez les salariés à temps complet, le salaire mensuel des femmes représente 79% de celui des hommes. En outre, le marché du travail reste nettement segmenté : hommes et femmes ne sont pas à travail égal. Ils n’occupent pas les mêmes métiers, les métiers féminins (les secteurs de l’éducation, de la santé et du social, à 75% féminisés) étant globalement défavorisés, considérés comme peu prestigieux. Et cette ségrégation horizontale se double d’une ségrégation verticale : sauf pour la catégorie des ouvriers, les femmes sont de moins en moins nombreuses au fur et à mesure qu’on progresse dans l’échelle des métiers. Elles sont ainsi minoritaires dans les métiers et postes les plus valorisés socialement et/ou financièrement. Alors qu’on compte, parmi les employés, 76,6% de femmes, seuls 36% des cadres et professions intellectuelles supérieures sont des femmes, et 16,6% des chefs d’entreprise de 10 salariés et plus. Enfin, soumises au « plafond de verre » (Marry, 2008), les femmes sont peu nombreuses à accéder aux postes les plus prestigieux. Pour exemple, dans l’enseignement supérieur, elles représentent 38,5% des maîtres de conférences contre 16% des professeurs.
L’ensemble de ces constats montre que les inégalités professionnelles se prolongent tout au long de la carrière ; la retraite est l’illustration et le miroir grossissant de ces inégalités.

3. Les effets des réformes et les solutions alternatives

On comprend que dans ce contexte, la réforme, qui ne s’attaque pas aux causes en amont des inégalités hommes/femmes devant la retraite, ne réduit en rien les écarts face à la retraite. Seule concession faite par le gouvernement : il prévoit la prise en compte des indemnités journalières du congé maternité dans le calcul de la retraite. On a là une mesure compensatoire juste, mais qui ne concerne en fait que 16 ou 32 semaines sur plus de 2000 semaines d’activité au total. Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, on n’a pas là de quoi réduire les écarts énormes entre hommes et femmes, et sont remis en cause puisque ces dispositifs ont déjà été réduits par la réforme de 2003 et en 2009. On pourrait même souligner que ces droits dérivés posent problème en termes d’égalité à la citoyenneté : c’est en tant que mère ou en tant que « épouse de », et non en tant qu’individus automnes que les femmes perçoivent ces droits dérivés (sur ce point, voir notamment les débats sur l’Allocation parentale d’éducation – APE –, qui a contribué à naturaliser les rôles de sexe et à limité l’accès des femmes à l’activité salariée).
Non seulement cette réforme ne résout pas le problème, mais elle le creuse. « Dans un système comme le système français, dans lequel les pensions de retraites sont étroitement liées à la carrière professionnelle, les réformes consistant à renforcer ce lien avec le marché du travail (reflétant la volonté de rendre le système plus « contributif ») conduisent en général à désavantager les femmes » (Carole Bonnet et Christel Colin, 2003). C’est ce qu’on voit clairement à travers cette réforme : en allongeant la durée de cotisation, le rapport du COR souligne explicitement que les décalages de la date de départ en retraite seraient plus importants chez les femmes que chez les hommes, témoignant de la pénalisation particulière des femmes en cas de report des bornes d’âge.
On peut alors se demander quelles solutions alternatives envisager. A ce propos, ATTAC et la Fondation Copernic, en se basant sur des analyses scientifiques, font un certain nombre de propositions que je reprends ici (Attac, Fondation Copernic, 2010).
A court terme, ils proposent :
– Une revalorisation du minimum contributif au niveau du Smic (pas de retraite inférieure au Smic pour une carrière complète) ;
– Une revalorisation des droits sociaux attribués sur une base individuelle et droits sociaux non familialisés avec, notamment, la revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ;
– Une répartition plus juste des bonifications pour enfants ;
– Dans l’objectif d’un retour aux 10 meilleures années pour le calcul du salaire de référence du régime général, proratisation du nombre de ces meilleures années en fonction du nombre total d’années d’activités. Pour les femmes ayant des courtes carrières, la règle des 25 dernières années a en effet un impact désastreux.
– Prise en compte des indemnités journalières de maternité dans le calcul du salaire annuel moyen. Actuellement, les périodes de congé maternité ouvrent droit à la validation de trimestres, mais nâ??entrent pas dans le calcul de la pension.
A plus long terme, il convient de sâ??attaquer, on lâ??aura compris, aux inégalités en amont. Cela suppose de prendre des mesures qui permettent dâ??améliorer le taux dâ??activité (qualifiée) des femmes et de réduire le temps partiel imposé ou « faute de mieux » : développement de services publics dâ??accueil de la petite enfance et dâ??aide aux personnes âgées (avec pour corollaire une revalorisation des salaires et une reconnaissance des qualifications nécessaires pour ces métiers traditionnellement féminins) ; majoration du taux de cotisation des employeurs qui imposent le temps partiel ; abandon de toute mesure du type APE remplacée par une mesure égalitaire de congé parental. En ce qui concerne les salaires, un rattrapage des salaires de femmes sâ??impose, à la fois à titre politique mais aussi à titre économique : les inégalités qui pénalisent les salaires des femmes sont autant de manque à gagner pour les ressources en cotisation. Dans un rapport de 2009, la Commission Européenne allait dâ??ailleurs en ce sens, mettant en avant une étude scientifique qui « montre que lâ??élimination des disparités entre les femmes et les hommes dans le domaine de lâ??emploi pourrait entraîner une croissance du PIB de lâ??ordre de 15 à 45% selon les pays ».
Enfin, lâ??entrée par le genre dans le débat sur les retraites amène à repenser la question du lien, si fort en France, entre activité salariée et pensions, dans un contexte où, on le sait, lâ??activité et le travail des femmes ne se limite pas à lâ??emploi quâ??elles occupent.

Quelques repères bibliographiques
« Retraites : une réforme qui lèse les femmes », Le Monde, 8 octobre 2010.
ATTAC, Fondation Copernic, 2010, Retraites, lâ??heure de vérité, Paris, Editions Syllepse. Voir notamment les chapitres 4 et 9.
Bereni L. et al, 2008, Introduction aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre, Bruxelles, Editions De Boek Université.
Billard M., Bousquet B, Buffet M. G., Poursinoff A., « Retraite des femmes : le mensonge comme seul argument », Le Monde, 17 septembre 2010.
Bonnet C., Buffeteau S., Godefroy P., 2006, « Disparités de retraite entre hommes et femmes : quelles évolutions au fil des générations ? », Economie et statistique, n° 398-399, pp. 131-148.
Bonnet C., Colin C., 2003, « Les retraites des femmes : situation actuelle et perspectives », Travail, genre et sociétés, Paris, La Découverte, 1, n°9.
Brocas A. M., 2004, « Les femmes et la retraite en France : un aperçu historique », Retraite et société, La découverte, 3, n°43, pp. 11-33.
Conciali Pierre, 2003, « Les retraites : quel avenir pour les femmes ? », Travail, genre et sociétés, Paris, La Découverte, 1, n°9.
Gadrey N., 2001, Travail et genre : approches croisées, Paris, Ed. L’Harmattan.
Gautier A. Heinen J (dirs.), 1993, Le sexe des politiques sociales, Paris, Côté femmes.
Kerschen N., 2002, « La sécurité financière des femmes pendant la vieillesse : politique des retraites et réforme de lâ??assurance vieillesse en Allemagne et en France », Retraites et société, n°37, pp. 256-263.
Lanquetin M.T., 2003, « Femmes et retraites », Travail, genre et sociétés, 1, n°9, pp. 234-239.
Marry C. et Maruani M., 2003, Le travail du genre, Les sciences sociales du travail à l’épreuve des différences de sexe, Paris, La découverte-Mage, 2003.
Marry C., 2008, « Le plafond de verre dans le monde académique : l’exemple de la biologie », Idées, la revue des sciences économiques et sociales, CNDP, n°153, Paris, p. 36-47.
Maruani M., 2000, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte.
â??Réforme des retraites : un recul pour les femmesâ??, Mediapart, 18 juin 2010: http://www.mediapart.fr/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/180610/reforme-des-retraites-un-recul-pour-les-femmes.
â??Retraite des femmes : le mensonge comme seul argumentâ??, Le Monde, 17 octobre 2010.
Revillard A., 2007, « La cause des femmes dans lâ??Etat : une comparaison France-Québec (1965-2007) », thèse de doctorat, Ecole Normale Supérieure de Cachan.
Les différents rapports du COR peuvent être consultés à cette adresse : http://www.cor-retraites.fr/index.php

Coline Cardi dans Sud Ouest

Coline Cardi, maîtresse de conférences au département de sociologie de l’université Paris 8, était interviewée dans Sud Ouest dimanche 31 octobre :

L’ENTRETIEN DU DIMANCHE
La violence au féminin. PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE TILLINAC

« Sud Ouest Dimanche ». Le rapport de l’Observatoire national de la délinquance met l’accent sur une augmentation de la délinquance chez les filles mineures. Notamment pour les violences aux personnes. Se comportent-elles vraiment de plus en plus comme des garçons ?

Coline Cardi. La publication de ce rapport a donné lieu à de nombreux commentaires sur l’« explosion » de la délinquance féminine. Alain Bauer, qui préside le conseil d’orientation de l’Observatoire, a cité le chiffre d’une augmentation de 133 %.

Ce qui est effectivement important…

Mais toutes ces données sont en fait à relativiser. Nous sommes sur une durée assez longue puisque la période de référence est 1996. Cette année-là, on recensait 15 000 adolescentes mises en cause. En 2009, on en compte 30 000. Nous restons donc sur des chiffres très faibles comparés aux 180 000 garçons aujourd’hui impliqués dans des faits de délinquance.

Le phénomène serait donc en réalité plutôt marginal ?

Il est important de rappeler la relative faiblesse de ces chiffres, non seulement parce qu’on voit bien que le phénomène reste marginal, mais aussi parce que lorsqu’on travaille sur de si petits nombres, une légère augmentation conduit forcément à faire augmenter très nettement les pourcentages. Si bien que le chiffre de + 133 % n’a finalement pas grand sens, et encore moins sur une longue période. Surtout, les chiffres cités dans le rapport ne parlent pas tant de délinquance que du nombre de personnes mises en cause par la police et la gendarmerie.

Ces statistiques traduisent donc plus l’activité des services de police et de gendarmerie que la réalité de la délinquance.

Comment faut-il les analyser ?

Ces chiffres conduisent plutôt à faire l’hypothèse d’une modification du contrôle policier à l’égard des filles. Un retour par l’histoire est aussi nécessaire. Si l’on en croit ces statistiques, on peut aussi en conclure que jamais les femmes n’ont été aussi peu violentes.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les femmes majeures ont représenté jusqu’à 30 % des personnes emprisonnées. Aujourd’hui, elles sont 3,4 %. Pour toutes ces raisons, je pense que l’idée d’une augmentation de la violence des filles doit largement être relativisée.

Peut-on tout de même y voir la conséquence de l’égalisation des modes de vie entre les hommes et les femmes ?

On s’est déjà posé la question, notamment dans les années 70 aux États-Unis. On pensait que si les femmes vivaient comme des hommes, elles finiraient par commettre autant d’infractions qu’eux. Ce mouvement n’a jamais été constaté. Au contraire, les chiffres restent très stables.

La vraie question, c’est : quel sort fait-on à cette violence des filles ? Je pense qu’à partir du moment où une fille devient violente comme un garçon, elle sera davantage réprimée ou surveillée. D’abord, parce qu’elle fait preuve de violence dans une société qui le tolère de moins en moins. Ensuite, parce qu’elle est une fille et qu’une femme violente dérange.

Les commentaires sur les chiffres du rapport de l’Observatoire prouvent en effet que la délinquance féminine a quelque chose de scandaleux…

Quand une fille est là où on ne l’attend pas, et notamment dans les chiffres de la police et de la gendarmerie, les stéréotypes de genre font que l’on est plus choqué que lorsqu’un garçon se retrouve dans la même situation.

Il n’y a qu’à voir la façon dont elles sont traitées dans les médias. En règle générale, on en fait des monstres. On met en avant leur cruauté, leur perversité. On développe toute une mise en scène pour montrer à quel point elles sortent du rôle qu’on attend d’elles.

La violence des hommes est-elle mieux acceptée ?

D’une certaine façon, elle dérange moins l’ordre social dans la mesure où elle est attendue, normale, d’un point de vue statistique.

Je pense aussi que l’on fait, à l’heure actuelle, un autre usage de la violence des filles. Brandir l’argument des filles, c’est une façon de renforcer l’idée qu’il faut réprimer davantage la violence en général et celle des jeunes en particulier. On peut aussi y voir un antiféminisme latent. Il est tout de même étrange de penser que l’égalisation des sexes donne la possibilité aux filles d’avoir accès à l’usage de la violence et de ne pas vouloir penser en revanche que cette égalisation pourrait inciter les garçons à intégrer des valeurs plus féminines.

Quelle est la réalité de ce que l’on appelle les bandes de filles ?

À ma connaissance, elles n’existent pas vraiment. Si elles se créent, c’est de façon très souple et temporaire. Dans les bandes des années 80, elles avaient un rôle spécifique. Elles ne participaient pas aux actes violents. Elles tenaient plutôt les sacs des garçons, si l’on peut dire.

Mais la France, finalement, connaît assez mal le phénomène de la violence féminine.

Comment expliquer cette absence de curiosité ?

Il y a plusieurs raisons. La première tient à la sous-représentation statistique des filles dans les phénomènes constatés de délinquance, qui fait que la question du sexe du contrôle social est restée impensée, alors même qu’elle est criante, les chiffres en témoignent.

Ce silence vient aussi du côté des féministes. Aujourd’hui, on peut poser la question. Dans les années 70, l’urgence était plutôt de dénoncer les violences faites aux femmes. Ce n’était pas le moment de s’interroger sur la violence des femmes, qui reste un phénomène marginal même s’il est constant.

Mais, contrairement à tout ce que l’on dit, la délinquance des filles est finalement assez comparable à celle des garçons. Au niveau des majeures, comme les hommes, un tiers des femmes en prison y sont pour des vols.

La prise en charge sociale est-elle la même pour les femmes et pour les hommes ?

Il faut distinguer les mineures et les majeures. Chez les mineures, même en cas d’infraction, l’ouverture d’un dossier au pénal n’est pas systématique. On ouvre plutôt un dossier en assistance éducative. On ramène en effet très vite les actes de délinquance à un mal-être d’ordre psychique ou familial. Compte tenu des transformations de la justice des mineurs, cela est toutefois en train d’évoluer.

Chez les majeures, c’est la maternité qui fait la différence. La justice pénale fait preuve d’une certaine indulgence pour les délinquantes qui ont des enfants. Elle prononcera moins facilement une incarcération que pour une femme sans enfants. Cela conduit à des différences de traitement entre hommes et femmes, mais aussi entre les femmes.