La soutenance aura lieu le samedi 22 novembre à partir de 14 heures dans la salle des thèses de l’espace Gilles Deleuze (bâtiment A) de l’Université Paris 8 (ligne 13, station Saint-Denis Université).
Vous trouverez les moyens d’accès à l’Université Paris 8 en consultant ce lien.
Membres du jury :
— Monsieur Joël Cornette, Professeur, Université Paris 8.
— Madame Annie Duprat, Professeur émérite, Université de Cergy-Pontoise.
— Monsieur Charles-Édouard Levillain, Professeur, Université Paris VII Paris-Diderot.
— Monsieur Yann Lignereux, Professeur, Université de Nantes.
— Monsieur François-Joseph Ruggiu, Professeur, Université Paris IV, Paris-Sorbonne
Résumé :
La thèse s’attache à analyser l’image noire de Louis XIV dans l’iconographie de trois puissances européennes : la France, les Provinces-Unies et l’Angleterre. Le corpus rassemble plusieurs centaines de sources variées, souvent inédites : estampes, médailles, ou bien encore cartes à jouer, confectionnées à la fin du Grand Siècle, au moment où le pouvoir absolutiste de Louis XIV suscite de multiples mécontentements.
Cette imagerie critique et satirique forme le cœur de notre réflexion. Dans un premier temps, nous nous proposons d’examiner la genèse de cet imaginaire. Il s’agit d’appréhender les différents éléments favorisant l’émergence de salves graphiques. Le climat culturel dans lequel évoluent les contemporains et la place de l’image, plus spécifiquement politique, dans les sociétés modernes, apparaissent comme des éléments essentiels à la perception du cadre où se développe le discours critique. L’Europe des années 1660 est déjà coutumière des portraits princiers laudatifs comme dépréciatifs et le soin tout particulier porté à ce que l’on peut appeler la « communication » de Louis XIV n’impressionne pas par son caractère novateur, mais par son ampleur. C’est dans un tel contexte qu’émerge toute une série de créations artistiques disqualifiant le monarque français et dont les créateurs cherchent bien souvent à rester dans l’ombre. En déjouant les pièges d’une matière évanescente, car insoumise et parfois illicite, se dessinent les contours d’une armée de détracteurs au service de commanditaires restés en arrière-plan. On constate alors qu’à côté de productions épisodiques anglaises et françaises, les Néerlandais apparaissent comme les maîtres de la satire graphique et dominent le genre pendant toute la première moitié du XVIIIe siècle. De là où se conçoivent les attaques, le regard doit se déplacer vers les terres où les coups se portent. La géographie des régions frappées par ces campagnes satiriques permet de prendre la mesure de leur portée et de distinguer les retombées de ces attaques en fonction de l’attitude des pouvoirs en place. On s’aperçoit alors que l’intégralité de l’Europe occidentale est touchée par cette vague de contestations et que même le pouvoir royal français, pourtant doté d’un appareil censorial très strict, ne peut endiguer la pénétration de cette iconographie au sein du royaume.
Vient ensuite l’examen des œuvres et des messages qu’elles délivrent afin de percevoir la conception de l’ennemi diffusée par cette iconographie. Une perspective diachronique permet d’observer l’évolution des griefs lancés au souverain et de montrer le rapport intime que les sources entretiennent avec l’actualité. L’entrée en lice, en 1667, des divers adversaires de Louis XIV fait naître la figure d’un prince maléfique et rempli de vices, d’un ogre diabolique qui inspire la peur, mais aussi le rire. Louis le Grand revêt dans ce cas les masques les plus horribles : celui de l’agresseur sans pitié et du monarque universel, du nouvel Antéchrist et de l’ami des Turcs, du tyran sanguinaire et du fou dépravé… Le discours, qui se veut fédérateur en transformant le Bourbon en hostis publicus, finit pourtant par devenir inopérant. Entre 1701 et 1713, on assiste, en effet, à la dislocation progressive du mécanisme dépréciatif en usage depuis presque quarante ans. L’entente éphémère qu’Anglais, Hollandais et Huguenots avaient construite autour d’un adversaire commun en vient à se déliter, car les intérêts des deux puissances maritimes ne convergent plus. Dès lors, l’image noire de Louis XIV se fait beaucoup plus rare.
Pour finir, l’analyse s’intéresse à la rhétorique employée par les détracteurs afin de convaincre le public visé. La connaissance aiguë de l’actualité et de ce qui se dit sur celle-ci, la maîtrise parfaite de l’iconologie et l’usage de pointes humoristiques se combinent pour que la morsure infligée soit la plus douloureuse possible. Même si les satiristes apparaissent comme de grands imitateurs des panégyristes, des pamphlétaires ou d’autres iconographes irrévérencieux, la partie créative de leur travail réside dans la réalisation d’une composition dépréciative adaptée à l’actualité et répliquant aux œuvres émanant des Académies. Il appert, en effet, qu’un des objectifs de cette iconographie est de répliquer aux thuriféraires du Grand Roi afin de l’affaiblir politiquement. Une autre visée consiste à agiter les spectres du monarque universel et du papiste fanatique pour permettre aux gouvernants étrangers de justifier la politique qu’ils entendent mener. Cependant, il faut se garder de conclure à la puissance suprême de cet imaginaire, car les rapports que les contemporains entretiennent avec ses images dans leur vie quotidienne se révèlent assez pragmatiques. Nombreux sont ceux qui les collectionnent ou qui s’amusent à les commenter. Rares sont ceux qui ne prennent pas conscience du caractère provocateur et outrancier de ces représentations.
Élaborées au moment où émerge le pouvoir de la presse et relayées par des pamphlets et des chansons subversives, ces créations constituent des réponses piquantes au déferlement d’images célébrant la gloire du Bourbon et témoignent d’une politisation de plus en plus accrue des Européens entre la fin du Grand Siècle et l’aube des Lumières.