EA 1571

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Axes de recherche

jeudi 4 avril 2013

Lors du dernier contrat quinquennal débuté en 2013, les axes de recherche de notre unité ont été définis comme suit :

Deux axes de recherche principaux :

  • I. Histoire du politique et des pouvoirs
    • A. Espaces des pouvoirs, théâtres des pouvoirs
      B. Ressorts et modalités du politique
      C. Le Genre en Histoire

  • II. Savoirs et sociétés
    • A. Histoire des sciences et des techniques
      B. Histoire intellectuelle
      C. Circulation des personnes et des cultures

    Un axe, transversal et prospectif : les usages politiques du passé


    I. Histoire du politique et des pouvoirs (B. Le Guen, A.-M. Helvétius, J. Cornette, Y. Ripa)

    L’axe a redéfini ses thèmes de recherches en fonction des rapprochements opérés lors du dernier contrat et des recrutements de nouveaux collègues. Ainsi, il apparaît que les recherches de B. Le Guen sur le théâtre antique gagnent à être regroupées avec celles du thème « espaces des pouvoirs » dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la question des représentations du pouvoir – textuelles, iconographiques, gestuelles et symboliques – et de leur mise en œuvre au sein d’espaces bien définis. Le nouvel intitulé « espaces des pouvoirs, théâtres des pouvoirs » rend compte de ce rapprochement. Le deuxième thème s’inscrit dans le prolongement des travaux sur les « bases multiples du politique », même si sa responsabilité est confiée à M.-A. Matard-Bonucci depuis l’élection de D. Tartakowsky à la présidence de l’Université. Il s’intitulera désormais « Ressorts et modalités du politique ». Enfin, l’unité a choisi de créer un troisième thème sur « Le genre en histoire » afin de donner une meilleure visibilité aux travaux des chercheurs de l’unité qui s’impliquent depuis longtemps dans ce domaine.

    A. Espaces des pouvoirs, théâtres des pouvoirs (B. Le Guen, J. Cornette)
    Dans le cadre du GDR 3279 THEATHRE (Théâtre antique : textes, histoire, réception), qu’elle dirige depuis 2009, et du séminaire qu’elle anime, B. Le Guen poursuit ses recherches sur la question de la mise en scène du pouvoir et des rapports du pouvoir avec les gens de théâtre. À l’agenda du GDR figure la poursuite de collaborations internationales portant sur la traduction des fragments du théâtre hellénistique (seul un travail de ce genre permettra d’apprécier à terme le caractère « politique » de la production), mais aussi l’élaboration d’un recueil de sources commentées (en version originale et en traduction), permettant d’appréhender toute l’histoire du théâtre antique. Plus généralement, la réflexion de B. Le Guen sur l’espace théâtral comme espace politique et sur la manière dont les concours dramatiques (y compris dans leur dimension sacrée) ont pu être utilisés comme instruments idéologiques par les souverains hellénistiques mobilisent bon nombre de questionnements communs avec les travaux de A.-M. Helvétius pour le Moyen Âge et de J. Cornette pour l’époque moderne, notamment dans le cadre du séminaire d’histoire médiévale et moderne et du programme sur l’abbaye de Saint-Denis. Ce rapprochement se concrétisera au cours du prochain contrat et prendra la forme de journées d’études communes, mais aussi d’entreprises éditoriales.
    En histoire médiévale, A.-M. Helvétius poursuivra ses travaux sur l’histoire des monastères envisagés comme espaces de pouvoir, d’une part comme producteurs de textes (notamment hagiographiques) et d’autre part comme institutions en construction, ce qui débouche sur une réflexion comparative sur les normes, les règles et les processus d’institutionnalisation de la vie communautaire. Elle prépare la publication des actes du colloque « Écrire pour saint Denis » en partenariat avec l’École des Chartes. Cette recherche devrait se poursuivre dans le cadre d’un programme international dont l’objectif sera l’étude comparative du développement institutionnel et de la production écrite de lieux de culte du même type, basiliques martyriales et/ou monastères, ayant joué un rôle précoce dans les politiques royales. Les espaces du pouvoir sont également au cœur des recherches de M. Gravel, qui prépare un projet international avec Jennifer R. Davis (Catholic University of America) portant sur la communication politique à l’époque carolingienne. Ce projet doit déboucher sur un ouvrage collectif dans le courant de l’année académique 2014-2015.
    En histoire moderne, J. Cornette et ses doctorants poursuivront leurs travaux sur l’histoire de l’État royal, de ses lieux de pouvoir et de ses représentations. Par ailleurs, il faut insister sur le fait que l’importante activité éditoriale réalisée par J. Cornette contribue à renforcer la visibilité des membres de l’unité et de leurs doctorants. Dans ce domaine, d’importants projets en cours ne peuvent être ici détaillés, mais s’inscriront dans la continuité des travaux précédents.
    Un autre volet des recherches sur les espaces des pouvoirs porte sur la ville et l’espace urbain dans leur dimension sociale et politique. Une partie des recherches de C. Saliou porte sur ce thème et prend la forme d’un projet international de dictionnaire topographique d’Antioche sur l’Oronte. Les recherches de Boris Bove au sein du programme ANR Alpage (cartographie géo-référencée en ligne du Paris ancien), appelé à être renouvelé, consistent à mesurer le poids de la noblesse dans le système urbain, tant du point de vue économique que social et politique. Un ouvrage consacré à ce programme sera publié aux PUV en 2013.

    B. Ressorts et modalités du politique (M.-A. Matard-Bonucci)
    Ce thème de recherche interroge le « politique » dans toutes ses dimensions, y compris économiques, sociales, culturelles et religieuses.
    D. Tartakowsky, les doctorants travaillant sous sa direction et S. Pattieu poursuivront la réflexion et les travaux qu’ils consacrent à l’histoire sociale et culturelle du politique et aux mouvements sociaux. Deux journées d’étude devraient être organisées autour des thèmes suivants :
    - les catholiques, l’espace public et la politique
    - Espace public et sphère publique.
    Dans le cadre du partenariat qui s’est noué avec le comité d’histoire de la ville de Paris, une exposition et un colloque consacré au Comité parisien de la Libération seront organisés en 2014. Un doctorant (dont la thèse devrait alors s’achever) sera le commissaire de cette exposition. Par ailleurs, S. Pattieu est à l’initiative d’un projet « France Berkeley Fund » sur « Les populations noires en France : nouvelles dimensions historiques et historiographiques ».
    M.-A. Matard-Bonucci poursuivra son programme de recherche intitulé « La discrimination dans la discrimination. « Demi-juifs » et « juifs méritants » dans les doctrines et politiques antisémites. (France, Italie. 1937-1945), qui a reçu le soutien de l’Institut universitaire de France pour la période 2012-2017. En outre, elle envisage d’engager une réflexion historique et comparative sur les écrits de prison réalisés par les prisonniers incarcérés pour des raisons politiques dans le contexte du fascisme italien. Ce projet comporte également un volet collectif sur « L’écriture carcérale, arme contre l’oppression : vers une histoire européenne », pour lequel elle envisage de proposer un projet d’ANR. En effet, les différents contextes de limitation de la démocratie en Europe (entre autoritarisme et totalitarismes) ont généré plusieurs générations de militants emprisonnés. Il s’agira d’étudier les conditions de productions de ces écrits – variables, évidemment suivant les contextes politico-culturels et les formes d’incarcération (prisons, camps, relégation, résidence surveillée) mais aussi leur postérité. La constitution d’une banque de donnée d’informations disponible sur Internet et d’une série de rencontres débouchant sur un colloque international permettrait de mobiliser plusieurs centres d’archives français et européens. Une collaboration avec la BDIC pourrait être envisagée. Ce projet associera M.-C. Bouju et les étudiants de Master du parcours « Métiers des archives ».
    Enfin, M.-A. Matard-Bonucci codirige avec Patrizia Dogliani (Bologne) un programme de recherche 2012-2016 de l’École française de Rome intitulé « L’impact des violences politiques et sociales sur la démocratie italienne », auquel sont associés plusieurs de ses doctorants. Il s’agit de considérer différentes formes de violences (politique, sociale, criminelle) dans une perspective diachronique et transversale, en se situant du point de vue de leur impact sur les processus démocratiques en Italie.

    C. Le Genre en Histoire (Y. Ripa)
    La décision de consacrer dans l’axe Histoire du politique et des pouvoirs un sous-axe au Genre en histoire a été portée par le désir de rendre davantage visible les travaux sur cette thématique qui, parce qu’ils irriguaient bien des recherches de l’unité, n’avaient pas constitué une entité propre. La vitalité des recherches en genre au sein de l’EA trouve son origine dans l’implication précoce du département d’histoire en histoire des femmes (création du deuxième poste de MC en France, ainsi fléché en 1991, puis d’un poste de PR), ainsi qu’au développement de ce domaine en liaison avec le Centre d’études féminines et du genre de l’Université Paris 8.
    L’émergence et le développement des études de genre, la volonté de les diffuser tant au niveau de la recherche scientifique (création du GIS « Institut du Genre », auquel participe l’EA), que vers l’enseignement secondaire et les acteurs sociaux, une des tâches que se donnent le RING et sa nouvelle codirection, V. Pouzol, membre de l’EA et M. Yusta (EA 1570 Laboratoire d’études romanes) justifient pleinement la création de ce sous-axe.
    Le récent recrutement de V. Pouzol, spécialiste du genre dans le conflit israélo-palestinien, est venu renforcer la recherche entreprise de longue date par Y. Ripa sur l’usage politique du genre en France et en Espagne durant l’époque contemporaine. En effet, cette dimension est nécessairement présente dans tout projet socio-politique, ainsi en est-il en matière d’éducation comme l’analyse la thèse en cours de C. Fayolle sur Les enjeux politiques de l’éducation : genre, savoir et citoyenneté (de 1789 aux années 1820) dirigée par M. Riot-Sarcey. Le genre est aussi à l’œuvre dans tout conflit : outre la répartition genrée des pouvoirs qu’il impose, tout conflit redéfinit le genre, que ce soit, ou pas, l’un des enjeux des affrontements.
    Par ailleurs, ce sous-axe entend approfondir l’étude de la dimension politique des féminismes, trop souvent réduits, au pire, à une action associative qui n’interpellerait pas les pouvoirs, au mieux à un mouvement social, marginalisé par le sexe de ses protagonistes. L’engagement des hommes, étudié par le doctorant Ph. Wolf (cotutelle/ Belgique), perturbe à bon escient l’historiographie de ces trente dernières années.
    Le développement des études sur le genre, à la fois instrument d’analyse, concept et domaine de recherches, a surligné la complexité de celui-ci et offre une invitation à réfléchir à ses usages et à ses apports. Dans cette optique, sera organisée en 2013 une journée d’études intitulée De l’utilité du genre. La réflexion intégrera la question de l’usage du concept de genre par les spécialistes des autres périodes de l’histoire


    II. Savoirs et sociétés (C. Verna)

    Le périmètre de cet axe a été redéfini en partant du constat que l’histoire des savoirs – entendus au sens large – et de leur transmission était étroitement liée à la circulation des personnes et des cultures et que ces thématiques pouvaient s’avérer complémentaires dans le cadre d’une réflexion collective. L’axe intègre donc à la fois les deux anciens thèmes (histoire des sciences et des techniques, histoire intellectuelle) et le nouveau issu de l’ancien axe (circulation des personnes et des cultures)

    A. Histoire des sciences et des techniques (C. Verna)
    L’axe Histoire des Sciences et des Techniques s’est étoffé de l’élection de deux nouveaux MCF rattachés à l’EA : M. L’Héritier, MCF en histoire médiévale [historien, archéologue et paléométallurgiste, spécialiste des chantiers de construction] et C. Erhardt, MCF en histoire des mathématiques [historienne des sciences, spécialiste d’Evariste Galois].
    Les projets pour le prochain quinquennal concrétisent le rapprochement heuristique en histoire des techniques et en histoire des sciences qui est la démarche originale qui structure notre recherche commune dans cet axe spécifique. Ils combinent l’achèvement des projets lancés au précédent quadriennal et de nouvelles perspectives.
    Les Presses Universitaires de Vincennes ont proposé à C. Verna la direction de la collection d’histoire des sciences [histoire de science], jusqu’à présent dirigée par J. Ritter. La nouvelle collection s’ouvrira également à l’histoire des techniques. Le comité éditorial de la collection sera composé d’historiens des sciences et des techniques en histoire antique, médiévale, moderne et contemporaine et pour certains membres, ou anciens membres, de l’EA [entre autres, C. Saliou, C. Verna, N. Weill Parot]. Cette collection accueillera notamment les actes de la journée d’études La mesure et ses usages dans l’Antiquité : la documentation archéologique, par C. Saliou, et les actes du colloque Science et technique au Moyen Âge. Une intersection pertinente. Hommage à Guy Beaujouan, par D. Jacquart, J. Chandelier, C. Verna et N. Weill-Parot.
    Par ailleurs, C. Verna assurera la codirection (avec L. Pérez, Université Paris VII) d’une nouvelle revue d’histoire des techniques, la revue Artefact, au comité de rédaction de laquelle participera C. Saliou.
    Un colloque international programmé en 2014 permettra de rassembler toutes les forces de l’EA dans le domaine des sciences et des techniques. Organisé par C. Verna et C. Erhardt, il sera consacré à la « biographie de techniciens et de scientifiques de l’Antiquité au XIXe siècle ». Si la démarche biographique a démontré sa portée heuristique en histoire des sciences et des techniques au cours des vingt dernières années, son retour en grâce n’est pas sans soulever un certain nombre d’interrogations : comment saisir la représentativité du savant/technicien dans son époque sans pour autant nier les spécificités de ses travaux ? Que prendre en compte comme matériau biographique, quand un homme de science/un technicien ne se réduit jamais à cet aspect de son existence ? En outre, si la « fabrique des grands hommes » constitue depuis plusieurs siècles une pratique ordinaire de l’écriture de l’histoire des sciences et des techniques, ni la question de la mémoire collective des scientifiques et des techniciens ni celle de la biographie scientifique comme objet d’histoire des sciences n’ont jusqu’ici attiré beaucoup d’attention. Ce colloque, en réunissant des spécialistes de domaines scientifiques et techniques et de périodes variés, se propose ainsi de réfléchir, à travers ces questions, aux méthodes et à la portée de la démarche biographique en histoire des sciences et des techniques.
    J. Chandelier codirige avec Aurélien Robert (Toulouse) un programme de recherche 2012-2016 de l’École française de Rome intitulé « Les savoirs dans les ordres mendiants (Italie, XIIIe-XVe s.) », qui impliquera notamment l’établissement d’une base de données permettant d’identifier les acteurs du monde intellectuel italien et de recenser les manuscrits concernés.
    Une journée d’étude consacrée à « L’entretien des édifices et la conservation du patrimoine bâti » sera organisée par C. Saliou, Ch. Davoine et M. L’Héritier et bénéficiera de l’expertise d’A. Sinou. Les interventions interrogeront les différentes modalités de la préservation des édifices aux périodes antique et médiévale. En particulier, on réfléchira aux aspects juridiques et techniques de cet entretien en examinant les liens entre gestion quotidienne et volonté de conservation du patrimoine bâti.

    B. Histoire intellectuelle (A. Thomson)
    Le Groupe de recherches en histoire intellectuelle poursuivra les activités développées au cours des années passées : séminaire mensuel d’histoire intellectuelle ouvert aux doctorants et aux enseignants-chercheurs ; co-organisation du séminaire franco-britannique d’histoire avec l’Université Paris IV et l’Institute for Historical Research de Londres. Dans le cadre du GDR 3434 « Mondes britanniques », il participera à l’organisation de colloques et de journées d’études trans-périodiques.
    Les membres du groupe mènent par ailleurs des recherches en collaboration avec diverses équipes, dont plusieurs s’inscriront dans le cadre du PRES Paris-Lumières : sur Bentham, notamment avec le Centre Bentham (Sciences Po, Paris) pour l’édition des œuvres de Bentham à University College Londres, et avec le SOPHIAPOL de l’Université Paris-Ouest pour un projet sur « les héritages politiques de l’utilitarisme » ; avec la constitution d’un répertoire électronique de la correspondance de Condorcet, projet financé par le CS de l’Université Paris 8 et la Fondation Campus Condorcet ; avec le CSLF (EA 1586) de l’Université Paris-Ouest, notamment sur Diderot (un colloque international sur « Diderot et le politique » est programmé pour novembre 2013) ; avec le CREA (EA 370) de l’Université Paris-Ouest, dans l’organisation de plusieurs colloques, notamment « Historiography : Methods, objects, presumptions » en 2015 et « Genealogies, Continuites in Law, Politics, Philosophy » en 2016 ; sur l’historien intellectuel John Burrow, en collaboration avec l’Université de Sussex, où sont déposées ses archives.
    Plusieurs membres du groupe participent également au projet de Dictionnaire électronique des traducteurs du long XVIIIe siècle, financé par l’Université Paris 8 en 2010-2012. Il est porté par un réseau international informel qui étudie différents aspects de la circulation intellectuelle au long XVIIIe siècle : réseaux, correspondances (notamment scientifiques), traduction, journalisme, commerce du livre etc. Ces projets seront menés en collaboration avec la chaire d’histoire intellectuelle de l’Institut Universitaire Européen de Florence (organisation d’ateliers, colloques etc.).
    Un autre thème fort qui regroupe des membres des axes « histoire intellectuelle » et « histoire des sciences et techniques » concerne la propriété intellectuelle, en collaboration avec la « International Society for the History and Theory of Intellectual Property » et dans le prolongement de la journée d’études « Histoire intellectuelle/histoire des sciences/histoire du livre » organisée par W. Slauter à Paris 8 en mars 2012. Un atelier international de cette Société sera organisé à Paris en juin 2013 pour stimuler les échanges avec les chercheurs anglophones qui dominent actuellement ce domaine.
    Par ailleurs, C. Moatti, M. Riot-Sarcey et leurs doctorants et jeunes docteurs poursuivront leurs travaux collectifs sur La référence au passé, en coopération avec leurs correspondants français et étrangers, en vue de la publication d’un nouvel ouvrage sur le sujet. Ils sont également invités à participer aux travaux d’un groupe de réflexion sur l’Europe, mené notamment par Marcello Verga (Florence) et Igor Mineo (Palermo), rédacteur en chef de la revue Storica. Une partie de ces travaux sera consacrée à l’analyse des références au passé présentes dans les différentes histoires de l’Europe (parues tant en Europe occidentale qu’en Europe orientale) et dans les principaux textes de la communauté européenne. L’analyse des références historiques des Européens constitue un objet de recherche majeur pour mieux comprendre l’Europe en construction. Jusqu’à quel point est-il nécessaire de poursuivre une recherche sur l’Europe comme passé à sauvegarder et à défendre ? Et dans quelle mesure pouvons-nous, au contraire, penser l’Europe comme un espace à venir, qui trouve dans le passé non les prémisses objectives d’un parcours inéluctable, mais la profondeur des choix possibles pour aujourd’hui ? Pour répondre à ces questions, il importe d’analyser les langages historiques de l’Europe et d’en assumer la pluralité. Aux historiens revient de mettre en lumière les nombreuses et diverses références des Européens.

    C. Circulation des personnes et des cultures (C. Moatti)
    Les pratiques migratoires ont connu de grands changements dans notre monde contemporain, tout comme les modes de contrôle des personnes en déplacement. Il suffit de penser aux méthodes d’identification, aux révolutions technologiques ou à la massification des échanges. C’est pourquoi les spécialistes du contemporain ne s’interrogent pas sur des formes anciennes de mobilité et finissent par considérer comme récents des phénomènes qui ont pourtant caractérisé le bassin méditerranéen depuis l’antiquité. Il est donc nécessaire de garder une perspective de longue durée pour étudier les phénomènes migratoires, et c’est la première caractéristique de ce groupe de travail que de proposer une approche résolument comparatiste, à la fois d’un point de vue chronologique, puisque les recherches embrassent toute l’histoire de l’Antiquité à l’époque contemporaine, et d’un point de vue spatial.
    Le choix d’une telle chronologie se justifie par l’état de la recherche. Les travaux publiés au cours des deux dernières décennies ont en effet rendue caduque l’image, donnée par la démographie historique, de populations en grande majorité immobiles, closes et stables jusqu’à la révolution industrielle. L’importance de la mobilité dans les sociétés pré-contemporaines n’est plus à démontrer. Quant à la diversité géographique, elle permet de s’interroger en retour sur la spécificité de certains espaces. La circulation des personnes, des biens, des savoirs a par exemple indéniablement constitué un fait structurel et structurant, qui a formé et forme encore la base du système réticulaire méditerranéen. Pour autant le bassin méditerranéen a-t-il constitué un espace exceptionnel ? Comment a-t-il pu servir de modèle pour la conceptualisation d’autres espaces ? Ces questionnements entrent en résonnance avec les axes de recherche du Pôle Méditerranée de Paris 8, dirigé par C. Moatti en collaboration avec N. Seni.
    À l’intérieur de ce vaste champ de recherche qu’est le champ des migrations, deux thèmes plus restreints ont été identifiées, qui constitueront l’objet principal des recherches collectives lors du prochain quinquennal.
    L’un, « Identités frontalières et transferts culturels », animé par J.-P. Duteil, étudiera la question des zones frontalières et des « passeurs » de frontières (V. Pouzol), celle de l’identité des confins et des questions identitaires dans des « mondes en intersection » (B. Lellouch), celle de la manière dont les personnes d’un même groupe se perçoivent. Les captifs, les otages, mais aussi les missionnaires ou les voyageurs sont des intermédiaires entre deux cultures, et parfois même plus de deux cultures. Ils sont à l’origine de textes dont le contenu apparaît particulièrement riche à tous ceux qui s’intéressent à la notion de transferts culturels, et que l’on peut analyser tant sur le plan linguistique que sur celui de la sensibilité esthétique, religieuse ou politique. Des doctorants et jeunes docteurs de J.-P. Duteil y seront associés, l’un ayant travaillé sur le rôle des esclaves d’origine bantoue en Colombie, un autre sur le peuplement d’origine africaine de l’Argentine, un troisième sur les premiers missionnaires européens en Asie centrale et en Chine. Une journée d’études sur ce thème sera organisée en 2013, suivie d’une seconde journée puis d’un colloque de plus grande ampleur en 2014.
    L’autre thème, « Penser la mobilité », sera animé par C. Moatti et D. Lefeuvre. Quelles représentations les migrants, mais aussi ceux qui ne se déplacent pas, ou les administrations ont-ils de la mobilité, des flux, des passages, du mode de vie itinérant etc.? Quelles pratiques, sociales et juridiques, quels contrôles, et quels savoirs ces représentations ont-elles contribué à développer ? Deux approches seront privilégiées : - d’une part une étude des représentations de la mobilité, que l’on peut saisir non seulement à travers la critique des émigrés, le portrait des marchands, la dépréciation des villes maritimes, le jugement sur les nomades, etc., mais aussi à travers les normes qui régulent le départ, l’absence, les flux. Qu’il reflète, anticipe ou sanctionne des pratiques et des représentations, du sens commun et des préjugés, le droit est une source particulièrement riche, si l’on considère que les normes émises mais aussi les interprétations juridiques ne visent pas seulement à réprimer mais à réguler des comportements ou encore à encadrer une certaine négociation ;
    - d’autre part, une étude de l’expérience de la mobilité permettra de proposer une petite anthropologie du mouvement. Comment vit-on en mobilité, avec quels objets, quels papiers ; quels dangers menacent le migrant sur les routes ou dans les lieux d’accueil ? Quelles formes de peurs, d’inquiétudes, d’étonnements attend celui qui se déplace, comme celui qui l’accueille, que le migrant soit un individu isolé, le membre d’un groupe, un officiel ? Une approche qui donne toute sa place à l’acteur-migrant, à ses attentes, à ses sentiments, et privilégie aussi le moment de la rencontre. L’expérience coloniale constitue par exemple un objet particulièrement riche pour ces analyses.
    Dans le cadre de ce thème seront organisées des rencontres entre historiens, mais aussi avec des spécialistes de disciplines adjacentes – anthropologie, droit et sociologie notamment.


    Un troisième axe, transversal et prospectif : Les usages politiques du passé

    Ce troisième axe avait été présenté comme l’« axe fédérateur » du précédent contrat. Compte tenu de l’intérêt que la réflexion ainsi proposée a suscité aux yeux des membres de l’unité, et notamment des doctorants, il a été décidé de la poursuivre, sous une forme ouverte et non structurée en thématiques prédéfinies, de façon à privilégier les transversalités. Contrairement aux deux autres axes, qui intègrent l’ensemble des travaux des membres de l’unité, celui-ci est conçu pour fédérer uniquement les productions et manifestations scientifiques collectives des membres de l’unité et de leurs doctorants, afin d’offrir un espace spécifique aux dialogues transversaux, susceptibles de faire émerger des problématiques nouvelles. En outre, cet axe contribue grandement à la visibilité et à l’attractivité de notre unité, y compris aux yeux de nos partenaires extérieurs. Il sera animé par A. Sinou et A.-M. Helvétius.

    Plusieurs pistes se dessinent, dont certaines ont commencé à être explorées au cours du précédent contrat.
    L’installation prochaine des Archives Nationales à Pierrefitte et l’ouverture du parcours de Master « Métiers des Archives » permettront l’approfondissement d’une réflexion déjà engagée sur les enjeux politiques de l’établissement des corpus administratifs et des modalités de leur transmission au public. L’interrogation, au sein de l’unité, a jusqu’ici concerné surtout la période contemporaine, mais elle pourra avec profit être étendue aux autres périodes. La réflexion pourra s’étendre aux nouveaux problèmes posés par l’établissement de corpus numériques (W. Slauter, E. de Champs).
    La réflexion sur les processus de production de « monuments » et sur leurs usages politiques, engagée en 2011 par A. Sinou, rencontre les préoccupations de plusieurs membres de l’unité, antiquisants ou médiévistes, parmi lesquels des doctorants (Ch. Davoine), ou jeunes collègues nouvellement recrutés (M. L’Héritier). Cette réflexion pourra s’enrichir de travaux en cours ou en projet sur la ruine — ou les ruines — ou, dans le cadre de l’axe II, sur l’entretien et la restauration des édifices. Par ailleurs, cette problématique est étroitement liée aux recherches sur Saint-Denis et en particulier sur sa basilique, menées en partenariat avec le Centre des Monuments Nationaux et l’Unité d’archéologie de Saint-Denis. Une table ronde visant à pointer les formes de monumentalités et leur instrumentalisation sociale et politique dans les différentes périodes est programmée au printemps 2013 et pourra servir de base à la construction d’une problématique de recherche intéressant de nombreux membres du laboratoire.
    La critique des notions de « mémoire collective » et de « lieux de mémoire », engagée en 2011, doit aussi être poursuivie et approfondie. L’apport spécifique des antiquisants à cette réflexion permet la critique de la notion « contemporaine » (ou contemporanéiste ?) de « lieu de mémoire » au moyen de la relecture des textes antiques sur la mémoire artificielle ou la mnémonique architecturale, et de l’étude de cas précis, comme l’a montrée la thèse de J. Prim sur l’Aventin, soutenue en juin 2012. La réflexion sur la « mémoire collective » pourra aussi être nourrie, par exemple, des résultats concrets de recherches engagées par C. Saliou, dans le cadre de l’axe I, sur Antioche de Syrie, dont l’un des apports est précisément de permettre une réflexion sur la construction mémorielle de l’espace de la ville.
    Ces recherches sur les monuments et sur les lieux de mémoire seront susceptibles de s’intégrer plus largement dans les programmes de recherche portant sur la conservation et la mise en valeur du patrimoine, qui intéressent aussi le LABEX Arts-H2H de Paris 8 et plusieurs unités de l’Université Paris-Ouest et rejoignent en outre les préoccupations des Archives Nationales, du Centre des Monuments Nationaux et des collectivités territoriales.
    Les recherches menées par M. Riot-Sarcey, C. Moatti et leur équipe sur La référence au passé contribueront à enrichir la réflexion collective dans la mesure où leur problématique, proche de celle de l’axe transversal en ce qu’elles concernent toutes deux une forme de manipulation du passé, en est aussi distincte en ce que la référence n’implique pas nécessairement une instrumentalisation du passé.