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8- 26/01/82 - 1

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Gilles Deleuze - Cinéma cours 8 du 26/01/82 - 1 transcription : Hamida Benane

Il faudrait finir aujourd’hui l’image-perception puisque nous avons tant à faire. Or heureusement nous avons progressé dans cette analyse de l’image-perception car nous n’en sommes plus à distinguer ou à opposer ou à jouer, de deux pôles de la perception dont l’un pourrait être appeler pôle objectif et l’autre pourrait être appeler pôle subjectif . Nous n’en sommes plutôt à quoi, maintenant ? Nous n’en sommes à - grâce à l’image-perception - essayer de dégager comme un élément génétique. Elément génétique de quoi ? un élément génétique qui serait l’élément génétique de l’image-mouvement ou qui serait "un" élément génétique de l’image-mouvement - faut toujours nuancer, vous nuancer de vous même. Et cet élément donc, distingué grâce à l’image-perception, grâce à notre analyse de l’image-perception distinguait un élément génétique de l’image-mouvement qui serait au même temps une autre perception. Une autre perception, c’est à dire une autre manière de percevoir ou ce que j’essayais d’appeler, tout sommairement - mais vous aussi, introduisez toutes les nuances que vous voulez - une perception non humaine ou un œil non humain. Et en effet ça serait assez normal que la même instance soit : élément génétique de la perception, élément génétique de la perception du mouvement et perception non humaine ou œil non humain.

Or à cet égard, l’évolution, ou les progrès de « Vertov », que j’avais essayé de montrer à la fin de la dernière séance, les progrès de « Vertov » sont évidemment pour l’histoire du cinéma quelque chose de très important. Car Vertov partait, on l’a vu, dans toute sa tentative d’actualités et de documentaires, « Vertov » partait d’un traitement libre, d’un traitement original de l’image-mouvement. Mais si libre et si original que soit son traitement de l’image-mouvement, nous avions vu en quel sens son œuvre plus tardive," l’homme à la caméra", débordait cette première tentative. Et la débordait en quel sens ? eh bien dans le sens d’une double opération et c’est cette double opération que il me semble, est très bien analysée par Annette Nickelson dans le texte que j’invoquais, à savoir au édition "Klincksick" , le livre collectif « cinéma théorie de lecture » où il y a un article d’ Annette Nickelson sur « Vertov ».

Cette double opération, si j’essaie de la résumer, en vous renvoyant à cet article, consisterait en ceci :
-  d’une part, extraire de l’image-moyenne-mouvement, un ou plusieurs photogrammes. Et par là s’élever à un couple du type photogramme/ intervalle où déjà, où déjà, photogramme/clignotement et c’est évidemment ce couple photogramme/intervalle, photogramme/intervalle de mouvement, ou photogramme/clignotement dont vous sentez peut être, en effet, nous pourrons le considérer comme l’élément génétique de l’image moyenne de l’image-mouvement. Et en même temps, comme nous donnant une autre perception, comme constituant l’œil caméra c’est à dire un œil non humain. Et en même temps, envers de l’opération : ça ne vaut que si l’on réinjecte le couple photogramme/intervalle ou photogramme/clignotement, si on le réinjecte dans l’image- mouvement, soit pour changer la nature du mouvement c’est à dire, l’inverser, l’accélérer etc.., etc... , soit pour obtenir une alternance entre les deux, alternance que l’on pourra précipiter de plus en plus.

Exemple concret pris dans "l’homme à la caméra" : présentation d’une série de photogrammes et c’est seulement ensuite - par exemple : photogramme de paysanne ou photogramme d’enfants, de tête d’enfants, et c’est seulement ensuite, qu’on les reconnaîtra dans des images-mouvement de type traditionnel. Il ne fait pas grand chose, on va voir, c’est peut être beaucoup, c’est peut être quelque chose de très intéressant qui se passe dans le cinéma à ce moment là.

Ou bien autre procédé : présentation d’une image normale, d’une image moyenne mouvement, une course cycliste et re filmage en présentant la même image-mouvement, re filmée dans les conditions de : le mouvement se déroule alors sur écran. Procédé du re filmage et comparaison alors, alternance de plus en plus précipitée entre les deux situations. La course cycliste présentée dans les conditions ordinaires de l’image-mouvement, la même course cycliste représentée dans les conditions du re filmage et passage de l’un à l’autre de plus en plus précipité, de plus en plus rapide.

Quant je dis, l’importance - vous voyez cette tendance : en effet qu’il s’agit bien de dégager un élément génétique à l’intérieur du cinéma, un élément génétique du point de vue du cinéma, un élément génétique de l’image-mouvement et par la même, de nous convier à une autre perception. On comprend que là il y a une espèce d’opération où en effet, perpétuellement, le nouveau couple photogramme/intervalle soit extrait de l’image moyenne mouvement mais à condition d’être aussi perpétuellement réinjecté dans l’image-mouvement, quitte à changer à la lettre," les allures" de l’image-mouvement moyenne. Si bien c’est une espèce d’ensemble très curieux et peut être que l’importance de ces tentatives de « Vertov » ne pouvait apparaître, que c’est maintenant, peut être que l’on est encore plus sensible à l’importance de ce type de tentatives, pourquoi ? parce que on est y sensibilisé par tout ce qui s’est passé après, à savoir par le cinéma américain dit indépendant ou dit expérimental. Et dans le même texte de « Klincksick »," cinéma, théorie, lecture", il y a un article également très bon, d’un critique américain qui s’appelle « Sitney » sur ce qu’il appelle le « cinéma structurel » en américain. Et je dégage juste - je vous renvoie à cet article - je dégage juste, trois procédés, ou trois directions de ce cinéma dit "structurel".

-  1ère direction : extraire le photogramme ou une série de photogrammes. Donc substituer à l’image moyenne mouvement du type 24 images/seconde, extraire un photogramme ou une série de photogrammes et tantôt prolonger le photogramme, tantôt le répéter avec intervalle, ce qu’on appellera - et là le terme aura de l’importance, on va voir pourquoi tout à l’heure - "procédé de la boucle" ; et si vous prenez en effet une boucle constituée avec une série de photogramme avec intervalle, les possibilités de jouer avec le décalage, font que le procédé peut se compliquer à l’extrême dans cette première direction c’est à dire que vous pouvait même obtenir à la limite, des "surimpressions", des superpositions de la série, de votre série de photogrammes à des moments différents. Par exemple une surimpression de la fin de la série sur un autre moment ; donc le procédé de la boucle là, vous permet non seulement des répétitions et des phénomènes d’échos mais des phénomènes de surimpressions.

-  2ème direction : non plus substituer à l ‘image moyenne, la série de photogrammes prise dans les opérations de boucle, mais substituer à l’image-mouvement, le clignotement, comme une espèce de vibration de la matière.

Or là, je ne sais pas bien les nuances entre les deux mots, en américain : deux mots semblent employés « blink » et « flick ». Un des premiers films à clignotement, en effet, c’est « Mac-Larein » - je ne sais plus la date mais , « Mac-Larein », qui fait un film expérimental très beau avec procédés de clignotement et ce film s’appèle « blinkety blank », blank, c’est le vide je crois, c’est ça, c’est un vide mais un vide spécial non ? c’est une espèce de vide-zen, hein ? à la lettre le vide clignotant « blinkity ». Et puis, un autre je crois qui s’appelle « Tony Conrad », « Tony Conrad » qui fait un film qui s’appelle « l’œil du comte Flickerstein », l’œil du comte Flickerstein, c’est à dire l’œil du comte clignotant - voilà, ça serait la seconde direction.

-  3ème direction : substituer à l’espace de la perception un espace aplati, granuleux sans profondeur. Un espace granuleux, un espace granulaire, obtenu comment ? obtenu par un procédé très simple par une série de re filmage par un ré enregistrement, un ré enregistrement des images projetées sur écran, bon !

Comprenez que ces trois, - je dégage, il y a toutes sortes de procédés, je dégage comme particulièrement important dans le cinéma dit expérimental où là au sens... de... comment il s’appelle ? de « Sitney », le film structurel. Ces trois procédés - ils animent tant de films expérimentaux américains - nous permettent, peut être, de mieux comprendre ce qui dans l’homme à la caméra de « Vertov » était à la fois annonciateur, et n’était là comme une espèce de procédé encore isolé car il s’agit de quoi ? Alors, j’emprunte à « Sitney » le.. à la fiche de « Sitney » le, une espèce de description d’un film qui me plaît beaucoup, vous savez que tout ça c’est en train d’être re-projeté hein ? il faudrait y aller - les grands du cinéma structurel américain, ils repassent ou du moins ils devraient repasser à Beaubourg , mais il y a la grève à Beaubourg, alors ils étaient programmés. Mais j’ai vu qu’il y a d’autres endroits où on les projette en ce moment, alors si le cœur vous en dit, ...il y a notamment un des plus grands du cinéma structurel, on en parlera mais plus tard, qui s’appelle « Mickael Snow » , or j’ai vu qu’on redonnait du « Mickael Snow » .... ah bon ! ah bon ! ceux qui n’en ont pas vu, allez y, tout ça deviendra limpide.

Or j’extrais le compte rendu donc d’un film "Bardo folie’s" « B. A. R. D. O. », Bardo folie’s , film de « Landow », « L. A. N. D. O. W. » aussi un des grands homme du cinéma structurel. Voilà ce que nous dit « Sitney » : c’est comme une espèce de résumé de tout ce que je viens de dire mal mais un résumé concret : " le film commence , le film commence avec une image imprimée en boucle - comprenez que l’image c’est un photogramme - le film commence avec une image imprimée en boucle d’une femme flottant avec une bouée et qui nous salut à chaque reprise de la boucle."

Voilà ça c’est le premier temps. Je disais, je vous en parlais très vite la dernière fois, je disais, comme même ce n’est pas par hasard que tout ça on peut considérer que c’est un clin d’œil que ça commence par une image aquatique, car on va assister dans le film, il me semble, au passage singulier d’une image aquatique à une image typiquement gazeuse. "Le film commence avec une image imprimée en boucle d’une femme flottant avec une bouée et qui nous salut à chaque reprise de la boucle" ; après dix minutes environ, évidemment, ça commence à bien faire, après dix minutes environ - entre parenthèses il existe aussi une version plus courte, allez voir la version plus courte - "la même boucle apparaît deux fois, la même boucle apparaît deux fois à l’intérieur" - voyez là ce n’est pas un phénomène de surimpression, c’est un phénomène de juxtaposition - "La même boucle apparaît deux fois à l’intérieur de deux cercles sur fond noir. Puis un instant apparaissent trois cercles, l’image du film dans les cercles, commence à brûler, c’est à dire brûlage du photogramme." On enregistre le brûlage du photogramme hein .. "L’image du film dans les cercles commence à brûler c’est une étape fondamentale, provoquant l’expansion d’une moisissure bouillonnante à dominante orange. Et ça c’est vraiment le passage de l’état liquide de l’image à l’état gazeux ...hein, là je n’invente pas, c’est en toute lettre quoi, c’est pour ça que « Landow » est le plus grand hein ? bon, où j’en suis ? .

"L’image du film dans les cercles commence à brûler provoquant l’expansion d’une moisissure bouillonnante à dominante orange. L’écran entier est empli par le photogramme en feu qui se désintègre au ralenti en un flou extrêmement granuleux" - évidemment le re filmage assure déjà l’espace granulaire - tout y est dans ce film, hein ? Bardo folie’s. Hein, hein, "un autre photogramme brûle - il se sent plus, il va tout brûler - un autre photogramme brûle, tout l’écran palpite de celluloïde fondante". Ah ! c’est beau ça, "cet effet a été probablement obtenu par plusieurs séries de re filmage sur écran. Le résultat est que c’est l’écran lui même qui semble palpiter et se consume. La tension de la boucle désynchronisée est maintenue tout au long de ce fragment où la pellicule elle même semble mourir."

"Après un long moment, ça c’est le dernier moment", ah, vous voyez, après un long moment, qu’est ce qui ce passe ?," l’écran se divise en bulles d’air dans l’eau"," l’écran se divise en bulles d’air dans l’eau, filmé à travers un microscope avec des filtres colorés, une couleur différente de chaque coté de l’écran. Par les changements de distance focale, les bulles perdent leurs formes et se dissolvent l’une dans l’autre et les quatre filtres colorés se mélangent. A la fin, quarante minutes environ après la première boucle, l’écran devient blanc : fin du film."

Bon alors c’est ça alors, si vous m’accordez ce qu’on a vu la dernière fois à la fin et ce que je viens de dire maintenant, il s’agit de quoi ? il s’agit vraiment de construire avec le cinéma, ce qu’on pouvait appeler quoi ?
-  une perception moléculaire, l’élément génétique de l’image-mouvement sera lui même saisi dans une perception moléculaire comme une espèce d’équivalent d’une micro perception où de ce j’appelais, par opposition aux images liquides, une perception gazeuse. Pourquoi perception gazeuse ou perception moléculaire ? c’est la même chose je l’ai dit, je dois dire : c’est pas une métaphore ça, évidemment c’est la même chose puisque encore une fois, un état gazeux, c’est l’état où les molécules disposent d’un libre parcours, d’un libre parcours moyen, par différence avec l’état liquide et avec l’état solide.

Or un tel procédé, l’atteinte d’une perception moléculaire, avec les procédés : la boucle, l’espace granulaire, v voyez, le photogramme qui serait vraiment, le photogramme traité comme molécule cinématographique, le procédé de la boucle, l’espace granulaire tout ça, et bien, c’est à mettre en comparaison avec des choses qui se passaient dans d’autres arts. je veux dire, à la fois et en peinture et en musique, en peinture même il fallait peut être remonter un peu en arrière, mais pas tellement, pour trouver un fameux "espace granulaire" dont certains américains se réclament, à savoir l’espace pointilliste de « Seurat » et on voit des types de cinéma structurel qui connaissent très bien « Seurat » et qui pensent par leur procédé de re filmage obtenir une espèce d’espace à grain. Ou bien ce qui se passe aussi en musique à la même époque, à savoir un procédé musical qui est celui des boucles avec possibilité de servir des intervalles et de jouer des intervalles de telle manière que l’on puisse obtenir des surimpressions, des superpositions de deux moments différents de la série. Et tout à l’heure quand j’aurai fini avec ça, si Richard Pinhas veut bien dire quelques mots sur le procédé des boucles chez un musicien comme « Fripe » aujourd’hui, vous verrez qu’il y a une espèce d’analogie entre le procédé des boucles sonores et le procédé des boucles cinématographiques.

Or, je dirai : c’est donc cette perception moléculaire qui nous donne, à la fois, l’élément génétique de l’image-mouvement et ce qu’on appelait l’œil non humain, la perception non humaine et à son tour de même que, tout à l’heure, on pouvait dire, mais aprés tout : c’est grâce à toutes les tentatives du cinéma structurel américain, que l’on est plus sensible à ce qui avait d’extraordinaire dans la tentative de « Vertov », l’homme à la caméra. Est ce qu’il ne faudrait dire encore quelque chose de plus ? A savoir que ce qui nous rendait maintenant, ce qui nous sensibilise à ces tentatives du cinéma structurel américain, c’est l’avènement d’un nouveau type d’image, l’image vidéo. Et pour une raison simple là, je ne veux pas du tout développer, peut être que Richard Pinhas nous donnera des indications là dessus.

Si on définit très grossièrement l’image vidéo comme étant non plus comme une image analogique mais une image codée, comme une espèce d’image digitale et non plus analogique, la première chose qui définit, qui caractérise l’image vidéo c’est qu’elle joue sur un nombre de paramètres infiniment plus grands que l’image.. ( coupure de son) en ce sens, les procédés de l’image vidéo seraient une confirmation là dans la même lignée, mais enfin comme l’image vidéo, on la retrouvera plus tard, je m’arrête tout de suite là, car tout ça après tout c’est en rapport, c’est en rapport aussi bien avec des choses qui se faisaient en peinture sur les espaces granulaires. C’est pas sûr, je veux dire hein ! comme espèce d’initiateur si vous voulez au même titre que « Vertov », d’une initiation prodigieuse mais l’étape actuelle, l’étape actuelle, dont certains, pas tous, dans leurs tentatives pour reconstituer les espaces granulaires, granuleux c’est très, très fantastique, on en a parlé, un peu de certains, l’année dernière, notamment ceux qui peignent à l’envers ou ceux qui peignent sur des matières spéciales comme de la tarlatane, là il y a constitution de l’espace granulaire très intéressant.

Bon ! ce que je disais c’est pas, pas seulement en rapport avec ce qui se passe dans les autres arts c’est évidemment en rapport avec quoi ? Avec des mouvements de l’esprit si l’on peut dire - c’est très difficile à dissocier en droit - je ne dit pas en fait, ça, ça compte pas si ils sont drogués ou ils ne sont pas drogués, ça n’a pas beaucoup d’intérêt mais c’est très difficile à dissocier en droit de certaines expériences liées à la drogue et ou les plus belles expériences liées au bouddhisme, au bouddhisme Zen.

Pourquoi ? C’est pas difficile, c’est pas difficile, là il faudrait reprendre de ce point de vue le film de « Michaux » mais enfin dans le cinéma dit "structurel américain", Dieu que les expériences de drogue ont été actives dans ce type de cinéma, eh bien pourquoi ? pourquoi cela ? c’est que la drogue ou le Zen, il vaut mieux le Zen, une fois, mais la philosophie suffisait déjà, c’est vraiment l’accession à une perception moléculaire, en quel sens ? je prends le - qui serait au même temps perception moléculaire, qui est au même temps l’élément génétique de la perception.

Je prends le livre classique, le livre pour tout, ce livre qui m’intéresse beaucoup, qui a eu tant de succès à un moment, le livre de « Castaneda », les livres de « Castaneda » sur son initiation aux hallucinogènes par le sorcier indien, par le bon sorcier. Bon qu’est ce que j’en retiens ? j’en retiens ce qui m’intéresse vous allez voir que c’est exactement la même chose, la leçon, la leçon du grand Sorcier c’est quoi ?

-  Premièrement tu n’auras rien fait, vous allez voir, première grande proposition : tu n’auras rien fait si tu n’est pas arrivé à stopper le monde, ah ! stopper le monde tiens ! il faut que je stoppe le monde, bon, eh ! bi, qu’est ce que ça veut dire stopper le monde ? Vous le sentez, extraire de l’image moyenne mouvement le photogramme mais c’est pas ça qu’il veut dire, on d’autres choses maintenant alors qu’est ce que ça veut dire "stopper le monde" d’après l’indien grand sorcier, ça veut dire accéder au" ne pas faire", accéder au "ne pas faire", tiens, tiens, il faut briser "le faire" il faut s’empêcher de faire, dans certains cas on n’a pas de peine, brisons le faire, brisons le faire, accédons au ne pas faire. Faire, F. A. I. R .E. Arrêtons, arrêtons, stoppons le monde bon, le "ne pas faire", qu’est ce que c’est ? le faire c’est l’image subjective rappelez-vous des choses qu’on a vu avec Bergson : le rapport action réaction, perception subjective, "c’est la perception qui consiste à saisir l’action virtuelle de la chose sur moi et mon action possible sur la chose". La perception subjective c’est le « faire », arrêter le faire c’est quoi ? c’est accéder à un autre type de perception bon, stopper le monde bon, bien voilà, premier thème.

-  Deuxième thème : si vous êtes arrivés dans votre perception à un peu, stopper le monde, c’est bien une espèce d’effort pour dépasser l’image-mouvement mais pourquoi faire ? on va voir pourquoi note en faire plutôt ; eh bien le premier phénomène qui vous est donné comme une splendide récompense déjà c’est l’agrandissement, l’insensé agrandissement des choses. A la lettre les choses deviennent des gros plans, à la lettre les choses s’agrandissent. Hé oui ! vous regardez un visage, non pas sous l’expérience de la drogue qui est toujours misérable mais dans l’illumination du zen, ça je l’apprends, une dimension colossale. Quel intérêt ? quel intérêt ? si ça ne vous arrive pas, c’est que vous n’en avez pas pris assez, quel intérêt ?

prodigieux d’intérêt c’est que à ce moment la chose est trouée, plus est grande plus elle est trouée ; vous n’accéderez à la perception moléculaire que si qui vous atteignez au "trou" dans chaque chose. Tiens l’image vidéo, facile de la trouer, l’image vidéo, tout ça ça fait une espèce d’ensemble. Il faut que la chose et vous saisissiez la chose comme Castaneda dit : "saisir les choses en fonction d’une trame", la trame de chaque chose ; la chose est trouée quand vous avez stoppé le monde, la chose a grandi, révèle ses trous et les analyses de Castaneda qui sont belles même littérairement, c’est la perception de l’eau, perception moléculaire de l’eau, perception moléculaire de l’air, perception moléculaire du mouvement , et chaque fois perception moléculaire ça veut dire : avoir stoppé le monde, obtenir cet agrandissement de l’image et saisir les trous dans l’image.

L’ eau, elle n’est pas trouée comme l’air, tant que vous ne savez pas comment une chose est trouée, un visage n’est pas troué comme l’autre visage tant que vous ne savez pas comment la chose est trouée. Qu’est ce que c’est que ça ? Je dis, c’est exactement le thème des l’intervalles de mouvement, saisir dans un mouvement les intervalles, dans un mouvement qui vous paraît continu à la perception ordinaire ; eh ! bien, non ! saisir les intervalles ; c’est pas rien saisir les intervalles dans un galop d’un cheval ; quel sagesse ! c’est seulement si vous avez su stopper le monde que vous saisirez les trous dans le monde et encore une fois chaque chose a sa manière d’être trouée, il n’y a pas deux choses qui sont trouées de la même manière ; bon, c’est l’intervalle ça, et par là vous obtenez typiquement un monde clignotant , ça clignote de partout sur des rythmes différents, c’est la vibration de la matière.

-  Et troisièmement, troisièmement, par ces trous, vous faites passer, ça c’est l’opération la plus mystérieuse, à la rigueur on comprend les deux premières, la troisième, il faut un peu de magie quoi !, c’est ! où alors il faut être arrivé au stade zen ou alors il faut être dans un état, que tout le monde redoute. Dernière étape, par ces trous, vous allez faire passer les lignes de forces, lignes de forces qui sont parfois des lignes de lumière et qui "strassent" dans cet univers stoppé et sur ces lignes de force vont se produire des mouvements accelerés, c’est le fameux montage hyper rapide du cinéma structurel. Tout s’enchaîne, je veux dire, ces trois aspects là et c’est sur ces lignes de force qui passent par les trous des choses que l’initié dans Castaneda voit le sorcier danser, c’est à dire faire des bonds, faire des bonds à une vitesse qui dépasse toute vitesse concevable, c’est à dire sauter du haut de la montagne à un arbre et puis sauter de l’arbre, à la montagne etc. etc.. une sorte de prodigieux.. ...(aboiement d’un chien ), ah ! ah ! je le connaîs celui là , je le reconnaîs ah ! ah ! qui excite le chien ? qui a fait du mal à ce chien ?

-  Eh ben vous voyez c’est, vous voyez .. Bon ces trois aspects, on peut les présenter dans trois étapes de l’expérience zen ou l’expérience hallucinogène et trois étapes aussi de cette image photogramme, de ce couple photogramme/ intervalle tel de .. qui constitue l’élément génétique de la perception et nous donne en même temps une autre perception, une perception dite "non humaine".

Alors, bon, je dis : j’en ai presque fini de cette histoire de l’image-perception, et je dis juste : est ce que ça veut dire - je rappelle mon avertissement , là je vous supplie vraiment de prendre au sérieux - est ce que ça veut dire que c’est le cinéma structurel qui est en avance sur les autres formes, qu’on a vues précédemment, dans cette longue analyse de l’image-perception ? encore une fois non ; même je dirai ce qu’on appelle le cinéma structurel une forme d’avant garde, je dirais bien et je l’ai déjà dit dix fois le propre de l’avant garde c’est sans doute il faut que ça existe, il faut le faire, il faut le faire, ben oui, il faut que des gens qui se dévouent, c’est évident , mais qui est le plus créateur ? je veux dire le propre de l’avant garde c’est d’être sans issue, c’est d’être sans issue, c’est à dire de recevoir ses issues d’autre chose, ça veut dire que tout ça, ça ne vaut toute cette conquête d’une perception moléculaire et d’un élément génétique, Il me semble que ça ne vaut que pour autant que c’est réinjecté dans soit : dans un cinéma à histoires et narrations, soit même et les frontières tellement floues qu’ il n y a pas tellement lieu d’attacher beaucoup d’importance à ces catégories, soit en tout cas dans l’image-mouvement et que si vous le réinjecter pas, si vous n’avez pas le génie pour opérer la ré injection, c’est du cinéma expérimental qui ne peut que se stériliser sur lui même, au point qu’il faudrait dire : qui est le plus fort qui est le plus génial, qui est le plus ?....celui qui se lance dans la voie expérimentale ou celui qui réinjecte les données expérimentales dans l’image-mouvement ?

Et là je prends deux, trois exemples, bon, « Antonioni » , « Antonioni », qu’est ce qui ce passe dans ce cinéma où il est bien connu où c’est même des fort moments affectifs, beaucoup plus que les mouvements, compte ce que Antonioni lui même présente comme son problème, les intervalles entre mouvements.

-  Deuxième exemple, qu’est ce qui ce passe lorsque - c’est un exemple que l’on m’a donné la dernière fois, parce que je n’ai pas vu ce film - qu’est ce qui ce passe lorsque « Bergman » éprouve le besoin de brûler un photogramme et de re filmer, de faire brûler un photogramme de visage dans "Personna" ?

-  Troisième exemple, qu’est ce qui ce passe dans la fameuse promenade à vélo de « Sauve qui peut" de"Godard » .

Bon, je donne trois exemples : qui est créateur ? des expérimentaux, qui sont de grands cinéastes au besoin, ou les autres grands cinéastes qui réinjectent, je veux dire où est le maximum d’invention ?. Il n y a aucun lieu de distribuer là, mais il ne faut pas dire simplement l’un vient après l’autre, les uns utilisent ce que les autres ont trouvés. C’est pas ça, il y a une espèce de direction, il y a comme des lignes différenciées dans la création et dans l’invention où je dirais un intervalle d’Antonioni, c’est évidemment aussi important qu’un intervalle expérimental de « Landow », de la même manière, le photogramme qui brûle chez « Bergman » c’est aussi important que "bardo folie’s". Bon, c’est à chacun de nous, voilà.

Si bien que, compte tenu de ceci, et là parce que je suis fidèle, j’ai beaucoup de soucis que vous sentiez exactement à quel point on en est. Avant de.. je résume simplement ce que j’estime être nos acquis - après tout, on en fait pas tellement d’acquis - donc, ce que j’estime être nos acquis correspondant à cette nouvelle partie qui vient d’être terminée, à savoir l’image-perception comme étant un des cas de l’image-mouvement, vous vous rappelez, en effet que l’image mouvement avait trois cas, d’après notre analyse :

-  l’image-perception,
-  l’image-action,
-  l’image-affection.

Je viens de terminer l’analyse du premier cas, l’image-perception. Je voudrais résumer nos acquis sous forme de neuf remarques.

L’image perception c’est donc le premier type de l’image-mouvement dans les conditions que nous avons vues précédemment.

-  Première remarque : ce qui nous a permis d’organiser une analyse - ce n’était pas nécessaire mais ça c’est trouvé comme cela pour nous - ce qui nous a permis d’organiser une analyse de l’image- perception, c’est la distinction de deux pôles de la perception ; l’un nous l’appelions, par convention objectif, mais on avait des raisons de l’appeler "objectif" et c’était le régime de l’universelle variation, l’universelle interaction des images, c’est à dire : toutes les images varient à la fois pour elles mêmes et les unes par rapport au autres. Dés lors, pour moi, au moins on supprimait le faux problème ridicule de : "une perception objective devrait se priver du montage ! pas du tout, pas du tout, si on comprend ce que veut dire objectif, c’est à dire : le lieu de l’universelle variation, l’universelle interaction, c’est évident ça. Et d’autre part nous appelions pôle subjectif la variation de toutes les images par rapport à une image privilégiée, soit celle de mon corps, soit celle du corps d’un personnage, eh, voilà. C’était notre point de départ, c’était notre première remarque.

-  Deuxième remarque : les deux pôles ainsi définis, l’objectif et subjectif, on ne cesse pas de passer d’un pôle à l’une à l’autre. Nous avons vu, en un sens nous croisions là, j’essaye vraiment de résumer les acquis, en un sens à ce niveau, nous croisions le problème : champs, contrechamps.

-  Troisième remarque : on pourrait poser le principe suivant : que plus le centre de référence subjectif -puisque l’image subjective c’est l’image rapportée à un centre de référence, c’est les images qui varient par rapport à un centre - plus le centre de référence subjective sera lui même mobile, plus en passera du pôle subjectif au pôle objectif. Exemple, les images merveilleuses là, de variétés de « Dupond » où le centre référence subjectif est un acrobate en mouvement et où la vision de l’ensemble du cirque, du point de vue d’un tel centre de référence dynamique en mouvement, passe déjà d’un régime de l’universel variation, c’est à dire un pôle objectif.

-  Quatrième remarque : dans ces passages perpétuels, du pôle objectif au subjectif et du subjectif à l’objectif, c’est comme s’il mettait une forme spécifique de l’image-perception au cinéma. Cette forme spécifique de l’image au cinéma c’est "la mi-subjective" telle que l’a baptise « Jean Mitry » ou la demi, la semi subjective, l’image semi subjective ainsi nommée par « Mitry ». Et en effet, le statut de la mi-subjective ; nous convie à dégager une espèce de "nature de la caméra" définie comme : « être avec ». "L’être avec" de la caméra, cet être avec qui ? consiste en quoi ? qui s’effectue par exemple dans le travelling d’un circuit fermé lorsque la caméra ne se contente plus d’être avec, de suivre un personnage mais de se déplacer parmi les personnages.

-  Cinquième remarque : si l’on essaye de donner un véritable statut, un statut conceptuel, à cette mi-subjective, mais il faudra bondir sur une occasion qui est au même temps, il me semble, une des tentatives théoriques exceptionnelles dans l’effort pour penser le cinéma, à savoir la tentative de « Pasolini », tentative théorique exceptionnelle dans la mesure où elle culmine avec un concept que j’ai essayé d’analyser le plus près que je pouvais, cette fois-ci, "la subjective indirecte libre". L’image subjective indirecte libre, qui renvoie à des procédés techniques précis, qui alors ne sont plus la caméra qui se déplace parmi les personnages, les procédés techniques que « Pasolini » définit comme le zoom - on en a pas encore parlé parce que ça, je veux le garder pour plus tard, mais ça fait rien - le dédoublement de la perception et le plan immobile ou cadrage obsédant. Et qui selon, « Pasolini » définit bien une direction du cinéma, par exemple du cinéma italien, pas seulement mais du cinéma italien après le néoréalisme et qui aurait ses exemples privilégiés chez « Antonioni », chez « Bertolucci », et chez « Pasolini » lui même.

-  Sixième remarque : à ce stade de l’analyse là où « Pasolini » nous porte, si vous voulez, avec cette nouvelle notion, surgit quelque chose de décisif déjà pour .., à savoir que l’image-moyenne-mouvement du cinéma, dans laquelle nous nous étions installés depuis le début, l’image-moyenne-mouvement tend à se différencier d’après deux directions :

-  Première direction, la perception subjective à des personnages en mouvement, perception subjective des personnages en mouvement qui sortent et entrent du cadre immobile.
-  Deuxième direction, conscience de soi objective du cinéma par lui même. Sous la forme du cadre obsédant.

Le danger s’il y avait un danger théorique, c’est que cette "conscience de soi" du cinéma, se présente encore, si vous voulez - d’un point de vue théorique je parle pas d’un progrès pratique - se présente encore comme une conscience idéaliste ou comme une conscience esthétique pure.

-  Septième remarque, la conscience fixe du cinéma par lui même, doit être celle du pôle objectif, c’est à dire, celle de l’universelle variation, ou de l’universelle interaction, c’est à dire si vous voulez c’est tout simple par rapport à la précédente remarque, elle ne doit pas être elle même simplement, une composante de la perception - elle doit être elle même un objet de perception. C’est en ce sens que nous avions trouvé, dans une certaine direction du cinéma, la coexistence de deux objets de perception, si l’on peut dire : l’objet liquide comme à la fois objectif et véridique, l’objet solide comme subjectif et partiel. Et dans cette coexistence de deux régimes de la perception, perception liquide, et perception solide, déjà commençait à naitre ce qui nous occupait, ce qui commençait à nous occuper, c’est à dire la possibilité d’une perception moléculaire : à ce moment là, la conscience cinéma, à la lettre idéalement, la conscience cinéma, c’était "l’eau qui coule", et il nous avait sembler que ça définissait toute un école française entre les deux guerres, c’est dire a quel point je ne progresse pas d’après l’histoire qu’est le monde.

-  Huitième point de remarque, un pas de plus , il fallait que les deux pôles dont nous étions partis, ne soient plus simplement deux objets polaires de la perception comme l’objet liquide et l’objet solide, il fallait que ça soit comme deux formes de perception, bien plus, deux formes dont l’une jouerait le rôle d’élément génétique par rapport à l’autre, c’est à dire que l’une joue le rôle, vraiment, de "micro-perception" , de perception moléculaire, et ça il nous a semblé que c’était la direction qui était ébauchée par « Vertov », qui était reprise par le cinéma structurel, et où cette fois, l’image-mouvement se trouve dépassée vers le couple photogramme/intervalle.

-  Neuvième et dernière remarque, et voilà que, une fois de plus nous ne pouvons pas nous empêcher lorsque nous résumons nos acquis de faire comme s’il y avait là une espèce de progression, il va de soi que là encore il n’y a aucune progression et que les grands arts créateurs se font au besoin, si vous prenez mes huit niveaux, se font lorsque, un niveau plus évolué est réinjecté dans un niveau précédent, si bien que ce qui compte c’est l’ensemble du schéma, sans qu’une direction vaille mieux que l’autre, et que l’ensemble du schéma consiste à nous dire quoi ? que l’image-perception est parcourue par une espèce d’histoire - euh, c’est pas l’Histoire ! - par une espèce d’histoire qui la pousse à mettre en question la notion d’image-mouvement.

L’image-perception commence par être un type, du point de vue de notre analyse, l’image-perception commence par être un type d’image-mouvement. mais elle ne se développe et elle ne développe ses pôles, qu’en tendant à dépasser l’image-mouvement vers autre chose , vers un autre type d’image, et cela de deux façons, c’est notre dernière remarque :

-  Première façon : ce n’est plus le mouvement qui est un intervalle entre des positions dans l’espace, c’est maintenant au contraire, l’intervalle entre mouvements qui va nous élever à une réalité.

-  Deuxième acquis : ce n’est plus le mouvement cinématographique qui est plus au moins illusoire par rapport au mouvement réel, mais c’est le mouvement réel "et" sa transcription cinématographique qui sont illusoires par rapport à un réel-cinéma. Que d’acquis ! que de gains !

Qu’est ce qui nous reste ? vous voyez ce qui nous reste, c’est très simple, il va falloir faire la même chose à condition que ça ne soit pas décalé ! le rêve ce serait d’arriver à faire la même chose pour les deux autres types d’images ; image-affection et image-action, et si on arrive à faire ça, on aura épuisé l’image-mouvement. Bien plus, on ne l’aura pas épuisée, c’est elle qui nous aura conduit à un autre type d’images, car les autres types d’images que l’ image-mouvement, il y en a dix, il y en a cent, il y en a tant et tant, si bien qu’on en a jusqu’à la fin de notre vie, quoi ! parfait, de la mienne peut être, peut être, et pas tant que parfait ! Voilà, alors, nous allons bientôt commencer un nouveau type d’image, après un très court petit repos, de vous, mais je voudrais si Richard Pinhas » se sent ..mais si tu te sens entrain pour lire ce que je..., mais si tu te sens pas en train... et bah ! tant pis ! tu te lèves hein ! si tu veux bien parce que on entend très mal, ou alors, tu viens là, comme tu l’entends.

L’intervention de Richard Pinhas n’est pas audible.

" je prends un exemple trés simple..quatre paramètres...produire le timbre à partir du moment ou on va calquer.. variations possibles de l’intensité et de la durée - paramètres beaucoup plus fins : la lumière, la profondeur

Deleuze : D’ailleurs en musique je pense, tout d’un coup que le premier à avoir invoqué une espèce d’état gazeux, ou du moins un état chimique c’est « Varèse », c’est « Varèse » qui est tellement à l’origine de...

puis l’intervention de Richard Pinhas qui est toujours inaudible.

Deleuze : Il manque absolument des instruments techniques qu’il faut pour sa musique,

C’est ça, c’est ça ! Indépendamment c’est grotesque tous ces rapprochements, mais c’est parce que je ne peux pas m’ en empêcher tout en pensant que c’est grotesque , et il me semble un peu la même situation que celle de « Vertov » au cinéma, c’est avoir l’ idée de.. et pourtant c’est pas des œuvres, on peut pas dire que « Varése », son œuvre manque de quelque chose ! et il prouve en effet, d’une certaine manière, il fait quelque chose , qui ne pourrait être entendue que lorsqu’on disposera d’instruments du type synthétiseurs qui n’existe pas encore au moment où il le fait et à la lettre je crois qu’il a peu de cas, il y a beaucoup de cas comme ça je crois qu’il y a beaucoup de cas comme ça ! euh. ! je crois qu’on pouvait aimer, admirer « Varèse » de son vivant de.. est ce qu’on pouvait l’entendre pleinement ? sûrement ! il y a des gens qui l’ont entendu pleinement, qui l’ont compris très, très vite ! Mais pour nous, ça me paraît évident que pour la moyenne des auditeurs, on peut comprendre, ou entendre, vraiment entendre « Varèse » que une fois le synthétiseur existe. C’est très, très curieux ça ! tu veux pas.. ça t’embête de euh...d’essayer de dire en très peu si ça peut se dire assez clairement, le procédé, parce que ça permettrait, ça aiderait peut être, tout le monde ! le procédé des boucles et des superpositions de « Fripe ».

(intervention de Richard Pinhas)

J’ai entendu ah ! personne ici n’a entendu « Fripe » quand il est venu à Paris, c’était très, très.., a mon avis c’était très, très beau !

(intervention de : R. P)

Deleuze ; Formé, c’est bien pensé finalement, nous avons notre thème, former des trames, finalement le procédés de la boucle c’est la formation de trames, former des trames adéquates et qui varient d’après chaque paire ou chaque chose .

(intervention de : R.P)

Oui c’est l’aspect conscient qu’on se fixe ! c’est l’aspect "stopper le monde" ça !

(intervention de : R.P.)

Oui, oui, c’est lumineux tout ça, eh bien voilà vous êtes reposés ? oui, alors on continue, donc on engage une nouvelle partie, vous ne voulez pas vous reposez, hein vous ? hein, autant en finir hein, vous fumez trop, il faut arrêter hein, ...on ne se voie plus, les yeux piquent... on va attraper le rhume, bon ça y est ? Eh bien maintenant et la prochaine fois, nous allons être occupés, vous voulez pas fermer la porte ? parce que ça m’angoisse les portes ouvertes. Nous allons être occupés maintenant par la seconde espèce d’image : l’image-affection. Et voilà, j’ai envie tout de suite de dire comme ça une espèce de formule qui pourrait nous servir de repère, bien qu’à la lettre on ne puisse pas du tout comprendre où elle va nous mener, ce que j’ai envie de dire c’est - le fait que j’en ai envie ça doit être signe de quelque chose alors que pour l’image-perception, il nous a fallut très longtemps pour avoir une formule qui dessinait les choses - là j’ai envie tout de suite une espèce de formule, on l’a tout de suite, elle est très simple, c’est tout simple, on a l’impression que le secret, moi j’ai l’impression que le secret il est là, à savoir l’image- affection c’est le gros plan et le gros plan c’est le visage, un point voilà, et puis salut.

L’image-affection c’est le gros plan, et le gros plan c’est le visage, alors je me répète ça, je me répète ça, et évidemment il y a tout de suite, toute sortes de problèmes. La formule elle me paraît pleinement satisfaisante pour moi, j’ai presque envie de ne rien dire d’autre. Et puis on sent bien qu’il y a toutes sortes de choses à savoir qu’il y a des objections possibles, elles sont tellement évidentes que bon, mais justement, toute les objections possibles, j’ai l’impression, pour moi, que la formule elle tient quand même avec toute les objections ; alors ça fait mystère et puis du coup cette formule qui paraît si simple, on s’aperçoit aussi qu’elle doit être plus compliquée, je dis d’abord toutes sortes d’objections :

objection immédiate, eh ! ben quoi, qu’est ce que ça veut dire tout ça ? Déjà il y a toutes sortes de gros plan qu’ils ne sont pas de visage, bon d’accord, il y a toutes sortes de gros plan. Mais aussi qu’est ce que ça veut dire le gros plan, c’est le visage. Ça implique que je ne voudrais par la formule qu’elle ne me donnerait pas le même contentement si je disais ; un gros plan de visage, c’est pas le gros plan qui est gros plan de visage, c’est le gros plan qui est visage.

Ah ! bon, alors la formule peut être qu’elle est fausse, mais ce n’est pas ça mais je veux juste dire que sa simplicité est fausse, elle, elle risque de nous entraîner dans des voies qui ne vont pas, qui vont moins de soi qu’elle en a l’air. bon, car notre problème c’est quoi ? ce qui nous remontait dans l’image-perception, dans notre analyse précédente de l’image-perception, c’est que on était arrivé à un critère pour mener cette analyse, le critère pour mener l’analyse nous l’avons eu dès que nous avons pu distinguer deux pôles de l’image-perception.

Quitte à ce que notre analyse nous fasse prendre ces pôles dans des sens progressifs qui variaient d’après une progression ; évidemment, comprenez les conditions du problème : pas question de dire "eh ! ben, dans l’image-affection il y a deux pôles, un pôle objectif et un pôle subjectif", si ça valait pour l’image-perception ça ne vaut pas pour l’autre. Il va nous falloir une toute autre ligne directrice d’analyse, or, cette ligne directrice, moi j’en reviens à ça, je suis tellement content, je me répète : l’image c’est pas que ce soit une bonne formule mais je sens que en elle qu’elle est pas vraie non plus, mais je sens que en elle réside une vérité. "L’image-affection c’est le gros plan, et le gros plan c’est le visage" . Eh ! bien, un petit texte de « Eisenstein », qui a été traduit, un très petit texte qui a été traduit dans les Cahiers du Cinéma dit quelque chose qui est très intrigant, très intéressant il me semble, il dit : prenons les trois grands types de plans
-  plan d’ensemble,
-  plan moyen,
-  gros plan.

Il faut bien voir que ce n’est pas simplement trois sortes d’images dans un film, mais c’est trois manières dont il faut considérer n’importe quel film, trois manières coexistantes dont il faut considérer n’importe quel film - et il dit le plan d’ensemble, il y a une manière dans, quelque soit le film que vous voyez, propose « Eisenstein », comme manière de voir les films - il faut que vous le voyez comme s’il a été fait uniquement de plan d’ensemble et puis en même temps il faut que vous le voyez comme s’il a été fait uniquement de plan moyen, et puis il faut que vous le voyez comme si il a été fait uniquement de gros plans et il dit c’est forcé parce que, le plan d’ensemble c’est ce qui renvoie au Tout du film, et quand vous voyez un film vous devez être sensible au Tout. Et puis le plan moyen c’est ce qui renvoie à quelque chose comme l’action ou l’intrigue ou l’histoire et quand vous voyez un film, il faut que vous soyez sensible à l’action, et le gros plan c’est le détail et quand vous voyez un film, il faut que vous soyez sensible au détail. Bon nous, on dirait un peu autre chose mais ça revient au même. On dirait, eh ben oui !
-  le plan d’ensemble c’est l’image-perception,
-  le plan moyen c’est l’image-action,
-  le gros plan c’est l’image-affection.

Et quand vous voyez un film il faut que vous le voyez comme simultanément fait exclusivement....

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