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1- 02/12/80 - 1
Gilles Deleuze- Spinoza Université de VINCENNES À Saint Denis 1 - 02/12/1980 - 1 Des vitesses de la pensée - ...que j’avais comme esquissé et qui était un problème comme ça : ce problème des vitesses de la pensée et de l’importance de ces vitesses chez Spinoza, du point de vue de Spinoza lui même. Et je disais après tout, l’intuition intellectuelle - ce que Spinoza présentera comme l’intuition du troisième genre de connaissance, - c’est bien une espèce de pensée comme éclair. C’est bien une pensée à vitesse absolue. C’est à dire qui va à la fois le plus profond et qui embrasse, qui a une amplitude maximum et qui procède comme en un éclair. Il y a un assez beau livre de Romain Rolland qui s’appelle « L’éclair de Spinoza ». Très bien écrit. Or je disais, quand vous lirez "L’Ethique" ou quand vous la relirez, il faut que vous soyez sensible ou au moins que vous pensiez à cette question que je pose uniquement, à savoir qu’il semble bien, comme je disais la dernière fois, que le livre Cinq procède autrement. C’est à dire que dans le dernier livre de "l’Ethique" et surtout à partir d’un certain moment que Spinoza signale lui-même, le moment où il prétend entrer dans le troisième genre de connaissance, les démonstrations n’ont plus du tout le même schéma que dans les autres livres parce que dans les autres livres, les démonstrations étaient et se développaient sous le second ordre de connaissance. Mais quand il accède au troisième genre ou à une exposition d’après le troisième genre de connaissance, le mode démonstratif change. Les démonstrations subissent des contractions. Il y a de toutes sortes, il y a des pans de démonstration qui, à mon avis, ont disparu. Tout est contracté. Tout va à toute allure. Bon, c’est possible. Mais ça, ce n’est qu’une différence de vitesses entre le livre Cinq et les autres. La vitesse absolue du troisième genre, c’est à dire du livre Cinq, par différence aux vitesses relatives des quatre premiers livres. Je disais aussi autre chose la dernière fois. Si je m’installe dans le domaine des vitesses relatives de la pensée, une pensée qui va plus ou moins vite. Je m’explique : vous comprenez ce problème. j’y tiens parce que c’est une espèce de problème pratique. Je ne veux pas dire qu’il faille mettre peu de temps à la pensée. Bien sûr la pensée est une chose qui prend extraordinairement de temps. Ca prend beaucoup de temps. Je veux parler des vitesses et des lenteurs produites par la pensée. Tout comme un corps a des effets de vitesse et de lenteur suivant les mouvements qu’il entreprend. Et il y a des moments où il est bon pour le corps d’être lent. Il y a même des moments où il est bon pour le corps d’être immobile. C’est pas des rapports de valeur. Et peut-être que la vitesse absolue et une immobilité absolue, ça se rejoint absolument. S’il est vrai que la philosophie de Spinoza procède comme et par un étalement sur une espèce de plan fixe. Si il y a bien cette espèce de plan fixe spinoziste où toute sa philosophie s’inscrit. C’est évident que à la limite l’immobilité absolue et la vitesse absolue ne font plus qu’un. Mais dans le domaine du relatif des quatre premiers livres, parfois il faut que la pensée produise de la lenteur, la lenteur de son propre développement et parfois, il faut qu’elle aille plus vite, la vitesse relative de son développement relatif à tel ou tel concept, à tel ou tel thème. Or je disais, si vous regardez l’ensemble alors des quatre premiers livres, il me semble à nouveau, je fais - je faisais une autre hypothèse sur laquelle je ne veux pas trop m’étendre - qui est que, dans l’Ethique, il y a cette chose insolite que Spinoza appelle des "scolies", à côté, en plus des propositions démonstrations, corollaires. Il écrit des scolies, c’est à dire des espèces d’accompagnement des démonstrations. Et je disais, si vous les lisez même à haute voix - il y a pas de raison de traiter un philosophe plus mal qu’on ne traite un poète ... - si vous le lisez à haute voix, vous serez immédiatement sensibles à ceci : c’est que les scolies n’ont pas la même tonalité, n’ont pas le même timbre que l’ensemble des propositions et démonstrations. Et que là le timbre se fait, comment dirais-je, pathos, passion. Et que Spinoza y révèle des espèces d’agressivité, de violence auxquelles un philosophe aussi sobre, aussi sage, aussi réservé, ne nous avait pas forcément habitués. Et que il y a une vitesse des scolies qui est vraiment une vitesse de l’affect. Par différence avec la lenteur relative des démonstrations qui est une lenteur du concept. Comme si dans les scolies des affects étaient projetés, alors que dans les démonstrations des concepts sont développés. Donc ce ton passionnel pratique - peut-être qu’un des secrets de l’Ethique est dans les scolies - et j’opposais à ce moment-là une espèce de chaîne continue des propositions et démonstrations, continuité qui est celle du concept, à la discontinuité des scolies qui opère comme une espèce de ligne brisée et qui est la discontinuité des affects. Bon, supposons ... Tout ça, c’est à vous de - c’est des impressions de lecture. Comprenez que si j’insiste là-dessus c’est peut-être que la forme après tout est tellement adéquate au contenu même de la philosophie que la manière dont Spinoza procède formellement a déjà quelque chose à nous dire sur les concepts du spinozisme. Et enfin, je fais toujours dans cet ordre des vitesses et des lenteurs relatives, une dernière remarque. C’est que si je prends uniquement l’ordre des démonstrations dans leur développement progressif, l’ordre des démonstrations, il n’y a pas une vitesse relative uniforme. Tantôt ça s’étire et ça se développe. Tantôt ça se contracte et ça s’enveloppe plus ou moins. Il y a donc, dans la succession des démonstrations des quatre premiers livres, non seulement la grande différence de rythme entre les démonstrations et les scolies, mais des différences de rythme dans le courant des démonstrations successives. Elles ne vont pas à la même allure. Et là, je voudrais alors retrouver en plein - c’est par là que c’est pas seulement des remarques formelles - retrouver en plein, pour finir avec ces remarques sur la vitesse, retrouver en plein le problème de ... Hé ben, presque, le problème de l’ontologie. Sous quelle forme ? Je prends le début de "l’Ethique". Comment est-ce qu’on peut commencer dans une ontologie ? Dans une ontologie, du point de vue de l’immanence où, à la lettre, l’Etre est partout, partout où il y a de l’Etre. Les existants, les étants sont dans l’Etre, c’est ce qui nous a paru définir l’ontologie dans nos trucs précédents. Par quoi et comment peut-on commencer ? Ce problème du commencement de la philosophie qui a traîné dans toute l’histoire de la philosophie et qui semble avoir reçu des réponses très différentes. Par quoi commencer ? D’une certaine manière, là comme ailleurs, suivant l’idée toute faite où on se dit que les philosophes ne sont pas d’accord entre eux, chaque philosophe semble avoir sa réponse. C’est évident que Hegel a une certaine idée sur par quoi et comment commencer en philosophie, Kant en a une autre, Feuerbach en a une autre et prend à partie Hegel à propos de ça. Ben si l’on applique ce problème à Spinoza, lui, comment il commence ? Par quoi il commence ? On semblerait avoir une réponse imposée. Dans une ontologie on ne peut commencer que par l’Etre. Oui, peut-être. Et pourtant ... Et pourtant, Spinoza - le fait est - ne commence pas par l’Etre. Ca devient important pour nous, ça sera un problème. Comment se fait-il que dans une ontologie pure, dans une ontologie radicale, on ne commence pas par là où l’on se serait attendu que le commencement se fasse, à savoir par l’Etre en tant qu’Etre ? On a vu que Spinoza déterminait l’Etre en tant qu’Etre comme substance absolument infinie et que c’est ça qu’il appelle Dieu. Or, le fait est que Spinoza ne commence pas par la substance absolument infinie, il ne commence pas par Dieu. Et pourtant, c’est comme un proverbe tout fait, hein, de dire que Spinoza commence par Dieu. Il y a même une formule toute faite pour distinguer Descartes et Spinoza : « Descartes commence par le moi, Spinoza commence par Dieu. » Hé bien ! c’est pas vrai. C’est pas vrai. Du moins ce n’est vrai que d’un livre de Spinoza et c’est un livre qui, à la lettre, n’est pas de lui. En effet, Spinoza dans sa jeunesse faisait déjà, suivant la méthode que je vous aie dite - la méthode des collégiants, - faisait des espèces de cours privés à des groupes de types. Et ces cours, on les a. On les a sous forme de notes d’auditeurs. Pas exclu que Spinoza ait rédigé certaines de ces notes. Très obscur. L’étude du manuscrit est très, très compliquée et a toute une histoire. Enfin, l’ensemble de ces notes existe sous le titre de « Le cours traité ». Le cours traité. Or dans "Le cours traité", le chapitre Un est ainsi intitulé : « Que Dieu est ». Je peux dire, à la lettre, "Le cours traité" commence par Dieu. Mais ensuite, pas du tout, ensuite pas du tout ... Et là ça pose un problème. Parce que l’on dit très souvent que l’éthique commence par Dieu et en effet, le "livre Un" est intitulé « De Deo. » De Dieu, au sujet de Dieu. Mais si vous regardez en détail - tout ceci étant des invites pour que vous fassiez très attention à la lettre du texte - si vous regardez en détail, vous verrez que Dieu dans le livre Un, au niveau des définitions n’est atteint qu’à la définition Six - donc il a fallu cinq définitions - et au niveau des démonstrations n’est atteint que vers Neuf, Dix, propositions Neuf et Dix. Il a donc fallu cinq définitions préalables et il a fallu huit propositions/démonstrations préalables. Je peux en conclure que, en gros, l’Ethique commence par Dieu, littéralement, à la lettre, elle ne commence pas par Dieu. Et en effet, elle commence par quoi ? Elle commence par le statut des éléments constituants de la substance, à savoir, les attributs. Mais bien mieux. Avant l’Ethique, Spinoza avait écrit un livre, « Le traité de la réforme de l’entendement. » Dans ce traité, - ce traité, il ne l’a pas achevé. Pour des raisons mystérieuses dont on pourra parler plus tard, mais enfin là peu importe, il ne l’a pas achevé.
Or je lis parce que j’y attache beaucoup d’importance vous allez voir, parce que je voudrais soulever certains problèmes de traduction très rapidement :
paragraphe 46 : je lis la traduction - la meilleure traduction du traité de la réforme c’est la traduction de Koyré aux éditions Vrin mais ceux qui ont la Pleîade, vous vous contentez de ce que vous trouvez, c’est pas grave.
paragraphe 46 - dans toutes les éditions le numérotage des paragraphes est le même - "si par hasard quelqu’un demande pourquoi moi même, puisque la vérité se manifeste par elle même, je n’ai pas tout d’abord et avant tout exposer dans l’ordre dû, les vérités de la nature, je lui réponds" - et là dessus une série de trois petits points indiquant une lacune - "je lui réponds et en même temps je l’exhorte de ne pas rejeter comme fausses les choses que je viens d’exposer à cause de paradoxes qui peut être se trouvent ça et là"..
Comprenez je dis : c’est quand même marrant, les éditeurs ils ne sont pas genés et ils ont raison de ne pas être génés - quand quelque chose ne leur convient pas, ils flanquent une lacune.
Là il y a l’indication d’une lacune qui n’est pas du tout dans le manuscrit. et c’est très bizarre ! est ce que vous sentez ce que je veux dire ?
Supposez un éditeur qui soit persuadé que Spinoza, même nerveusement persuadé - que Spinoza "doit" commencer par L’Etre, c’est à dire par la substance absolument infinie c’est à dire par Dieu, il rencontre des textes où Spinoza dit le contraire : qu’il ne va pas commencer par Dieu, l’éditeur à ce moment se trouve devant plusieurs possibilités :
Et enfin parce que c’est le plus beau tas, paragraphe 99 où là, la traduction est trafiquée, ce qui est il me semble, le pire !
Voilà ce que dit le texte traduit par Colleret et les traducteurs là, suivent Colleret, je cite colleret parce était un homme très prodigieux d’une science immense - je lis la traduction de Colleret :
"Pour que toutes nos perceptions soient ordonnées et unifiées il faut que aussi rapidement que faire se peut" - on le retrouve - "il faut faire aussi rapidement que faire se peut" et Coilleret traduit : "- la raison l’exige - nous recherchions s’il y a un Etre et aussi quel Il est".
Voyez la traduction que Colleret donne : "il faut que aussi vite que possible - la raison l’exige - nous recherchions s’il y a un Etre, en d’autres termes il fait porter "la raison l’exige" sur la nécéssité de rechercher s’il y a un Etre.
C’est bizarre pour un homme qui savait le latin admirablement car le texte ne dit pas ça du tout. je traduis le texte en mauvais français mais mot à mot : "il faut que, il est requis que aussi vite que possible et que la raison l’exige. Voyez c’est pas grand chose mais c’est énorme ça change tout. En latin : "quam primum fieri potest et ratio postulat" : aussi vite qu’il est possible et que la raison l’exige, en d’autres termes :
c’est la raison qui exige que nous ne commencions pas par l’Etre mais que nous y arrivions le plus vite possible.
Or pourquoi ça m’importe ça ? C’est qu’alors cette question d’accord. Il y a une vitesse relative. Aussi vite que possible c’est les dix premières démonstrations de l’Ethique, du livre Un. Il va aussi vite que possible. C’est ça la vitesse relative de la pensée. La raison exige qu’il y ait un rythme de la pensée. Vous ne commencerez pas par l’Etre, vous commencerez par ce qui vous donne accès à l’Etre.
Mais qu’est-ce qui peut me donner accès à l’Etre ? Alors c’est quelque chose qui "n’est pas". C’est pas l’Un. On a vu que ça ne spouvait pas être l’Un.
C’est quoi ? C’est un problème. C’est un problème.
Je dirais ma conclusion : si c’est vrai que Spinoza c’est un philosophe pour qui la pensée est tellement productrice de vitesses et de lenteurs, est prise elle-même dans un système de vitesses et de lenteurs.
C’est bizarre ça. Encore une fois, ça va beaucoup plus loin que de nous dire : « La pensée prend du temps. » La pensée prend du temps, Descartes l’aurait dit, je l’ai rappelé la dernière fois, Descartes l’aurait dit. Mais la pensée produit des vitesses et des lenteurs et elle-même est inséparable des vitesses et des lenteurs qu’elle produit.
C’est très libre ce que je dis là. C’est pour vous donner envie d’aller voir cet auteur. Je sais pas si je réussis, peut-être que j’obtiens le contraire. Donc je fais pas encore du commentaire lettre à lettre. J’en fais parfois comme je viens d’en faire mais .. Vous me comprenez ... De quoi est-ce qu’on dit « Ca va vite, ça va pas vite », « Ca se ralentit, ça se précipite, ça s’accélère » ? On dit ça des corps. On dit ça des corps. Et je vous ai dit déjà, quitte à ne le commenter que plus tard, que Spinoza se fait une conception très extraordinaire des corps c’est à dire une conception vraiment cinétique. En effet, il définit le corps, chaque corps, et bien plus, il en fait dépendre l’individualité du corps. L’individualité du corps, pour lui, de chaque corps, c’est un rapport de vitesses et de lenteurs entre éléments. Et j’insistais : entre éléments non formés. Pourquoi ? Puisque l’individualité d’un corps c’est sa forme, et s’il nous dit la forme du corps - il emploiera lui-même le mot forme en ce sens - la forme du corps, c’est un rapport de vitesses et de lenteurs entre ses éléments, il faut que les éléments n’aient pas de forme, sinon la définition n’aurait aucun sens. Donc il faut que ce soient des éléments matériels non formés, qui n’ont pas de forme par eux-mêmes. Ce sera leur rapport de vitesses ou de lenteurs qui constituera la forme du corps. Mais en eux-mêmes, ces éléments entre lesquels s’établissent les rapports de vitesse et de lenteur sont sans forme, non formés. Non formés et informels. Qu’est-ce que je peux vouloir dire, on remet à plus tard. Mais pour lui c’est ça un corps. Et je vous disais une table, Hé ben c’est ça.
Bon, pensez à la physique. La physique nous dira système de molécules en mouvement les unes par rapport aux autres, système d’atomes. C’est le bureau d’Edington, le bureau du physicien. Bon.
Or il a cette vision. Encore une fois, c’est pas du tout qu’il précède la physique atomique ou électronique. C’est pas ça. C’est pas ça ! C’est que, en tant que philosophe, il a un concept du corps tel que La philosophie produit à ce moment là une détermination du corps que la physique avec de tout autres moyens retrouvera ou produira pour son propre compte.
Ca arrive tout le temps ces trucs là. Et donc, c’est très curieux.
Car ça me fait penser à des textes particulièrement beaux de Spinoza. Vous trouverez par exemple au début du livre du livre Trois de l’Ethique. Spinoza lance vraiment des choses qui ressemblent - L’année dernière j’avais essayé de trouver ou d’indiquer - pas de trouver, j’avais pas trouvé - un certain rapport entre les concepts d’un philosophe et des espèces de cris - de cris de base, des espèces de cris - de cris de la pensée.
Hé ben, il y a comme ça, de temps en temps, il y a des cris qui sortent de Spinoza.
C’est d’autant plus intéressant que encore une fois ce philosophe qui passe pour une image de sérénité, curieux, quand est-ce qu’il se met à crier ? Il crie beaucoup justement dans les Scolies. Ou bien dans les introductions à un livre. Il crie pas dans les démonstrations. La démonstration c’est pas un endroit ou un lieu où on peut crier.
sur l’âme et ses rapports sur le corps il a une doctrine qui sera connue sous le nom - le mot n’est pas de lui - qui sera connue sous le nom de parrallelisme. Or le parrallélisme c’est quoi ? je dis c’est curieux parce que le mot il ne vient pas de lui, il vient de Leibnitz qui s’en sert dans un tout autre contexte et pourtant ce mot même conviendrait très bien à Spinoza.
revenons à sa proposition ontologique de base, c’est l’Etre - elle comporte plusieurs articulations
On a vu et je ne reviens pas là dessus que, au contraire Spinoza developpe, déploie le plan fixe de l’univocité de l’être, de l’être univoque. Si l’être est substance c’est la substance absolument infinie et il n’y a rien d’autre que cette substance, cette substance est la seule ! en d’autres termes univocité de la substance.
Pas d’autres substances que l’être absolument infini c’est à dire pas d’autre substance que l’être en tant qu’être.
L’être en tant qu’être est substance ce qui implique immédiatement que rien d’autre ne soit substance.
Rien d’autre ? qu’est ce qu’il y a d’autre que l’être ? On l’a vu les dernières fois et c’est peut être ça le point de départ de l’ontologie qu’on cherchait.
Donc on va peut être avoir une réponse possible à notre question !
Qu’est ce qu’il d’autre que l’être, que l’être en tant qu’être du point de vue d’une ontologie même ? On l’a vu depuis le début ; ce qu’il y a d’autre que l’être en tant qu’être, du point de vue de l’ontologie même c’est ce dont l’être se dit c’est à dire l’étant, l’existant.
l’être se dit de ce qui "est", de l’étant, de l’existant.
Voyez la conséquence immédiate ce qui est : l’étant n’est pas substance.
Evidemment c’est scandaleux d’un certain point de vue, scandaleux pour Descartes, pour toute la pensée chrétienne, pour toute la pensée de la création.
Alors c’est quoi ? on n’a même plus le choix ! ce qui "est" n’est ni substance ni attribut puisque la substance c’est l’être, les attributs c’est les éléments de l’être.
Alors, simplement, s’il y a égalité parfaite, qu’est ce qu’il faut dire ? Qu’est c’est le parallélisme ?
Nous sommes des modes, hein !
Nous sommes des modes, nous ne sommes pas des substances, c’est-à-dire nous sommes des manières d’être, nous sommes modes, ça veut dire manières d’être, nous sommes des manières d’être, nous sommes des modes, en d’autres termes, l’être se dit, de quoi ?
Il se dit de l’étant, mais qu’est ce que l’étant ? L’étant, c’est la manière d’être, vous êtes des manières d’être, c’est bien ça ! Vous n’êtes pas des personnes, vous êtes des manières d’être, vous êtes des modes.
Est-ce que ça veut dire comme Leibniz fait semblant de le croire, comme beaucoup de commentateurs ont dit que finalement Spinoza ne croyait pas à l’individualité, au contraire, je crois qu’il y a peu d’auteurs qui ont autant cru et saisi l’individualité, mais on a l’individualité d’une manière d’être. Et vous vallez ce que vaut votre manière d’être. Oh ! Comme c’est rigolo tout ça ! Alors, je suis une manière d’être ? Bein oui, je suis une manière d’être. Ça veut dire une manière de l’être, un mode de l’être. Une manière d’être, c’est un mode de l’être.
Je ne suis pas une substance. Vous comprenez, une substance, c’est une personne. Eh bien, non, je ne suis pas une substance. Je suis une manière d’être.
C’est peut-être bien mieux... ! On ne sait pas ! Alors forcément, je suis dans l’être puisque je suis une manière d’être.
Forcément, il y a l’immanence, il y a immanence de toutes les manières à l’être. Il est en train de faire une pensée, mais on se dit à la fois, mais évidemment, en fin on se dit, si vous avez le goût de ça on se dit, bien évidemment, il a raison mais c’est tout biscornu, cette histoire ; C’est tout étonnant ! Il nous introduit dans un truc tout à fait bizarre !
Essayez de penser un instant comme ça ; il faut que vous le répétiez beaucoup. Non, non, je ne suis pas une substance ; je suis une manière d’être. Hein... ouais, Tiens ! Ah bon ! Une manière de quoi ?
Bein ouais, une manière de l’être. Tiens... ! Alors ça dure une manière d’être, ça a une personnalité, une individualité ?
Ça ne peut être pas de personnalité, ça une très forte individualité, une manière de l’être, une manière d’être.
Alors, ça engage à quoi ? Eh bein, ça veut dire que je suis dedans. Je suis dans quoi ? Je suis dans l’être dont je suis la manière. Et l’autre ? L’autre aussi, il est dans l’être dont il est la manière.
Mais alors, si on se tape dessus, c’est deux manières d’être qui se battent ? Oui, c’est deux manières d’être qui se battent.
Bon, alors, si c’est d’une manière d’être, d’accord, on avance un peu, là, et je ne suis rien d’autre ! Je suis un rapport de vitesse et de lenteur entre les molécules qui me composent.
Quel monde !
Je pensais qu’évidemment, tout croyant, tout chrétien, bondissait quand il lisait du Spinoza, il se disait mais c’est quoi ça ?
Même tout juif, je ne sais pas... tout homme de religion... lui, il continuait... il s’en faisait pas ! Il continuait...
Alors donc, quelle manière de l’être, d’être, je suis, si je suis une manière d’être ? On va dire, ce n’est pas compliqué !
Voilà, vous comprenez... J’ai un corps et une âme ; là, il semble dire... il semble retomber en plus, sur le pied de tout le monde... J’ai un corps et une âme ; enfin, on s’y trouvera enfin, il dit quelque chose comme tout le monde, ça ne va pas durer longtemps.
Il dit c’est très vrai ça, J’ai un corps et une âme et même Je n’ai que ça ! Et là, d’un certain côté, c’est embêtant. C’est embêtant puisqu’il y a une infinité d’attributs de la substance absolue ; et moi, j’ai simplement un corps et une âme ; et en effet qu’est ce c’est un corps ?
Donc, je suis deux modes de deux attributs, corps : mode de l’étendue, âme : mode de la pensée mais je suis une seule et même modification de la substance.
Je suis une seule et même modification de la substance qui s’exprime dans deux attributs, dans l’attribut étendue comme corps, dans l’attribut pensée comme âme.
Je suis deux par les attributs que j’implique, je suis un par la substance qui m’enveloppe.
Ce n’est pas du tout la même chose qu’une morale, forcément, pour une raison très simple, il y a quelque chose qui appartient fondamentalement à la morale ; c’est l’idée d’une raison inverse, une règle inverse dans le rapport de l’âme et le corps.
En d’autres termes vous avez toujours les deux à la fois ! Jamais ! Jamais ! Vous ne pouvez jamais jouer votre âme sur votre corps et votre corps sur votre âme ! Jamais ! L’un et l’autre sont la même manière exprimée dans deux attributs. Donc renoncer à parier sur l’un contre l’autre ! Ce n’est pas la peine d’essayer ! En fin... Ça ne marchera jamais comme ça ! Alors j’en reviens à ceci : d’où vient ce cri : "l’étonnant c’est le corps" qui a bien l’air de démentir le parallélisme ; vous voyez pourquoi ça s’appelle le parallélisme ! En effet deux modes d’attributs différents, corps de l’étendue, âme dans la pensée, les attributs sont strictement indépendants et égaux donc parallèles et c’est la même modification qui s’exprime dans un mode ou dans l’autre ; Bon, alors comment est-ce qu’il peut nous dire l’étonnant c’est le corps... qui semble ériger un modèle du corps... ? "Vous ne savez même pas ce que peut un corps" ! Qu’est ce qui peut... vous ne savez même pas ça ! On ne sait pas ! En effet, les choses prodigieuses qu’un bébé, un alcoolique ou un somnambule peuvent faire quand leur raison est assoupie, quand leur conscience est endormie... vous ne savez même pas ce que peut un corps ! Ça ne va pas ! ... avec tout ce qui précède ! Si, ça va évidement très bien ! Il est en train de nous dire, vous voyez, quelque chose de très important, il est en train de nous dire : le corps dépasse la connaissance que vous croyez en avoir. Votre corps dépasse infiniment la connaissance que vous croyez en avoir... évidemment, puisque vous ne savez même pas que le corps est une manière d’être de l’étendue... et qu’à titre de manière d’être de l’étendue, il est constitué par toutes sortes de rapports de vitesses et de lenteurs transformables les uns dans les autres et vous ne savez rien de tout ça, on ne sait rien de tout ça, dit-il. On peut le dire encore aujourd’hui qu’on ne sait rien de tout ça. On fait des progrès... c’est curieux, je suis frappé que la biologie actuelle va tellement dans un certain spinozisme mais ça, on verra, on verra plus tard. Eh bein, eh bein, eh bein... Il dit : votre corps dépasse la connaissance que vous en avez et de même - c’est ça qu’il faut ajouter- et de même - essayons puisqu’il y a le parallélisme, puisque le corps et l’âme c’est la même chose et bien - de même votre âme dépasse infiniment la conscience que vous en avez ; tout ça, c’est dirigé tout droit contre Descartes, évidemment. De même que votre corps, il fallait passer par le corps pour comprendre ce qu’il va dire, d’où la phrase : "l’étonnant, c’est le corps qui"... "on ne sait même pas ce que peut un corps", vous voyez, ce qu’il veut dire complètement c’est : "de même que votre corps dépasse la conscience que vous en avez, votre âme et votre pensée dépassent la conscience que vous en avez", si bien que la tâche de la philosophie comme éthique, ça sera quoi ? Ça sera accéder à cette connaissance de l’âme et à cette conscience du corps... non ! Zut alors ! ... à cette connaissance du corps et à cette conscience de l’âme qui dépassent la connaissance dite naturelle que nous avons de notre corps et la conscience naturelle que nous ayons de notre âme. Il faudra aller jusqu’à découvrir cette inconscience de la pensée et cette inconnue du corps et les deux ne font qu’un. L’inconnue du corps... |
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