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1- 27/05/80 - 2

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Gilles Deleuze à Vincennes - Anti-Œdipe et autres réflexions cours du 27/05/80 - 2 transcription : Frédéric Astier 46’44 -

... Je dirais, et même déjà bébé, même avant de parler. Vous me direz ? il n’ a pas de comparaison ? il n’ a pas de comparaison, il n’y a pas lieu à faire une comparaison. Il ne parle pas, il ne se dit pas : "je suis dans une prison", ou "mon père dirige une prison" ?. Ce qu’il éprouve, c’est une certaine constellation très très impressionnante, qui est celui d’une puissance sur un endroit noir et fermé. Et peu importe que, il ne compare pas, au besoin il ne sache même pas qu’il y a d’autres endroits. Mais je dis, ça va de soi : tout petit déjà, il ne vit pas simplement son père comme père, il vit son père sous la puissance-père, et, E T - ça étant indissociable - père ET gardien de prison. Bon, est-ce ça compte ? Ensuite, dans la mesure où Masoch personnellement développe, à certains moments, un véritable délire, ce délire, il consiste en quoi ?

-  Ce délire, ce n’est pas simplement un délire, c’est aussi une politique. Il vit dans l’Empire Austro-hongrois, Masoch. Toute sa vie, c’est une espèce de réflexion, mais de réflexion active et de participation au problème des minorités dans l’Empire autrichien. Et qu’est-ce que c’est que ses thèmes obsessionnels ? Ses thèmes obsessionnels, c’est l’amour courtois, avec les épreuves que l’amoureux s’impose et le rôle des femmes dans les minorités. Comme quoi les mouvements de minorités, Masoch est un de ceux qui l’ont dit le plus profondément, les mouvements de minorités sont profondément animés par des femmes. Y a tout cela qui se mêle, dans, et pour constituer cet espèce de masochisme qui délire les minorités, qui délire le Moyen Âge au niveau de l’amour courtois, et qui délire le monde des prisons. Je dis : si vous ramenez ça à un problème de Masoch enfant par rapport à son père et sa mère, alors autant dire y a plus rien à dire quoi, c’est grotesque, c’est grotesque. Je vous demande chaque fois que vous êtes devant, soit devant la transcription écrite, soit devant l’audition orale de quelque chose de délirant, vous verrez que, ce qui est investi, c’est fondamentalement, c’est-à-dire ce qui est investi par le désir, c’est fondamentalement un champ historico mondial.
-  Et j’appellerai lignes de fuites, les lignes qui relient le délirant à telle direction, ou à telle région du champ historico mondial.

-  Alors si c’est comme ça, j’essaye juste de dire "processus". Mais peut-être est-ce un peu plus clair ? Quelque chose nous arrive, quelque chose nous emporte. Toute la question d’une analyse qui ne serait pas une psychanalyse, c’est quoi ? Qu’est-ce que c’est ? Mais qu’est-ce que c’est, c’est : quelles lignes traces-tu ?

Je veux dire pour moi l’analyse, ça ne peut être, ça n’est ni une interprétation, ni une opération de signifiance, c’est un tracé cartographique. Si vous ne trouvez pas les lignes qui composent quelqu’un, y compris ses linges de fuites, vous ne comprenez pas les problèmes qu’il pose ou qu’il se pose. Or en effet des lignes de fuites, vous comprenez, c’est pas uniforme. La manière dont quelqu’un... une ligne de fuite même, c’est une opération ambiguë,

-  je dis c’est ça le processus, c’est ça ce qui nous emporte. Évidemment ça veut dire que pour moi les lignes de fuites, c’est ce qu’il y a de créateur chez quelqu’un. Les lignes de fuites, c’est pas des lignes qui consistent à fuir, bien que ça consiste à fuir, mais c’est vraiment la formule que j’aime beaucoup d’un prisonnier américain qui lance le cri : "Je fuis, je ne cesse pas de suivre, mais en fuyant je cherche une arme ?. Je cherche une arme, c’est-à-dire je crée quelque chose. Finalement la création c’est la panique, toujours, je veux dire, c’est sur les lignes de fuites que l’on crée, parce c’est sur les lignes de fuites que l’on n’a plus aucune certitude, lesquelles certitudes se sont écroulées. Alors je dis bien, voilà.

-  Le processus, mais, et là je pense répondre plus directement enfin à ta question. Je dirais, précisément parce que ces lignes ne préexistent pas au tracé qu’on en fait. Je dirais à la fois ces lignes ne préexistent pas au tracé qu’on en fait et puis toutes les lignes ne sont pas des lignes de fuites. Y a d’autres types de lignes. Alors une année ici, on s’était consacré à ça, je crois qu’on a passé pas loin d’un an à étudier les sortes de lignes qui composent quelqu’un, qui composent quelqu’un au sens individu ou groupe, dans un champ social ou dans un champ historico mondial.

À la limite on distinguait comme plusieurs types de lignes. On s’était beaucoup intéressé à une nouvelle splendide, parce que là aussi le délire n’est pas loin, une nouvelle très belle de Fitzgerald, où il distingue, lui il a tout un langage, tout un vocabulaire, où il distingue les grandes cassures, les petites fêlures et les vraies ruptures. Et finalement on vit de ça. Et il essaye de montrer, il montre très bien que ces trois sortes de lignes, moi, je crois qu’il y a toujours chez tous les gens, ces trois sortes de lignes, mais les unes qui avortent, les autres qui ... Alors c’est presque une analyse des lignes, presque au sens de ligne de la main, sauf que c’est pas dans la main, ces lignes.

Moi je comprendrais rien à quelqu’un si je peux pas le traduire dans une espèce de dessin linéaire. Avec - il faudrait trois couleurs, au moins trois couleurs, en fait beaucoup plus - et tracer les lignes dans lesquelles il se trouve, et comment il se débrouille. Je dirais oui, vous comprenez, toutes ces lignes alors qui s’embrouillent, qui s’embrouillent terriblement, je proposais de les appeler "des lignes de segmentarité dure".

-  Et on a tous des lignes de segmentarité dure. Il s’agit pas de dire les unes sont mauvaises et les autres bonnes, il s’agit de se débrouiller avec toutes ces lignes. Des lignes de segmentarité dure, pour moi, c’est des choses que tout le monde connaît bien, mais déjà il y a plein de cas comme ça. Il y a des cas très très différents dans ce premier paquet de lignes. Nous sommes, moi je voudrais vraiment presque arriver à me concevoir et à concevoir les autres comme uniquement des paquets de lignes abstraites. Alors ça représente rien ces lignes, mais elles fonctionnent, elles fonctionnent.

-  Et pour moi la schizo-analyse, c’est uniquement cela : c’est la détermination des lignes qui composent un individu ou un groupe, le tracé de ces lignes. Or ça concerne tout l’inconscient. Ces lignes elles ne sont pas immédiatement données, ni dans leur importance respective ni dans leurs avances. C’est pour ça que plutôt qu’une histoire, je rêve d’une géographie, c’est-à-dire d’une cartographie, faire la carte de quelqu’un. Alors oui, je dis qu’est-ce que c’est que la segmentarité dure ? Et bien oui on est segmentarisé de partout. On est segmentarisé de partout, c’est une première sorte de ligne qui nous traverse. Je veux dire : on est d’abord segmentarisé immédiatement : le travail, le loisir, les jours de la semaine, le jour, la nuit, vous voyez. C’est une ligne à segment. Le travail, le jour de vacance, le dimanche, enfin du type métro, boulot, etc. Une espèce de segmentarité. Il y a toute une bureaucratie de la segmentarité. Il y a le bureau, on va, quand vous allez d’un bureau à un autre pour avoir le moindre papier, on voit bien ce que c’est que la segmentarité sociale. On vous envoie d’un segment à un autre.

-  Mais aussi y a une segmentarité encore plus troublante, plus difficile. C’est dire que déjà la ligne, je pourrais pas dire il y a "une" ligne de segmentarité, et c’est pas la même pour chacun. Ca c’est tellement variable pour chacun d’après les métiers, d’après les modes de vie. On est segmentarisé comme des vers, quoi ! mais on peut pas dire que c’est pas bien, ça dépend, ça dépend ce que vous en tirez, mais c’est une première composante de vos lignes. Un segment, un autre segment, un autre segment ! ah là je rentre ? ah je suis chez moi, la journée est finie ? ah ! qu’on vienne pas m’embêter ! Passer d’un segment à un autre. Y a ceux, remarquez déjà, y a ceux qui ont assez peu, où cette ligne est comme, affaiblie, affaiblie. Ils sont très séduisants ceux-là, qui ont une segmentarité très affaiblie. On a l’impression qu’ils sont trop mobiles, qu’ils passent d’un segment à l’autre beaucoup plus vite que d’autres, qu’ils ont une segmentarité beaucoup plus souple. Bon. Mais je dis en gros, il y a dans ce domaine de la segmentarité, il y a déjà tout un paquet de lignes, et pas une seule parce que, vous comprenez que, elle est très orientée du point de vue du temps, la ligne de segmentarité.

-  Notamment c’est d’après les segmentarités que se fait la triste évolution de la vie par exemple : on vieillit, jeune, vieux. C’est une autre segmentarité, vous voyez qu’elles se recoupent toutes ces segmentarités, homme, femme. Là les hommes, là les femmes. C’est segmentarisé tout ça, jeune, vieux. Alors bon ! Ah j’étais jeune, je ne le suis plus ? Ah j’avais du talent, le talent, qu’est-ce qu’il est devenu ? Vous reconnaissez le ton, mais c’est pas du tout un ton plaintif chez lui le ton de Fitzgerald, (pour ceux qui aiment ?). Qu’est-ce que c’est que ces phénomènes de "perte de jeunesse", "perte de beauté", "perte de talent", qui se fait sur cette ligne ? Et comment on va pouvoir le supporter ça ? C’est là, il y a toujours des ruptures, des cassures sur cette ligne. On passe d’un segment à un autre par une sorte de cassure. Il y a des gens qui supportent, c’est déjà très différent cette ligne pour chacun ou pour les groupes. Les groupes mais, ils donnent tout un statut déjà à cette première ligne.

-  Et puis il y a une autre sorte de ligne. On sait bien que, en même temps, c’est pas que la première soit une apparence, mais on sait bien que en même temps il se passe d’autres choses. Qu’il n’y a pas simplement les hommes là et les femmes là. Qu’il y a la manière dont les hommes sont des femmes, la manière dont les femmes sont des hommes dans des trucs beaucoup plus... Alors une ligne beaucoup plus, comment dirais-je, à la lettre, beaucoup plus moléculaire. Une ligne où c’est beaucoup moins apparemment tranché que. Quelqu’un fait un geste, hein, quelqu’un dans le cadre de sa profession fait un geste et j’ai comme une impression de malaise. Les romanciers, ils ont toujours beaucoup joué là-dessus, j’ai une impression de malaise, je me dis tiens, et ce geste, il est pas adapté, d’où ça vient ? il paraît un peu incongru, il vient d’ailleurs, il vient d’un autre segment. Là se fait comme une espèce de brouillage de segment.

-  C’est plus une ligne de segmentarité pré-établie en quelque sorte, c’est une ligne de segmentation fine en train de se faire, des petites poussées, des petits trucs, une petite grimace. Qui vient d’où ? Bizarre. Une ligne qui ne procède plus par "cassure", espèce de binarité, dualisme : homme-femme, riche-pauvre, jeune-vieux, mais qui procède par, comment par, Fitzgerald dit par "petites fêlures" ? Des petites fêlures comme une assiette, qui ne se cassera que, à l’issue des petites fêlures, mais c’est pas le même chemin celui de la grande cassure et celui des petites fêlures. Alors finalement on s’aperçoit qu’on a vieilli sur la première ligne, alors que vieillir est une espèce de processus qui s’est continué longtemps sur la seconde ligne. Le temps des deux lignes n’est pas le même. Voilà un second type de lignes, qui à son tour est très divers, c’est un second paquet de lignes.

-  Et puis il y a des lignes encore une fois, d’un autre type, les lignes de fuites. Les lignes que l’on crée, et sur lesquelles on crée. Parfois on se dit : mais... ?, elles sont comme ensablées, elles sont comme bouchées, parfois elles se dégagent, elles passent par de véritables trous, elles ressortent, parfois elles sont foutues, foutues, les deux autres types de lignes les ont mangé, et puis elles peuvent toujours être reprises. Qu’est-ce que c’est que ce troisième type de lignes ? Supposons que ce soit ... Je dis faire une schizo-analyse de quelqu’un, ce serait arriver à déterminer ces lignes et le "processus" de ces lignes.

-  Or pour répondre enfin à la question, une chose très simple : appelons "schizophrénie" le tracé des lignes de fuite. Et ce tracé des lignes de fuite est strictement coextensif au champ historico mondial. Moi, petit bourgeois français qui ne suis pas sorti de mon pays, qu’est-ce que je délire encore une fois ? je délire l’Afrique et l’Asie, à charge de revanche. Et pourquoi ? Parce que c’est ça le délire, c’est ça le délire. Et il n’y a pas besoin d’être fou pour délirer.

-  Alors si j’appelle ça le processus, c’est ce flux qui m’emporte dans le champ historico social d’après des vecteurs. Appelez ça le voyage à la manière de Laing et Cooper, j’y vois pas d’inconvénient - car en effet, je peux aussi bien délirer la Préhistoire, je peux très bien avoir à faire avec la Préhistoire. De toute manière, c’est ça qu’on délire.

-  Alors qu’est-ce qui arrive ? Moi je dis chaque type de lignes a ses dangers. Moi je crois que le danger propre à la ligne de fuite et aux lignes de fuite, à ces lignes de délire, c’est quoi ? C’est en effet une espèce de véritable effondrement. Qu’est-ce que c’est l’effondrement ? Et bien le danger propre aux lignes de fuite - et il est fondamental, il est, c’est le plus terrible des dangers - c’est que la ligne de fuite tourne en ligne d’abolition, de destruction. Que la ligne de fuite, qui normalement et en tant que processus est une ligne de vie et doit tracer comme de nouveaux chemins de la vie, tourne en pure ligne de mort. Et finalement, il y a toujours cette possibilité-là. Y a toujours cette possibilité-là, que la ligne de fuite cesse d’être une ligne de création et tourne en rond, comme se mettre à tournoyer sur elle-même et s’enfonce dans ce qu’on appelait une année, "un trou noir", c’est-à-dire devienne ligne de destruction pure et simple. Je disais, c’est ça qui, à mon avis, explique un certain nombre de choses.

- Ça explique par exemple la production du schizophrène en tant que entité clinique. Le schizophrène en tant que malade, et je crois que le schizophrène est fondamentalement et profondément malade, c’est ça : c’est celui qui "saisit" par le processus, emporté par son processus, par "un" processus, et bien il ne tient pas le coup. Il ne tient pas le coup, c’est trop dur. C’est trop dur. Vous me direz, il faudra encore dire pourquoi, qu’est-ce qui s’est passé ? Au besoin, au besoin rien ne s’est passé. Je veux dire rien ne s’est passé parce qu’il n’y a rien.

Il y a un texte merveilleux de Chestov à propos du fameux écrivain russe Tchekov. Chestov n’aime pas Tchekov, à tort, il l’aime pas, il le déteste même. Il dit la raison pour laquelle il n’aime pas Tchekov. Il dit : Vous comprenez quand vous lisez Tchekov, vous avez toujours l’impression que quelque chose s’est passé et vous pouvez même pas dire quoi ! À savoir tout se passe comme si Tchekov avait tenté quelque chose, qui exigeait même pas un effort considérable, et puis comme s’il s’était foulé le pied quoi. Et qu’il en ressort incapable de quoi que ce soit. Que pour lui, pour lui, Tchekov, le monde est fini et qu’il n’est plus qu’amertume.

-  Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui s’est passé pour que quelqu’un craque ? Vous me direz craquer à la manière de Tchekov, c’est pas mal hein ? oui mais ! Peut-être qu’on peut avoir une tout autre vision de Tchekov. Mais qu’est-ce qui se passe quand quelqu’un craque effectivement, qu’est-ce qu’il n’a pas pu supporter ? En tout cas je dis, c’est là et c’est à ce niveau : qu’est-ce que quelqu’un n’a pas pu supporter ? Et bien c’est ce quelque chose qu’il n’a pas pu supporter qui marque, il me semble, le tournant de la ligne de fuite, qui cesse d’être créatrice et qui devient ligne de mort pure et simple. Il y a deux manières de devenir ligne de mort. C’est de devenir ligne de mort pour les autres, et souvent les deux sont très liées, et ligne de sa propre mort. Et finalement pourquoi c’est lié ça ? c’est compliqué, mais je prends des cas, comment se fait-il que, par exemple, je prends des cas là, toujours littéraires, qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qui se passe dans des cas célèbres, comme Kleist. Kleist, qui vraiment écrit par un "processus".

-  Ce processus lui donne toute sorte de signes très schizophréniques : le bégaiement, les stéréotypies, les contractures musculaires, tout ça. Mais tout ça nourrit pendant longtemps un style. Et un style, c’est pas simplement quelque chose d’esthétique, un style - vous vivez comme vous parlez, ou plutôt vous parlez comme vous vivez.
-  Un style c’est un mode de vie. Avec tout ça il invente un style, une espèce de, de style, qui fait qu’une phrase de Kleist est reconnaissable entre toutes. Qu’est-ce qui se passe ? Tout ça, ça débouchera sur une idée alors très délirante, qui était là dès le début chez Kleist, à savoir : comment se tuer à deux ? Comment se tuer à deux ? Qu’est ce qui fait pour que sa ligne de fuite, il traverse l’Allemagne, on voit très ce que c’est que le processus dans le cas de Kleist, il saute à cheval et il traverse l’Allemagne. C’est le grand mouvement romantique allemand. Bien, vous me direz, c’est pas seulement ça le processus, d’accord c’est pas seulement ça le processus, disons que ça c’est déjà le signe géographique du processus. Il y a des gens qui restent sur place et qui sont saisis par le processus.

-  Il me semble évident que les personnages de Beckett, ils vivent intensément ce qu’on pourrait appeler "le processus". On ne peut pas, il me semble, on interprète très difficilement Beckett en termes de personnes, de personnologie ou en termes de structure. C’est une affaire de processus là aussi. Et bien quelque chose tourne mal, ça veut dire quoi ? Ca veut dire le processus tourne vraiment, lui qui aurait dû, mais qu’est-ce que veut dire la formule "qui aurait dû" ? être une ligne de vie, c’est-à-dire de création. Qui aurait dû être une espèce de chance supplémentaire donnée à la vie, qui tourne en entreprise mortifère. Comment se tuer à deux ? une mort exaspérée à la manière de Kleist, ou bien une mort paisible. Qu’est-ce qui fait que Virginia Wolf s’enfonce dans son lac, là, et se noie comme ça ? Donc c’est pas du tout une mort exaspérée, c’est que d’une certaine manière elle en a marre. Elle en a marre de quoi ? Elle qui tenait en effet un processus prodigieux.

-  Qu’est-ce qui se passe ? Alors, je dis, sous les formes exaspérées, c’est comme ça si vous voulez, si j’essaye de donner un contenu concret, vécu, vivant, à la notion de fascisme. J’ai essayé de dire plusieurs fois à quel point pour moi, le fascisme et le totalitarisme, c’était pas du tout la même chose. C’est que le fascisme, ça paraît un peu mystique ce que je dis, mais il me semble que ça l’est pas.

Le fascisme, c’est typiquement un processus de fuite, une ligne de fuite, qui tourne alors immédiatement en ligne mortuaire, mort des autres et mort de soi-même. Je veux dire, qu’est-ce que ça veut dire ? Tous les fascistes l’ont toujours dit. Le fascisme implique fondamentalement, contrairement au totalitarisme, l’idée d’un mouvement perpétuel sans objet ni but. Mouvement perpétuel sans objet ni but, d’une certaine manière, c’est, on peut dire, c’est ça un processus. En effet, le processus, c’est un mouvement qui n’a ni objet ni but. Qui n’a qu’un seul objet : son propre accomplissement, c’est-à-dire l’émission des flux qui lui correspondent.

-  Mais, voilà qu’il y a fascisme lorsque ce mouvement sans but et sans objet, devient mouvement de la pure destruction. Étant entendu quoi ? Étant entendu qu’ on fera mourir les autres, et que sa propre mort couronnera celle des autres. Je veux dire quand je dis ça paraît tout à fait mystique, ce que je dis là sur le fascisme, en fait les analyses concrètes, il me semble, le confirment très fort.

Je veux dire un des meilleurs livres sur le fascisme, que j’ai déjà cité, qui est celui d’Arendt, qui est une longue analyse, même des institutions fascistes, montre assez que le fascisme ne peut vivre que par une idée d’une espèce de mouvement qui se reproduit sans cesse et qui s’accélère. Au point que dans l’histoire du fascisme, plus la guerre risque d’être perdue pour les fascistes, plus se fait l’exaspération et l’accélération de la guerre, jusqu’au fameux dernier télégramme d’Hitler, qui ordonne la destruction de l’habitat et la destruction du peuple.

Ça commencera par la mort des autres, mais il est entendu que viendra l’heure de notre propre mort. Et ça les discours de Goebbels dès le début le disaient, on peut toujours dire propagande, mais ce qui m’intéresse c’est pourquoi la propagande était orientée dans en sens dès le début. C’est complètement différent d’un régime totalitaire à cet égard. Et une des raisons pour lesquelles, il me semble, une des raisons, là, historique importante, c’est pourquoi est-ce qu’encore une fois, les Américains, et même l’Europe, a pas fait une alliance avec le fascisme. Et bien on pouvait leur faire confiance, c’est pas la moralité ni le soucis de la liberté qui les a entraîné. Donc pourquoi ils ont préféré s’allier à la Russie, et au régime stalinien ? dont on peut dire tout ce qu’on veut, et c’est un régime que l’on peut appeler totalitaire, mais c’est pas un régime de type fasciste et c’est très différent. C’est évidemment que le fascisme n’existe que par cette exaspération du mouvement, et que cette exaspération du mouvement ne pouvait pas donner de garanties suffisantes, enfin ... Et la méfiance à l’égard du fascisme au niveau des gouvernements et au niveau des États qui ont fait l’alliance pendant la Guerre, c’est il me semble. Si vous voulez, c’est là où il y a toujours un fascisme potentiel là lorsqu’une ligne de fuite tourne en ligne de mort. Alors presque, c’est pour ça que vous comprenez, la distinction que je ferais entre schizophrénie comme processus et schizophrène comme entité clinique, c’est que la schizophrénie comme processus c’est : l’ensemble de ces tracés de lignes de fuites. Mais la production de l’entité clinique, c’est lorsque précisément quelque chose ne peut pas être tenu sur les lignes de fuites. Quelque chose est trop dur, quelque chose est trop dur pour moi. Et à ce moment-là ça va tourner en ligne,
-  soit en ligne d’abolition
-  soit en ligne de mort.

Prenez une chose, une expérience objective aussi simple que celle de la musique, la musique que vous écoutez. En quoi est-ce qu’on peut parler d’un fascisme potentiel dans la musique, si l’on peut parler d’un fascisme potentiel ? C’est que, il me semble que la musique c’est le processus à l’état pur. C’est par là que de tous les arts, ce serait sans doute l’art, il me semble, le plus adéquat, le plus immédiatement adéquat. Pour saisir sous la peinture un processus de la peinture, il faut beaucoup plus d’effort. C’est-à-dire les flux, saisir les flux de la peinture, c’est beaucoup plus difficile, que de saisir immédiatement le flux sonore de la musique. Et là encore, je dirais pour moi que la musique, ce n’est pas affaire de structure, ni même de forme, c’est affaire de processus. Tiens, je pense tout d’un coup pour faire des rapprochements, qu’un des musiciens qui a le plus pensé la musique en termes de processus, c’est Cage. Bon et bien je veux dire, la musique, elle est processus et d’une certaine manière, elle est amour de la vie, fondamentalement.

-  Elle est même création de la vie. Or est-ce que c’est par hasard que, en même temps je dois dire le contradictoire - que la musique nous inspire à certains moments, et qu’il n’y a pas de musique qui nous inspire pas ça à certains moments, une très bizarre, très bizarre désir, qu’il faut appeler d’abolition, un désir d’extinction, un désir d’extinction sonore, une mort paisible. Et que dans l’expérience musicale la plus simple, et là je ne privilégie pas une musique sur telle autre, je pense que c’est vrai de toute musique, que c’est vrai de la pop musique, que c’est vrai de la musique classique, que c’est vrai de... que c’est les deux à la fois et l’un pris dans l’autre, une création vitale sous forme de ligne de fuite ou sous forme de processus, et greffée là-dessus, risquant constamment de se convertir le processus, une espèce de désir d’abolition, de désir de mort.

-  Et que la musique emporte aussi bien ce désir de mort qu’elle ne charrie le processus. Si bien qu’à ce niveau c’est vraiment une partie très très incertaine que chacun de nous joue sans le savoir. Jamais personne n’est sûr que ça ne sera pas son tour de craquer, qui peut le dire ? Et encore une fois il ne craquera pas sous de très fortes secousses visibles. Il craquera peut-être au moment où, d’un certain point de vue ça va mieux. On sait pas, on sait pas.

-  Simplement je dis que la psychiatrie et la psychanalyse, il me semble, ne rendent pas service, chaque fois qu’ ils proposent à ces phénomènes des interprétations, que l’on peut appeler des interprétations puériles. Ça déshonore les gens. Ça déshonore les gens. Il se trouve que les gens, ils sont contents, ils supportent d’écouter ça, c’est leur affaire puisque ça marche. C’est leur affaire, mais je trouve que c’est être déshonoré que d’accepter d’éntendre des heures et des heures - du moins il faut beaucoup souffrir pour le supporter, d’entendre pendant des heures et des heures, tout ça ; c’est parce que : t’es pas d’accord avec ton père et ta mère, tout ça c’est parce que y a quelque chose qui s’est passé du côté du père, c’est parce que...

Que ce soit en termes de structure, que ce soit en termes d’image de personne, encore une fois, personnologie ou structure, ça me paraît tellement, tellement semblable, alors que quand même, nous avons il me semble, l’élémentaire dignité de tomber malade ou de devenir fou au besoin, sous de bien d’autres pressions et bien d’autres aventures que ça.

-  Alors voilà oui, en ce sens je réponds bien sûr, si j’ai bien compris la question : l’idée de la schizophrénie comme processus, implique que ce processus côtoie sans cesse la production d’une espèce de victime du processus. On peut être à chaque instant, victime d’un processus qu’on porte en soi. Et par processus encore une fois, j’invoque, parce que pour, parce que là ça devient un langage commun, qu’il nous appartienne à tous, j’invoque de grands noms comme Kleist, Rimbaud, etc. Bien, Rimbaud, que dire de Rimbaud, qu’est-ce que c’est cet homme ? Il fout le camp en Éthiopie, c’est-à-dire il prolonge sa ligne de fuite, mais il la prolonge de quelle manière ? Là-dessus, cet espèce de reniement de tout son passé, c’est quelque chose qui n’est plus supportable pour lui. Qu’est-ce que ça va devenir ? Comment, qu’est-ce qu’il devient ? C’est sur cette ligne-là qu’il y a un véritable devenir, encore une fois. Or ce devenir, ça peut devenir aussi un devenir mortifère. Alors s’il y a une leçon, c’est qu’il s’agit pas seulement de débrouiller les lignes qui composent quelqu’un, il s’agit au niveau de chaque paquet de lignes qui composent quelqu’un, d’essayer, par n’importe quel moyen que, ça ne tourne pas en ligne de mort.

-  Moi, c’est la... or, il n’y a pas de solution, y a pas de solution miracle. Je crois juste que, il y a une espèce de complaisance qui est extrêmement redoutable, la complaisance au discours psychanalytique fait notre déshonneur. Ca supprime finalement, ça supprime, il y a longtemps que le romancier Lawrence le disait, lui qui avait une espèce de réaction fraîche à la psychanalyse. Il disait : mais tout ça c’est dégoûtant - tout ça, c’est pas du tout, Lawrence, vous comprenez, il est très fort, parce que c’est pas quelqu’un à qui l’on puisse dire : ? Ah tu es choqué par la sexualité ?, il était pas très choqué par la sexualité, il est même à la tête d’une espèce de découverte et de singulières découvertes de la sexualité.

Mais il a l’impression que la psychanalyse c’est dégoûtant. Qu’est-ce qu’il veut dire ? Puisque ça ne veut pas dire, quand même, c’est pas Lawrence qui dirait : je proteste contre l’idée que tout soit sexuel, au contraire ça ne me gêne pas ! Il dit : " Mais, vous vous rendez compte de ce qu’ils font de la sexualité, vous vous rendez compte" ? "Mais c’est une honte" ? il dit. : Il dit : La sexualité ? ça a rapport avec quoi ? Bien il dit la même chose que ce que je viens de dire du processus. Il dit, la sexualité, c’est évident que çaa affaire avec le soleil. Ça a affaire avec délirer le monde, ça a à faire, et pas du tout qu’on se fasse une conception, là, romantique de la sexualité, c’est comme ça, c’est comme ça, qu’est-ce que vous voulez. Ce qu’on aime, le type par exemple de femme ou d’homme que l’on poursuit, ce qu’on en attend. C’est bien au-delà des personnes ça.

Ca délire lemonde en effet, ça peut-être aussi bien uneoasis qu’un désert que tout ce quevoulez. En tout cas l’idée même que tout ça se ramène à Œdipe, c’est-à-dire à une constellation père-mère, et même si on y ajoute loi, il y a quelque chose de scandaleux, c’est déshonorant tout ça. C’est évident que c’est pas ça la sexualité. Quand le Président Schreber dit à la lettre : J’ai les rayons du soleil dans le cul ?. Il sent, il sent les rayons du soleil. Il les sent comme ça. Bon, et bien si on essaye d’expliquer ses rapports à son père, je trouve qu’on ne risque pas d’y comprendre quelque chose. À ce moment-là, tout ce qu’est la sexualité alors... Quand Lawrence proteste contre la psychanalyse, il dit : "Mais ils ne voient rien d’autre que le sale petit secret ?". Un petit secret minable, vraiment minable cette histoire de vouloir tuer son père et de vouloir coucher avec sa mère, c’est minable.

-  Alors on aura beau l’interpréter en structure, ça reste minable, parce que ça l’est. Vous vous rendez compte ? Quel enfant a fait ça ? Non mais. Jamais, jamais, c’est une idée de tordu ça, au nom de la sexualité. Je veux dire, il faut réagir contre la psychanalyse et contre la psychiatrie psychanalisante, au nom de la sexualité. C’est tout à fait autre chose, parce que dans la sexualité il y a un véritable processus, et là aussi qui peut tourner à la mort, qui peut tourner à... Alors, bien, tout cela que je voulais dire. Alors je continue, c’est pour ça que une année, je m’étais tellement... (Intervention d’un auditeur)

... Écoute, y a qu’une chose qui n’est pas bien dans ce que tu dis, dans ton intervention, c’est la manière dont tu as répété beaucoup ? - c’est vrai, c’est vrai, c’est vrai ? Moi je dis jamais ? c’est vrai, parce que, en un certain sens ça ne se pose plus à ce niveau. Mais c’était comme une manière dont tu te réconfortais en me disant ? ah et puis c’est pas comme tu dis, c’est comme je dis ?. Voire ! Voilà moi ce que je répondrais : c’est que ... (interruption suite) ... Et tu as dit ? C’est vrai, c’est vrai... ? - ce qui montrait que tu tenais à cette idée. Alors si tu tiens à cette idée, moi j’ai, je veux dire, je fais deux réponses à la fois, mais ces réponses, je tiens à l’une comme à l’autre. Et la première hélas, a l’air insolente, mais elle l’est pas du tout.

-  C’est que, à un certain niveau, quand on dit quelque chose que l’on pense justement, plus ce qu’on dit répond à ce qu’on pense, moins on peut invoquer une vérité quelconque, puisqu’on en est pas sûr, et c’est même une seule chose c’est lorsqu’on a perdu les certitudes qu’on peut dire quelque chose, donc c’est pour ça que... alors je dirais si quelqu’un me dit comme toi, mais ce n’est que ma première réponse, si quelqu’un me dit : « ah bien non, pour moi, je n’arrive pas à penser qu’une ligne de fuite, par exemple, soit essentiellement vitale et créatrice, j’arrive pas à le croire, je le sens pas comme ça », je dirais tout au plus qu’elle a deux têtes : vie et mort, et que tout se décide à ce moment-là, mais qu’il y a aucune raison de privilégier le pôle vital sur le pôle mortuaire. Là, ma réponse ce serait, bon, bien, d’accord, vas dans cette direction, c’est la tienne, je ne peux rien dire, je peux rien dire. Tout en moi s’offusque à cette idée, mais je ne peux rien dire. Il n’y a pas lieu d’essayer de montrer que c’est moi qui a raison si quelqu’un sent autrement que moi.
-  Le "Je sens" ? je veux dire, il y a un "Je sens" ? philosophique. Le "Je sens " ? c’est pas seulement J’ai l’impression, c’est qu’il y a un "Je sens" philosophique qui est comme une espèce de fond des concepts. Ça veut dire "Bon, bien, ce concept, il ne te plaît pas, même vitalement, une fois dit que les concepts ont une vie.
-  Mais en même temps, ma seconde raison, c’est presque - alors c’est pas un désir de convaincre qui que ce soit, c’est un désir, du coup - je me dis au moins que ça serve à quelque chose si y a quelqu’un qui n’est pas d’accord. Qu’est-ce que je répondrais, pour moi-même ? Pour moi-même, je répondrais ceci avec beaucoup de gémissements, parce que au point où on en est, si vous voulez, c’est vraiment les affects. On est pas au niveau simplement des concepts, on est en plein dans un domaine particulier que j’essayais un peu de faire pressentir à propos de Leibnitz, à savoir des affects du concept.

-  Il n’y a pas des concepts qui soient neutres ou innocents. Un concept est chargé de puissance affective. Or moi quand j’entends l’idée que la mort puisse être un processus, c’est tout mon cœur, tous mes affects qui saignent. Car, et c’est pour ça que j’exclue que mort et vie aient le même statut sur les lignes de fuites, et je ne parlerai jamais par exemple d’un caractère bipolaire, qui serait vie et mort. Parce que la mort c’est le contraire d’un processus, là il faudrait définir processus mieux que je ne l’ai fait, mais je m’en tiens juste à des résonances affectives exprès.
-  Pour moi la mort, c’est l’interruption d’un processus. C’est pour ça que, jamais je ne comprendrai les phénomènes de mort ou de préparation de mort dans un processus en tant que tel. C’est même pour ça que pour moi, processus et vie, processus et ligne vitale, ne font strictement qu’un.
-  Et ce que j’appelle ligne de fuite, c’est ce processus en tant que ligne de création vitale. Si on me dit là-dessus, il a nécessairement pour corrélat la mort, ça peut se comprendre de deux façons tellement ça devient compliqué. Or les deux façons peuvent presque théoriquement se rapprocher l’une de l’autre à l’infini, affectivement, elles s’opposent absolument.

-  Et je dis que dans ce cas-là, les affects ont plus d’importance encore que les concepts. À savoir, si je dis : la mort est inséparable de ce processus défini comme ligne vitale, je peux le comprendre sous la forme : la mort ferait partie du processus, ce que, en moi, je refuse de, par goût, pas par... tout s’offense à cette idée, tout s’offense en moi, et c’est même une idée qui me fait horreur. Ou bien je comprends tout autre chose, à savoir : mais on a jamais gagné, et chaque instant cette ligne vitale risque d’être interrompue et le, non pas le processus, mais sa coupure radicale, c’est précisément la mort. Or ça, en effet, je ne peux pas le garantir, qu’elle ne sera pas interrompue par la mort. Ce que je peux demander, ce qui est tout à fait différent, c’est que tout soit mis en œuvre pour qu’elle ne soit pas interrompue par une mort volontaire. C’est-à-dire, j’appelle mort volontaire, sous quelque forme que ce soit, un culte de la mort. Et par culte de la mort, j’entends aussi bien le fascisme. On reconnaît le fasciste au cri, encore une fois : Vive la mort !. Toute personne qui dit Vive la mort ! est un fasciste.

Donc, ce culte de la mort peut être représenté par le fasciste, mais peut être représenté au besoin par de toutes autres choses, à savoir, une certaine complaisance suicidaire, un certain narcissisme suicidaire, par les entreprises suicidaires. Toutes les entreprises suicidaires font partie et impliquent une espèce de champs de mort, de culte de la mort.

Alors au point où on en est, j’essayerais même pas de te dire...

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