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21- 02/06/81 - 1

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Gilles DELEUZE : LA PEINTURE

cours 21 du 02/06/1981 - 1 transcription : Julien Paris et Dalila Sellami

Aujourd’hui il faudrait... Il faudrait finir juste, plus tôt, pas finir... il faudrait plutôt indiquer des directions de recherche sur ce dernier problème de la couleur.

Alors c’est ce que je voudrais - parenthèse : je voudrais bien voir s’ils en ont le temps à la fin, et si ils sont là : Paul euh Paul TOLLI, Paul TOLLI... Paul tu me vois, si tu as le temps hein ? TRAUMER, il est là TRAUMER ? Quelqu’un qui m’a donné, qui m’a passé un texte sur Goethe. TREVE... Vous me voyez hein, tout à l’heure ? Euh LE TORTOIS. Il est là LETORTOIS, voilà. Michèle D’ALBIN ? Elle est pas là, Michèle D’ALBIN ? Et euh Mademoiselle PETITJEAN ? Elle est là mademoiselle PETITJEAN ? Vous me voyez tout à l’heure ?

Bon... Alors c’est très compliqué quand même, c’est très compliqué...

C’est très compliqué parce que notre problème c’est exactement celui-ci - au point où on en était resté la dernière fois. C’est exactement ceci. : Il y a... On se dit comme ça, grâce à tout ce qu’on a fait précédemment, on se dit comme ça bon et bien il y a des régimes de la couleur.. Il y a pas seulement des couleurs mais il y a des régimes de la couleur.

Soit ça met déjà deux cas :
-  Des régimes de la couleur ça peut accompagner les espaces qu’on a vus précédemment, les espaces-signes qu’on a vu précédemment et les modulations caractéristiques de ces espaces... Ou bien tout autre problème, tout autre aspect :
-  Est-ce qu’il n’y a pas des régimes de la couleur qui constituent eux-mêmes un espace-signe et qui font l’objet d’une modulation qui leur est propre ?

Si bien que on part déjà un peu bancal, hein ? Puisque, en lançant cette notion très vague, pour le moment, de, « régimes de la couleur » au pluriel, "il y aurait des régimes de la couleur qu’on pourrait repérer pratiquement, historiquement, théoriquement ? scientifiquement. Mais tout ça ne se valant pas, il y aurait des correspondances entre la détermination scientifique des régimes de la couleur, la détermination pratique, la détermination historique. Il y aurait que un jeu de correspondances.

Mais je vois qu’il y a déjà deux cas pour mes régimes de couleur possibles :
-  Ou bien, ils vont correspondre à un espace-signal, et à une modulation autrement définie, ...
-  ou bien ils vont constituer eux-mêmes un espace coloriste, coloristique, et une modulation chromatique tout à fait particulière. Et sans doute la couleur est capable de euh.., est capable des deux... ?

Si bien que, qu’est-ce que c’est ? Comment est-ce qu’on pourrait définir un « régime-couleur » ? Il s’agit que un régime couleur ça veut pas dire toutes les couleurs, ... ça veut dire un certain traitement de la couleur... Qu’est-ce que ce serait la cohérence d’un traitement qui nous ferait dire « ah oui, là, il y a un « régime-couleur » . » ? Et qu’est-ce que ce serait ces « régimes-couleurs » ?

Ben, j’aurais envie de les définir de trois manières... par trois caractères... Non, par quatre caractères :

-  Premier caractère, je dis que pour qu’il y ait un régime-couleur il faut que, il y ait une certaine détermination du fond... "le fond"... Cette détermination du fond, elle est pas forcément par la couleur. On sent peut-être qu’un régime-couleur impliquera son propre espace colororistique et sa modulation chromatique, ... si le fond est lui-même coloré. Mais un régime-couleur peut très bien s’accrocher à un autre type d’espace, et à un autre type de modulation... Je dis donc l’idée de fond, qui est évidemment fondamentale dans la peinture, l’idée de fond va être la première exigence à laquelle doit satisfaire un régime-couleur.

Mais justement qu’est-ce que ça veut dire un fond ?... Un fond, et il me semble que la notion est très intéressante, elle est double, c’est un concept double. Le fond d’une part renvoie à ce qu’on appellera le support. Ce qui SUPPORTE la ligne et la couleur... c’est ça le fond... Ca c’est un premier sens très déterminé. Vous parlerez en ce sens d’un fond euh, de plâtre, ... ou d’un fond de craie, ... ou d’un fond coloré... Bon, et sans doute c’est là que, voyez, il faut que notre système implique perpétuellement des échos. Je dis « échos-immédiates » dans l’histoire de la peinture. Là, vous avez par exemple des fonds, entre le XVème et le XVIème siécle, vous avez des fonds célèbres qui se cherchent, qui se perfectionnent de plus en plus, des formules de plâtre, notamment le plâtre dit « amorphe », tout ça, euh, qui vont constituer le fond du tableau, c’est-à-dire qui vont définir la qualité du support. Mais je dis en même temps, la notion de fond renvoie à autre chose, à savoir l’arrière-plan, mais pas l’arrière-plan sous n’importe quelle forme... Pas sous n’importe quel aspect.

-  Le fond c’est d’une part la qualité déterminée du support, c’est la détermination du support... et d’autre part... ce n’est pas exactement l’arrière-plan mais c’est la détermination de la valeur de l’arrière-plan, la détermination de la valeur "variable" de l’arrière-plan. C’est bien la nature du fond, comme qualité du support qui, d’une certaine manière, entraînera la position relative de l’arrière-plan. Qu’est-ce que veut dire ici « position relative de l’arrière-plan » ? Et bien nous l’avons vu dans les espaces-signes que nous avons étudiés précédemment.

La peinture de la Renaissance implique, ... ça c’est des formules trop générales tout ça, mais euh, on a vu, à chaque fois vous nuancez, la peinture de la Renaissance implique une position de l’arrière-plan tel qu’il soit subordonné aux exigences de l’avant-plan. La peinture du XVIIème siècle, d’une certaine manière, implique une espèce de renversement de cette... de la valeur... au sens où "tout surgit de l’arrière-plan" ; et déjà la peinture byzantine opérait cette conversion en faveur de l’arrière-plan. Donc je dirais du fond qu’il est à la fois la qualité du support, et la position variable de l’arrière-plan. ça ce serait le premier des caractères d’un régime de couleur. De quelle sorte est le fond ?

-  Deuxième caractère : Quel est dès lors, le rôle de la couleur dans la modulation opérée ? Dans la modulation opérée sur la surface portée par le fond... On a vu précédemment déjà, des types de modulations différentes...

-  Troisième caractère de régime de la couleur... C’est la nature des teintes... A savoir, un régime de la couleur implique un certain privilège - quitte à s’expliquer tout à l’heure sur ce que veut dire « privilège » - un certain privilège d’un type de teinte. Qu’est-ce qu’un type de teinte ? On pourrait dire, un type de teinte bein c’est très simple, vous comprenez. Il y a deux variables de la couleur ; on l’a vu, je reprends le schéma que je vous demandais de, euh, de méditer beaucoup, parce que, l’espèce de schéma terminologique. Une couleur peut être claire ou foncée, d’une part. D’autre part elle peut être saturée ou lavée... C’est un peu comme pour l’alcool, si vous voulez. C’est un peu par exemple la distinction vous comprenez c’est très simple - comme la distinction du titrage et de la dilution - tous les alcooliques savent ça ... mais même les non-alcooliques savent ça... C’est pas difficile à comprendre. Vous avez un alcool à 40 degrés. Vous le diluez beaucoup, votre alcool à 40 degrés, ça reste de l’alcool à 40 degrés. C’est de l’alcool à 40 degrés dilué... Si vous l’absorbez pur, c’est de l’alcool saturé, à 40 degrés. Voyez saturé / lavé... saturé / dilué forme bien un couple consistant de la couleur - c’est le facteur « pureté ».

Dès lors vous combinez deux à deux, clair / foncé, une teinte peut être claire ou foncée, saturée ou lavée ...c’est-à-dire diluée. Vous combinez deux à deux, les possibilités vont vous donner les types de teintes.

Première possibilité : clair / lavé ... = le « pâle ». Clair / saturé, deuxième possibilité, clair / saturé ... = les teintes vives, le « vif ». Foncé / saturé. Ce sont les teintes « profondes ». Foncé / lavé, ce sont les teintes « rabattues ».

Je dirais un régime de couleur implique la dominance d’un de ces types de teinte. Je dirais donc, je dirais : très et bien on peut concevoir des régimes « pâles », des régimes euh... « vifs », des régimes « profonds », des régimes « rabattus ». Ah bon mais qu’est-ce que ça veut dire « privilège », « dominance » ? Ca veut dire quoi ? C’est très simple... Ca veut pas dire que la plupart des couleurs vont être par exemple dans le régime « pâle », ça veut pas dire même que la plupart des couleurs vont être des teintes pâles...Encore que ça puisse être vrai, mais je pense à tout à fait autre chose...

Puis encore une fois tout ce que je dis, surtout aujourd’hui, hein, c’est peut être faux. Vous corrigez, non seulement vous nuancez mais vous corrigez tout vous-même... Euh oui parce que... C’est pas forcément des teintes pâles partout, ou voyez il yen a pas plus... Je veux dire autre chose c’est que... La matrice « pâle »... euh, les teintes pâles vont être la manière dont, en fonction du fond, dans tel régime - c’est pas toujours comme ça - dans tel régime, lorsque je parle d’un régime « pâle » je veux dire que les teintes pâles vont être la manière dont, en fonction du fond, l’ensemble des couleurs, y compris les « vives », y compris les « profondes », y compris les « rabattues », vont être distribuées. Donc c’est pas du tout un indicatif de fréquence c’est un indicatif d’importance. L’importance des teintes pâles qui vont négocier le jeu des couleurs et du fond.

-  Un régime « vif » ça veut pas dire qu’il y aura pas des teintes « rabattues ». Parfois il y a pas de teintes rabattues dans un régime « vif ». Par exemple les Impressionnistes évitent les teintes rabattues. Bon. Mais, il peut y en avoir, simplement la négociation de ces teintes, des couleurs en général et du fond, se fera par les tons vifs. Alors je pourrais dire c’est un régime « vif ». Voyez donc je pourrais comme ça dessiner avec ce troisième critère ajouté aux deux autres.

Et enfin, dernier critère de ces régimes de couleurs, c’est que, cette fois-ci, je cherche un écho scientifique, ou pseudo scientifique.

-   Notre problème, vous l’avez pas oublié, c’est toujours celui de l’analogie. Puisque nous voulions définir l’analogie par la modulation justement, et pas, et pas du tout par le transport d’une similitude. Alors... Alors, alors... Comment est-ce que, scientifiquement.. ? Qu’est-ce que la colorimétrie nous dit sur les manières de reproduire une couleur ? C’est le problème de l’analogie.

Vous voyez une couleur, vous la reproduisez. Comment reproduire une couleur ?

On nous dit trois choses : qu’il y aurait trois méthodes inégales... Je me dis « est-ce ces trois méthodes » - vous voyez ce que je veux dire - ces trois méthodes, ces produits scientifiques, - est-ce qu’elles vont pas avoir un écho pratique et un écho historique ? Hein, en faisant jouer tout dans tout ? ».

-  Première manière... Vous vous trouvez devant un faisceau de lumière complexe. Pas simple, pas monochromatique, pas d’une seule couleur. Un faisceau complexe. Comment le reproduire ? Une première proposition de la colorimétrie nous dit que : tout faisceau complexe, ou tout flux lumineux complexe, peut être en principe ramené à un faisceau blanc - mais à calculer, lui - peut être ramené à un faisceau blanc additionné d’un faisceau monochromatique... D’où la formule : f - vraiment là je dis des choses qui sont euh... du dictionnaire quoi... C’est, j’veux dire, c’est très très... euh... vous prenez ces formules parce que ce que je voudrais en tirer il faut juste que vous l’ayez présent à l’esprit pour ... pour qu’on puisse essayer d’en tirer quelque chose. La formule c’est : f - à savoir le flux lumineux complexe, le flux coloré, de telle couleur - égale : f (T) f (petit d, en dessous hein, en coefficient, petit d) + f (petit w). Qu’est-ce que ça veut dire la formule très simple :
-  f c’est le flux lumineux complexe, d’une couleur donnée.
-  F (petit w) c’est ... « flux de lumière blanche » - w renvoyant à l’anglais.
-  Plus f (petit d) c’est le faisceau monochromatique dont la longueur d’onde sera dite l (d)... l (d) à savoir « longueur d’onde dominante »... A la limite, voyez, la longueur d’onde du faisceau f, vous l’appelez petit l, et vous avez la formule donc f (petit l) = f (w) +f (l (d)). Vous avez remplacé votre faisceau complexe par : un faisceau de lumière blanche, plus un faisceau monochromatique de longueur d’onde différente du faisceau euh... de départ. Ca c’est la méthode dite de la longueur d’onde dominante. Bien plus, dans certains cas, dans certains cas, votre faisceau à longueur d’onde dominante, monochromatique, peut lui-même ne pas être du tout compris dans le faisceau de départ reconstitué. ... Reste là je dis cette première combinaison, n’est-ce pas, c’est, en d’autres termes : flux de lumière blanche plus faisceau monochromatique, et... ça peut reconstituer tous les faisceaux complexes, en principe... Voilà, première méthode... Vous retenez ça juste, hein ? Parce que on en aura bien besoin...

Deuxième méthode... Pourquoi une deuxième méthode ? Parce que la première méthode elle est très très théorique. Il faudrait en effet pouvoir déterminer très rigoureusement deux trois couleurs fondamentales... De trois couleurs fondamentales. Je dirais que dans le cas précédent, comment la matrice des couleurs partait du blanc, du faisceau de lumière blanche. Là au contraire ça part d’un système tricolore, trois couleurs fondamentales qui sont quoi ? Qui sont :" bleu rouge vert". Pourquoi bleu rouge vert ? Vous reconnaissez l’image télé là dedans... pourquoi bleu rouge vert, alors qu’on s’attendrait à bleu rouge jaune ! Justement parce que on ne peut pas reconstituer un faisceau complexe avec bleu, rouge, jaune... Pourquoi ? La condition de la reconstitution, c’est que les trois couleurs fondamentales choisies, les trois couleurs soient telles que l’une d’entre elles ne puisse pas être "équilibrée" par les deux autres. Si vous preniez donc : jaune, bleu, rouge... vous auriez possibilité d’un équilibrage du rouge par le jaune et le bleu. Donc c’est pas possible... Vos trois fondamentales, donc, vont être - au plus pratique, au plus simple - vont être : rouge, vert... bleu. Il y a d‘admirables tableaux là, dans l’exposition de Staël , il y a un paysage qui’est quelque chose de, formidable, formidable. Sous le titre "Agrigente" qui est paysage avec, un coin, je ne sais plus la répartition déjà, uniquement en trois couleurs plus un noir et un blanc. Les trois couleurs : rouge, vert, bleu

Bon cette méthode là, ce n’est plus une méthode longueur d’onde dominante qui applique un privilège du blanc c’est une méthode qu’on appellera de "synthèse additive". Elle répond à la formule f : flux quelconque, flux coloré quelconque, égal f r, flux rouge plus f v - flux vert - plus f b - flux bleu. Bon on arrive au bout c’est... .
-  Troisièmement, troisième méthode possible, mais on change de domaine, cette fois ci il faut passer non plus au rayon lumineux, mais il faut passer au corps coloré : soit des pigments soit même des filtres. Qu’est ce qui se passe ? qu’est ce qui se passe dans un filtre ? Qu’est ce que c’est la couleur d’un corps ? Vous savez bien la couleur d’un corps c’est précisément la couleur que le corps n’absorbe pas. C’est la couleur que le corps réfléchit diffuse ou transmet. Pourquoi les plantes sont elles vertes ? La réponse célèbre, voyez le Larousse, les plantes sont vertes parce qu’elles absorbent le rouge parce que la chlorophylle absorbe le rouge... elles sont vertes parce que elles absorbent le rouge, la chlorophylle absorbe le rouge et dès lors réfléchit le vert. Bon, vous pouvez concevoir alors des mélanges de pigments, une synthèse de pigments, mais qu’est ce que c’est cette synthèse ? Soit des pigments jaunes, ils absorbent le bleu et ils renvoient vers l’œil du jaune et du vert. Soit les pigments bleus.. ah, qu’est ce que j’ai dit ? j’ai dû me tromper oui... je sais plus. Le pigment jaune donc absorbe le bleu et renvoie du jaune et du vert, renvoie à l’œil du jaune et du vert. Les pigments bleus, ils absorbent le jaune et ils renvoient à l’œil du vert et du bleu. Vous mélangez les deux types de pigments, vous n’avez plus que : donc - le bleu est absorbé, le jaune est absorbé et vous avez une réflexion purement verte. Comment on appellera ça, ce mélange ou cette synthèse ? Cette synthèse, on l’appellera cette fois ci, une synthèse" soustractive." Elle ne peut pas se faire avec des rayons lumineux bien plus - admirez que la synthèse soustractive, le mélange soustractif - peut donner tout ce que vous voulez sauf du blanc. Il peut donner du noir dans quel cas ? Si chaque corps absorbe ce que renvoie les autres, là vous aurez du noir. Donc il peut y avoir du noir produit par la synthèse soustractive ou le mélange soustractif mais il ne peut pas y avoir de blanc. Voila mes trois formules scientifiques de colorimétrie, de science simple.

Alors je dis, bon mais on oublie, on n’oublie ça, ces formules, ces études de colorimétrie.. peu importe la date .. Ma question - comprenez la bien pour y introduire toutes les nuances - c’est si déjà la pratique picturale n’avait pas operé dejà de tels régimes de couleurs. Le dernier critère de régime c’est le moyen de reproduction de la couleur. On arrête la, car ça devient trop abstrait. Je dis, je définirais dès lors, un règime de la couleur c’est mon premier résultat - je voudrais une petite montre, t’as pas une petite montre ??...

je définirais un régime de couleurs par quatre caractères, par quatrecaractères.

-  Premier caractère : un état de fond au double sens du mot fond, à savoir détermination du support, qualification du support, et position variable de l‘arrière plan.

-  Deuxième caractère : par une modulation correspondante.

-  Troisième caractère : par une teinte privilégiée parmi les quatre teintes fondamentales : vif, pale, rabattu, profond. . Par un mode de reproduction parmi les trois grands modes de reproduction :
-  le mode longueur d’onde dominante renvoyant à un flux blanc,
-  le mode synthèse additive,
-  le mode mélange soustractif . En disant ça heureusement que j’ai récapitulé car en fait mon deuxième caractère disparaît puisque la modulation elle est prise dans ce dernier caractère. Donc en fait il n’y a que trois caractères Voilà, OUF, léger repos...

-  Voilà. ça va ? oui, ça va ? Bien. Dès lors je reprends mon problème... S’ il est vrai qu’on peut définir des régimes de couleurs, tantôt ces régimes de couleurs renverront à des espaces définis précédemment et à des modulations définies précédemment, tantôt renverront à un espace proprement de couleur et à une modulation proprement chromatique que nous n’avons pas encore définie. Bien cherchons un peu dans l’histoire, dans l’histoire de la peinture. J’essaie de définir un régime de couleurs "Renaissance" par exemple. On va voir comment ça se passe - si on peut atteindre un tout petit peu de technique - là mais vraiment au service de notre recherche sur les régimes de couleur . Est ce qu’il y aurait un régime de couleurs "Renaissance", avec beaucoup d’exceptions, beaucoup de problèmes ? c’est ça qui fait aussi la vie, la vie d’une histoire de la peinture . et ben oui !il me semble bien qu’il y a un régime de couleurs mais au sens ou l’on vient de l’employer et sans doute c’est une longue histoire, mais ce qui est célèbre c’est l’existence des fonds" blancs" dans la peinture de la Renaissance.

-  Parlons des fonds blancs, partons de là .... ça nous renverrait peut être à notre première formule colorimétrique mais là on pourrait pas pousser trop loin car eux, ils le font en "praticien" en "peintre" - pas en savant. Ils utilisent des fonds blancs - ça veut dire quoi ? ça veut dire que le support est garni d’une couche de plâtre, d’un plâtre spécial, d’un plâtre traité d’une manière spéciale ou bien d’une couche assez épaisse de craie - et là dessus qu‘est ce qui se passe ? Or il y a un peintre qui est connu - et là c’est important pour l’Histoire de la Peinture - il y a un peintre qui est connu pour avoir poussé ce système a la perfection. Et bien avant la Renaissance c’est à dire que la Renaissance hérite de quelque chose qui se préparait mais justement ce peintre précisément est comme à la charnière, de ce qui précédait et de la Renaissance. C’est le grand Van Eck, au point que - est courant dans l’histoire de la peinture la formule d’un secret de Van Eck - et ce secret de Van Eck ça commence avec ce plâtre dit amorphe qui sert de fond. Van Eck il meurt vers 1440 - j’ai pris dans le dictionnaire : 1440, c’est à dire avant la naissance de Leonard de Vinci mais pas longtemps - Leonard de Vinci naît en 1452. Il y a un critique récent qui a fait un livre où il insiste énormément sur Van Eck et considère Van Eck comme le peintre des peintres - chacun a le droit de choisir son peintre des peintres mais il s’appuie précisément sur ce fond blanc mystérieux... parce qu’il met en question bien des choses ce fond blanc : en effet pour obtenir du plâtre amorphe il y a tout un jeu de plâtre et de colle donc il y a tout un problème de la "pharmacie" de la peinture, de la "chimie" de la peinture.

-  C’est Xavier de Langlais, et Xavier de Langlais, il a écrit un livre très intéressant chez Flammarion qui s’appelle "la technique de la peinture à l’huile" et il est formidable, c’est à dire c’est un livre qu’on lit avec beaucoup de joie - euh, en rigolant beaucoup parce que c’est un type de critique très particulier comme on en trouve un peu dans toutes les disciplines artistiques. C’est un je crois c’est à la lettre - euh ce qu’on pourrait appeler euh un réactionnaire euh mais un réactionnaire très bien - Vous allez voir ce que c’est un réactionnaire très bien. Un réactionnaire très bien c’est quelqu’un qui stoppe qui stoppe ce qui se passe, à un certain moment et dit : " ah non non la on arrête c’est fini, après il n’y a plus rien !" Vous connaissez... ? ils sont charmants d ‘ailleurs : "euh ça s’arrête la" et puis non et puis non ah ! après : "mais quand même y’avait Mozart" c‘était pas mal....ah (rires dans la salle) non alors il y avait ça en musique, par exemple il y a beaucoup d’amoureux du chant grégorien qui sont comme ça.. Pan ! "après le chant grégorien, il n’ y a rien" c’est une décadence, une lente, lente décadence...faut pas rigoler parce que...

-  Il y a eu ça en philosophie, un moment très joyeux, ça été avec le néothomisme, Maritain c’était formidable il y avait Saint Thomas ... après, c’était dur pour lui...euh Descartes euh, s’il y a avait un peu de Saint Thomas en Descartes alors ça allait. Or il y’a quelque chose de très bizarre que vous allez comprendre... Parfois ces hommes qui arrêtent tout à un moment et qui ne veulent plus rien entendre du reste, se retrouvent d’étonnants modernistes et ils sont bien - à deux égards - que d’une part ils nous apprennent énormément de choses sur le point de coupure qu’ils font. Et en effet ça s’explique très facilement ... ils sont tellement excités avec leur : "tout est fini à partir de la " qu’ ils ont une connaissance technique très profonde de la période où ils arrêtent "tout", ensuite c’est une décadence... Ensuite c’est une décadence, bon d’accord, mais pour comprendre ce que c’est que le chant grégorien il faut s’adresser à quelqu’un comme ça. Pour comprendre Saint Thomas il faut s’adresser à Maritain c’est évident. Et alors tout le reste est décadence. Tellement décadence que selon eux il vaudrait mieux repartir à zéro. D’où je reprends l’exemple, parce qu’il me fascine, l’exemple de Xavier Langlais, il va nous dire : "la peinture a l’huile elle connaît son triomphe avec Van Eck"

-  Déjà a la Renaissance gràce au fond blanc, grâce au plâtre amorphe, après c’est foutu, déjà à la Renaissance, bien sûr il garde le secret de Van Eck mais ils le comprennent déjà moins bien la décadence commence déjà à la Renaissance mais quand même ils ont gardé quelque chose du grand Van Eck, mais après c’est terrible... A quoi on voit que c’est terrible ? Là, Xavier de Langlais révèle son obstination, son obsession propre : c’est la craquelure : les tableaux ils craquellent, alors là il se connait plus Xavier de langlais... Les tableaux depuis Van Eck, ça craquent de plus en plus et alors les peintres il ne se domine plus quand il y a des peintres très "craquants" (rires dans la salle). Il y a notamment un portraitiste anglais du 18 ème qui s’appelle Reynolds et qui est la tête de turc de Xavier de Langlais parce que Reynolds - et on verra pourquoi du point de vue du régime de la couleur c’était forcé que ça craque chez Reynolds - mais Delacroix, le mépris de Xavier Langlais : il sait pas son métier, pour Xavier Langlais il sait absolument pas son métier , la preuve les c’est que il a des craquelures...

Pour les impressionniste il est d’une sévérité il dit ;" il avaient de bonnes idées mais pas de savoir faire" et "ils ont jamais pu régler le problème du fond." Voyez que je reviens à ma question du régime de la couleur, Xavier Langlais c’est quelqu’un pour qui il n’y a qu’UN régime de la couleur, le grand régime à longueur d’onde dominante c’est dire le fond blanc.

C’est pas mal, mais alors donnons nous - il faut croire qu’il y a quelque chose ! Mon Dieu, Mon Dieu il y a quelque chose... Voilà ce premier régime de la couleur, je cherche Renaissance qui emporte le secret de Van Eck, qui l’exploite et qui qualifie son support sous forme de "plâtre" ou "couche épaisse de craie". Qu’est ce qui va se passer après ? Deux temps :
-  sur le fond blanc, ils font ce qu’ils appellent une "ébauche" et ils lavent "l’ébauche",
-  ébauche lavée sur le fond blanc - ça c’est le second temps : c’est comme ça qu’ils travaillent.
-  Troisième temps, ils étendent et ils posent les couleurs... sous quelle forme ? ils posent les couleurs en couches minces.

-  J’ouvre une parenthèse, pour que vous compreniez - il fallait que vous compreniez au début mais si vous n’avez pas compris ça ne fait rien vous comprendrez après - Je fais une parenthèse : Mes deux premiers temps : fond blanc, ébauche lavée, ça vous donne quoi ? ça vous donne évidemment une formule de "clair lavé" : c’est ça que j’appelais "privilège aux teintes pâles", privilège aux teintes pales, Ce qui n’empêche pas qu’au troisième temps, ils posent les couleurs - ça peut être des couleurs vives, ça peut être des couleurs saturées, ça peut être des couleurs profondes - mais le principe ce sera : mince couche de couleurs sur le fond blanc, de telle manière que le fond blanc transparaisse, transparaisse notamment par exemple, à travers un vêtement.

-  Le fond blanc va donner luminosité aux couleurs et pour les ombres : qu’est ce qu ils vont faire ? bien là, ils vont saturer la couleur, la couleur posée sur le fond, ils vont saturer la couleur, ils vont passer plusieurs couches et c’est une des premières formules "la couleur posée sur le fond blanc pardessus l’ébauche", en respectant les lignes de l’ébauche : c’est la première formule de ce qu on appellera le "glacis" : mince couche de couleur sur le fond.

Mais bien qu’on emploie ainsi le mot "glacis", le mot technique de glacis, moi j’aurais envie de réclamer, de dire "c’est pas ça le vrai glacis" c’est un glacis ça, dans un sens très général. On verra pourquoi je fais cette réserve, j’essaierai de dire pourquoi je fais cette réserve, moi je préférais garder - on a tous les droits - garder ce mot "glacis" pour un autre régime. Bon.

-  Voilà ce premier régime. Quand je dis c’est la formule Renaissance, ça veut dire quoi ? Ce que tout les peintres ben oui ils font presque tous. Ben voyez : fond blanc ébauche lavé, couleur mis en glacis. ça me donne - je dirais la je suis en droit il me semble de dire que - c’est un régime pale même si les teintes pales ne dominent pas, même s’il n’y pas seulement des teintes pales. C’est un régime pale, parce que l’ensemble des couleurs qu’elles soient vives saturées, profondes, tout ce que vous voulez, sera obtenue à partir de cette matrice : blanche, ébauche lavé. Oui, est très clair, très clair... Orqu’estcequi va se passer là ? qui appartient vraiment a la Renaissance. comment ça bouge la peinture ? Ce qui va se passer c’est quand même des choses très curieuses : c’est que les peintres de la Renaissance qui emprunte le système Van Eck vous remarquerez que les italiens l’ empruntent à la Flandre et puis on verra que c’est par l’ Italie que ça revient à la Flandre et à la Hollande....très curieux ce cheminement...et ben et ben ... Il se passe une chose, c’est que les peintres de la Renaissance, je parle des plus grands ...c’est donc pas une critique ...pour Langlais c’est déjà une critique, ils vont avoir tendance à épaissir de plus en plus... le fond blanc. Leur prouesse technique va passer par un épaississement du fond blanc. Le fond blanc devient de plus en blanc épais ou du moins de plus en plus opaque... C’est très important ça si vous me suivez - c’est le dernier point difficile, si vous comprenez ça vous allez comprendre tout de l‘avenir - notamment le très grand peintre, alors Langlais est très embêté parce qu’il dit évidemment c’est un génie il fait partie des plus grands peintres, c’est donc un génie c’est embêtant et en même temps sa technique est déjà sur la voie de la décadence. Puisque c’est plus le vieux fond Van Eck or le plus grand peintre qui alors se signale par un épaississement mais alors un épaississement visible considérable du fond de support c’est... le Titien, le fond blanc devient très très épais et très opaque. Vous sentez que ça va être déjà la naissance d’une forme de luminisme ça, ça va tellement annoncé certains aspects du 17 eme siècle. Il devient très opaque le fond blanc. Même chez Leonard de Vinci ou très bizarrement son plâtre semble bien - les spécialistes disent : pas tellement plus épais que celui de Van Eck mais en revanche beaucoup plus opaque... C’est intéressant ces différences qui sont vraiment des différences purement techniques, qu’est ce que ça va entraîner si vous faites un fond blanc plus épais ? un plâtre très épais ? Ça va entraîner une drôle de chose il me semble que ça va entraîner deux choses, enfin il semble ...il se trouve que ça entraîne deux choses :

-  La première chose c’est que le lavage du fond, la dilution qui se fait à l’eau ou à l’essence de terebenthine, la dilution va être de plus en plus colorée, tout se passe comme ci la couleur remontait vers le fond c’est à dire les couleurs de l’ébauche vont déjà marquer l’ensemble du fond, au lieu d’un fond blanc, le fond blanc tendra à mesure qu’il devient plus opaque et plus épais, à se colorer, c’est la première grande différence. Coloré pâle d’accord coloré pale... Oui, mais coloré.

-  Deuxième différence considérable, là vous devez comprendre - le travail au niveau même, dans les deux cas c’est le travail du peintre - l’ébauche est menacé, le stade de l’ébauche est menacé... au profit de quoi ? L’ébauche va tendre à être remplacé par le "travail en pleine pâte" a mesure que le fond devient plus épais et qu’est ce que c’est le travail en pleine pâte ? C’est ce qui faut opposer à l’ébauche...

Le travail en pleine pâte c’est la méthode des repentirs, les repentirs du peintre, à savoir : au lieu d’une ébauche bien déterminée sur laquelle ensuite il n’a plus qu’a mettre les couleurs, il va y avoir perpétuellement un remaniement, un travail en pleine pâte ou au besoin le peintre... va remanier tout et c’est notamment chez Le TiTien qu’on assiste à ces choses tellement émouvantes, les repentirs du peintre, ou quand vous regardez de très près ou bien quand vous regardez dans des conditions scientifiques : vous voyez la marque d’un repentir - par exemple comme une cinquième pâte d’un cheval, la pâte qui a été supprimée, pour une redistribution des pattes.

Donc je dirais, les trois : l’évolution de la Renaissance, techniquement du point de vue du régime, de ce régime de la couleur blanc, fond blanc va être marquée par trois choses :
-  épaisseur de plus en plus grande, et opacité de plus en plus grande, -
-  coloration du fond de plus en plus nette,
-  substitution de la méthode des repentirs, à la méthode l’ébauche.

Voyez en effet que pour un homme comme Langlais, tout cela est très triste, ce plâtre qui devient épais.... Ce fond qui est déjà coloré qui absorbe déjà la couleur et l’abandon de l’ébauche au profit du travail en pleine pâte tout ça, ça lui permet de dire de son point de lui à lui, ah ben oui, la peinture prend un mauvais chemin... Quand je dis : il est quand même moderniste, ça se comprend, c’est que : il est tellement persuadé que déjà à la Renaissance c’est la décadence de la peinture à l‘huile qu’il va dire : vive les couleurs acryliques, vive les couleurs sans huile, vive les couleurs actuelles, ça oui alors... Il redevient très moderniste, il dit : "la peinture à l’huile c’est foutu, alors vaut mieux repartir à zéro avec l’acryle, le vinyle et tout ça" ... Vous comprenez ? Bon, je reviens là à mon histoire...

Voilà, je définirai donc le régime Renaissance : Il y a un bien un régime de la couleur - et vous voyez que ça s’enchaîne avec tout ce qu’on a fait avant - je dirais, il y a bien un régime de la couleur mais nécessairement ce régime de la couleur est au service d’un espace signe et d’une modulation d’un autre type. L’espace-signe - on l’a vu - de la Renaissance : c’est l’espace tactile-optique, définit par la ligne collective et le primat de l’avant plan. Mais comprenez que le fond blanc fonde précisément le primat de l’avant plan. Comprenez que l’ébauche, fonde précisément la ligne collective, et ça n’empêche pas que vous avez un régime de la couleur, dans la mesure que vous posez en "glacis", en pseudo glacis, vos couleurs quelle qu’elles soient, sur ce fond qui agit sur les couleurs - c’est donc ce que je peux appeler le régime "pâle" de la couleur au service de l’espace Renaissance, de l’espace tactile-optique et de la modulation par la ligne collective.

Voilà un premier régime de la couleur ....ça va ? oui ? non .difficile ? Un intervenant : très ! Très, trop ?... ... (Interventions diverses) Oui, mais c’est difficile pour moi aussi... (Rires) Oui c’est difficile tout ça Non c’est...

Alors bon en accumulant les stades, peut que ça va être euh...

Je passe comme à un second stade, un autre régime de la couleur, cherchons un autre régime de la couleur, plus là ça risque de se compliquer et en même temps se simplifier, je sais pas, puisque on va envisager les régimes de la couleur 17ème siècle, 17ème siècle. Là c’est curieux, parce que il semble que je réclamais plutôt par facilité un seul - mais là je peux pas faire autrement - un seul même trait varié et la a tellement évidemment deux, deux qui vont former comme une espèce de pince. Autour de quoi ? Autour du luminisme du 17ème siècle

Vous vous rappelez la formule la encore ça va pas être un espace de la couleur pur, ça va être un régime de la couleur subordonnée à un espace-optique par lequel on a défini le 17e et par rapport à la modulation correspondante, la modulation de la lumière et non plus la modulation de la ligne collective. Donc je dirais que là encore, le régime de la couleur ne renvoie pas un espace coloristique qui lui serait propre, il est au service d’un espace d’une autre nature, l’espace optique de la lumière. Mais précisément, il présente un sérieux changement par rapport au régime de la Renaissance.

A la fin du 16 ème siècle surgit un peintre dont l’importance technique sera immense, et que hélas évidemment, Xavier de Langlais abomine tellement qu’il n’en parle même pas. C’est le Caravage, or qu’est ce que fait le Caravage ? Qu est ce qu’il invente ? La chose la plus insolite : Il invente - bien sûr il a eu des prédécesseurs, faudrait les chercher - mais il invente le fond - et là, les mots semblent manquer - Il invente le "fond noirâtre", le fond de bitume ou bien plus précisément : le fond "brun rouge", un brun rouge... Un fond brun rouge, bon... et qu’est ce que ça change ? Voilà que le support est qualifié par cette espèce de - comment dire - de couleur indéfinissable.

J’insiste là dessus parce que quand euh quand Wolfling parle de certains aspects du luminisme du 17ème siècle il dira ...aie aie... (Un objet tombe dans la salle) . exactement ça : le fond c’est une couleur indéfinissable. Qu’est ce que va dire "une couleur indéfinissable" ? Ben, ce qui m’importe c’est que c’est quelque chose d’indéfini, je ne peux pas dire à proprement parler : c’est telle couleur mais c’est de "la" couleur. Tandis que dans la formule Renaissance, vous aviez un fond blanc - en d’autres termes, la couleur était reçue par une matrice non colorée - la coloration commençait à peine avec l’ébauche. Là vous avez une couleur indéfinissable, vous avez l’impression que toutes les couleurs se mélangent dans leur nature sombre. Ce que Goethe dit : "toute couleur est sombre", "toute couleur est obscure" trouverait ici son illustration pleine : la matrice de la couleur et cet espèce de bain sombre qui va faire le "fond" du tableau.

Qu’est ce que ça veut dire ça ? et pourquoi ? comprenez là, on retrouve toutes nos notions avec ce fond sombre, avec cette matrice obscure. Il y a toute possibilité de quoi ?
-  d’assurer le primat de l’arrière plan. Le fond cette fois ci, va être chargé d’assurer le primat de l’arrière plan, ça veut dire quoi assurer l‘arrière plan ? Tout jaillit de l’arrière plan . Vous sentez déjà qu’il s’agira plus de poser des couleurs en glacis sur un fond blanc... Il s’agira de faire surgir du fond sombre, de cette "sombre matrice", toutes les couleurs, tous les éclats, toutes les vivacités c’est à dire : toutes les lumières
-  Et le fond sombre, il va l’assombrir encore plus à l’endroit des ombres, il va faire surgir les couleurs éclatantes, et évidemment la tâche principale du peintre va commencer à être la dégradation : dégrader. Il va dégrader ces couleurs vives, ces couleurs vers les ombres - c’est un tout autre régime de la couleur - et ça va être un des pôles de la naissance du Luminisme. Ces lumières éclatantes qui jaillissent d’un fond sombre - exemple célèbre : la vocation de Saint Mathieu du Caravage. (question d’une étudiante).  Je dis pas qu’il invente la dégradation - la dégradation devient à ce moment là, quelque chose qui fait pleinement partie du second travail, puisque forcement - le fond va être donc coloré de type indéfinissable ,ça va être le fond sombre, les ombres vont être organisées de telle manière qu’elles jaillissent du fond sombre au lieu d’être « posé sur ».

-  Alors, oui : "la vocation de Saint Mathieu", l’exemple célèbre de Caravage montre ça, l’espèce de saint Mathieu qui est dans un tripot dans un tripot, une cave tripot, complètement assombrie sombre, un rayon de lumière venant d’un soupirail, qui prend le christ La main du christ qui désigne Saint Mathieu là comme ça : toi ...toi... ! au sens de toi, suis moi ! et cette main qui est pris dans le grand rayon, tout ça enfin C’est déjà une grande naissance du luminisme...

Or si l’on cherche techniquement d’ou viendrait ces fonds sombres que Le Caravage porte à sa perfection porte à leur perfection, il semble que ce soit Tintoret, il semble que vous les trouvez déjà dans les tableaux de Tintoret, dans certains tableaux de Tintoret. - Bon voilà un régime de la couleur que je dirais quoi ? tout comme je disais tout a l’heure je dirais pale, celui à fond blanc et ébauche lavé. Là au contraire c’est fond sombre et travail en pleine pâte de la couleur. Cette fois ci c’est du foncé saturé et du foncé lavé...foncé saturé, foncé lavé. En d’autres termes c’est un régime qui est comme déjà un régime mixte, qui est a la fois un régime de teintes profondes et de teintes rabattues....

-  Et tandis que là aussi toutes les teintes sont "produites" et si j’essaie de trouver un correspondant, je dirais que là d’une manière très approximative : la matrice cette fois ci, c’est le mélange des trois couleurs qui ne s’équilibrent pas - la couleur indéfinissable c’est ce mélange, ce mélange sombre des couleurs prises dans leur nature sombre, dans leur nature obscure - c’est a dire les trois fondamentales qui ne s’équilibrent pas.

En d’autres termes ça, ce serait un régime de la synthèse additive. Mais dans l’autre direction - de telle manière que le luminisme est double - dans l’autre direction, vous avez quoi ? Vous avez l’histoire de la Renaissance qui continue mais précisément en se continuant, elle va complètement changer de sens, à savoir : on reprend cette fois ci, à partir du Titien, cette épaississement de la pâte et cette épaississement de la pâte va donner au 17ème siècle - je précise que Caravage a eu sur tout le17 ème siècle une influence fondamentale : c’est à dire que tout le monde y est passé. En Espagne y est passé : Ribera et Le Greco, en France ils y sont tous passés. Influence aussi sur les flamands donc Caravage l’a été comme à une espèce de charnière. Alors je dis l’autre voie, le prolongement du Titien, Vous vous rappelez ce fond blanc devenait de plus en plus épais si bien qu’il ne portait plus une ébauche mais qu’il faisait l’objet d’un travail en pleine pâte et se colorait. Ben ça va être très important, ça va être la naissance du "glacis" à proprement parlé, je dirais qu’en reculant dans le temps, poussé dès le principe du tableau, le fond va se colorer de plus en nettement, en même temps que le travail se fera en pleine pâte... C’est Rubens qui pousse le système à fond - si bien que là vous allez tendre à dégager un glacis à proprement parlé - à savoir des couleurs sont appliquées sur un fond clair, sur un fond coloré clair. En d’autres termes le glacis à proprement parler c’est : "couleurs sur couleurs claires", couleurs fines et avant tout "couleurs fines et translucides" et au besoin "brillantes appliquées sur fond clair". Pourquoi est ce qu’on n’applique pas des couleurs claires : précisément parce que les couleurs claires sont trop opaques C’est les couleurs qui vont faire "le fond" et on fait du glacis parce qu’on applique des couleurs sur ce fond clair. Or si c’est ça la formule de Rubens, par exemple des couleurs du type bleu d’outre mer ou bitume vont être appliquées sur le fond clair. Je crois que l’un des premiers à avoir procédé comme ça dans la lignée du Titien mais marquant une évolution par rapport au Titien, une précipitation par rapport au Titien, c’est précisément un espagnol si bien que l’Espagne elle aurait ces deux peintres qui...Ribera descendant de la formule Caravage et Errera... qui lui à la lettre peint sur des fonds roses, souvent pas toujours, sur des fonds roses argent, une espèce, un rose argenté... là il y a vraiment une espèce de glacis à proprement parlé...

Si bien que, je crois que la définition stricte du glacis c’est exactement celle que donne Goethe, mais justement elle exclut - lorsque je pose des couleurs sur fond blanc manière renaissance, c’est pas du glacis à proprement parlé - la définition que donne Goethe du glacis, il distingue trois fonds Goethe dans le traité des couleurs, il fait une revue très rapide et dit ben oui il y a le fond blanc a la craie, il ne cite pas le plâtre mais en fait c’était surtout du plâtre il y a le fond blanc de la Renaissance , le fond sombre brun rougeâtre du Caravage, là il cite - il cite très peu de peintres - il cite Le Caravage - juste et il dit : il faut ajouter le glacis. Il définit le glacis comme ceci : c’est ce qui se passe lorsque l’on traite une couleur déjà appliquée comme fond clair. Si bien que malgré l’usage je ne voudrais pas employer le mot glacis lorsque la couleur est appliquée sur un fond qui n’est pas lui même déjà, une couleur, une couleur nécessairement claire. Il y a glacis uniquement lorsque vous situez des couleurs par couches fines et transparentes sur fond clair... Or ça qu’est ce que ça vous donne ? Cette...

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