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19- 19/05/81 - 2

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Gilles Deleuze - Peinture cours du 19/05/81 de Deleuze Transcription : Fatemeh malekah

Comment atteindre à cette vivacité qui exprime le rapport des couleurs et de la lumière ? Comment conquérir les tons vifs, puisque seuls les tons vifs expriment le rapport de la couleur avec la couleur. Ça va se faire par étapes. Je prends même dans la peinture française un paradigme de séquences, trois étapes, trois moments de Delacroix ; Qu’est ce qu’on voit techniquement chez Delacroix ? Voyez, puisque là c’est les problèmes techniques. On voit quelque chose de très curieux, la couleur sombre du fond subsiste souvent et longtemps, hein, elle est déjà pleinement couleur mais c’est la couleur sombre, mais chez Delacroix, on saisit sur le vif. Comment arracher à cette couleur sombre, à ces couleurs sombres, comment lui arracher les tons les plus vifs ? ça c’est le moment important. A chaque fois, c’est le colorisme qui nait, qui renait, ça pose problème et Delacroix invente un procédé qui sera repéré comme tel déjà de son vivant, soit qu’on se moque de lui, soit, au contraire les gens le suivent, ce sera le procédé dit des « hachures ». Il va hacher sa couleur sombre littéralement, il n’y a pas d’autre mot : hachures vertes, hachures rouges et c’est au niveau des hachures, que la couleur va conquérir ses rapports vifs, de tons vifs ;

Un des plus grands moments de Delacroix, « qu’on me donne un tas de pourpre et je vous en ferai sortir une couleur exquise », sortir une couleur exquise. C’est pas comme ça, c’est pas une formule littéraire, c’est pas comme ça que Delacroix formule, c’est ce qu’il fait sur la toile (...) Je dirai, grâce à Delacroix qu’est-ce qui est rendu possible ? Le déploiement des rapports, le déploiement des tons vifs et des rapports entre tons vifs, d’une certaine manière, qui n’ont plus besoin du fond sombre où la couleur sortait.

Tout se passe comme si Delacroix avait encore gardé - enfin, je dialectise un peu trop, quoi, ça ne se passe pas comme ça - tout se passe comme si Delacroix l’avait gardé mais, pour amener le moment où il n’ en aurait plus besoin. Ce qui n’ôte pas, ce qui n’ôte rien aux chefs d’œuvre peints à partir de la couleur sombre. C’est qui ça ? Dégager et porter au plus haut les rapports entre tons vifs, sans passer par la couleur sombre, la couleur sombre, évidemment, ce sera l’ impressionniste.

Et ça sera peut-être la première fois qu’apparaîtra le colorisme à l’état pur, la lumière, complètement, subordonnée à la couleur,(...) Turner avec les tons jaunes Il y a un très très beau, admirable tableau de Turner qui s’intitule : Hommage à Goethe, Hommage à Goethe(...)pour les impressionnistes, c’est ça le problème. Moyennant quoi, la hachure de Delacroix qui valait comme hachure puisqu’elle venait hacher la couleur fond, la couleur sombre. (..) devenue élément célèbre La virgule impressionniste, juxtaposition des virgules non plus une hâchure qui vient hacher la couleur sombre mais des petites virgules pour elle-même ;

Eh bien à travers tout l’impressionnisme, pour varier le style, au niveau de la virgule, les virgules de Monet - Ce n’est pas pour ça qu’un expert reconnait, parfois nous on est géné pour reconnaitre un Pissarro d’un Monet, un Renoir moins Grand chose, Dans la virgule, ce n’est pas pour cela, qu’il y a un lien (inaudible) Quand la virgule devient craquement et est signée Van Gogh Comprenez que il n’a pas à etre coloriste colorisme et le déploiement des tons et la vivacité des des tons ( ) c’est comme si l’unité élémentaire de la peinture La Hachure de Delacroix devient la virgule impressionniste, la virgule impressionniste devient la petit touche de Cézanne, devient, en fin, ce n’est pas transformer apparente (inaudible) des rapports de coloristes. Et après,....

Voilà ; alors, que j’explique bien, hein ! Pour le moment, on laisse mariner tout ça. Pour le moment, c’est comme une longue parenthèse que j’ai faite ? Ce qui nous reste à voir sur la couleur et Je n’en étais pas là, maintenant mais je vais revenir à une chose mais justement ( ..) ça marche bien. j’aurais besoin de ça.

Apres la pause :

Vous voyez les couleurs ne sont pas bonnes. Il est très joli le triangle.

Bon ; Alors, vous voyez, Ça, C’est une parenthèse qu’on peut placer avant ou après tout ça c’est toujours à emporter avec vous, hein ! , Là-dessus, vous pouvez lire Goethe, hein ! C’est encore mieux, si vous le lisez mais si vous ne le lisez pas, ...Voilà ; Voilà ; C’est ... Bon, Est ce qu’il y a des remarques à faire, des compléments ?

Etudiante 1 : Le blanc et le noir, j’ai lu le texte de Goethe c’est un problème très complexe, parce que d’une part, ce sont des couleur, le blanc, c’est la première, la première genèse du sombre et que le noir, c’est l’extrait du sombre donc ce sont des couleurs mais sur la question du blan incliné du cercle chromatique, dit pas non, pas du tout, Le blanc ne peut pas naître du cercle chromatique, c’est le gris,

Deleuze : Tout à fait.

Etudiante 1 : et c’est cette ambiguïté qui,

Deleuze : Moi, je crois que l’ambiguïté, elle s’explique, tout simplement, c’est ce que j’ai essayé de dire en disant le triangle il faut l’interpréter génétiquement ; C’est à ce moment là, en effet, la couleur elle n’a pas un moment de naissance absolue, mais en même temps le blanc et le noir sont le milieu d’extériorité de la couleur, c’est la forme d’extériorité de la couleur qui ne contient encore rien de l’intérieur de la couleur, et ça va être la naissance de l’intérieur, d’autant plus que si on reprochera à Newton entre autre chose et là ça serait compliqué, il faudrait, si on s’occupait vraiment de la couleur, il faudrait opposer là, en effet tout Goethe, est faite contre Newton.

Anne Querrien : Newton, et Moi,, j’ai l’impression que lui, il se servait des lois d’optique , en fin, la décomposition par le prisme et ....Et moi je voudrais dire, justement par rapport à ça, on trouve Dans certains bouquins de vulgarisation sur la couleur, l’idée que les trois couleurs fondamentales de l’œil et c’est ce qui était repris par la télévision d’ailleurs, c’est le rouge le vert et le bleu et la télévision même, j’ai cette équation là, c’est une histoire de longueur d’ondes, donc, il y a à peu près 51% de rouge, 39% de vert et 10% de bleu et donc d’après le triangle des couleurs, la télévision, se trouve complètement poussée du coté noir.

Deleuze : elle est déportée, oui, oui, oui

Anne Querrien : ...déporté vers le noir et d’autre part, un grand article du Monde dimanche, un article passionnant sur qu’est ce que c’est le codage de l’image couleur à la télévision pour assurer la compatibilité du signal couleur avec les récepteurs de noir et blanc et donc, on soustrait, au contraire d’additionner, les couleurs, on se met à les soustraire et donc à les tirer encore plus vers le noir pour que les récepteurs noir et blanc puissent recevoir les emissions couleur.

Deleuze : Oui, oui, oui,

Anne Querrien : il faudrait faire un parrallèle avec la technique puisque apparaissent au même moment que l’imprimerie, l’imprimerie en couleur, et la composition des couleurs par addition en imprimerie de Delacroix et la compagnie sont complètement parallèle aux recherches sur la photographie ponctuelle.

Deleuze : Ou alors la méthode ponctuelle de Saurat oui, dans le pointillisme, il y aurait aussi des équivalents techniques avec un codage ponctuel..

Anne Querrien : la photographie assez rapide

Deleuze : Oui, oui, oui, oui. Bien et bien alors, continuons.

Deleuze : Oui, Une autre remarque.

Etudiant 1 : autre chose, c’est bien le neuf (inaudible) cercle traumatique, le

Deleuze : Une correspondance numérique.

Etudiant 1 : Sauf le neuf, d’accord, on a les 3 pour les trois couleurs, on a les six et on ne peut plus avoir le neuf et on passe directement et si on continue à les séparer,

Deleuze : Voyons,

Etudiant 1 : Tandis que dans l’autre

Deleuze : On a trois, dans l’autre,

Etudiant 1 : Dans l’autre on a le neuf,

Deleuze : Dans le triangle, Ah ! ça, C’est intéressant, oui

Etudiant 1 : Oui, C’est important d’obtenir le neuf,

Deleuze : C’est important !

Etudiant 1 : d’obtenir le neuf, oui,

Deleuze : Vous, vous etes un mystique abstrait !

Deleuze : Oui, C’est peut-être important mais il faudrait..., là, je n’arrive pas à suivre parce que je suis complètement abruti.

Deleuze : on n’obtient S qu’avec le cercle, on n’obtient pas....Alors trois, trois Réfléchissez comment on peut obtenir le neuf avec le cercle chromatique. Oui, alors qu’il est en plein dans le triangle, Oh ! Peut-être, vous allez peut-être dégager un grand mystère. Voyez ! Bon, allons oublions un moment, mais encore une fois, on aura bien besoin de tout çà, bientôt.

Vous vous rappelez où on en était ? On avait juste défini un premier espace-signal egyptien. L’espace égyptien. Or, cette espace-signal égyptien à la fois il n’est pas fait pour la peinture ou en tout cas, certes pas exclusivement pour la peinture ; Il s’exprime même formellement, infiniment plus directement, dans le bas-relief égyptien. Et ma première question, une question comme ça, c’est : est-ce qu’il ne va pas déterminer pour longtemps, quelque chose d’essentiel pour la peinture ? Est-ce qu’il ne va pas déterminer pour longtemps quelque chose d’essentiel pour la peinture, à savoir l’idée de planéité ? Car, je vous en supplie, beaucoup de critiques ont défini precisément la peinture par deux choses ; par exemple, un critique actuel, dont je vous ai déjà parlé, à savoir Greenberg. Il dit la peinture c’est deux choses : c’est la planéité et la détermination de la planéité, c’est intéressant déjà parce que qu’est ce ça veut dire la détermination de la planéité par distinction avec planéité ? C’est la planéité et la détermination de la pléneité. Bon, peut-être, peut-être mais ce n’est pas tellement évident que la peinture soit la planéité.

Je veux dire, est ce qu’il n’y a pas une épaisseur de la toile ? pourquoi certains, et pas tous, il y a des peintres qui même se sont réclamé d’une épaisseur de la toile. Cette idée de la peinture, planéité et détermination de la planéité est ce qu’elle ne viendrait pas, d’une part, d’ailleurs que de la peinture et d’un très vieil horizon, l’horizon égyptien, la réussite égyptienne ? Pourquoi ? Car on l’a vu si on essaie de définir l’espace-signal de l’Egypte, en suivant Riegel, on obtient à peu près, la formule suivante : La forme et le fond sont saisi sur le même plan, planéité, c’est à dire équi-planéité de la forme et le fond. La forme et le fond sont saisis sur le même plan également proche l’un de l’autre et également proche à nous mêmes. Ce serait ça si j’essaie de résumer la présentation de l’Egypte, selon Riegel, Ce serait ça : La forme et le fond sont saisis sur le même plan également proche l’un à l’autre et également proche à nous même ; C’est le bas-relief egyptien et on a vu, comment ça pouvait être egalement, la pyramide d’une manière plus compliquée et c’est la peinture egyptienne.

Oui, Il faut retenir ça, cette idée "planéité". Peut-être est-ce que c’est l’Egypte qui a réalisée la peinture comme planéité. Et puis ensuite le thème l’a poursuivi comme ça, mais qu’il n’avait pas du tout la même urgence. Ce n’est pas évident encore une fois qu’une toile ce soit plat. La preuve après tout, il y a des, il y a des peintres qui peignent à l’envers, beaucoup de peintres aujourd’hui peignent à l’envers. Peindre à l’envers ça veut dire quoi sinon que la toile a une épaisseur ? Il y a des peintres qui mettent en question la notion de surface. Il y a un groupe, Il y a un groupe qui est trés important le groupe support/surface et puis même des groupes à coté, beaucoup d’américains n’ont pas cessé de mettre en question. Mais enfin, on laisse ça.

La planéité, ce sera moins le destin nécessaire de la peinture que l’horizon égyptien de la peinture, que l’horizon extérieur égyptien de la peinture. Et en effet, c’est ça l’espace égyptien. Est-ce que c’est l’expression d’une volonté d’art, comme dit Riegel ou est-ce que c’est lié à - et alors là, tout est permis, on peut toujours rêver - est-ce que c’est lié à certaines conditions de, à la fois de civilisation et de nature, hein ! ; le désert, le rapport de bas-relief avec le désert, le rapport de la pyramide avec le désert, le rapport de l’œil et du désert. Est-ce que ce n’est pas un rapport qui précisément implique une espèce de planification de l’espace ? Car, en effet, j’en arrive à ce que je n’avais pas dit la dernière fois, lorsque Riegel essaie de dire quel est le type de vision qui correspond à cette espace égyptien - voyez du coté de l’objet, ici je dis des choses très sommaires - du coté l’objet il y a bien une opération de la planification les rapports dans l’espace sont transformés en rapport planimétrique. Bon, la forme et le fond sont sur le même plan, c’est la linéarité et comme dit l’autre, de la linéarité, c’est à dire du fait que la forme et le fond sont saisis sur le même plan, quelle détermination de la linéarité va en sortir ?

On l’a vu la dernière fois si je regroupe ; La détermination de la linéarité qui va en sortir, c’est les trois éléments de la peinture ; Les trois éléments de la peinture ; c’est précisément parce que la forme et le fond sont saisis sur le même plan, hantent le même plan, que la peinture va avoir trois éléments :
-  le fond,
-  la forme
-  et ce qui rapporte le fond à la forme et la forme au fond c’est à dire le contour geometrique cristalin. C’est la légalité géométrique cristalline.

Et je vous disais, quand nous voyons, quand il arrive que nous voyions sur une toile moderne, et que nous soyons dans une situation telle que nous, soyons comme forcés, violentés, amenés à distinguer trois éléments, la forme, le fond et le contour, nous pouvons dire : « Un égyptien est passé par-là ! ».

Je pense à un tableau et peut-être certains entre vous l’ont dans la mémoire, dans la mémoire de l’œil, très beau tableau, je trouve, très très beau ! Un tableau de Gauguin : « La Belle Angèle », « La Belle Angèle » Prodigieux tableau ! C’est un très beau cas - et à mon avis, c’est peut-être un des premiers cas, dans la peinture moderne - de ce qu’on appelle - j’essayais de dire ce que c’était en gros - de profondeur maigre, de profondeur réduite, il y a bien une profondeur mais très très réduite, la forme et le fond sont vraiment presque sur le même plan. La forme c’est quoi ? C’est la tête d’une bretonne qui s’appelait Angèle et que Gauguin aimait bien, une vraie bretonne ! Elle est peinte avec sa coiffe, Elle est parfaite. Bon. Bien. Le fond, c’est quoi ? C’est ce qu’on appelle, on ne peut pas mieux dire, un a-plat, c’est un aplat ; Avec ce qu’avait trouvé on ne sait pas bien, qui est-ce qui a trouvé ; dans les lettres, c’est tres confus. Est-ce que c’est Van Gogh ? Est-ce que c’est Gauguin ? Lequel, peu importe d’ailleurs. Ou est-ce que c’est un, encore un troisième de leur groupe ? Ils faisaient des aplats mais, quand même, pour animer un peu, ils mettaient des bouquets de fleurs comme sur le papier peint, quoi. Ils mettaient des petits bouquets de fleurs. Il y a une... ; Van Gogh, il aimait beaucoup un facteur à Arles. Et il a fait plusieurs portraits de ce facteur ; Il y en a un, entre autre, très très beau, où le fond est fait d’un aplat qui est comme un papier de chambre ; Dans mon souvenir, il doit être vert. Parce qu’il en a fait plusieurs. Il y a un bleu, avec un aplat bleu. Il y en a un vert. Et je croix bien, celui qui est en vert, il y a des petits bouquets de fleur charmants, charmants ! qui font un motif décoratif sur l’aplat. Bon, Il y a, donc, l’aplat. Il y a la forme ; C’est quoi ? La forme, c’est la tête de la bretonne. Or elle, elle n’est avidement, pas traitée en aplat.

Il y aura toujours un problème ; Remarquez là qui traversera toute l’histoire de la peinture. C’est, quand on est coloriste, que faire avec la chair ? C’est même là, que bizarrement, la peinture et les phénoménologues se sont rencontrés tellement, parce que les uns et les autres sont tellement animés du thème de la chair, du corps incarné. Merleau-Ponty, il a rencontré la peinture à partir du problème de la chair.

Que faire avec la chair ? J’ai repéré une citation de Goethe, justement pour tout mélanger ; Ah ! où elle est cette citation ? Très belle citation de Goethe ; Voilà : "Pour la chair, la couleur doit être absolument libérée de son état élémentaire". La chair, elle pose un drôle de problème à la peinture. Comment faire la chair, sans tomber dans la grisaille ? S’il y un cas, même dans le cas, même dans le cas de l’impressionniste, la chair va alors poser un problème redoublé. Comment traiter la chair ? Les choses, ce n’est rien ; Mais la chair, ce n’est pas le plus brillant, hein ! Comment faire que la chair cesse d’être boueuse ? C’est difficile ça ! Il faut un traitement particulier de la couleur. Alors, c’est formidable dans « La Belle Adèle », Non, Angèle, dans « La Belle Angèle » ; Oui, la « La Belle Angèle », « La Belle Angèle » puisque vous avez deux traitements de la couleur correspondant à vos deux premiers éléments picturaux.

Evidement, chez les Egyptiens ce n’était pas ça, c’est par-là que c’est un grand tableau moderne. Vous avez un traitement de la chair Et j’avance sur ..., j’anticipe puisque ... ; Finalement, une des grandes solutions du traitement de la chair, du traitement pictural de la chair, ce sera ce qu’on appelle les tons rompus, c’est en rompant les tons, qu’est ce que c’est le ton rompu ? On verra plus tard ; Hein ! Peu importe, là, on situe un mot, une nouvelle catégorie dans la couleur, c’est avec des tons rompus que Van Gogh et Gauguin, par exemple, traitent la chair. Or, Bon, Bon. Vous avez donc, traitement de la couleur par tons rompus, la forme, la figure, traitement de la couleur aplat, traitement du fond, vous avez vos deux éléments.

Et Gauguin se sert d’une méthode que, précisément un type, un peintre, hèlas second, enfin pas hélas ! qu’un peintre secondaire, avait, à l’époque de Gauguin essayer de remettre à la mode et que ce peintre avait baptisé "le cloisonnement" et vous verrez que, dans « La Belle Angèle » la figure est entourée d’une espèce de cercle jaune qui va être très important, ce cercle jaune, d’abord il a un effet comique incontestable ; Gauguin avait beaucoup de sens pictural du rire, c’est un des peintres les plus gais, les plus ..., oui, comique de la peinture, quoi ; Et « La Belle Angèle » devient de toute évidence, dans cet isolement, dans son cloisonnement, elle devient une tête sur une boite de fromage, sur le rond d’une boite, elle est découpée comme une bretonne pour camembert ; simplement c’est du Gauguin, au lieu d’etre....Bon. Et ce jaune, ce trait jaune, est formidable, parce que, vraiment, c’est lui qui fait communiquer les tons rompus de la figure et le ton aplat du fond. Et là, il y a une espèce de....Et c’est lui en même temps qui va être un élément fondamental de la profondeur maigre, c’est à dire qui va établir la forme et le fond "presque" sur le même plan. Alors quand vous voyez un tableau comme ça - ou bien je vous citais Bacon en effet c’est très différent de - mais lorsque... quand vraiment, dans la grande grande majorité des tableaux de Bacon, vous découvrez là, trois éléments vous sautent aux yeux. Ce n’est pas forcement comme ça partout.

Les trois éléments, c’est :
-  Le fond traité en aplat,
-  deuxième élément, la figure toujours traitée, d’ailleurs en tons rompus
-  et le contour autonome c’est à dire qui va renvoyer la forme au fond et le fond à la forme et qui, chez Bacon, n’est plus du tout un simple cloisonnement, mais prend comme son caractère volumineux, son caractère de surface ou même de volume, à savoir une espèce du tapis qui est dans un rapport de couleur, dans un rapport coloristique avec le fond de l’aplat, avec la couleur de l’aplat. Si vous voulez, chez Bacon il y a bien trois couleurs, qui est une espèce de tapis, ou de rond au milieu duquel, au moins dans lequel, se tient et se dresse la figure. Si bien que vous avez trois régimes de couleurs :
-  un régime contour, assuré par le tapis ou le rond,
-  un régime du fond assuré par l’aplat,
-  un régime figure assuré par les tons rompus ; vous pouvez dire : hommage à l’Egypte.

Mais cette manière de revenir à l’Egypte, c’est évidement revenir à l’Egypte avec des moyens tout à fait différents des moyens égyptiens puisque là, on redécouvrira les trois éléments égyptiens par des traitements de la couleur. Et vous voyez ce que voulait dire peut-être l’autre, lorsqu’il disait linéarité et détermination de la linéarité, en effet les Egyptiens assurent la linéarité, c’est à dire l’identité du plan pour la forme et le fond et dès lors, déterminent cette linéarité avec trois éléments :
-  la forme,
-  le fond
-  et le contour autonome.

Bon, si vous avez compris ça et que ce n’est pas réglé avec les Egyptiens et que ça va continuer à vivre mais qu’un peintre moderne peut le retrouver, donc ressusciter l’Egypte par des moyens non égyptiens, Vous avez compris, en gros, ce qui se passe chaque fois, ce qui se passe tout le temps dans l’Art , quoi.

Si bien qu’il nous reste juste pour en finir avec cette histoire d’Egypte, Il faudrait, en fin, il faudrait en parler beaucoup encore mais peu importe, il nous reste juste, une dernière chose à faire du point de vue du sujet qu’est ce qui se passe ? On a défini des éléments objectifs :identité du plan pour la forme et le fond, les trois éléments qui sont la détermination de la planéité, le fond aplat, la forme, la figure bas-relief et le contour, le contour, encore une fois, géométrique cristallin, l’égalité géométrique cristalline qui apporte la forme au fond ....

Alors, qu’est ce qui reste dans votre œil, votre œil égyptien,inutile de dire que les Egyptiens ont perdu cet œil et que les Egyptiens actuels à moitié en fin... oui. Oui, oui, oui, l’œil... Voilà comment Riegl définit l’œil égyptien mais vous voyez que l’œil égyptien il ne peut être définit qu’en fonction de son corrélat, c’est à dire, en fonction de cette espace signal de l’Egypte. L’œil égyptien, qu’est ce qui va être ?

Et voilà que dans ce livre fondamental de Riegl, "Métiers et Arts", "Arts Et Métiers, à l’époque du bas empire", la première édition de ce livre, nous dit des choses difficiles, très simples mais qui nous laisse une impression de difficultés, la première édition nous dit, eh bien ! Oui, cet espace égyptien, c’est un espace rapproché, il sollicite une vue proche. Non, ce n’est pas étonnant. On a envie de dire ce n’est pas tellement une volonté d’art ; c’est un fait de désert et de la lumière, la vue est fondamentalement rapprochée, en Egypte on voit de près.

Etudiante venant de l’extérieure intervient : Excusez-moi,(inaudible)

Deleuze : Où est ce qu’on les dépose ?

Etudiante : C 196

Deleuze : Alors à la fin, vous remplirez, hein ! ...

Etudiante :

Deleuze : qu’estce que c’est ? Ah !, oui, oui,

Etudiante :

Deleuze : Ça ne fait rien ; Les assises concernent tout le monde. Les assises, vous ne les savez pas ? Ah ! , Ça c’est ma faute, j’aurais du vous le dire. Oui, oui, Tu sais les dates, toi ? Aie, Aie !

Etudiante : Il y a une permanence.

Deleuze : ... Et qu’on n’avait encore rien vu, dans l’enseignement, c’est vrai, je voudrais moi, qu’un journal fasse l’état des projets très avancés mais chacun dans son métier, est au courant d’un projet qui est déjà très avancé, par exemple le projet pour les universités, c’était une catastrophe. Ce n’est pas difficile à comprendre. Le projet très avancé pour les universités, ça consistait à court-circuiter les conseils des universités. Alors, notre première réaction, c’est toujours de dire le conseil de l’université on n’en a rien à en foutre ! Mais attendez, ça dépend, c’est pour le remplacer par quoi ? Et pour s’adresser aux U.E R c’est à dire les crédits auraient était distribués directement aux U.E R. Ce qui, ça va de soi, livrer les U.Rs, qui d’ailleurs, sont complaisant à ça, les mettaient absolument entre les mains du ministère, parce qu’il n’y avait plus aucun structure universitaire. Ça, c’était un projet terrible ; Alors à chaque fois que je parle à quelqu’un qui a un métier, c’est curieux, il me confirme. J’ai vu, il n’y a pas long temps, il ne m’a pas dit des secrets, j’ai vu un banquier ; Il m’a dit vous savez, il y avait un projet pour faire sauter la convention collective dans les banques, un projet très avancé.

Deleuze : Mais ça se trouve, ....particulier dans les banques, sur un mode particulier. Ça serait très intéressant de faire l’état autant qu’on sait des projets avancés qui auraient passé vraiment, d’ici un ou deux ans. Or, les élections, pour moi, elles signifient avant tout ça. Qu’est ce qu’ils nous préparaient ? Ce n’est pas de la rigolade, hein !

Etudiante venant de l’extérieure : Assemblée Générale, vous avez la parole.

Deleuze : C’est bien vrai c’est pour ça que je dis moi en effet si ces assises...

Etudiante venant de l’extérieure : ... on l’a appris comme ça, à 10 heures du soir ... c’est pour ça qu’on a décidé de réagir, ...alors si vous voulez répondre....Au revoir.

Deleuze : Alors, d’accord, Au revoir. Moi, j’insiste là-dessus ; Oui ; s’il n’y a que des profs à ces assises, ça ne va pas. Il faudrait que tous ce qui peuvent... ; Alors, à vous de vous renseigner. Moi, à mon avis, ce sera plutôt vendredi et samedi mais vous, Vous vous croyez c’est à dire, jeudi...En tout cas, il faut que vous y passiez, que vous voyiez des groupes ; Parce que c’est important ; Orienter, actuellement, il y a quand même une chance inespérée de pouvoir récupérer quelquechose de tout ce qui...oui, alors normalement, moi, à mon avis, ce sera vendredi et samedi. Ecoutez ! Je termine, hein et on va prendre une recréation parce qu’on n’en peut plus, hein !

Reprise de cours :

Il essaie de dire ce que c’est que cet œil qui correspond à l’espace égyptien. Et je vous dis dans la première édition, il dit, eh bien ! C’est très curieux, c’est un œil de vision proche, donc, c’est l’œil de la vision proche mais l’œil de la vision proche, il se comporte comment ? Eh bien ! Il dit, c’est bizarre, mais c’est à la lettre, voyez, la forme et le fond sont présent l’un à l’autre sur le même plan et moi, spectateur, avec mon œil, je suis également proche. C’est un œil à la lettre qui se comporte comme un tact. C’est un œil tactile. C’est un œil tactile. Et Riegl, là, c’est un peu, voilà, ce qu’il faut, on comprend à travers la page de Riegl, que ce n’est pas une métaphore, que bien plus, Riegl est en train de dégager deux fonctions de l’œil ; Il y aurait une vision optique ; Il y aurait une vision tactile. De l’œil en tant qu’œil, ce n’est pas, comprenez, l’œil tactile, ce n’est pas un œil qui se fait aider par le toucher, comme lorsque je vérifie avec mes mains quelque chose que j’aie vu, lorsque je touche un visage, par exemple, ce n’est pas ça, c’est l’œil en tant que l’œil qui se comporte comme un toucher, donc, c’est encore ambigu la page de Riegl et c’est seulement, c’est bizarre là ; C’est dans la seconde édition, qu’il donne le mot et qu’il dit, il faudrait distinguer - en effet, là, il est forcé de créer un mot compliqué pour éviter l’équivoque - et il dit qu’il y a comme deux visions, il y a une vision optique et il y a une vision qu’il appelle "haptique", une vision haptique. Il emprunte le mot aux grecs, Hapto, qui veut dire toucher, un toucher de l’œil, un sens haptique de la vue.

Donc, on définira le sens haptique de la vue, si on veut lui donner son vrai sens, le sens haptique de la vue, ce serait un exercice de la vue qui n’est plus un exercice optique c’est à dire de vision éloignée. Voyez, la vue optique, ce serait la vue éloignée, relativement éloignée, au contraire l’exercice haptique ou la vue haptique, c’est la vue proche qui saisit la forme et le fond sur le même plan également proche. Bon supposons, alors, là, avant que vous vous reposiez, je me dis : il y a plein de problèmes là !

On va le garder ce mot haptique, après tout, ces catégories, ces catégories, c’est peut-être très intéressantes parce que car la peinture, ça s’adresse à l’œil, d’accord, ça s’adresse à l’œil ! Mais quel œil ? Je suggérais,peut-être,quelapeinture, elle fait naître peut-être, un œil dans l’œil, que la peinture, bon, elle a peut-être affaire à la lettre à ce qu’il faudrait appeler le troisième œil. Est-ce qu’on aurait deux yeux optiques, deux yeux pour faire la vision optique et puis un troisième œil, alors quoi ? Un troisième œil haptique ?. Du coup, est ce que la peinture, elle ferait naître l’œil haptique ? Est-ce qu’il y a un œil haptique en dehors de la peinture ? Je saute là, et ce n’est plus les égyptiens. Comprenez, c’est savoir si ces catégories d’haptiques ça va pas nous servir beaucoup. Et cet œil haptique qu’est-ce que ça serait ?

Eh bien ! Faisons enchaînement avec tout ce qu’on a appris aujourd’hui. Tiens. La lumière, la lumière c’est l’œil optique, la lumière sollicite un œil optique, peut-être. Je n’en sais rien. Peut-être, on peut dire ça. Mais la couleur, est-ce que ce n’est pas un, tout autre œil ? Est-ce que ce n’est pas un, tout autre œil ? Est-ce que la couleur ne sollicite pas un oeil haptique ? Est-ce que toute notre histoire de tout à l’heure, ce n’est pas comment un œil haptique se reconstitue à partir des yeux optiques ?

Dans une lettre où il est plein d’entrain, Gauguin dit : "L’œil en rut du peintre - la page, là je ne me rappelle pas, mais ça vient un bon moment, c’est assez comique ; Qu’est ce que c’est cet œil du peintre ? cet œil là, que Cézanne déclarait lui-même devenir tout rouge, tout rouge, tout rouge - je rentre chez moi, les yeux tout rouge, tout rouge, je ne vois plus rien. Les yeux tout rouge, qui ne voient plus rien ; l’œil du peintre, l’œil en rut de Gauguin, c’est bizarre tout ça. Est-ce que ce n’est pas un exercice de la vision très, très curieux, est-ce que ce n’est pas la reconstitution d’un œil haptique, l’œil égyptien, le troisième œil, hein !

Je dis troisième œil, pas parce qu’il est dans le cerveau, il n’est pas dans le cerveau, il est dans le système nerveux, mais il est là, parce que je veux dire au milieu des deux autres, quoi. Le peintre ce serait ça. Mais alors, est ce que la couleur - allons jusqu’au bout, je ne sais pas - Est-ce que la couleur, ne serait pas une manière tout à fait autonome et originale de reconstituer la vue haptique que les Egyptiens avaient réalisé d’une toute autre façon ? Les Egyptiens avaient réalisé la vision haptique en mettant la forme et le fond sur le même plan et en produisant les trois éléments : forme, fond, contour géométrique cristallin ?

Mais nous, est ce qu’on ne retrouve pas un œil égyptien par des moyens non égyptien, à savoir, par le colorisme ? Est-ce que l’œil haptique, ce n’est pas l’œil qui tire du milieu d’extériorité optique - la lumière, le blanc et le noir - qui en tirent les rapports intérieurs de la couleur ?

Bon, enfin toute sortes de questions que nous suspendons car, car nous tombons sur la question : Le monde égyptien est mort en apparence, il ne pourra être ressuscité que par des moyens tout à fait indépendants. Qu’est ce qui a fait mourir le monde égyptien ? Ah ! Qu’est ce qui l’a fait mourir ?

J’ai toujours tort de poser des questions abstraites et bien je vais vous le dire ; D’accord, on peut dire ça, On peut dire autre chose. Alors, vous vous reposez ; Vous vous reposez.

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