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Deleuze 10/02/81 9B Transcription : Jean-Charles Jarrell

... les plus simples. Spinoza nous dit plus, mais ça ne change rien. La distinction des corps simples entre eux, c’est : vitesse et lenteur, mouvement et repos, un point c’est tout. C’est même par là qu’ils sont très simples. Car les corps composés, eux, vous les reconnaissez à quoi ? C’est qu’ils se distinguent par et sous d’autres aspects. Quels sont ces autres aspects ? A commencer par les plus simples aspects : ils se distinguent par la figure et par la grandeur. Les corps les plus simples ne se distinguent que par mouvement et repos, lenteur et vitesse. C’est là-dessus que je voudrais qu’on réfléchisse. Car je prends -là il faudrait peut-être faire des ... je voudrais vous donner tous les éléments-, je prends le commentaire de Guéroult.

Guéroult nous dit, dans le tome 2 de son Spinoza, qui donc est un commentaire à la lettre de l’Ethique, il nous dit : « sans doute, ils ne se distinguent que par le mouvement et le repos (là il est d’accord puisque c’est la lettre du texte), ça n’empêche pas qu’ils ont des figures et des grandeurs différentes. » Bon. Pourquoi est-ce qu’il dit ça ? Parce que Spinoza ne le dit pas -il ne dit pas le contraire. Guéroult veut dire : attention, ces corps très simples ne se distinguent que par le mouvement et le repos, mais ça ne veut pas dire qu’ils aient même figure et même grandeur. Cela veut dire tout au plus que leurs différences de figure et de grandeur ne servent pas, ne sont pas opératoires au niveau des corps très simples. Elles ne prendront de l’importance que par rapport aux corps composés. Mais ils (les corps simples) ne peuvent pas, dit Guéroult, ils ne peuvent pas avoir même figure et même grandeur.

Et pourquoi, selon Guéroult, ne peuvent-ils pas avoir même figure et même grandeur ? Là l’argument de Guéroult est très étrange, parce qu’il nous dit -je vous donne le raisonnement de Guéroult avant de vous dire tout ce qu’il trouve déjà là-dedans-, il nous dit en effet (confusion supprimée) : s’ils n’avaient pas des figures et des grandeurs différentes, nécessairement ils auraient alors même grandeur et même figure. S’ils n’avaient pas des figures et des grandeurs distinctes, ils auraient donc même figure et même grandeur, dit Guéroult. Vous comprenez ? Tout de suite, quelque chose me saute dans la tête, je me dis : mais pourquoi il dit ça ? Est-ce qu’il n’y a pas une troisième possibilité ? Si des corps ne se distinguent pas par la figure et par la grandeur, est-ce que ça veut dire qu’ils ont même figure et même grandeur dès lors, ou est-ce que ça veut dire qu’ils n’ont ni l’un ni l’autre, ni figure ni grandeur ? Pourquoi éliminer cette possibilité ? Pourquoi faire comme si cette possibilité était impossible ? Pour une raison évidente ! On me dira : un corps qui n’a ni figure ni grandeur, ce n’est pas un corps. Je n’en sais rien ! Attendons... Je dis juste : il y a bien une troisième possibilité à côté de laquelle Guéroult passe, il me semble, complètement... Il pense, il se donne tout fait -là il préjuge de quelque chose chez Spinoza-, il considère que tout corps quel qu’il soit, simple ou composé, a nécessairement une figure et une grandeur, et à ce moment là en effet si un corps quel qu’il soit, même un corps simple, a figure et grandeur, et bien à ce moment là, si il n’a pas des figures et des grandeurs distinctes de l’autre, c’est que tous ont même grandeur et même figure. Je dis : non, ça ne marche pas, parce que tant qu’on ne m’aura pas montré qu’il est contradictoire qu’un corps soit sans figure et sans grandeur, il y a une autre possibilité, à savoir : que les corps simples, et seuls les corps simples, n’aient ni grandeur ni figure. A ce moment là il faudrait prendre à la lettre l’idée Spinoziste « les corps simples ne se distinguent que par le mouvement et le repos, la vitesse et la lenteur », ils ne se distinguent que par là pour une raison simple, c’est qu’ils n’ont ni grandeur ni figure. Mais difficulté pour mon côté, si vous voulez, à savoir : qu’est-ce que cela peut bien être des corps sans grandeur ni figure ?

Mais enfin, Guéroult j’ai l’air de le traiter à mon tour très mal, c’est à dire comme s’il n’avait pas lu les textes, car pourquoi est-ce que Guéroult nous dit : « bien que les corps les plus simples ne se distinguent pas par là, ils ont quand même des grandeurs et des figures distinctes » ? Et bien, il nous le dit en invoquant un texte, de Spinoza. Et vous allez voir que, au niveau -là je détaille ça parce que c’est... quitte à prendre du temps, mais ça ne fait rien, c’est... Voilà le texte : « Définition : (je lis lentement...) Quand quelques corps de la même grandeur ou de grandeurs différentes... Lorsque quelques corps de la même grandeur ou de grandeurs différentes subissent de la part des autres corps une pression qui les maintient appliqués les uns sur les autres, et cætera et cætera... » « Quand quelques corps de la même grandeur ou de grandeurs différentes subissent de la part des autres corps une pression qui les maintient appliqués les uns sur les autres ». Axiome suivant : « Plus sont grandes ou petites les surfaces, les superficies suivant lesquelles les parties d’un individu ou d’un corps composé sont appliquées les unes sur les autres... » Voyez ce que nous dit Spinoza, je retiens... : les parties d’un corps composé s’appliquent les unes sur les autres d’après des surfaces plus ou moins grandes. Or les parties d’un corps composé, ce sont les corps simples. Donc les corps simples s’appliquent les uns sur les autres d’après des surfaces plus ou moins grandes. Dites-moi, en effet, ça semble donner raison à Descartes, pardon, à Guéroult. Voyez, les parties d’un corps composé... - il n’a rien dit, il a traité d’abord les corps simples, il a dit « ils ne se distinguent que par vitesse et lenteur, mouvement et repos. » Bon. Ensuite, il étudie les corps composés, et il nous dit « les parties des corps composés -c’est-à-dire les corps simples-, s’appliquent les unes aux autres par des surfaces plus ou moins grandes ou petites : « Plus sont grandes ou petites les superficies suivant lesquelles les parties d’un individu ou d’un corps composé sont appliquées... » Alors, comment ? Au point qu’il y a un commentateur, un autre commentateur que Guéroult, qui dit qu’il y a une petite... -c’est un anglais, il emploie alors un mot, c’est très joli : une petite inconséquence ! Une petite inconséquence de Spinoza. Guéroult répond : pas du tout inconséquence, que sans doute les corps simples ne se distinguent que par mouvement et repos, ils n’en ont pas moins des grandeurs et des figures distinctes, simplement ces grandeurs et ces figures distinctes ne vont développer leur effet qu’au niveau des corps composés. Vous comprenez ? Voilà, c’est bien curieux, ça... Alors on a le choix, comment s’en tirer ? Ou bien dire : non, il faut maintenir la lettre du texte, les corps simples ne se distinguent que par mouvement et repos, c’est-à-dire ils n’ont ni figure ni grandeur ; et il y aurait une petite inconséquence, comme dit l’autre... Ou bien il faut dire comme Guéroult « Ah ben oui, les corps simples ont bien une figure et une grandeur distinctes, mais... »

Et bien c’est très bizarre, ça. C’est d’autant plus bizarre que... Bon, enfin. Alors moi, il me semble que c’est ça qu’il faut chercher, quoi. Qu’est-ce que c’est, ça ? Ce statut là... Les corps simples... Ma question, c’est exactement ceci, moi je parie que il faut prendre à la lettre mais que, en plus, il n’y a pas d’inconséquence. C’est à dire, ce que je voudrais montrer c’est comment, à la fois, il faut maintenir que les corps les plus simples n’ont ni grandeur ni figure, et que pourtant, ils s’appliquent les uns sur les autres, ou les uns aux autres, par des surfaces plus ou moins grandes. Ce qui veut dire que ce n’est évidemment pas leurs surfaces à eux, ils n’en ont pas. Alors ce serait quoi ?

Et bien, je reviens alors presque au point de départ, lorsque Spinoza nous dit : un corps a un très grand nombre de parties, un corps composé a un très grand nombre de parties, « plurime partes », qu’est-ce que veut dire « un très grand nombre » ? Je vous dis tout de suite mon idée parce qu’elle est enfantine en un sens, mais il me semble qu’elle change tout. Pour moi, si on prend à la lettre « plurime partes », « un très grand nombre de parties », ça veut dire déjà qu’il y a une formule qui est un non-sens. Le non sens, c’est chaque corps simple. Chaque corps simple. Je veux dire : « un très grand nombre de parties », ça veut dire, en fait, que tout nombre assignable est dépassé. C’est ça le sens de « plurium », « plurime partes ». Un très grand nombre veut dire en fait : « qui dépasse tout nombre assignable ». De quel droit je dis ça, sans forcer ? Parce que c’est courant au dix-septième siècle. A savoir, le dix-septième siècle est plein d’une réflexion sur quoi ? Les grandeurs qui ne peuvent pas s’exprimer par des nombres, à savoir des grandeurs géométriques, des grandeurs géométriques qui ne peuvent pas s’exprimer par des nombres. Bon, qu’est-ce que ça veut dire, ça ? Je dis, en d’autres termes je dis les corps simples, ils vont par infinités. C’est tout simple, ce que je veux dire vraiment c’est une chose très très simple. Les corps simples vont par infinités. Mais si c’est vrai, réfléchissez à la formule... Il me semble que ça va nous sortir d’affaire. Les corps simples vont... -tu diras tout à l’heure, parce que si je perds mon...-, les corps simples vont par infinités, ça veut dire : vous ne pouvez pas parler de « un corps simple », c’est par abstraction une abstraction dénuée de toute raison. La formule « un corps simple » est dénuée de tout sens, or c’est en supposant la légitimité de la formule « un corps simple » que Guéroult conclut : si l’on peut parler d’un corps simple il faut bien que le corps simple ait figure et grandeur. Les corps simples vont par infinités signifie suffisamment qu’on ne peut pas parler d’un corps simple. On ne peut jamais parler que d’une infinité de corps simples. Si bien que, qu’est-ce qui a figure et grandeur ? Ce n’est pas tel corps simple, c’est telle infinité de corps simples. Oui ça, oui, d’accord. Telle infinité de corps simples a une figure et une grandeur, attention : plus ou moins grande... Qu’est-ce que ça veut dire ? Une infinité de corps simples a une figure plus ou moins grande... ça veut dire quoi ? mais alors... plus ou moins grande, comment ? si c’est toujours une infinité de corps simples... Mais l’infini, c’est plus grand que toute quantité, donc comment est-ce que...

Et bien voilà, c’est tout simple, du coup on est en train de... oui, de faire un progrès. D’accord, une infinité c’est toujours plus grand que tout nombre, mais, dit Spinoza, et c’est sans doute le point de géométrie sur lequel il tient le plus, c’est la géométrie qui nous apprend qu’il y a des infinis doubles, triples, et cætera, plein d’autres, d’autres... En d’autres termes c’est la géométrie qui nous impose l’idée de rapport, de rapport quantitatif entre infinis, au point qu’on puisse parler d’un infini double d’un autre, et d’un infini moitié d’un autre. Tout infini est irréductible aux nombres, ça Spinoza le maintiendra toujours, c’est un géométriste. Ça veut dire quoi ? Que pour lui la réalité des mathématiques, elle est dans la géométrie. Que l’arithmétique et l’algèbre ne sont que des auxiliaires, que des moyens d’expression, et encore c’est des moyens d’expression extrêmement équivoques.

Il y a toujours eu dans l’histoire des mathématiques, il y a eu toujours un courant géométriste, contre les courants arithmétistes, contre les courants algébristes... Bien plus, toute l’histoire des mathématiques, c’est comme la philosophie les mathématiques, c’est très très compliqué cette histoire... Il y a comme à l’origine des mathématiques, si loin qu’on puisse remonter, si on fait, quand on fait l’histoire des mathématiques, on voit très bien deux courants. On voit un courant qu’on appelle en gros le courant grec, et le courant grec ça a toujours été, si loin qu’ils aillent pourtant dans le développement de l’étude du nombre et vous allez voir pourquoi ils vont très loin... Si loin que les Grecs soient allés dans les développements du nombre, leur conception des mathématiques est fondamentalement géométriste, à savoir : le nombre est subordonné. Le nombre est subordonné à la grandeur, et la grandeur est géométrique. Et toutes les mathématiques grecques sont fondées là-dessus. Loin d’étouffer le nombre, c’est très important, ça oriente le nombre vers quoi ? La subordination du nombre à la grandeur géométrique, c’est quoi ? Ça ouvre aux mathématiques une espèce d’horizon fantastique, qui est quoi ? Que les nombres, ça ne vaut pas en soi, ça vaut par rapport à tel ou tel domaine de grandeur. Finalement, les domaines de grandeur ont besoin, ils s’expriment par des systèmes de nombres, mais il n’y a pas d’indépendance du système de nombre. Ce n’est pas le nombre qui détermine la grandeur, c’est la grandeur qui détermine le nombre, en d’autres termes les nombres sont toujours des nombres locaux. Les nombres, les systèmes de nombres sont toujours affectés à tel ou tel type de grandeur. Primat de la grandeur sur le nombre. Si vous voulez comprendre quelque chose, par exemple, dans les problèmes de l’infini dans les mathématiques, il faut partir de choses très très simples comme ça. Le primat de la grandeur sur le nombre, dès lors le caractère local du nombre -j’appelle caractère local la dépendance du nombre par rapport à tel domaine de grandeur- est fondamental. Et en effet, réfléchissez à ce qu’on peut dire par exemple sur les nombres à cet égard -j’essaie de gonfler un peu cette thèse.

Les nombres... Comment est-ce qu’ils se développent, les nombres ? C’est très intéressant quand vous regardez l’histoire des nombres, et la multiplication, la prolifération des systèmes de nombres. Lorsque vous regardez ça -oh, pas de près hein..-, vous voyez quoi ? Que le nombre s’est développé toujours pour répondre à des problèmes que lui posaient -enfin pas toujours, je supprime mon toujours : le nombre s’est souvent développé pour répondre à des problèmes que lui posaient des grandeurs hétérogènes aux nombres. Par exemple, comment est-ce qu’on est arrivé à forger le domaine des nombres fractionnels, qui est un domaine de nombre ? Comment est-ce qu’on est arrivé à développer un autre système de nombres, le système des irrationnels, des nombres irrationnels ? Pas compliqué... Chaque fois, on pourrait dire, ça ce serait la loi géométriste du nombre : chaque fois que la géométrie nous présentait, nous imposait une grandeur... qui ne pouvait pas être exprimée dans le système précédent du nombre. Et les derniers nombres extraordinairement complexes des mathématiques qui, à la fin du 19eme et au début du 20eme siècle se forment, c’est quoi ? C’est lorsque les mathématiques se heurtent à quelque chose de très bizarre qui appartient à la ligne, à savoir ce qu’ils appelleront, ce que les mathématiciens appelleront la puissance du continu. Si vous voulez, je veux dire une chose très simple pour que vous compreniez alors : une fraction, c’est quoi ? C’est pas un nombre, une fraction, c’est absurde, c’est pas un nombre... Vous écrivez 1/3, une fraction ce n’est pas un nombre, par définition. Ça deviendra un nombre lorsque vous aurez les fractions. Vous vous mettez devant votre série, là, de nombres entiers, naturels, tout ce que vous voulez, et vous voyez un mathématicien qui écrit 1/3... C’est une ineptie, c’est un non-sens 1/3. 1/3 c’est pas un nombre, pourquoi ? Ben, écrivez, dans votre tête : 1/3 = x. Il n’y a aucun nombre, il n’y a pas de x qui multiplié par 3 donne 1. 1/3 serait un nombre si vous pouviez écrire 1/3 = x. Vous ne pouvez pas écrire 1/3 = x puisqu’il n’y a pas de x, il n’y a pas de nombre qui multiplié par 3 égale 1. Vous me suivez ? Donc, une fraction, ce n’est évidemment pas un nombre, c’est un complexe de nombre que vous décidez arbitrairement de traiter comme un nombre, c’est à dire auquel vous décidez arbitrairement d’appliquer les lois -d’associativité, etc. etc. - du nombre. C’est pas un nombre. Un nombre irrationnel, c’est pas un nombre non plus... Donc, je dirais, tous les développements du nombre, et le nombre ne se serait jamais développé sinon, je dirais -d’un certain point de vue-, je dirais que les nombres et les systèmes de nombres ne sont jamais que des traitements symboliques, des manières symboliques de traiter -de traiter quoi ? De traiter des grandeurs irréductibles aux nombres. Alors là vous fabriquez des complexes de nombres, mais vous voyez que les complexes de nombres -ou les nombres complexes, ça revient au même-, les complexes de nombres sont éminemment relatifs aux types de grandeurs irréductibles aux nombres que la géométrie vous impose. Donc le primat de la grandeur sur le nombre est un élément fondamental. Au 20eme siècle, un grand logicien mathématicien qui s’appelait Couturat, dans un livre qui s’appelait « De l’infini mathématique », développait encore cette thèse, sur laquelle il allait revenir quelques années plus tard, car c’est très curieux l’histoire de Couturat, et Couturat dans ses livres « De l’infini mathématique » fondait toute sa thèse sur précisément le primat de la grandeur par rapport au nombre. Et, dès lors, l’infini nous paraissait la réalité géométrique elle-même, et le nombre est toujours subordonné à la découverte non seulement de la grandeur, mais de l’infini dans la grandeur. Bon. Mais il y a une autre tradition mathématique.

Intervention de Contesse : Dans la mathématique grecque, sur le point que tu soulèves, peut-être dans la mathématique grecque il y a eu ce problème de la subordination du nombre à la grandeur géométrique qui provoque des crises, par exemple l’impossibilité d’une mesure exacte de la diagonale d’un carré parfait (Deleuze : oui...), la crise provoquée par (Ptiolaos ?) dans l’école de Pythagore, par exemple. Donc là, au niveau de la mathématique, des mathématiciens, il y a effectivement cette subordination du nombre à la grandeur géométrique et les crises que cela peut engendrer, les mutations que cela peut engendrer à partir de là. Seulement, dans la philosophie de Platon par exemple, il y a un renversement de cette position du nombre qui est subordonné à la grandeur géométrique. Platon, lorsqu’il dit que... finalement lorsqu’il y a crise, il faut nécessairement qu’il y ait carré, et pour qu’il y ait carré il faut nécessairement qu’il y ait des droites, et pour qu’il y ait des droites il faut des points, et comment définir un point sauf par l’intersection de deux droites, et comment dire qu’un point c’est l’intersection de deux droites si on n’a pas déjà le nombre 1 ? Donc il faut que l’arithmétique soit première par rapport à toute grandeur géométrique. Ça c’est un problème de Platon, et Platon en ajoute un autre concernant le langage des mathématiciens : pourquoi dites-vous 1, finalement ? pourquoi un, avant de dire une, un point, ça va encore plus loin. Donc c’est là qu’il introduit le problème de l’hypothétique, et de l’anhypothétique... Deleuze : Je vais te dire... Contesse : ensuite, s’il est vrai que dans le discours mathématique grec il y a cette subordination, et encore il faudrait poser la question de la curieuse théorie des nombres chez Pythagore, c’est une théorie très mystérieuse... Alors si il y a, dans les mathématiques grecques en tout cas, une subordination de l’arithmétique à la grandeur géométrique, peut-être qu’il y a une aporie de la mathématique grecque dans la philosophie de Platon au niveau justement, non seulement du renversement de cette perspective, mais l’aporie même de la pensée qu’il y aurait un premier nombre d’une série, qui sera dite ensuite naturelle, et qui serait un. Deleuze : Ouais... (à un autre auditeur : ) C’est lié, ce que tu as à dire ? alors dis... Autre intervention, inaudible. Deleuze : Oui, ça tout à fait, que Spinoza soit profondément Euclidien, et que on puisse définir Euclide -alors là, Contesse serait d’accord lui-même compte tenu de ce qu’il vient de dire-, qu’on puisse définir Euclide par une subordination, non pas en général du nombre à la grandeur encore une fois, mais des systèmes de nombres -car il n’y a jamais que des systèmes de nombres- au domaines de grandeurs, ça... Spinoza a gardé ce géométrisme absolu. Alors, pour répondre un peu à ces deux remarques, je dirais que, oui... qu’est-ce qui se passe ? En effet lorsque Contesse dit « attention, mais Platon... ». Mais Platon, vous comprenez... Interruption du deuxième auditeur, inaudible. Deleuze : Ouais, ouais... j’ai peut-être autre chose encore... mais... en effet ce que tu as dit d’important il me semble, c’est que ça se réfère à un point d’Euclide, pas à Euclide en général, mais ce que tous les mathématiciens Grecs ont considéré d’ailleurs comme étant le sommet d’Euclide, à savoir la théorie des rapports et des proportions. Et c’est au niveau d’une théorie géométrique des proportions et des rapports que s’affirme cette subordination du nombre. Là, il y aurait un point alors complètement Spinoziste. Quant à la question, alors, de l’infini, on la met... Il faudrait voir, d’abord, ce statut très particulier de la théorie des rapports chez Euclide. Ce que je veux dire, là, pour le moment, c’est juste quant à ce que vient de dire Contesse : « attention, Platon, c’est beaucoup plus compliqué dans l’histoire grecque ». C’est beaucoup plus compliqué pourquoi ? Parce que, autant qu’on comprenne, je dirais... Ça , c’est un pôle de la géométrie et ça a été vraiment la grande tradition de la géométrie grecque, et je crois que... ils ne démordront pas de cette tradition, les Grecs.

Retour à l’exposé : Mais, il y a une autre tradition. Pour les communications, non seulement à courtes, mais à très longues distances, on n’a pas attendu maintenant pour qu’il y ait ces communications. Il y a une tradition que l’on appelle, enfin que les historiens des mathématiques appellent, à l’autre pôle de la tradition grecque, la tradition indoue-arabe. Or cette tradition indoue-arabe, elle est non moins fondamentale. Et elle consiste, elle, et c’est ça son coup de force, pas un coup de force mais c’est comme ça que chez eux... Tout se passe comme si, si vous voulez, il y avait cette espèce de différenciation : et bien oui, en Grèce ça passe par là, en Inde ça passe par là ! C’est au contraire l’indépendance, et le caractère législateur du nombre par rapport à la grandeur. Et l’acte de naissance de l’algèbre, qui précisément est comme l’expression de cette conception du nombre indépendant de la grandeur, de telle manière que c’est lui qui va déterminer et régler, et commander au rapport de grandeur, expliquera pratiquement par exemple le rôle de la pensée arabe dans la formation de l’algèbre, et là vous avez tout un courant arithmético-algébriste. Or c’est très vite que, en Grèce même, les courants dits « orientaux », les courants dits « indiens », « indous », et le courant géométrique grec s’affrontent. Et précisément, et c’est par là que les remarques de Contesse sont très justes, le Pythagorisme, avec son caractère pour nous extrêmement mystérieux - parce que c’est assez compliqué, et que les textes nous manquent un petit peu-, le Pythagorisme semble bien être l’espèce de première rencontre fondamentale entre une conception indienne et une conception grecque des mathématiques. Là alors se joue, se joue très très vivement une histoire qui quand même, je dirais, moi... je ne sais pas, là, ce que tu en penses, toi, Contesse, mais moi je serais quand même plus prudent que toi, parce que ce que les pythagoriciens appellent le nombre, même quand on le ramène à un système de points, ils l’appellent le nombre, et quel est le rapport exact entre le nombre et la figure, c’est quelque chose de très... Ou le nombre et la grandeur, chez Pythagore ce serait, ce serait il me semble... alors là...certainement en tout cas, ça, ça me dépasse de loin.

Je remarque juste que lorsque, dans la dernière, dans ce qu’on appelle la dernière philosophie de Platon, nous sommes sûrs que, à la fin de sa vie, Platon a développé une théorie que l’on connaît en gros sous le nom de « théorie des nombres idéaux ». Les nombres idéaux, chez Platon, qu’est-ce que c’est ? On n’a aucun texte direct. On sait que ça a pris dans la dialectique Platonicienne une importance de plus en plus grande. On n’a aucun texte direct sur ces nombres idéaux, aucun texte de Platon. On connaît cette théorie dernière de Platon par Aristote. Or ces nombres idéaux sont pour Platon, d’après le témoignage d’Aristote, comme complémentaires -alors dans quel ordre ? dans quel sens ? qu’est-ce qui est... ?- de figures idéales. C’est en quelque sorte des nombres méta-arithmétiques, au-delà de l’arithmétique, qui n’ont pas la même loi d’engendrement que les nombres arithmétiques, et en corrélation avec des figures méta-géométriques, c’est à dire les figures qui n’ont pas, qui ne sont pas justifiables ou qui ne renvoient pas à la possibilité d’un tracé dans l’espace. Alors à ce niveau, là, où vraiment, je suppose, les deux grands courants, le courant algébriste et le courant géométriste, se rencontrent, quelle est la part des nombres idéaux, des figures idéales et cætera, à quel point ici précisément même on est sorti, à ce niveau là, on est sorti des mathématiques à proprement parler, puisque Platon en fait l’objet de sa dialectique, de sa dialectique finale, de sa dialectique dans sa dernière philosophie - or lui-même distingue complètement le mouvement mathématique et le mouvement dialectique-, donc ces nombres supérieurs, qui viennent de la tradition indienne, n’arrivent pas à être définis simplement arithmétiquement, ils sont définis dialectiquement, indépendamment d’une genèse arithmétique mais par une espèce de constitution dialectique, donc je précise là juste quant à l’intervention de Contesse que de toute évidence il me semble, c’est vrai, c’est vrai qu’au niveau de la Grèce c’est beaucoup plus compliqué qu’un simple courant géométriste, mais que le courant géométriste et le courant algébriste venu de l’Inde se rencontrent à un niveau qui finalement, dépasse la géométrie mais dépasse également l’arithmétique. Je crois que ça va en effet être un moment très très fondamental dans l’histoire des...

Mais alors, revenons plus à l’histoire de la géométrie Euclidienne. Pour le moment, j’en suis seulement à ... C’est que Spinoza pour son compte, là, je crois, il n’y a pas de problème chez lui, il ne retient, pour des questions que... allez savoir pourquoi au juste... mais il se trouve que vraiment, il est pur géométriste. Je parlais de Couturat, c’est bizarre vous voyez que même ces changements, c’est des changements qu’il faudrait évaluer... donc , un logicien mathématicien comme Couturat, dans mon souvenir « De l’infini mathématique » c’est un livre qui paraît vers 1905, il écrit après les « Principes des mathématiques », vers 1900 je ne sais pas quoi, 11 ou 12 je suppose, et là il a complètement changé. Sous l’influence d’un... finalement d’un arithméticien - logicien - algébriste, à savoir sous l’influence de Russel, il dénonce son livre sur l’infini mathématique, et il dit qu’il renonce au principe du primat de la grandeur sur le nombre. Tout se passe comme s’il passait d’un pôle à l’autre, et il refait toute sa théorie des mathématiques. Or je ne sais pas, moi, je ne suis pas sûr qu’il ait eu raison, on ne peut pas dire forcément qu’il avait raison, je ne suis pas sûr que ce ne soit pas le premier livre qui ait été le plus loin, on ne sait pas, on ne sait pas bien... En tout cas je veux dire quoi, là ? Je veux dire qu’entre nous, lorsque Spinoza nous dit « chaque corps composé a un très grand nombre de corps simples comme parties », je dis : ça veut dire une infinité de parties. Pourquoi ? Parce que les corps simples, ils vont nécessairement par infinités. Seulement, les corps simples, vous vous rappelez, ils n’appartiennent à un corps composé que sous tel rapport qui exprime le corps composé. Ils n’appartiennent à un corps composé que sous un rapport de mouvement et de repos, qui caractérise le corps composé. Bien. Dès lors, vous tenez tout. Un rapport de mouvement et de repos, accordez moi : on ne comprend pas très bien ce que ça veut dire mais, ce n’est pas très compliqué, il peut être le double d’un autre... Si le double, ou la moitié, c’est le rapport de mouvement et de repos, le rapport de mouvement et de repos qui caractérise le corps a est le double du rapport de mouvement et de repos qui caractérise le corps b. C’est tout simple, je peux écrire : mv = 2 m’v’ Ça veut dire : le rapport de mouvement et de repos est le double. Bon. Qu’est-ce que je dirais, si je me trouve devant ce cas simple : le rapport de mouvement et de repos d’un corps est le double de celui d’un autre corps ? Je dirais : chacun des deux corps a une infinité de parties, de corps simples. Mais : l’infini de l’un est le double de l’infini de l’autre. C’est très simple. En d’autres termes, c’est un infini de grandeur, et pas de nombre. C’est un infini de grandeur, et pas de nombre, ça veut dire quoi ? La grandeur, elle n’est pourtant pas infinie. Le rapport mv, il n’est pas infini. D’où l’importance de l’exemple de Spinoza dans la lettre 12. Vous vous rappelez peut-être puisqu’on en avait parlé un peu, de ça. Dans la lettre 12, Spinoza considère deux cercles non concentriques, intérieurs l’un à l’autre et non concentriques. Et il dit : « prenez l’espace entre les deux cercles ». Nous, alors, on prend un exemple simplifié, précisément celui dont Spinoza ne voulait pas parce que, vu le but qu’il avait dans cette lettre, il lui fallait un exemple plus complexe. Mais je dis juste : prenez un cercle, et considérez les diamètres. Il y a une infinité de diamètres, puisque de tout point de la circonférence, vous pouvez mener un diamètre, à savoir la ligne qui unit le point de la circonférence, un point de la circonférence quelconque, au centre. Un cercle a donc une infinité de diamètres. Si vous prenez une moitié de cercle -l’exemple de Spinoza est aussi simple que ça -, si vous prenez un demi-cercle, il a une infinité de diamètres aussi, puisque vous avez une infinité de points possibles sur la demi-circonférence autant que sur la circonférence entière. Dès lors, vous parlerez bien d’un infini double d’un autre, puisque vous direz que dans un demi-cercle il y a une infinité de diamètres autant que dans le cercle entier, mais que cette infinité est la moitié de celle du cercle entier. En d’autres termes, là vous avez défini un infini qui est double ou moitié, en fonction de quoi ? En fonction de l’espace occupé par une figure, à savoir la circonférence entière ou la moitié de cette circonférence. Vous n’avez qu’à transposer au niveau des rapports. Vous considérez deux corps : l’un a un rapport caractéristique qui est le double de l’autre, donc tous les deux, comme tous les corps -tous les corps ont une infinité de parties. Et dans un cas, c’est un infini qui est le double de celui de l’autre cas. Vous comprenez ce que veut dire : « les corps simples vont nécessairement par infinités ». Dès lors, j’ai réponse il me semble à mon problème, là, concernant Guéroult. Comment Spinoza peut-il dire : « les corps simples s’appliquent suivant des surfaces plus ou moins grandes » ? Ça veut pas dire du tout que chaque surface a une grandeur, puisque encore une fois ils n’ont pas de grandeur. Pourquoi est-ce que les corps simples -du coup, maintenant, je sais pas, on est presque en état, j’espère, de tout comprendre...-, pourquoi est-ce qu’ils n’ont pas de grandeur, les corps simples ? Parce que quand je disais ils vont par infinités, ça voulait dire quoi ? Ça voulait dire justement : qu’est-ce qui va par infinité ? C’est pas n’importe quoi qui va par infinité. Je veux dire : qu’est ce qui est de telle nature que ça ne peut aller que par infinité, si ça existe ? Et bien, évidemment, il n’y a qu’une chose, c’est : des termes infiniment petits. Des termes infiniment petits, ils ne peuvent aller que par infinités. En d’autres termes, un infiniment petit, là encore, est une formule strictement dénuée de sens.

Deleuze 10/02/81 9C1 Transcription : Jean-Charles Jarrell

C’est comme si vous disiez un cercle carré, il y a contradiction. Vous ne pouvez pas extraire un infiniment petit de l’ensemble infini dont il fait partie. En d’autres termes, et ça, le 17eme siècle l’a compris il me semble merveilleusement et c’est ça, je voudrais en arriver là, c’est pour ça que je passe par tous ces détours un peu... un peu sévères, c’est ça que le 17eme siècle savait et nous -je ne veux pas dire qu’on ait tort-, que nous, on ne sait plus du tout et qu’on ne veut plus. Pourquoi on ne veut plus, ça, il faudra se le demander. C’est curieux, mais pour le 17eme siècle, toutes les bêtises qu’on dit sur leur conception du calcul infinitésimal, on ne les dirait plus si on était même sensible à ce truc très simple. On leur reproche d’avoir cru aux infiniment petits. Ils n’ont pas cru aux infiniment petits, c’est idiot, c’est complètement idiot. Ils n’ont pas plus cru aux infiniment petits qu’à autre chose. Ils ont cru que les infiniment petits allaient par ensembles infinis, par collections infinies. Il n’y a que comme ça que je peux croire aux infiniment petits : si je crois aux infiniment petits, je crois forcément à des collections infinies. Nous on fait comme si ils croyaient que les collections infinies avaient un terme, qui était l’infiniment petit. Ils ne l’ont jamais cru, c’est même contradictoire. Un infiniment petit, ce n’est pas un terme puisqu’on ne peut pas y arriver. Puisqu’il n’y a pas de fin. Dans l’analyse d’infini, on fait comme si il y avait une fin à l’infini. Mais c’est complètement grotesque. Dans l’analyse d’infini, il n’y a pas de fin à l’infini puisque c’est de l’infini. Il y a simplement des infiniment petits allant par collections infinies. Si je dis : « Ah mais, faut bien que j’arrive jusqu’à l’infiniment petit », pas du tout, faut pas que j’arrive jusqu’à l’infiniment petit. Il faut que j’arrive jusqu’à l’ensemble infini des infiniment petits. Et l’ensemble infini des infiniment petits, il n’est pas du tout infiniment petit, lui. Les infiniment petits, vous ne les extrairez pas de leur ensemble infini. Au point que pour quelqu’un du 17eme siècle, ou même déjà de la renaissance, il n’y a absolument rien de bizarre à dire « bah oui, chaque chose est un ensemble infini d’infiniment petits, évidemment... ». C’est un mode de pensée très curieux. Je veux dire « très curieux », à la fois, en même temps, qui va complètement de soi.

Pourquoi est-ce que c’est très curieux ? Moi, je veux dire, voilà : Spinoza, j’essaye de retenir ce qu’on peut en garder, là, pour Spinoza directement. Spinoza nous dit « les corps les plus simples n’ont ni grandeur ni figure ». Evidemment, puisque ce sont des infiniment petits. Et un infiniment petit n’a pas de grandeur ou de figure, si vous lui donnez une grandeur ou une figure vous en faites un fini. Vous en faites quelque chose de fini. Un infiniment petit n’a ni grandeur ni figure, ça va trop de soi. Un infiniment petit n’existe pas indépendamment de la collection infinie dont il fait partie. En d’autres termes, les infiniment petits sont des éléments, ils correspondent à l’expression parce que c’est la meilleure il me semble, et les infiniment petits sont des éléments non formés. Ils n’ont pas de forme. C’est des éléments informels, comme on dit aujourd’hui. Ils se distinguent par vitesse et lenteur, et pourquoi ? Vous devez déjà sentir, parce que vitesse et lenteur, c’est des différentiels. Or ça peut se dire de l’infiniment petit. Mais forme et figure, ça ne se dit pas de l’infiniment petit sans le transformer en quelque chose de fini.

Alors bon, ce sont des éléments informels qui vont par collections infinies, ça revient à dire : vous ne les définirez pas par figure et grandeur, vous les définirez par : un ensemble infini. Or bon, mais quel ensemble infini ? Comment définir l’ensemble infini ? Là on retombe tout à fait dans ce qu’il disait, lui, tout à l’heure ... un ensemble infini, vous ne le définirez pas par des termes, vous le définirez par un rapport. En effet, un rapport, quel qu’il soit, est justifiable d’une infinité de termes. Le rapport est fini, lui... un rapport fini a une infinité de termes. Si vous dites « plus grand que... », je prends l’exemple le plus bête qui soit, si vous dites « plus grand que... » il y a une infinité de termes possibles. Qu’est-ce qui ne peut pas être « plus grand que... » ? Que quoi ? Et bien tout dépend : que quoi ? Donc « plus grand que » subsume une infinité de termes possibles ; c’est évident. Donc, un ensemble infini sera défini par un rapport. Quel rapport ? Réponse de Spinoza : rapport de mouvement et de repos, de vitesse et de lenteur ; ce rapport il est lui-même fini, il a une infinité de termes. Dernier point : un rapport défini un ensemble infini, dès lors les ensembles infinis peuvent entrer dans des rapports quantitatifs, double, moitié, triple, et cætera... En quel sens ? Si un rapport -tout rapport défini un ensemble infini- si un rapport est le double d’un autre rapport, si je peux dire « le rapport deux fois plus grand que, une fois plus grand que, deux fois plus grand que... -et je peux puisque les rapports sont finis, ils correspondent à des ensembles infinis qui sont eux-mêmes doubles, moitiés, ou plus. Qu’est-ce que ça veut dire, ça ? Oh, et bien c’est tout simple, si vous comprenez un petit peu, ça va nous lancer dans la proposition à mon avis la plus étrange -pour nous-, de la philosophie du 17eme siècle, à savoir : l’infini actuel existe. L’infini actuel existe, et je crois que on peut, on peut vraiment, oui... j’ai l’air de révéler comme un secret mais ça me semble, oui, c’est une espèce de secret parce que il me semble que c’est la proposition de base, le sous-entendu de base de toute la philosophie au 17eme siècle : il y a de l’infini actuel. Qu’est-ce que ça veut dire, cette proposition en apparence étrange, l’infini actuel ? Il y a de l’infini en acte. Et bien, ça s’oppose à deux choses : l’infini en acte, c’est ce qu’il faut à la fois distinguer du fini, et de l’indéfini. L’indéfini, ça veut dire qu’il y a de l’infini, mais seulement en puissance. On ne peut pas s’arrêter, il n’y a pas de dernier terme. Il n’y a pas de dernier terme, c’est l’indéfini. Le finitisme, c’est quoi ? Il y a un dernier terme. Il y a un dernier terme, et vous pouvez arriver à ce dernier terme, ne serait-ce que par la pensée. Or ça, c’est deux thèses à peu près intelligibles, en tout cas on y est habitué. Les thèses finitistes et les thèses indéfinitistes. Pour nous, est aussi simple une proposition que l’autre : il y a un dernier terme, ou bien il n’y a pas de fin. Dans un cas vous direz : il y a un dernier terme, c’est quoi ? c’est la position d’une analyse finie, c’est le point de vue de l’analyse finie ; il n’y a pas de dernier terme : vous pouvez aller à l’indéfini, vous pourrez toujours diviser le dernier terme auquel vous êtes arrivé, c’est donc la position d’un infini en puissance, uniquement en puissance, on peut toujours aller plus loin. Cette fois-ci, c’est la position d’une synthèse infinie. La synthèse infinie, ça veut dire : le pouvoir de l’indéfini, pousser toujours plus loin l’analyse. Or le 17eme siècle, bizarrement, ne se reconnaît ni dans un point ni dans l’autre. Je dirais que les thèses de la finitude, c’est quoi ? Elles sont bien connues, de tout temps ça a été ce qu’on a appelé les atomes. Vous pouvez aller jusqu’au dernier terme de l’analyse. C’est l’analyse finie. Le grand théoricien de l’atome, dans l’antiquité, c’est Epicure, puis c’est Lucrèce. Or le raisonnement de Lucrèce est très strict. Lucrèce dit : l’atome dépasse la perception sensible, il ne peut être que pensé. Bon. Il ne peut être que pensé. Mais il marque comme... -pas exactement de lui-même, mais de même... il y a un raisonnement de Lucrèce très curieux, qui consiste à nous dire : il y a un minimum sensible. Le minimum sensible, c’est celui -vous pouvez faire l’expérience facilement, vous prenez un point lumineux, vous le fixez, et ce point lumineux est reculé, jusqu’au point où il disparaît à votre vue. Peut importe que vous ayez la vue bonne ou pas bonne, il y aura toujours un point où, il y aura toujours un moment où le point lumineux disparaît, n’est plus vu. Très bien, appelons ça le minimum sensible. C’est le minimum perceptible, le minimum sensible, il a beau varier pour chacun, pour chacun il y a un minimum sensible. Et bien de même, dit-il, de penser l’atome -puisque l’atome est à la pensée ce que la chose sensible est aux sens-, si vous pensez l’atome, vous arriverez à un minimum d’atome. Le minimum d’atome, c’est le seuil au delà duquel vous ne pensez plus rien. Tout comme il y a un seuil sensible au delà duquel vous ne saisissez plus rien, il y a un minimum pensé au delà duquel vous ne pensez plus rien. Il y a donc un minimum pensable, autant qu’un minimum sensible. A ce moment là, l’analyse a fini. Et c’est ça que Lucrèce appelle d’une expression très très bizarre, non pas l’atome simplement mais « le sommet de l’atome ». le sommet de l’atome, c’est ce minimum au delà duquel il n’y a plus rien. C’est le principe d’une analyse finie. L’analyse indéfinie, on sait aussi ce que sait. L’analyse indéfinie, c’est quoi ? évidemment, c’est beaucoup plus compliqué que... Sa formulation, elle est très simple : aussi loin que vous alliez, vous pouvez toujours aller plus loin. C’est à dire -je dis c’est un point de vue de la synthèse puisqu’on se réclame d’une synthèse par laquelle je peux toujours continuer ma division, continuer mon analyse...C’est la synthèse de l’indéfini.

Bien. Je voudrais vous lire un texte après le 17eme siècle, un texte très curieux. Ecoutez le bien parce que... vous allez voir, je crois que ce texte est très important. Je ne dis pas encore de qui, je souhaiterais que vous deviniez vous-même de qui il est. « Dans le concept d’une ligne circulaire, -dans le concept d’une ligne circulaire, c’est à dire dans le concept d’un cercle-, on ne pense à rien de plus que ceci, à savoir : que toutes les lignes droites tirées de ce cercle à un point unique appelé centre sont égales les unes aux autres ». En d’autres termes, le texte nous dit : dans un cercle, tous les diamètres sont égaux. Tous les diamètres. Et le texte se propose de commenter ce que signifie « tous les diamètres ». Donc dans un cercle, tous les diamètres sont égaux, d’accord. Le texte continue : « En fait lorsque je dis cela -tous les diamètres sont égaux, il s’agit simplement ici d’une fonction logique de l’universalité du jugement ». Ça se complique... Ceux qui savent un peu ont déjà reconnu l’auteur, il n’y a qu’un philosophe qui s’exprime comme ça. « il s’agit seulement... lorsque je dis tous les diamètres sont égaux, il s’agit seulement de la fonction logique de l’universalité du jugement ». L’universalité du jugement : tous les diamètres. Jugement universel : tous les diamètres du cercle. « Il s’agit seulement de la fonction logique de l’universalité du jugement, dans laquelle -dans laquelle fonction logique-, le concept d’une ligne constitue le sujet, et ne signifie rien de plus que chaque ligne, et non pas le tout des lignes (qui peuvent sur une surface être tirées à partir d’un point donné). Ça devient très très... C’est curieux tout ça... Sentez que quelque chose se passe... C’est comme si, à partir d’un tout petit exemple... C’est une mutation de pensée assez radicale. C’est... à partir de là le 17eme siècle s’écroule, enfin si j’ose dire... « Lorsque je dis tous les diamètres sont égaux, c’est simplement une fonction logique de l’universalité du jugement, dans laquelle le concept d’une ligne constitue le sujet -le sujet du jugement-, et ne signifie rien de plus que chaque ligne, et pas du tout : le tout des lignes ». Car autrement -le raisonnement continue...-, car autrement chaque ligne serait avec le même droit une idée de l’entendement -c’est à dire un tout-, car autrement chaque ligne serait avec le même droit une totalité, en tant que contenant comme parties toutes les lignes qui peuvent être pensées entre deux points simplement pensables entre elles, et dont la quantité va précisément à l’infini. C’est essentiel parce que ce texte est tiré d’une lettre, une lettre hélas pas traduite en français, c’est bizarre parce que c’est une lettre très importante, c’est une lettre de Kant où Kant répudie d’avance -je dis les motifs, les circonstances de la lettre-, répudie d’avance ses disciples qui tentent de faire une espèce de réconciliation entre sa propre philosophie et la philosophie de 17eme siècle. Bon, ça nous concerne étroitement. Et Kant dit cela : « ceux qui tentent cette opération qui consiste à faire une espèce de synthèse entre ma philosophie critique et la philosophie de l’infini du 17eme siècle, ceux-là se trompent complètement et gâchent tout ». C’est important, parce que il en a à son premier disciple post-ancien, Kant, qui s’appelait Maimon, mais ensuite, cette grande tentative de faire une synthèse entre la philosophie de Kant et la philosophie de l’infini du 17eme siècle, ce sera l’affaire de Fichte, de Schelling, de Hegel. Et il y a une espèce de malédiction de Kant sur cette tentative, et cette malédiction consiste à dire qui au juste ? Je reviens... Vous avez un cercle, il vous dit : tous les diamètres sont égaux. Et je dis : il y a une infinité de diamètres ; un homme du 17eme siècle dirait ça, il y a une infinité de diamètres, et tous les diamètres -le mot « tous » signifie « l’ensemble infini », « tous » commenté par un homme du 17eme siècle ce serait : tous les diamètres = l’ensemble infini des diamètres traçables dans le cercle. C’est un ensemble infini, infini actuel. Kant arrive et il dit : pas du tout, c’est un contresens. Tous les diamètres du cercle, c’est une proposition, là encore, vide de sens. Pourquoi ? En vertu d’une raison très simple : les diamètres ne préexistent pas à l’acte par lequel je les trace. C’est à dire : les diamètres ne préexistent pas à la synthèse par laquelle je les produis. Et en effet, ils n’existent jamais simultanément car la synthèse par laquelle je produis les diamètres, c’est une synthèse successive, comprenez ce qu’il veut dire ça devient très fort : c’est une synthèse du temps. Il veut dire : le 17eme siècle n’a jamais compris ce qu’était la synthèse du temps, et pour une raison très simple, c’est qu’il s’occupait des problèmes d’espace, et la découverte du temps c’est précisément la fin du 17eme siècle. En fait, « tous les diamètres » est une proposition vide de sens, je ne peux pas dire « tous les diamètres du cercle », je ne peux que dire « chaque diamètre », « chaque » renvoyant simplement à une fonction quoi ? (à une fonction) distributive du jugement. Une fonction distributive du jugement, à savoir chaque diamètre en tant que je le trace ici maintenant. Chaque diamètre en tant que je le trace ici maintenant, et puis il me faudra du temps pour passer au tracé de l’autre diamètre, c’est une synthèse du temps. C’est une synthèse, comme dit Kant, de la succession dans le temps. C’est une synthèse de la succession dans le temps qui va à l’indéfini, c’est à dire elle n’a pas de terme, en vertu même de ce qu’est le temps. Je pourrai, si nombreux soient les diamètres que j’ai déjà tracés, je pourrai toujours en tracer un encore, et puis un encore, et puis un encore... Ça ne s’arrêtera jamais. C’est une synthèse de la production de chaque diamètre que je ne peux pas confondre avec une analyse. C’est exactement : une synthèse de la production de chaque diamètre dans la succession du temps, que je ne peux pas confondre avec une analyse de tous les diamètres supposés donnés simultanément dans le cercle. L’erreur du17eme siècle, ça a été de transformer une série indéfinie propre à la synthèse du temps en un ensemble infini coexistant dans l’étendue. Alors sur cet exemple, c’est fondamental... Voyez, le coup de force de Kant, ce sera de dire : finalement, il n’y a pas d’infini actuel ; ce que vous prenez pour l’infini actuel, c’est simplement... vous dites qu’il y a de l’infini actuel parce que vous n’avez pas vu en fait que l’indéfini renvoie à une synthèse de la succession dans le temps, alors quand vous vous êtes donnés l’indéfini dans l’espace, vous l’avez déjà transformé en infini actuel ; mais en fait l’indéfini est inséparable de la synthèse de la succession dans le temps, et à ce moment là, il est indéfini, il n’est absolument pas l’infini actuel. Mais la synthèse de la succession dans le temps, ça renvoie à quoi ? Ça renvoie à un acte du moi, un acte du « je pense », c’est en tant que « je pense » que je trace un diamètre du siècle, un autre diamètre du cercle, et cætera, en d’autres termes c’est le « je pense » lui-même -et ça va être la révolution kantienne par rapport à Descartes... Qu’est-ce que c’est que le « je pense » ? Ça n’est rien d’autre que l’acte de synthèse dans la série de la succession temporelle. En d’autres termes le « je pense », le cogito, est mis directement en relation avec le temps, alors que pour Descartes le cogito était immédiatement en relation avec l’étendue. Alors, voilà, voilà ma question, c’est presque... ça revient un peu au même que de dire que, aujourd’hui, les mathématiciens ne parlent plus d’infini. La manière dont les mathématiques ont expulsé l’infini -peut-être qu’on le verra la prochaine fois si on a le temps-, ça c’est fait comment ? Partout, ça c’est fait de la manière la plus simple, et presque pour des raisons arithmétiques. A partir du moment où ils ont dit : « mais, une quantité infiniment petite -ça commence, si vous voulez, à partir du 18eme siècle-, à partir du 18eme siècle il y a un refus absolu des interprétations dites infinitistes, et toute la tentative, à partir du 18eme siècle, des mathématiciens, à commencer par d’Alembert, et puis Lagrange, et puis tous, tous, pour arriver jusqu’au début du 20eme siècle, où là ils décident qu’ils ont tout gagné, c’est quoi ? C’est montrer que le calcul infinitésimal n’a aucun besoin de l’hypothèse des infiniment petits pour se fonder. Bien plus, il y a un mathématicien du 19eme qui emploie une pensée, un terme qui rend très bien compte, il me semble, de la manière de penser des mathématiciens modernes, il dit : mais l’interprétation infinie de l’analyse infinitésimale, c’est une hypothèse gothique ; ou bien ils appellent ça le stade « pré-mathématique » du calcul infinitésimal. Et ils montrent simplement que il n’y a pas du tout dans le calcul infinitésimal des quantités plus petites que toute quantité donnée, il y a simplement des quantités qu’on laisse indéterminées. En d’autres termes, c’est toute la notion d’axiome qui vient remplacer la notion d’infiniment petit. Vous laissez une quantité indéterminée pour la rendre -c’est donc la notion d’indéterminé qui vient remplacer l’idée de l’infini-, vous laissez une quantité indéterminée pour la rendre, au moment que vous voulez, plus petite qu’une quantité donnée bien précise. Mais de l’infiniment petit, là-dedans, il n’y en a plus du tout. Et le grand mathématicien qui va donner son statut définitif au calcul infinitésimal, c’est à dire Stratt, à la fin du 19eme et au début du 20eme, il aura réussi à en expulser tout ce qui ressemble à une notion quelconque d’infini.

Bon, alors... Je dirais, nous, on est formé comment ? Et bien je dirais que on oscille entre un point de vue finitiste et un point de vue indéfinitiste. Si vous voulez, on oscille entre -et ces deux points de vue, on les comprend très bien-, je veux dire on est tantôt Lucrétien, et tantôt on est Kantien. Je veux dire : on comprend relativement bien l’idée que les choses soient soumises à une analyse indéfinie, et l’on comprend très bien que cette analyse indéfinie, qui ne rencontre pas de terme, forcément elle ne rencontre pas de terme puisqu’elle exprime une synthèse de la succession dans le temps. Donc, en ce sens, l’analyse indéfinie en tant que fondée sur une synthèse de la succession dans le temps, on comprend ça même si on a pas lu Kant. Et on voit, on s’y reconnaît dans un tel monde. L’autre aspect, on le comprend aussi -l’aspect finitiste, c’est à dire l’aspect atomiste au sens large, à savoir : il y aurait un dernier terme, et si ce n’est pas l’atome ce sera une particule, ce sera un minimum d’atome, ou bien une particule d’atome, n’importe quoi. Donc, il y a un dernier terme.

Ce qu’on ne comprend plus du tout, c’est ça... à moins que...qu’il y ait... je voudrais que ça vous fasse le même effet parce que sinon, ça m’inquiète... Ce que, à première vue, on ne comprend plus c’est l’espèce de pensée, la manière dont au 17eme siècle ils pensent l’infini actuel. A savoir : ils estiment légitime la transformation d’une série indéfinie en ensemble infini. Nous on ne le comprend plus du tout, ça.

Je prends un texte -et presque, ce dont je parle, c’est les lieux communs du 17eme siècle-, je prends un texte célèbre de Leibniz, qui a un titre admirable : « De l’origine radicale des choses ». C’est un petit opuscule. Il commence par l’exposé pour mille fois fait, ce n’est pas nouveau chez lui, il ne le présente pas comme nouveau, l’exposé de la preuve de l’existence de Dieu dite cosmologique. Et la preuve de l’existence de Dieu dite « preuve cosmologique », elle est toute simple, elle consiste à nous dire ceci... Elle consiste à nous dire : « et bien vous voyez, une chose, elle a bien une cause ». Bon... « Cette cause, à son tour, elle est un effet, elle a une cause, à son tour. La cause de la cause, elle a une cause et cætera, et cætera à l’infini, à l’infini... Il faut bien que vous arriviez à une cause première, qui ne renvoie pas elle-même à une cause mais qui soit cause de soi ». C’est la preuve, vous voyez, à partir du monde vous concluez à l’existence d’une cause du monde. Le monde, c’est la série des causes et des effets, c’est le série des effets et des causes, il faut bien arriver à une cause qui soit comme la cause de toutes les causes et effets. Inutile de dire que cette preuve, elle n’a jamais convaincu personne. Mais enfin, on l’a toujours donnée, c’est la preuve cosmologique de l’existence de Dieu. Elle a été débattue, elle a été contredite de deux manières : les finitistes vont nous dire : « ben non, pourquoi vous n’arrivez pas, dans le monde même, à des causes dernières, c’est à dire à des derniers termes ? ». Et puis les indéfinitistes nous disent « ben non, vous remonterez d’effet en cause à l’infini, vous n’arriverez jamais à un premier terme de la série ».

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