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Deleuze / Foucault - Le Pouvoir cours 19 -15/04/1986 - 1 Cours du 15 avril 1986 Gilles Deleuze aut participant RequestDigita 19 min 16

Certains d’entre vous qui connaissent mal ou pas du tout, ce qui est très [ ?], Burroughs m’ont demandé comment... comment prendre cet auteur qui a une grande importance dans la littérature américaine et dans la littérature moderne en général. Je crois que la meilleure manière, pour ceux qui le connaissent pas, c’est de prendre un de ses romans les plus connus. Il vaut mieux éviter... il a fait des essais théoriques sur le contrôle, sur tout ça, mais je crois que c’est pas le meilleur de son œuvre, il vaut mieux prendre un de ses romans les plus connus qui est Le festin nu, qui a été très très bien traduit chez Gallimard. Et dans Le festin nu, vous verrez, il y a tout un affrontement des groupes de contrôle et il y a une préface très intéressante de Burroughs. Et aussi, je signale, uniquement comme prise de contact, pour ceux qui le connaissent déjà, ça vaut pas ce que je dis, il y a un numéro de L’Herne intéressant. Il y a un numéro de L’Herne intéressant sur Burroughs et, je crois, il est pas tout seul : Burroughs et peut-être Ginsberg puisque Burroughs est un des trois grands de la génération Beat, les deux autres étant Ginsberg le poète et Kerouac. Oui, les trois là... Quant à ce qu’on a fait précédemment sur la littérature moderne, Burroughs, Kerouac et Ginsberg seraient aussi des... des clefs, des personnages fondamentaux de la littérature moderne.

Bon, alors, vous vous rappelez, la dernière fois, on avait un peu déplacé notre problème des rapports de forces et des formes qui en découlent et on l’avait posé au niveau des formations, des formations de droit, des formations de pouvoir ou de droit. Plutôt des formations de pouvoir et de droit. Et on avait cherché, même, du point de vue juridique, à esquisser sur une courte période toujours, puisque c’est la période considérée par Foucault, on avait esquissé une espèce de tableau des formations de souveraineté, des formations de discipline et des formations de contrôle. Et puis j’avais terminé en disant : oui, on pourrait très bien aussi chercher euh... comme ça, ça nous ferait une soudure avec ce que nous faisions les autres années, on pourrait très bien chercher aussi au niveau des formations d’images, des formations de l’image, pour voir... Pas du tout pour appliquer, pas du tout... mais pour avoir des points de repère. Si je reviens au thème des régimes d’images, est-ce que je peux trouver quelque chose d’équivalent ? Comme ça, pour faire des regroupements.

Et ce serait fondé chez Foucault car il y a trois interventions, il y a trois interventions de Foucault concernant l’image picturale. L’une c’est le texte célèbre sur les Ménines de Velasquez et qui correspond à la formation classique. L’autre, c’est le manuscrit qu’il n’a pas voulu publier sur Manet. Et l’autre, c’est le texte auquel nous nous sommes souvent référés sur Magritte. Alors ce... ce... là c’est des choses très vagues que je voudrais dire. Est-ce que, du point de vue de l’image, et même, alors, notre souci des autres années, notre souci quand on s’occupait de cinéma... Est-ce qu’on peut parler de régimes d’images et qu’est-ce qu’on pourrait découvrir ? Est-ce qu’on pourrait y découvrir une confirmation ? Je dis même, en fonction de ce qu’on a fait les autres années, je vois bien la possibilité de définir des régimes d’images. Et alors est-ce qu’on pourrait retrouver quelque chose comme... sans vouloir beaucoup, sans vouloir que ça coïncide sur tous les points, mais quelque chose comme un régime de souveraineté dans... comme régime d’images, un régime de discipline, un régime de contrôle ?

Je pense à un livre qui, pourtant, ne se réclame pas de Foucault, est très indépendant, un livre de Daney, Serge Daney, D A N E Y, qui est un critique euh... un critique de cinéma venu des Cahiers. Ce livre s’appelle La rampe. Et, ce qui m’intéresse, c’est qu’il distingue trois, vraiment, trois régimes d’images et de l’image cinématographique. Et, le premier, il le fait aller jusqu’à la guerre. En effet c’est une périodisation propre au cinéma. Jusqu’à la guerre : premier régime. Or comment est-ce qu’il le définit ? Il le définit par une question. Il dit : la question fondamentale c’est « à quoi renvoie l’image, c’est-à-dire qu’est-ce qu’il y a derrière l’image ? ». « Qu’est-ce qu’il y a derrière l’image ? ». Ça veut dire quoi ? Il dit : oui, dans un tel régime d’images, si vous voulez, chaque élément de l’image joue le rôle ou peut jouer le rôle d’un cache, d’un cache temporaire et c’est dans l’image suivante qu’on voit ce qu’il y avait derrière. Et il dit : la formule de ce régime d’images, ce serait : le secret derrière la porte. Et c’est vrai que, dans tout le cinéma classique, d’avant-guerre, la porte est quelque chose de fondamental. Notamment dans la comédie américaine, le rôle de la porte est... Rohmer avait fait tout un cours, tout un cours à l’IDHEC, sur le rôle des portes chez Lubitsch. Mais, la porte, c’est... en effet, c’est le cache temporaire. Alors ce qu’il y a derrière la porte, tout ce qu’il y a derrière l’image, bien sûr ça apparaîtra dans l’image suivante, mais ça implique que ce régime de l’image, ce premier régime de l’image est un régime de totalisation. Un film, c’est une belle totalité. Et cette totalité se présente comment ? C’est une succession des images qui tend toujours vers un quelque chose qui est derrière, c’est ce quelque chose qui est derrière qui va opérer la totalisation. On peut dire ça comme ça.

Je pense à un autre, un très grand critique d’art qui s’appelle Riegl, du XIXème siècle et qui, lui, faisait des périodisations avec trois fonctions de l’art, des arts plastiques : embellir la nature, spiritualiser la nature, rivaliser avec la nature. Je dirais que ce premier régime de l’image, le secret derrière la porte, qu’est-ce qu’il y a derrière l’image, c’est précisément la première formule : embellir la nature. Embellir la nature en faisant une totalité des images, un tout des images. Alors chaque image se dépasse dans l’image suivante, mais l’ensemble des images tend vers un tout. Bon. Or c’est ça qui a fait, il me semble, l’ambition du premier cinéma, c’est ce régime de l’image, un « quelque chose derrière l’image » qui va constituer le tout des images, ou qui va constituer le centre déterminant des images. D’où, au sommet de son ambition, les grandes constructions en triptyque. Qu’est-ce qui a tué ce cinéma ? Remarquez que ça répondrait assez bien si vous reprenez, si vous vous rappelez l’analyse que Foucault fait des Ménines, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’il y a derrière l’image ? Le roi, ce que Foucault appelle la place du roi. Le roi qu’on ne voit dans l’image que sous forme d’un reflet dans le miroir. Et tout le tableau est organisé vers ce point qui est derrière l’image, puisqu’on ne le voit pas, et on voit bien que, dans les Ménines, tout fonctionne en fonction de caches. Par exemple on voit l’envers du tableau que le peintre est en train de faire, on voit pas le tableau lui-même. On voit le reflet du roi dans le fond, mais on voit pas le roi lui-même. Et tous les éléments de l’image tendent vers le roi qu’on ne voit pas. Donc les Ménines répondraient assez bien à la formule de Daney : qu’est-ce qu’il y a derrière l’image ? Ben, derrière l’image, il y a le roi, c’est-à-dire le souverain de l’image.

Bon, c’est juste pour... bon, je souhaite pas du tout insister. C’est intéressant, c’est la question... bon, je reviens au cinéma. Pourquoi ce grand cinéma, ce premier cinéma a-t-il disparu ? Ce grand cinéma, là, qu’on pourrait appeler le cinéma classique. Il disparaît avec la guerre, pourquoi ? Ben, là, il faut... il faut réunir en effet les textes, on les avait mieux vu les autres années, je rappelle juste, les textes de Walter Benjamin, sur le rapport entre ce qu’il appelle les arts de reproduction et la formation des régimes totalitaires, il faut reprendre la manière dont un cinéaste comme Syberberg s’inspire de Benjamin pour aller plus loin. Lorsque Syberberg dit : il faut juger aussi Hitler comme cinéaste. Qu’est-ce que ça veut dire « juger Hitler comme cinéaste » ? Ça veut dire que les régimes totalitaires et avant tout le régime nazi s’est présenté sous quelle forme ? Une espèce de mise en scène. Il ne se réduit pas à cela, mais une espèce de mise en scène des masses. Les grandes manutentions de masse, les grandes mises en scène qui font que..., et là, du coup, c’est Virilio qui s’enchaîne avec Benjamin et avec Syberberg, lorsque Virilio montre que, jusqu’au bout, le nazisme s’est vécu comme une espèce de super Hollywood, comme une espèce de... en concurrence avec Hollywood pour aller plus loin dans une espèce de mise en scène, de mise en scène colossale qui était la propagande d’Etat et la manutention des masses.

Pourquoi est-ce que ça, ça sonne le glas du cinéma ? Pourquoi d’une certaine manière ça sonne le glas des ambitions de Eisenstein et de Gance ? Ben, c’est évident : ce qui termine le cinéma dit classique c’est Leni Riefenstahl. Le cinéma classique il ne meurt pas d’une médiocrité de sa production, il meurt vraiment de tout à fait autre chose à savoir que, dans son ambition la plus profonde, il est comme réalisé et dépassé, et abominablement dépassé, par les grandes mises en scène d’Etat. Si bien que, après la guerre, si le cinéma ressuscite, c’est en fonction d’un tout autre régime. Ce ne sera plus un régime de souveraineté, ce ne sera plus la question « Qu’est-ce qu’il y a à voir derrière l’image ? ». D’une certaine manière, qu’est-ce qu’il y a à voir derrière l’image ? Le nazisme nous avait donné la réponse. Ce qu’il y a à voir derrière l’image c’est les camps d’extermination. Qu’est-ce qu’il y a à voir derrière la propagande d’Etat ? Qu’est-ce qu’il y a à voir derrière les manutentions de masse ? Les camps. Et je dis que tout le cinéma d’après la guerre, ou plutôt Daney montre très bien que tout le cinéma d’après la guerre s’est formé en fonction de cette constatation.

Et, à cet égard, je crois qu’est absolument exemplaire, à cet égard comme à d’autres d’ailleurs, est exemplaire et fondamentale une œuvre comme celle de Resnais. Ce qui fait l’importance de Resnais dans, comme ce second régime de l’image, c’est que Resnais n’a jamais eu qu’un sujet, simplement il a su le varier. Le seul et unique sujet de... ou la seule et unique préoccupation de Resnais, c’est l’homme qui revient des morts. Qu’est-ce que c’est « revenir des morts » ? Et c’est bien, on sent tellement que c’est ça son problème. Je veux dire, c’est curieux... qu’est-ce qui fait que c’est le problème de quelqu’un, ça ? Je veux dire : même physiquement l’espèce de beauté..., je sais pas, je l’ai jamais vu, Resnais, alors j’en parle... mais d’après les photos, il y a une espèce de beauté zombie chez Resnais. L’homme qui revient des morts. Ensuite quand toute son œuvre est... Pensez à son... au dernier film, là, qui est une splendeur, euh L’amour à mort... L’homme qui revient des morts. C’est incompréhensible sans un des premiers films de Resnais qui était Nuit et brouillard. Qu’est-ce qu’il y a après les camps ? Qu’est-ce que c’est revenir des camps ? Mais alors, je dis que le cinéma ne pouvait se reconstituer après la guerre qu’en changeant, en changeant de régime d’image. Et ça allait être quoi ? Ce que Daney assigne... ou la manière dont il définit le régime d’image avec le néo- réalisme et à partir du néo-réalisme, c’est qu’on ne se demande plus ce qu’il y a à voir derrière l’image, mais ce qu’il y a à voir dans l’image et sur l’image. Ce qu’il y a à voir dans l’image et sur l’image : commencez par voir ! Vous êtes incapables de voir ce qu’il y a dans une image. Vous avez été incapables de voir que, derrière les grandes images de propagande d’Etat, il y avait les camps. Cherchez pas ce qu’il y a derrière les images, commencez à lire une image. Commencez à percevoir une image. D’une certaine manière, le premier cinéma se proposait d’être une encyclopédie du monde. Ben non. Il n’y a pas lieu de faire une encyclopédie souveraine. Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire ? Vraiment une pédagogie de l’image.

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