THEMES COURS
 ANTI-OEDIPE ET AUTRES RÉFLEXIONS - MAI/JUIN 1980 - DERNIERS COURS À VINCENNES (4 HEURES)
 SPINOZA - DÉC.1980/MARS.1981 - COURS 1 À 13 - (30 HEURES)
 LA PEINTURE ET LA QUESTION DES CONCEPTS - MARS À JUIN 1981 - COURS 14 À 21 - (18 HEURES)
 CINEMA / IMAGE-MOUVEMENT - NOV.1981/JUIN 1982 - COURS 1 À 21 - (41 HEURES)
 CINEMA : UNE CLASSIFICATION DES SIGNES ET DU TEMPS NOV.1982/JUIN.1983 - COURS 22 À 44 - (56 HEURES)
 CINEMA / VÉRITÉ ET TEMPS - LA PUISSANCE DU FAUX NOV.1983/JUIN.1984 - COURS 45 À 66 - (55 HEURES)
 CINEMA / PENSÉE - OCTOBRE 1984/JUIN 1985 - COURS 67 À 89 (64 HEURES)
 - CINEMA / PENSÉE + COURS 90 À 92
 - FOUCAULT - LES FORMATIONS HISTORIQUES - OCTOBRE 1985 / DÉCEMBRE 1985 COURS 1 À 8
 - FOUCAULT - LE POUVOIR - JANVIER 1986 / JUIN 1986 - COURS 9 À 25

17-25/03/1986 - 1

image1
27.5 Mo MP3
 

Deleuze / Foucault - Le Pouvoir cours 17 -25/03/1986 - 1 Cours du 25 mars 1986 Gilles Deleuze aut participant RequestDigitalE 40 minutes 02 s

ça va bien puisqu’on termine cette longue histoire, cette longue histoire des rapports savoir-pouvoir. Et donc je vous rappelle qu’on a terminé sur un problème général et lié à ces deux axes du savoir et du pouvoir, à savoir : quel rapport y a-t-il entre les ensembles de forces et les formes ? Et donc je reviens pas... à moins que...ce sera à vous tout à l’heure de dire s’il y a lieu de revenir sur un point - on a examiné successivement la possibilité sur une très courte période que les formes changent suivant les rapports de forces mis en jeu à tel ou tel moment de la période. Et on a vu un premier cas où les forces dans l’homme - je reviens pas sur l’explication des forces dans l’homme - où les forces dans l’homme entraient en rapport avec des forces du dehors, forces de telle nature que la forme qui correspondait et qui découlait de cet ensemble de forces était ou pouvait être présentée comme la forme « dieu ».

Et qu’en ce sens l’âge classique pense sous la forme « Dieu ». Bien. Cela voulait dire que les forces dans l’homme entraient en rapport avec des forces d’élévation à l’infini ; et le mouvement archéologique de la pensée correspondant à cette formation classique, nous avons essayé de le déterminer sous la forme, sous le nom de dépli, mécanisme du dépli ou du déploiement. Déploiement en tableaux, en séries prolongeables, en continuum. Et puis on a vu que se faisait une espèce de mutation dans le rapport de forces coïncidant avec ce [ ?] vers la fin du XVIIIème et se développant au XIXème. Cette fois-ci, les forces dans l’homme ne se dépliaient pas dans un rapport avec des forces d’élévation à l’infini qui sont précisément des forces de déploiement, de dépliement, mais au contraire elles se repliaient sur des forces du dehors, mais, cette fois, forces de finitude et cette finitude était trouvée hors de l’homme. C’est la finitude de la vie, la finitude du travail, la finitude du langage. ...

Et que sans doute toute la configuration du savoir changeait. Ce ne serait plus l’âge de l’analyse des richesses, mais l’âge de l’économie politique, ce ne serait plus l’âge de l’histoire naturelle du vivant, mais l’âge de la biologie, ce ne serait plus l’âge de la grammaire générale, ce serait l’âge de la philologie. Et à ce qu’on pourrait appeler les scientificités générales de l’âge classique, le général étant un ordre [ ?], se substituaient des scientificités fondées sur la comparaison, le comparé se substituait au général sous forme d’une économie comparée, d’une philologie comparée, d’une biologie ou d’une anatomie comparées. Donc, à ce niveau, lorsque les forces dans l’homme entrent en rapport avec des forces de finitude ou, si vous préférez, lorsque les ordres d’infinité du XVIIème siècle, de l’âge classique, sont remplacés par les racines de la finitude vie-travail-langage, eh bien la forme sous laquelle la pensée s’exerce, change. La forme n’est plus la forme « Dieu », même si il subsiste beaucoup de choses de cette forme mais l’accent est mis cette fois-ci sur une forme « homme ». Bon. Ça, je pense que c’était... j’espère que c’était devenu relativement clair. Et on en était là.

C’est là que je veux reprendre la question parce que c’est un problème dans lequel nous sommes tous - si vous le voulez bien - nous sommes tous embarqués avec Foucault et un point qui me paraissait délicat, compliqué, complexe dans Les mots et les choses. C’est que... voilà où nous en sommes :
-  lorsque les forces dans l’homme se replient sur les forces de finitude vie-travail- langage, ces forces de finitude lui imposent une dispersion. Dispersion des langues, dispersion des modes de production, dispersion des plans de vie. En d’autres termes, en même temps que la forme « homme » surgit, comme dérivant du nouveau rapport de forces, l’homme n’existe conformément à cette forme que dans la dispersion des langues, la dispersion des modes de production, la dispersion des plans de vie. D’où le texte frappant page 397 des mots et les choses qui nous dit exactement... on va très lentement, donc acceptez mon rythme lent : « l’homme s’est constitué quand le langage était voué à la dispersion ». « L’homme s’est constitué lorsque le langage était voué à la dispersion ». Et un peu plus loin dans la même page, la même idée trouve une autre expression : « l’homme a composé sa propre figure dans les interstices d’un langage en fragments ».

Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire : la dispersion des langues... trois petits points : est-ce seulement des langues - [ ?] le texte dit seulement la dispersion des langues... La dispersion des langues, qui, vous comprenez, est une conséquence directe de la finitude du langage, eh bien la dispersion des langues est le corrélat de la forme « homme ». Si bien que la question d’une troisième forme, après le XIXème siècle, qui ne serait plus ni la forme Dieu, ni la forme homme, va pouvoir se poser presque par nécessité logique, par enchaînement logique de la manière suivante : s’il arrive que les langages se rassemblent, est-ce que l’homme ne va pas être remplacé par une autre forme encore ? S’il est vrai, vous comprenez, s’il est vrai que la forme « homme » a pour corrélat la dispersion des langues, s’il arrive pour d’autres raisons que le langage se rassemble, à ce moment-là, est-ce que la forme « homme » d’une certaine manière ne s’écroule pas ? Elle connaissait sa grandeur lorsque le langage était dispersé.

Le langage se rassemble : est-ce que ça ne va pas être l’évanouissement de la forme homme Au profit d’une autre ? Bien. Or Foucault montre - c’est ce que j’avais essayé de développer la dernière fois - la thèse de Foucault, très intéressante il me semble, c’est que : il va essayer de montrer qu’à la fin du XIXème siècle (donc la forme « homme » n’aura peut-être pas duré très très longtemps), qu’à la fin du XIXème siècle commence à se faire sous l’action de nouvelles forces, un rassemblement du langage. Ce rassemblement du langage, il le présentera comme la constitution d’un être du langage ou d’un « il y a » du langage.

Mais attention ! Il n’en fera pas une aventure de la linguistique. C’est ça l’essentiel. C’est par là qu’il s’oppose, il me semble, qu’il s’oppose à tout le courant qui lui est contemporain. Si le langage se rassemble, ce n’est pas au profit, ni entre les mains, de la linguistique, pourquoi ? Parce que c’est en fonction de nouvelles forces que celles qui animaient la linguistique. La linguistique n’était pas séparable de la dispersion des langues dans la conception de Foucault. Si le langage se rassemble et, par-là, va déjà comme préfigurer l’arrivée d’une nouvelle forme, ce n’est pas du côté de la linguistique que se fait ce rassemblement, c’est un tout autre côté, la littérature.

Et, sans doute, la littérature comme littérature moderne n’est pas sans rapport avec la linguistique, mais selon Foucault ce n’est pas du tout le rapport ( ?). Par exemple ce n’est pas du tout le rapport que le structuralisme a cru voir quand il a chercher une espèce d’unité de la linguistique et de la littérature. Le rapport est tout à fait différent. Le rapport est un rapport, nous dit Foucault, de compensation. La littérature moderne, loin de s’unir à la linguistique, se définit comme littérature moderne parce qu’elle compense quelque chose qui grevait la linguistique. Qu’est-ce qui grevait la linguistique ? C’est qu’elle trouvait sa condition dans la dispersion des langues, donc qu’elle ne pouvait pas atteindre un être du langage.

Vous me direz : elle pouvait atteindre, elle pouvait atteindre des composants universels et encore. Supposons que les phonèmes soient considérés comme des composants universels. Oui c’est des composants, c’est pas ça qui permet un rassemblement du langage ou la découverte d’un être du langage, car ces composants n’existent que dans la mesure où ils s’actualisent dans des langues irréductibles. Comme disait Jakobson depuis le début, si vous prenez un ensemble [ ?] vous pouvez dire qu’il est présent dans une multiplicité de langues. Oui, mais il peut pas s’actualiser tous ensemble. Une langue sera toujours définie par un système de choix dans l’ensemble des phonèmes et des traits distinctifs, mais jamais une seule langue n’actualise l’ensemble des potentialités du langage. Tandis que Foucault nous dit : ce qui assure et ce qui opère un rassemblement du langage ou une instauration d’un être du langage, ce n’est pas la linguistique, c’est la littérature comme littérature moderne.

Et j’ai essayé de dire pourquoi. Ce n’est donc pas, si vous voulez, par unité avec la linguistique que - troisième moment, un rassemblement de l’être du langage se fait, c’est par compensation de la linguistique. Et ça, cette idée, il me semble très... - on risque de passer à côté, c’est pour ça que j’insiste - hybride... Il s’oppose si vous voulez à ce qui était couramment. Une espèce d’opposition. C’est encore un rapport une opposition, mais une opposition linguistique/ littérature. Alors, j’ai essayé... j’ai risqué un peu la dernière fois en essayant de dire en quoi en effet c’est bien une compensation : la littérature moderne, c’est autre chose que la linguistique. Elle opère d’une tout autre façon. Et ce que j’essayais de dire c’était ceci : comment la littérature moderne qui pourtant - objection immédiate [ ?] - la littérature moderne, elle opère dans des langues nationales, elle opère donc dans la dispersion des langues.

Oui, mais c’est pas la question. J’ai essayé de montrer que la littérature moderne, dans ce qui la définissait comme grande et comme moderne, c’était une littérature qui tendait ou qui passait à travers la langue utilisée, de véritables vecteurs et que ces vecteurs tendaient vers quoi ? Eh bien ces vecteurs tendaient vers ce qu’on pourrait appeler, et là vous retrouvez une notion de Foucault non pas quelque chose qui serait en dehors du langage, mais vers un dehors du langage. Ils ne tendent ni vers quelque chose qui serait dans le langage, ni vers quelque chose qui serait hors du langage, par exemple des idées pures. Ils tendent vers un dehors du langage. Ce dehors du langage, c’est ce que j’appelais les agrammaticaux. Les constructions agrammaticales qui constituaient comme une limite du langage.

Vous voyez bien la différence entre les agrammaticaux et les phonèmes ? Les phonèmes sont strictement intérieurs au langage. Les idées pures sont censées être en dehors du langage. Mais les agrammaticaux sont des limites du langage vers lesquels tendent la variation grammaticale. Et j’avais essayé, en prenant des exemples très épars, très différents, ça pourrait se dire de Joyce, ça peut se dire de Céline, ça peut se dire de Céline ça peut se dire des auteurs que Foucault aimait tant, de Roussel, de euh... de Brisset et bien d’autres dont je n’ai pas parlé, même au point quand on aura fini, on pourra revenir mais ce n’est pas mon objet pour le moment. On voit bien là que [ ?] en effet la littérature moderne opère une espèce de décrochage par rapport à la linguistique. Foucault dit : c’est par compensation... disons plus pour marquer l’originalité de cette pensée, c’est par décrochage d’avec la linguistique que la littérature moderne constitue un être du langage en faisant tendre le langage vers sa propre limite agrammaticale, tandis que la linguistique en restait aux composantes internes du langage.

Et je vois une confirmation de cette interprétation que je vous propose dans un texte de Foucault, Les mots et les choses page 395, lorsqu’il nous dit, pour définir cette littérature moderne : « cette région informe muette insignifiante où le langage peut se libérer ». « Cette région muette, informe », informe c’est-à- dire non-formée, non grammaticalement formée... « Cette région informe muette, non parlée, insignifiante », comprenez au sens fort, in-signifiant, « qui ne renvoie pas à du signifiant, où le langage peut se libérer ». C’est-à-dire, en quel sens il se libère ? précisément dans la littérature. Il est traversé de vecteurs ou de tenseurs qui le font tendre vers son propre dehors, non pas quelque chose qui serait en dehors de lui, mais vers son propre dehors, du langage, et quand le langage est ramené à cette région. Alors, voilà... voilà le problème où nous en étions.

La troisième forme ou le troisième âge après l’âge classique et l’âge humaniste du XIXème siècle, le troisième âge se définit comment ? Pour le moment il se définit comme ceci : de nouvelles forces du dehors apparaissent et la première de ces forces du dehors c’est l’être du langage. Se produit un rassemblement de l’être... Première donnée : se produit un rassemblement de l’être du langage qui ne découle pas de la linguistique du XIXème. Ça c’est une nouvelle donnée. Est-ce que cette nouvelle donnée est suffisante pour nous faire dire qu’une nouvelle forme apparaît qui ne serait plus ni dieu ni l’homme, mais qui serait quelque chose comme le surhomme ? Ça... je ne sais pas. Et immédiatement je disais [ ?] va s’établir... Immédiatement je disais : mais il faut développer cette idée de Foucault [ ?] Pourquoi ne pas dire la même chose des deux autres formes de finitude ? La triple racine de la finitude c’est vie- travail-langage.

Ce que Foucault vient de dire d’un troisième âge du langage, ne faut-il pas le dire aussi de la vie et du travail et dans les mêmes termes ? Qu’est-ce que ça veut dire « dans les mêmes termes » ? La biologie du XIXème siècle ne découvrait la forme de finitude de la vie qu’à travers la dispersion [ ?]. Est-ce que, pour nous, modernes, de la même manière que tout à l’heure pour le langage, est-ce que ne va pas s’opérer un rassemblement de la vie ou une découverte d’un être de la vie qui met la vie en rapport non pas avec un dehors, mais qui met la vie en rapport avec son propre dehors et par là rassemble l’être de la vie ? Est-ce qu’il ne faut pas dire encore et aussi pour le travail ? Est-ce que le travail comme force de finitude qui n’existait au XIXème siècle, dans l’âge humaniste du XIXème siècle, que sous la forme de la dispersion des modes de production, ne va pas intégrer ou tendre à intégrer dans notre monde moderne un rassemblement de l’être du travail qui met le travail en rapport avec son propre dehors ? Est-ce qu’il ne faut pas étendre aux deux autres forces de finitude, la vie et le travail, ce que Foucault vient de nous dire pour le langage ? Et est-ce qu’il ne faut pas étendre à la vie et au travail sous la même condition [ ?] par Foucault, à savoir : si la littérature rassemble un être du langage, ce n’est pas par alliance avec la linguistique, mais par compensation de la linguistique, de même, si la vie rassemble un être de la vie, se rassemble en un être de la vie, ce n’est pas comme alliance ou en évolution de la biologie mais en compensation et comme par décrochage avec la biologie. Et si le travail rassemble un être du travail, ce n’est pas en alliance avec l’économie politique, mais dans une espèce de compensation, de rupture ou de décrochage avec [ ?]. Voilà ma question.

Ça c’est ma première question. On va très très doucement, hein. C’est encore une séance [ ?]. On va très très progressivement. Parce que, voyez l’avantage de cette hypothèse.... J’ai pas encore expliqué en quoi ça consisterait cet être de la vie et cet être du travail... On a vu vaguement - et je n’en dis pas plus, pour le moment... je dis « vaguement » puisque l’on parle de la [ ?], on parle du surhomme [ ?]. Encore qu’on va apprendre que le surhomme n’est pas une plus grande chose [ ?] pas en faire une histoire... Le drame c’est qu’on veut faire une histoire du surhomme, mais, vous savez, c’est pas une histoire, alors...

Je dis : quel serait l’avantage, avant même de savoir en quoi consiste cet élargissement de l’hypothèse de Foucault ? Vous voyez qu’il y aurait alors une nouvelle figure des forces du dehors. Nouvel être du langage découvert dans un dehors du langage, nouvel être du travail, nouvel être de la vie. Je dis : ce qui rendrait cette hypothèse, il me semble, intéressante, c’est que, si l’on me dit pour rendre compte de la formation « surhomme », c’est-à-dire cette forme qui n’est ni dieu ni l’homme, il n’y a lieu d’invoquer qu’une aventure du langage, moi, ma réaction c’est... elle est très séduite, elle est séduite d’avance... mais, quand même, j’ai un petit regret, je me dis : oh, ben alors c’est [ ?] une affaire de littérature. Et, après tout, nous n’avons aucune raison de croire que la littérature est sa propre affaire.

Je veux dire : nous n’avons aucune raison de croire que, si la littérature est une chose aussi sérieuse que... euh... qu’elle soit comme autonome et comme une espèce de ghetto, ou des avatars de la littérature ne produiraient pas aussi leurs secousses ailleurs et la littérature [ ?] secousses ailleurs. Je vois mal une littérature qui aurait un privilège alors que la vie n’en aurait pas ou que le travail n’en aurait pas. Si bien que la tendance à généraliser l’hypothèse de Foucault me paraît intéressante. Du coup il nous vient un choc en retour... Vous voyez c’est délicat [ ?]Il nous vient un choc en retour, c’est quoi ? Et c’est : pourquoi Foucault nous dit... Pourquoi est-ce que Foucault maintient que le thème qu’il vient d’ébaucher - car il s’agit bien d’une ébauche, les textes sont très courts - le thème qu’il vient d’ébaucher à propos de la littérature ne peut pas être transporté à la vie ni au travail ? Il nous dit : la littérature est capable d’opérer par rapport à la linguistique un décrochage qui va fonder un nouvel âge... là je dis : c’est sa thèse à la lettre [ ?]. Il ne nous dit pas : mais en même temps la vie et le travail opèrent des décrochages analogues. Il nous le dit si peu que, bien plus, il dit le contraire. Il dit : la vie et le travail n’ont pas à le faire et ne peuvent pas le faire. Seule la littérature le fait. Ça me trouble énormément. Car [ ?] il a des raisons.

Moi je n’en vois que deux. Du moins telles qu’elles sont données dans Les mots et les choses. Les mots et les choses c’est un très grand livre. Je ne vous apprends rien en vous disant qu’un très grand livre, il est fait de ses moments très forts et de ces moments... qui ne sont pas du tout des moments faibles, ni des moments [ ?] Au point que, dans un très grand livre [ ?], on bute, chacun de nous bute sur quelque chose. Et moi, voilà que je bute sur ces deux raisons. Peut-être qu’il y en a qui m’ont échappées...

On va voir tout à l’heure. Mais moi je vois deux raisons explicitement données, dans Les mots et les choses, pour réserver au langage ce qu’il refuse à la vie et au travail, c’est-à-dire la force de constituer un être ou un rassemblement. La première raison est dite pages 315-316. Et je la lis car elle me laisse perplexe : « cet éparpillement... » ce que j’appelais ou ce que Foucault appelle, ce qu’il appelait la dispersion des langues. « Cet éparpillement... », écoutez bien parce que manifestement [ ?]... [bruits de coups, travaux...] oh non !! : « cet éparpillement impose au langage sinon un privilège du moins un destin qui apparaît singulier [c’est pas loin d’un privilège...] quand on le compare à celui du travail ou de la vie » Bien. « Quand le tableau de l’histoire naturelle fut dissocié... Je le rappelle la biologie s’est constituée sur : dissociation du tableau de l’histoire naturelle au XVIIème c’est-à-dire en affirmant la dispersion des plans de vie, donc en brisant la série continue... « Quand le tableau de l’histoire naturelle fut dissocié, les êtres vivants n’ont pas été dispersés, mais regroupés au contraire autour de l’énigme de la vie ». Je réagis ! Je réagis : est- ce qu’une énigme peut regrouper ? Puisque, le propre d’une énigme, ça me paraît laisser fondamentalement problématique la question du regroupement de la chose énigmatique, sinon elle ne serait plus énigmatique.

En tout cas les êtres vivants n’ont pas été dispersés. Pourtant, quand il analysait [ ?] et que j’ai repris tous ces passages très importants des Mots et les choses, il nous parlait de l’hétérogénéité des plans de vie chez Cuvier, dont il faisait l’acte fondateur de la biologie, et l’hétérogénéité des plans de vie chez Cuvier [ ?] une dispersion du vivant. Je dis pas du tout que ce soit contradictoire, [ ?] : là, eh ben les êtres vivants n’ont pas été complètement dispersés de la même manière que les langues l’ont été, mais ils sont restés groupés autour de l’énigme de la vie. Bien. Et il continue : « lorsque l’analyse des richesses eut disparu [au profit de l’économie politique et de la diversité des modes de production], tous les processus économiques sont restés regroupés autour de la production ... ». « Tous les processus économiques sont restés regroupés autour de la production [et de ce qui la rendait possible] » Là aussi je reste songeur parce que la production [ ?] et ce qui la rendait possible c’était les conditions elles-mêmes radicalement [ ?] et dispersées. Alors c’est compliqué, ça.

Donc il nous dit... Je cherche pas du tout à objecter, je cherche à vous dire mon état d’âme quant à ce texte... Il nous dit, je reprends : quand l’éparpillement s’impose au langage ; c’est quelque chose de très particulier qui ne vaut que pour le langage, car la dispersion du vivant, en revanche, n’empêchait pas la vie de rester groupée autour d’une énigme de la vie et la dispersion des processus économiques n’empêchait pas l’économie de rester groupée autour de la production et de ce qui la rendait possible. Et il continue : « en revanche... » « en revanche lorsque l’unité de la grammaire générale - le discours [tel qu’il apparaissait à l’âge classique]- s’est dissipée [au profit de la diversité des langues et de la philologie comparée], alors que le langage est apparu selon des êtres multiples dont l’unité, sans doute [le « sans doute » m’apparaît très curieux], ne pouvait pas être restaurée », sous-entendu : sauf par un tout autre mouvement qui allait être la littérature moderne [ ?] . [ ?] pour affirmer un privilège du langage. Et si j’essaie de la résumer, et croyez bien que ce n’est pas... là aussi ce n’est pas... c’est une question que je pose, je ne vois rien d’autre que : c’est comme ça, parce que c’est comme ça. Pourquoi est-ce que l’être du...

 9- 07/01/1986 - 1


 9- 07/01/1986 - 2


 9- 07/01/1986 - 3


 9- 07/01/1986 - 4


 10- 14/01/1986 - 3


 10- 14/01/1986 - 1


 10- 14/01/1986 - 2


 10- 14/01/1986 - 4


 11- 21/01/1986 - 1


 11- 21/01/1986 - 2


 11- 21/01/1986 - 3


 11- 21/01/1986 - 4


 12- 28/01/1986 - 1


 12- 28/01/1986 - 2


 12- 28/01/1986 - 3


 12- 28/01/1986 - 4


 12- 28/01/1986 - 5


 13- 25/02/1986 - 1


 13- 25/02/1986 - 2


 13- 25/02/1986 - 3


 13- 25/02/1986 - 4


 13- 25/02/1986 - 5


 14- 04/03/1986 - 1


 14- 04/03/1986 - 2


 14- 04/03/1986 - 3


 14- 04/03/1986 - 4


 15- 11/03/1986 - 1


 15- 11/03/1986 - 2


 15- 11/03/1986 - 3


 15- 11/03/1986 - 4


 16- 18/03/1986 - 1


 16- 18/03/1986 - 2


 16- 18/03/1986 - 3


 16- 18/03/1986 - 4


 16- 18/03/1986 - 5


 17-25/03/1986 - 1


 17- 25/03/1986 - 2


 17-25/03/1986 - 3


 17-25/03/1986 - 4


 18- 08/04/1986 - 1


 - 08/04/1986 - 2


 - 08/04/1986 - 3


 - 08/04/1986 - 4


 -15/04/1986 - 1


 19-15/04/1986 - 2


 -15/04/1986 - 3


 19-15/04/1986 - 4


 20- 22/04/1986 - 1


 20- 22/04/1986 - 2


 - 22/04/1986 - 3


 - 22/04/1986 - 4


 - 29/04/1986 - 1


 - 29/04/1986 - 2


 - 29/04/1986 - 3


 21- 29/04/1986 - 4


 21- 29/04/1986 - 5


 - 06/05/1986 - 1


 - 06/05/1986 - 2


 - 06/05/1986 - 3


 22- 06/05/1986 - 4


 - 13/05/1986 - 1


 - 13/05/1986 - 2


 - 13/05/1986 - 3


 - 13/05/1986 - 4


 - 13/05/1986 - 5


 - 20/05/1986 - 1


 - 20/05/1986 - 2


 - 20/05/1986 - 3


 - 20/05/1986 - 4


 - 27/05/1986 - 1


 - 27/05/1986 - 2


 - 27/05/1986 - 3


La voix de Gilles Deleuze en ligne
L’association Siècle Deleuzien