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14- 04/03/1986 - 4

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Gilles Deleuze / Foucault - Le Pouvoir cours 14 - 04/03/1986 - 4 Gilles Deleuze aut participant RequestDigitalEl 15 :07

... toujours des forces composantes dans l’homme entrent en rapport avec un nouveau type de forces, qu’est-ce qui sera composé ? Ce ne sera plus Dieu et ce ne sera plus l’homme. C’est pas de notre faute, il n’y a rien de mal à dire ça. C’est la mort de l’homme. Evidemment, c’est la mort de l’homme au profit d’un autre composé. Il y a changement de forme. Et aujourd’hui, même les livres les plus... on nous parle de quoi ? On nous parle, non plus de l’homme comme sujet, mais le sujet c’est, ou le composé c’est, le système dit « homme-machine ». Le système homme- machine, bon, c’est autre chose. La forme homme-machine, c’est autre chose. La machine énergétique ne formait pas avec l’homme un système homme-machine. Ce qui forme avec l’homme un système homme-machine c’est une machine de troisième espèce, nos machines, les machines de notre âge, l’âge du silicium. Bien.

Bon, alors, ça veut dire quoi ? Vous comprenez, personne ne s’indigne de la proposition « Dieu est mort ». Personne ne s’indigne parce que tout le monde y est fait, quoi, même on peut très bien sauver Dieu et dire que le fait que la mort soit en Dieu est précisément la raison pour laquelle Dieu surpasse sa propre mort, ça c’est tout simple. Personne ne s’indigne. Dieu est mort, Dieu est mort, ça veut dire quoi ? Ça veut dire : l’homme a pris la place de Dieu. C’est très connu, ça. C’est une histoire très connue. Elle fut effectuée du point de vue de la pensée par Feuerbach, c’est Feuerbach qui met l’homme à la place de Dieu, qui dit : ce n’est pas Dieu qui est originaire et l’homme qui est dérivé, c’est l’homme qui est originaire et Dieu qui est dérivé. Dieu est un renversement de l’homme. Dire « Dieu est mort » et mettre l’homme à la place de Dieu, c’est le renversement du renversement. Voyez un livre admirable de Feuerbach qui s’appelle L’essence du christianisme. Feuerbach est, comme on dit, un hégélien de gauche, un des plus grands philosophes de la gauche hégélienne. Bien.

Donc le remplacement de Dieu par l’homme, c’est, comment dirai-je, c’est vraiment une... c’est devenu une vraie... comment dire... enfin, vous voyez, un truc qui va de soi. Et il arrive souvent que l’on en fasse crédit ou débit à Nietzsche, en disant : Nietzsche ? Ah oui, c’est le penseur de la mort de Dieu ! Rien du tout ! Vous savez : rien du tout ! Pour une raison très simple, c’est que au moment où Nietzsche écrit, mais, la mort de Dieu, c’est déjà une espèce de Lapalissade, ça traîne partout. Alors, vous pensez, un penseur comme Nietzsche qui irait reprendre un truc qui aurait déjà été dit mille fois... Il n’y a même pas besoin de l’écrire, Feuerbach l’a dit, l’a redit, tout ça. Nietzsche, mais à la lettre, si vous voulez un peu comprendre Nietzsche, ça éclate dans les textes de Nietzsche, la mort de Dieu, c’est absolument pas son affaire. C’est pas son affaire et dans tous les textes de Nietzsche où il parle très souvent de la mort de dieu, c’est en trouvant ça extrêmement drôle. C’est des textes de grand comique de Nietzsche, qui a une puissance comique énorme. Ça le fait rire ! Et ça le fait rire uniquement... pas du tout parce que dieu meurt, ça c’est une chose très triste, mais ça le fait rire parce que c’est un truc qui a tellement été dit à son époque que s’il éprouve le besoin de le redire, c’est, comme il le dit lui-même, pour y ajouter quelques versions inédites.

Alors il va inventer des versions, il donne sept ou huit versions, euh, si on a fini euh... ce que je voudrais dire sur Foucault à temps, euh... je verrais, on verrait de plus près cette année les rapprochements possibles de Foucault avec Nietzsche et, là, on envisagerait cette question de la mort de Dieu chez Nietzsche où il donne des versions, il invente des versions. C’est très bien : Dieu meurt, mais comment Dieu meurt-il ? Alors il va dire : cette version-là, une autre version, une autre version... elles sont toutes parfaites les versions que Nietzsche propose. Donc on peut dire qu’il apporte du nouveau sur le comique des versions. Il fait rire et, Nietzsche, c’est celui qui, pas du tout annonce la mort de Dieu, elle est déjà annoncée, c’est une très vieille nouvelle, vous savez, une très vieille nouvelle, euh... il n’y aurait pas de quoi, pas de quoi... oui. C’est celui qui varie à l’infini les versions de la mort de Dieu. Bon, mais alors, ce qui est très important chez Nietzsche, c’est que, avant lui, ceci, la mort de Dieu était l’annonce que l’homme prenait la place de Dieu. C’est ça que Nietzsche renverse. Ce qui intéresse Nietzsche, c’est pas la mort de dieu, c’est la mort de son successeur, c’est la mort de l’homme.

Pourquoi ? Parce que l’idée de Nietzsche, elle a été développée admirablement par Klossowski dans son livre sur Nietzsche et, le cercle vicieux, c’est que Dieu est le garant de l’identité et que, si Dieu meurt, il n’y a plus de garant de l’identité, c’est-à-dire l’homme ne peut plus être identifié. Donc la mort de Dieu contient déjà, comme par avance, la mort de son successeur, la mort de l’homme. Et, là où Nietzsche est nouveau, c’est exactement la même histoire, si vous voulez, que dans l’histoire, dans la discipline historique, au niveau de Marx. Les historiens bourgeois du XIXème siècle, c’est eux qui inventent la notion de classe, mais, bizarrement, ils stoppent les classes à un certain moment. Toute l’histoire du XIXème siècle est construite sur la lutte entre deux classes : aristocratie et bourgeoisie. Chez des auteurs qui n’ont rien de révolutionnaire, du type Guizot. Guizot fait toute une histoire de la lutte des classes. Lorsqu’on dit aussi que la lutte des classes c’est une idée des marxistes, c’est absolument faux. C’est une idée des historiens bourgeois du XIXème siècle. Toute la révolution française au XIXème siècle est interprétée comme la victoire de la classe bourgeoise sur la classe aristocratique. Simplement, quand ils arrivent à la classe bourgeoise, ils estiment qu’elle est l’universel, qu’elle est la classe universelle.

C’est la classe des droits de l’homme, donc c’est la classe de l’universel, donc il n’y a pas d’autre classe, donc ils se trouvent... la bourgeoisie, les bourgeois se trouvent devant ces êtres bizarres qui disent : nous sommes une classe, qui prennent une position de classe, à savoir les prolétaires. Et les grandes discussions, là, les discussions importantes au XIXème, c’est : est-ce que l’on peut considérer les ouvriers comme une classe ? Guizot veut bien que la bourgeoisie soit une classe et qu’il y ait lutte de classes par quoi la bourgeoisie triomphe de l’aristocratie, il ne veut pas qu’il y ait une classe ouvrière. Et vous voyez pourquoi il bloque : c’est pas seulement en fonction de ses propres intérêts qu’il bloque les classes là, il bloque les classes à cet endroit parce que la bourgeoisie est porteuse de l’universel. Comment y aurait-il une classe après, ou au-delà ou en- dessous ? Bien.

Et qu’est-ce que fait non seulement Marx, mais tout le mouvement socialiste au XIXème ? C’est montrer que la lutte des classes ne s’arrête pas avec la bourgeoisie, qu’il y a une troisième classe. Que le prolétariat est une classe. Et, bien plus, que c’est elle - et la même histoire recommence - d’une certaine manière, que c’est elle, la classe ouvrière ou le prolétariat, qui porte l’universel. Ça va si loin que, dans les textes de Marx romantique, les textes de la période romantique de Marx, vous avez perpétuellement le thème : qui est homme, et rien qu’homme ? Et la réponse de Marx, c’est, c’est forcément le prolétaire parce qu’il n’a ni famille ni patrie, il est aliéné etc. etc. Il n’a donc aucune qualité, il est soumis au travail abstrait, à la loi du travail abstrait, il est homme et rien qu’homme. Par là-même il est porteur d’universel. Vous voyez : tout le problème c’est bien, après la bourgeoisie, pointe un troisième sujet, une troisième position de classe. Je dirais : c’est la même chose dans l’histoire : la mort de Dieu / la mort de l’homme.

Pour Feuerbach, les changements de formes s’arrêtent avec l’homme, l’homme est porteur de l’universel. Donc, dans une lutte qui est celle de l’histoire elle-même, l’homme remplace Dieu. Et puis voilà. Chez Nietzsche, vous avez la protestation, un équivalent de la protestation marxiste, mais en un tout autre sens, je ne veux pas dire du tout que ce soit la même chose. Lui il dit : mais pas du tout ! Bien plus : la mort de Dieu, c’est pas très grave parce que..., c’est pas très important parce que, lorsque l’homme prend la place de dieu, ben, finalement, ça revient tout à fait au même et, en fait, la mort de Dieu contenait déjà la mort de l’homme parce qu’il n’y a plus d’identité ou d’identification possible lorsque dieu est mort. Alors qu’est-ce qui se passe ? Bon, vers un nouvel âge, âge du surhomme, ça veut dire quoi ? Ça ne veut pas dire des choses extraordinaires. Ça veut dire : les forces composantes dans l’homme affrontent ou vont affronter des forces du dehors d’une autre nature.

Et cette confrontation, cet affrontement composera une forme nouvelle qui ne sera plus ni celle de Dieu, ni celle de l’homme. Alors qu’est-ce que ce sera ? Qu’est-ce qui se passe à ce troisième niveau ? Qu’est-ce que c’est que ces forces ? On avait vu que, pour l’âge classique, c’était : forces de l’infini. Pour le XIXème : forces de la finitude. Qu’est-ce qu’il y a d’autre que l’infini et le fini ? On a l’impression d’avoir épuisé, là, comme avec aristocratie-bourgeoisie, qu’il n’y a rien d’autre... Après l’homme, il y a... ou bien le néant ou bien : il faut que l’homme dure. Nietzsche, lui... il y a une espèce de pari chez Nietzsche. Non, il pense qu’il peut y avoir d’autres formes.

Alors est-ce qu’il va nous dire quelque chose sur ces autres formes, sur qu’est-ce que c’est ce surhomme ? « Surhomme » c’est, pour le moment, un nom vide pour désigner l’autre forme. Qu’est-ce que c’est que ces forces qui ne sont ni celles de l’élévation à l’infini, ni celles de la finitude ? Qu’est-ce que c’est ? Qui dépasseraient des forces qui ne répondraient plus à la dualité fini-infini ? On ne pourrait même plus dire si c’est fini ou si c’est infini, parce que ce serait d’une autre nature encore. Sentez que la physique n’a pas cessé aussi de chercher de ce côté-là, quand tout à l’heure j’invoquais le silicium. C’est très curieux comme ça retentit avec l’évolution des sciences, hein, toutes les tentatives pour constituer une espèce de fini illimité. Je mélange tout : l’éternel retour, qu’est-ce que c’est chez Nietzsche ? C’est une manière de dire quelque chose qui n’est plus ni fini ni infini.

Bon, cette troisième forme ce serait donc « surhomme ». Mais ça voudrait dire quoi ? Je reviens à Foucault : les forces composantes dans l’homme s’unissent à des forces du dehors d’un nouveau type, d’un troisième type. Je peux mieux dire maintenant : les forces de l’âge classique, c’était des forces cumulable à l’infini, l’élévation à l’infini, des forces cumulables à l’infini. Les forces du XIXème c’est essentiellement des forces de diffraction, des forces de différenciation ; différenciation des embranchements de la vie, différenciation des familles de langues, c’est pour ça que la science devenait une science comparée ; différenciation des modes de production. Bien, les forces de finitude je crois, ce serait facile de développer ça, les forces de la finitude sont des forces de diffraction, les forces de divergence, de différenciation ; les forces de l’infini sont les forces de l’accumulation et de la sériation, de la mise en série. Qu’est-ce que c’est les nouvelles forces ? Et comment, avec les forces composantes dans l’homme constitueraient-elles autre chose que l’homme ? Bon, écoutez, on arrête là, parce que j’ai l’impression que ça ne va plus, que, depuis la récréation, là...

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