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13- 25/02/1986 - 3

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Gilles Deleuze / Foucault - Le Pouvoir cours 13 - 25/02/1986 - 46 min 11 Transcription : Annabelle Dufourcq (avec l’aide du College of Liberal Arts, Purdue University)

Il ne parle pas du visible et de l’énonçable. En revanche il fait la plus pure et la plus complète théorie de l’énoncé dans livre et le visible a disparu. Et, au lieu d’une dualité énoncer-voir ou énonçable-visibilité, au lieu d’une telle dualité, il y a une dualité milieu discursif, formation discursive (à quoi répond l’énoncé) et milieu ou formation non-discursive. Donc je peux dire que dans L’archéologie du savoir, il y a mise entre parenthèses de la visibilité comme forme positive et que ce qui n’est pas l’énoncé est simplement désigné de manière négative : milieu non-discursif.

Je me dis : comment expliquer ça, que L’archéologie du savoir court-circuite le visible et s’en tienne à une théorie de l’énoncé, s’il est vrai que le savoir a deux pôles ? C’est là où je m’avance un peu, je dis : à mon avis, c’est parce que, de tout temps, l’énoncé avait le primat. Si l’énoncé a le primat, on peut concevoir que, dans un livre qui traite de l’énoncé, l’autre pôle ne soit plus désigné que négativement, puisque ce n’est pas le pôle essentiel du savoir. Ça me force à dire, au moins - une fois que j’ai fait cette hypothèse qui rend compte d’un problème réel chez Foucault - ça me force à me dire : s’il était vrai que c’est l’énoncé qui a le primat, pourquoi aurait-il un primat ? Pourquoi est-ce que l’énoncé dans le langage aurait un primat sur le visible dans la lumière ? Donc je suis forcé de m’avancer encore un petit peu et de dire : eh bien oui, il y aurait une manière qui consisterait à répondre : finalement le visible est une dépendance de l’énoncé, on ne voit que ce qu’on dit, ce serait une première hypothèse à vérifier. C’est-à-dire le visible c’est un simple produit du langage. Bon. Je me dis... alors peut-être que certains d’entre vous pourraient se dire : ah ben oui, cette hypothèse elle est suffisante, elle est bien, elle me convient. Moi, elle ne me convient pas, pourquoi ? Pare qu’à ce moment-là il faudrait supprimer les textes, le nombre de textes infini de Foucault où est toujours posée une irréductibilité du visible à l’énonçable. Ce sont deux formes irréductibles et je ne vois pas le moyen... il n’est jamais revenu sur ces textes. Certains comme le texte sur Magritte, Ceci n’est pas une pipe, sont des textes tardifs, euh... Donc : impossible de faire du visible une dépendance de l’énonçable. En revanche, lorsque je dis « l’énoncé a le primat sur le visible », lorsque je dis cela, je ne dis pas du tout que le visible se réduise." Avoir le primat sur" ne signifie pas se laisser réduire. Alors tout ce à quoi je m’engage c’est à essayer de dire en quoi...

Dans la mesure où, d’autre part, la fonction du langage est la production d’énoncés, il s’agit de produire des énoncés, je peux dire : l’énonçable est la forme de spontanéité du langage, d’où l’importance de la différence que Foucault a faite - c’était l’objet de nos analyses au début - l’énoncé diffère en nature, n’est pas la même chose qu’une phrase ou une proposition, car en [ ?] l’énoncé dans sa différence avec phrase et proposition, je crois que Foucault veut dégager la forme sous laquelle le langage exerce une spontanéité. Alors, si vous m’accordez ceci, mais c’est beaucoup demander, ça, j’en suis conscient, si vous m’accordez ceci, il n’y a plus tellement de difficultés.

Car je peux dire : si l’énoncé a le primat c’est parce que l’énoncé est forme de spontanéité tandis que le visible est seulement forme de réceptivité et il appartient à la forme de spontanéité de déterminer la forme de réceptivité. La forme de spontanéité, qu’est-ce que c’est que la spontanéité ? C’est l’acte de détermination. Euh, tandis que : que qu’est-ce que c’est que la réceptivité ? C’est la forme du déterminable, le réceptif c’est ce qui est déterminable. Dès lors : dire « l’énoncé a le primat », c’est dire : c’est l’énoncé qui est déterminant, le visible est seulement le déterminable. Est-ce que ça éclaircit ? Ça éclaircit ? Interlocuteur : ? je ne comprends pas pourquoi le pouvoir d’affecter a le primat sur le pouvoir d’être affecté ? Deleuze : c’est une nouvelle difficulté, mais je dirais : au niveau des rapports de forces, il ne peut plus y avoir de primat ; le primat est d’une forme sur une autre forme, les rapports de forces ne passent pas par des formes. Donc il n’y a pas de primat, ou, du moins, on verra qu’il y a un primat, mais c’est, dans les rapports de forces, pour un troisième élément qui n’est ni le pouvoir d’affecter ni le pouvoir d’être affecté, qui va être autre chose. Bon, ça va ? C’est clair tout ça ?

Mais je pense que ça peut être l’impression de beaucoup d’entre vous que, cette année, ce qu’on fait depuis le début semble parfois extrêmement abstrait. Alors ça m’ennuie beaucoup parce que, évidemment, c’est le plus fâcheux et ça ne devrait pas être comme ça. Alors je voudrais ajouter une recette pour ceux qui trouvent que ce qu’on a fait reste abstrait. [ Je ne peux pas discuter d’une impression.. Je crois, pour rendre tout ça concret, il faut prendre des jalons. Le premier jalon, le premier point de repère quant au savoir, c’est : il faut que les choses vous disent quelque chose. Il faut que ça vous dise quelque chose. Si ça ne vous dit rien... Je parle... quand je dis « Il faut que ça vous dise quelque chose », j’entends bien : tout ne se passe pas par une compréhension, la compréhension est abstraite.

Mais si quelque chose vous dit, là on est dans le concret. Ce qui devrait vous dire quelque chose au niveau de l’analyse du savoir, c’est : dans quelle situation est-ce qu’on voit bien, est-ce qu’on se rend bien compte que voir et parler ce n’est pas la même chose ? Là c’est concret. Ça c’est un point concret. Parler ne s’enchaîne pas avec voir, mais entre voir et parler il y a bataille, il y a différence de nature au point que, encore une fois, je vois ce dont je ne parle pas et je parle de ce que je ne vois pas ; ça c’est très concret, on peut avoir l’impression que oui..ça rend bien compte du statut de l’audiovisuel. Et je vous disais : tout l’effort du cinéma contemporain, sous un de ses aspects, c’est creuser ces différences, ces divergences entre voir et parler.

Alors ça, je tiens à ça. Je dis : s’il y avait une source concrète de toutes les analyses que je vous ai proposées sur le savoir, c’est-à-dire sur l’intrication voir - parler, ce serait là, la source concrète.
-  Qu’est-ce qui se passe entre voir et parler ?

Pour ce qu’on a fait sur le pouvoir, alors... Si ça ne vous dit rien, c’est que ou bien j’ai raté ou bien c’est vous qui ne répondez pas à un thème, ça peut arriver, c’est un thème qui ne vous dit rien, à la lettre. Alors là je suis impuissant, je ne puis quelque chose que dans la mesure où il y a une complicité, c’est-à-dire que dans la mesure où ça vous dit quelque chose. Au niveau du pouvoir, je dirai la même chose. Ce qui est très concret, la source concrète de toutes les analyses sur le pouvoir, ce serait quoi ? Ce serait cette idée que, dans toutes nos expériences même quand on ne s’en rend pas compte, nous nous heurtons au pouvoir, c’est-à-dire que le pouvoir est toujours un ensemble de micro-pouvoirs et ce sont ces micro-pouvoirs que Foucault prétend analyser.

Mais l’idée que nous nous heurtons constamment au pouvoir... ce sont des choses aussi simples, oui, l’idée que je ne peux pas traverser la rue ou que je ne peux pas arrêter ma voiture sans qu’il y ait un flic possible, mais ça... avec une contravention... mais il me suffit d’une chose aussi simple pour que tout devienne concret. On n’arrête pas de se heurter au pouvoir. Bien, alors, si notre vie est comme balisée par des micro-pouvoirs que nous exerçons et qui s’exercent sur nous, pouvoir d’affecter, pouvoir d’être affecté, en quoi consistent ces rapports de pouvoir etc. ?

Et enfin, troisième point concret : est-il vrai que ces rapports de pouvoir sont comme un tissu qui rende compte, chez nous, des rapports entre voir, quand nous voyons, et parler, quand nous parlons ? C’est ça, il me semble, qui est concret. Alors, j’ai l’impression que si ces thèmes, ces 3 thèmes très concrets, très très simples...C’est pas de la philosophie là, c’est comme des repères dans notre expérience vécue. Je vous dis : dans l’expérience vécue... voilà l’expérience vécue que Foucault... si on n’a pas de complicité avec cette expérience vécue, euh, vous aurez beau comprendre tout ce que je dis, ça restera abstrait. Ces trois points de complicité vécus, si je me sens euh... en affinité avec Foucault, c’est parce que je participe à ces trois points, pas de la même manière sûrement, d’une autre manière. Si je ne participais pas à ces trois points au nom d’une espèce d’expérience vécue, c’est évident que je ferais autre chose qu’un cours sur Foucault. Alors, si j’essaie de redire... Voilà : il faut que, dans votre expérience vécue, vous ayez un certain problème, même spontané, même involontaire, quoi, un certain problème : qu’est-ce qui se passe entre voir et parler ? Je conçois très bien : vous pouvez être extrêmement intelligent, extrêmement créatif, tout ce que vous voulez, et que vos problèmes ne passent pas par là. Je dis : ce qui est sûr c’est que Foucault n’était pas le seul, même en art puisque, encore une fois, tout le cinéma contemporain joue sur cette béance entre voir et parler, cet « entre », « qu’est-ce qu’il y a entre voir et parler ? »

Je dirais, par exemple, si vous prenez un autre philosophe considérable : chez Merleau-Ponty, vous ne trouverez jamais un problème de ce type, pour lui parler s’enchaîne avec voir. C’est une prise de conscience très spécifique de certaines situations de vision et de certaines situations de parole. Si vous me dites là-dessus : pourquoi est-ce que Foucault valorise ces situations de vision et de parole où se déclare un hiatus entre voir et parler ? Je vous dis : ah ben non, ça revient à dire « pourquoi Foucault dit-il ce qu’il dit ? », ben c’est parce qu’il est Foucault, j’en sais rien pourquoi, c’est ça qu’il avait besoin de dire et envie de dire, donc... La première complicité ça doit être ça. Je vous dis la seconde complicité, c’est les micro-pouvoirs qui forment un tissu auquel on ne cesse de se heurter dans notre vie. C’est l’expérience que Foucault appelle l’expérience de l’homme infâme. L’homme infâme, c’est celui qui, comme une mouche ou comme un papillon se heurte sans cesse..., c’est assez proche de l’expérience kafkaïenne des bureaux dans Le château, toujours un bureau à côté du bureau, bon... Tout un système de micro-pouvoirs. Alors, bon, moi j’essaie de... j’essaie..., si j’essaie de le traduire dans mon expérience. C’est pas une expérience personnelle .« Expérience vécue » ça ne veut pas dire « une expérience personnelle », ça veut dire « ce qu’on remarque dans la vie ». Moi je suis frappé..., alors là je ne fais plus du Foucault, je suis frappé..., alors je vous l’ai dit, dans l’expérience de la vie la plus quotidienne, comment on saute d’un micro-pouvoir à un autre. Je vous disais dans un ménage, la distribution des micro-pouvoirs, hein. Quand un bonhomme rentre le soir ou quand une femme rentre le soir : « quelle tête tu fais » dis l’un à l’autre. « Ah quelle tête tu fais ». C’est marrant : « quelle tête tu fais », bon, c’est-à-dire la convocation à parler, ou la convocation à montrer, explique-toi. Je vous le disais l’année dernière, parce que, ça, je le vis, il faut que vous le viviez aussi ou bien c’est abstrait, je vous disais : moi ce qui me frappe dans la vie, c’est pas du tout que les gens n’arrivent pas à s’exprimer, c’est qu’on les force à s’exprimer quand ils ont rien à dire. Et c’est ça le pouvoir. Qu’est-ce que c’est le pouvoir de la télé ? Qu’est-ce que c’est le pouvoir des journaux [ ?]. Bon, il téléphone à un pauvre type et il lui dit : « exprime-toi, dis un peu ton avis ». C’est quelque chose d’effarant, on est convié dans les sociétés disciplinaires, on est convié du matin au soir à donner notre avis, mais sur des trucs... [ ??] ou pas souvent en tout cas, pas sous la forme de cette question-là, c’est... Bien : ça c’est un micro-pouvoir. Quand je vous dis : le pouvoir fait voir et fait parler, on te forcera à parler, je dirais, à ce moment-là, c’est pas seulement la télé. Et, en effet, dans les ménages... et c’est forcé, je ne dis pas que ce soit mal. Comment faire autrement ? Se taire, c’est pas bien, ça finit par être pesant. Tout ça c’est sans issue, mais c’est la bouillie de l’expérience vécue. Si je rentre fatigué, je me réclame du droit de ne pas parler. C’est délicieux, ne pas parler. Mais c’est fantastique : ne pas avoir d’avis ! Ah, mais c’est une joie ! Alors, qu’est-ce que c’est les gens de pouvoir ? C’est ceux qui ne savent pas que c’est une joie de ne pas avoir d’avis. Ne pas avoir d’avis, c’est pas du tout être comme le type dans les sondages qui répond « j’ai pas d’avis », hein ? Celui-là il a un avis. C’est bien autre chose. C’est pas non plus garder une intériorité. Ne pas avoir d’avis, c’est faire le vide. C’est faire le vide. Et faire le vide c’est précisément, on arrive à ce que j’ai encore à dire, c’est une manifestation de résistance. Lorsque ne pas avoir d’avis, c’est simplement ne pas avoir d’avis, c’est fâcheux, ces demandes de renseignements. Mais lorsque ne pas avoir d’avis consiste en « sur ce point je fais le vide, parce que ça ne me concerne pas ou ça ne m’intéresse pas », hélas, ça peut être mal aussi, ça peut être complètement se livrer au pouvoir, ça peut être aussi, tout dépend des... ce qui veut dire que tout ça, c’est... je fais appel à des expériences...

Alors s’il y en a parmi vous qui n’ont pas ou qui ne communiquent pas avec ce type d’expériences vécues qui me paraissent à la base de la philosophie de Foucault, c’est que, en effet, ce cours risque pas de leur apporter grand-chose. Et ça arrive, les années changent, on change de sujet tous les ans, il se peut très bien que, une année, ce que j’ai à dire vous dise quelque chose et, une autre année, que ça ne vous dise rien. Mais ce que j’essaie d’expliquer, c’est qu’il y a deux opérations toujours, deux opérations simultanées quand vous avez la...la patience d’écouter quelqu’un, il faut bien vous compreniez d’après les concepts, il faut aussi que vous ayez une sphère d’expérience vécue qui recoupe ce dont il s’agit dans les concepts.
-  Question : inaudible
-  Deleuze : euh, je ne sais... il n’y a pas de rapport spécifique, mais Foucault fait partie de ceux très nombreux qui ont une admiration... Il va de soi que Foucault a été amené à croiser Artaud à beaucoup de niveaux, parce qu’il l’a nécessairement rencontré déjà au niveau de l’Histoire de la folie et dans toute la période où Foucault a essayé de se demander au mieux qu’est-ce que signifiait la folie. Oui, oui, ça, tout à fait. Il y a un rapport, généralement à... Qu’est-ce qui intéresse Foucault ? Quels sont les grands auteurs que Foucault admirait entre la fin du XIXème et le... Ben il y a tout le groupe Raymond Roussel, Brisset, il y a les fous du langage, il y a Artaud, il y a Mallarmé, c’est des grands auteurs de Foucault. Il y a Heidegger, on verra pourquoi. Oui, il connaissait admirablement Artaud. Est-ce que Artaud a exercé sur lui une influence ? Je ne pense pas. Mais qu’il y ait eu amour, admiration d’Artaud, ça me paraît évident.
-  Question : inaudible
-  Deleuze : ouais, mais là, tu comprends, tu me ramène à des notions déjà trop compliquées, à savoir ce que Artaud appellera le vide, alors que, moi, je voulais dire précisément une chose toute simple d’expérience vécue, sans justifier sur les mots, à savoir, je voulais uniquement dire : ben voilà, si vous voulez comprendre par notion ce dont il s’agit, il faut toujours y joindre des complicités vécues. Si vous n’avez pas les complicités vécues, c’est pas de votre faute, c’est que votre expérience est structurée autrement, à ce moment-là, en effet, tout ce que je dis vous paraîtra extraordinairement abstrait. Je crois. Je crois. C’est pour ça que, je vous dis, il faut toujours se laisser aller quand on écoute quelqu’un. C’est compliqué : il faut une double attention, il faut une attention d’après les concepts, parce que si vous vous contentez du vécu... il faut perpétuellement que vous renvoyiez à un vécu quelconque, sinon ça ne marche pas. Les notions doivent être toujours très très difficiles. Le vécu corrélatif doit être d’une simplicité d’enfant. C’est pour ça que, le bon moment, c’est les exemples, les exemples c’est toujours des trucs absolument [ ?], tout simples.
-  Question Comtesse : Ça peut se retourner ça, puisqu’il est possible que plus un homme de pouvoir est sourd, aveugle et muet, plus il est possible aussi de le faire parler. C’est très intzeressant
-  Deleuze : Oui, mais Comtesse tu sais, c’est normal.... Ce que tu dis, c’est très vrai, c’est parce que l’homme de pouvoir il n’est pas pris, il n’est pas épuisé par les rapports de pouvoir. Bien plus les rapports de pouvoir ne se passent pas entre hommes : dès qu’il y a homme, il y a forme. C’est-à-dire : l’homme de pouvoir est forcément amené à parler lui-même et à montrer lui-même ou à voir lui-même, il est forcément amené puisqu’il participe à l’effet, il participe entièrement au savoir. C’est en tant qu’il se présente comme sachant que l’homme de pouvoir parle et voit. Et, en effet, concrètement il n’y a que des mixtes de pouvoir-savoir. L’homme politique invoque un savoir. Il n’invoque pas le fait d’avoir le pouvoir, il invoque toujours un savoir et c’est en tant qu’il invoque un savoir... c’est ce que je vous disais : le pouvoir et le savoir sont strictement inséparables dans le concret. C’est pour ça et c’est en tant qu’il participe au savoir immanquablement que l’homme politique, comme tu dis, est forcément aussi celui qui parle et celui qui voit. « Je vous vois », hein ? Vous regardez les affiches, là. Il nous regarde, quoi, et il nous regarde pour un avenir radieux, il voit et j’ai pas besoin de dire qu’il parle. Mais, s’ils voient et s’ils parlent, c’est pas en tant qu’ils sont termes, des éléments pris dans des rapports de pouvoir, c’est en tant qu’ils sont aussi des formes - ils soignent leur forme comme on dit - des formes prises dans des relations de savoir.
-  Question : ?
-  Deleuze : Comment cela se fait ? Ben là écoute, je m’écroule, tu m’apporte un coup fatal (rires) puisque je pensais ne pas avoir cessé d’expliquer pourquoi pouvoir et savoir étaient strictement indissociables. Cela se fait parce que pouvoir et savoir sont strictement indissociables.
-  Question : [ ?] un exemple ?
-  Deleuze : non seulement dans le concret mais dans l’abstrait, mais de deux manières différentes. Dans le concret parce que l’expérience ne nous présente que des mixtes de pouvoir-savoir. Dans l’abstrait parce que, si les rapports de pouvoir sont causes, ce sont des causes immanentes et que leurs effets, c’est-à-dire les formes de savoir, sont intérieures aux rapports de pouvoir mêmes, il n’y a nulle extériorité. Et encore on va voir le contraire tout à l’heure, maisça fait rien ! Il dit « il n’y a nulle extériorité », parce qu’il n’y a que de l’extériorité, donc on ne peut pas dire qu’il y a de l’extériorité. Enfin, on va voir ça tout à l’heure pour vous achever.
-  Question : ?
-  Deleuze : le quoi ?
-  Question : le pouvoir dont on parle n’est jamais le mien, il est toujours extérieur..
-  Deleuze : tout dépend ce que vous entendez par « le mien ». Si ça veut dire « celui d’une personne qui est moi », non, le pouvoir n’est jamais le mien. Si vous entendez « d’une singularité qui est en moi », là, le pouvoir est le vôtre. C’est-à-dire, là, on n’a pas encore abordé parce que, là aussi il faudra que ce soit concret, la personne - ou l’individu, c’est déjà pas la même chose, mais mettons, identifions-les - la personne ou l’individu d’une part et, d’autre part, les points singuliers, les singularités sont deux instances complètement différentes. Par exemple : on ne dit pas notre histoire, donc, par exemple, je prends ma craie. Euh, ceux qui répondraient à l’un de ces noms, vous me voyez tout à l’heure. Voilà... Les noms là, hein. Voilà une forme. C’est un bonhomme hein. Voilà, ça c’est une forme. Mettons que ce soit un individu. Il dit « moi ». Bon, c’est une forme, [ ?]. Cette forme, je suppose, c’est une supposition, que ce soit une enveloppe de singularités. [ ?]. Ces singularités n’existent pas hors de lui, elles lui appartiennent. Mais c’est un autre domaine. C’est un autre domaine. Qu’est-ce que c’est, ces singularités ? Par exemple, vous voyez quelqu’un, vous voyez quelqu’un, vous vous dites : oh, c’est bizarre, celui-là tout s’organise par exemple autour de sa nuque, il se tient comme ça, euh, déjà vous avez les singularités de perception. Vous allez faire de la nuque, dans ce cas, c’est pas forcément vrai pour tous, il y en a qui ont une nuque neutre, il y en a qui ont une nuque très accusée, comme si tout leur visage s’organisait autour de la nuque. Vous allez dire : bon ! C’est une singularité de [ ?], vous retenez, et puis, vous voyez en même temps - et vous ne comprenez pas - faire une énorme colère. Avec toutes les caractéristiques d’une colère, mettons, paranoïaque. Un type bizarre. Je prends exprès un exemple, un autre trait qui n’est pas physique, un trait psychique. Vous allez mettre « autre singularité », vous les notez. Vous faites le tableau des singularités de quelqu’un, c’est un jeu innocent, sans intérêt et innocent. « Nuque », « colère explosive ». Et puis, après sa colère, il vous dit « au revoir » et vous vous dites « quelle drôle de manière de tendre la main ». Vous voyez, c’est bizarre. Cette fois-ci c’est un geste, comme on dit, un geste qui n’appartient qu’à lui. Pourquoi on aime ou on déteste les gens, c’est jamais à cause de leur forme hein, c’est à cause des singularités qu’on a repérées chez eux. Je connaissais quelqu’un, moi, dont la manière de dire au revoir me paraissait si mystérieuse que je n’ai jamais pu la déchiffrer. Car... c’est important ça. Car, quand il disait au revoir, il faisait toute une série de mouvements, alors c’était un dynamisme spatio-temporel très étonnant. Son bras était le long de sa jambe. Premier temps du dynamisme : il levait le bras ; il restait collé, le bras, mais il l’amenait là. Et le bras restait toujours collé. Et il ouvrait la main et on était convié à y glisser la sienne, mais il effleurait le bout des doigts. Bon, quand on tombe là-dessus, on n’oublie pas. Troisième singularité. Je dirai : nous avons une forme, qu’on peut appeler à la fois... nous avons une forme... en tant qu’individu nous avons une forme corporelle, je dirais que c’est la forme organique. Nous avons une forme psychique. Nous avons une forme morale. Enfin, les meilleurs d’entre nous ont une forme métaphysique. Beaucoup de formes hein. C’est en fonction de ces formes que je dis : mon corps, mon âme, moi etc. Je dirais : c’est le domaine des formes, ça. Mais il y a autre chose. Finalement les formes sont des paquets ou des enveloppes de singularités, nous enveloppons des points singuliers qui n’existent qu’en nous et qui, pourtant, ne sont pas nous. Alors il y a telle singularité : ah ! Elle vient de mon grand-père. Elle s’est plantée là, elle s’est plantée en moi. Finalement nous sommes un paquet... je voudrais que vous compreniez. Là aussi : ou bien ça vous dira quelque chose, mais il faut le vivre comme ça et vous ne vous forcerez pas. Si vous le vivez pas comme ça, vous vous vivez autrement et ce sera très bien aussi. [ ?] Euh des paquets de singularités, euh, un paquet de corps étrangers. Moi je me vis bien comme ça : je suis un paquet de corps étrangers. Alors, euh, j’ai l’air d’un moi, j’ai toutes les apparences d’un moi poli, mais c’est absolument une enveloppe de corps étrangers, il n’y a que ça, il n’y a que des corps étrangers. Alors, on enveloppe un certain nombre - on n’en a pas une infinité - de corps étrangers.

Pensez à la manière dont, par exemple, euh, Proust décrit le baron de Charlus, c’est une merveille quand il dit, là, dans une page inoubliable, « la voix de Charlus enveloppait une nichée de jeunes filles ». La voix de Charlus, quand Charlus tout d’un coup se met à parler aigu, la voix de Charlus enveloppait une nichée de jeunes filles. Ce sont les singularités de Charlus. Douze, vingt, quarante jeunes filles hantent la voix de Charlus. Euh. Il y a des animaux en nous, mais pas des animaux comme formes. Il y a des animaux comme singularités en nous, c’est pas la même chose qu’une forme, jamais personne n’est une vache parmi les hommes, mais il y a des hommes qui ont des singularités bovines.

Alors je dis l’ensemble de singularités que j’abrite en mon sein, et bien c’est d’une autre nature que mes formes, mon corps, mon âme etc. Et l’on retrouverait, là, le domaine des formes et le domaine des rapports de forces. Les rapports de forces et les rapports d’un point singulier à un autre. Quel rapport y a-t-il entre telle singularité - la nuque - et telle explosion de colère ? Là il y a un rapport de forces. Ce serait ça le pouvoir.

Et je dis, à la lettre, vous c’est quoi ? Tout dépend ce que vous appelez « vous-même », ce que vous appelez « moi ». Oui, on peut toujours dire moi, faut pas s’indigner, faut pas dire : je ne dirai plus moi, il faut bien parler comme tout le monde. On dit bien « le soleil se lève » alors que le soleil il ne se lève pas, hein, c’est la terre qui tourne, on continue à dire « le soleil se lève », il n’y a aucune raison de changer, aucune raison d’en dire moins, mais ça n’a aucune importance. Un certain nombre de gens savent que, le moi, il n’y en a pas, mais on continuera à dire le moi, parce que le moi c’est précisément une habitude ; alors on tient à ses habitudes. C’est pas qu’on ait l’habitude de dire moi, c’est le moi qui est une habitude. J’ai habitude avec moi-même, alors le moi c’est celui de l’habitude. Bien, mais qu’est-ce que je suis ? On peut vivre comme ça, mais qu’est-ce que je suis ? Je suis un tissu de singularités. Un tissu de singularités et puis mes formes physiques ou psychiques, c’est des courbes qui unissent ces singularités. Si vous vous vivez comme ça, d’abord la vie vous deviendra beaucoup plus plaisante. Si vous vous vivez comme une courbe intégrale, là, qui se ballade et qui entoure des singularités d’une autre nature, oui, vous pouvez décider de... enfin il ne faut pas vous forcer. Ou bien ça vous dit quelque chose ce que je dis, ou bien ça ne vous dit rien et vous vous dites : il est en train de délirer. C’est un bon critère, ça, parce que si vous vous dites [ ?] ou il délire, si vous vous dites ça, c’est que vous n’avez pas... et, là, ce n’est pas du tout un reproche, vous n’avez pas cette complicité vécue au niveau de cette année. L’année prochaine il se peut que je parle d’autre chose avec quoi vous aurez une complicité vécue. Si ce que je dis vous dit quelque chose de très confus, puisque je parle uniquement, là, de cette structure du vécu, si ça vous dit quelque chose, alors, oui, à ce moment-là, tout ce qu’on raconte depuis le début est bon, c’est-à-dire vous ne pouvez plus considérer que c’est abstrait, c’est pas abstrait. Simplement il faut être sensible, je crois, à ceci... Du point de vue des concepts, ça devient toute une affaire : donner un statut des singularités, donner un statut des intégrales qui passent au voisinage des singularités... ; finalement la courbe intégrale va avoir comme produit : moi. Et la courbe, elle entoure bien autre chose que moi. La courbe, elle cerne les singularités constitutives. Alors, vous voyez, il peut y en avoir une qui vient d’un grand père, elles sont tellement... c’est-à-dire appartenir à une lignée génétique. Il y en a une autre qui me vient, par exemple, d’un rapport avec un ami, euh... Là ce sera une singularité acquise. Il y en a une autre... est-ce que c’est moi qui l’ai créée, mais quel moi ? De toute manière on est constitué de singularités. Alors, ce qu’on appelle un caractère, c’est une moyenne des singularités de quelqu’un. On fait toujours une moyenne des singularités. Alors on dit : ah ben oui, il a l’habitude de se mettre en colère, c’est pas ça la singularité, la singularité c’est la circonstance précise d’une, d’une seule mise en colère qui, d’une certaine manière, contient toutes les autres, c’est ça la singularité. Si vous faites une moyenne où vous concluez : ah ben oui, moi, je suis coléreux, vous êtes dans le domaine des formes, vous n’êtes plus dans le domaine des singularités, des singularités ponctuelles. Mais, encore une fois, si ceci ne vous dit rien, c’est excellent. Si ceci vous dit quelque chose, c’est très bon, vous vivez ainsi. Si ceci ne vous dit rien, c’est très bon aussi, vous vivez autrement.
-  Question : inaudible ?
-  Réponse : ah oui, ça je vous réponds tout de suite... parce que je supposais... votre remarque est très très juste, je suppose que l’autre aspect va un peu de soi puisque, pour tous les gens, le pouvoir ça consiste à affecter les autres. Ce qui est plus original c’est l’idée de Foucault que fait partie non moins du pouvoir, le pouvoir d’être affecté par les autres. Exactement et là ça correspond, pour répondre à quelqu’un qui me parlait tout à l’heure, ça correspond exactement à l’idée de Nietzsche, à savoir qu’être dominé n’est pas moins de la volonté de puissance qu’être dominant. Ça c’est toute à fait... c’est la transcription par Foucault de l’idée nietzschéenne.
-  Question : inaudible
-  Deleuze : ah complètement ! On considère les deux versants une fois dit que les deux versants ne forment une espèce de distinction duelle que approximativement car ce qui compte bien plus c’est les mille manières d’être dominé, les mille manières d’être dominant, c’est-à-dire c’est la multiplicité qui compte beaucoup plus que le [ ?].
-  Question : le moi fermé, le moi bourgeois ,e rend pas compte de certaines singularités (inaudible)
-  Deleuze : Je comprends, oui, je comprends ; Je dirais... je distinguerais... Je ne dirais pas « moi ouvert » et « moi fermé », car, au niveau de l’ouvert, il n’y a plus de moi, au niveau de l’ouvert il y a des jets et des répartitions de singularités, il n’y a plus rien qui ressemble à un moi. Euh... et là aussi, vous comprenez, j’ai toujours été... Je ne comprends pas, il y a quelque chose que je ne comprends pas. C’est quand on fait de la philosophie nationale, quand on fait de la philosophie comme nationalité. Il n’y a que que Nietzsche [ ?], oh bien oui, les allemands, c’est bizarre leur philosophie, ils pensent comme ceci, voilà les grands traits... sinon tous les autres [ ?]. Il n’y a que Nietzsche qui sait parler de la pensée anglaise, la pensée allemande, la pensée française sans que ça tombe dans le grotesque. Il avait une méthode sans doute.... Et une des choses qui me paraît importante c’est que, dans ces caractéristiques nationales des philosophies, c’est que les français ils ont toujours patau... non j’ai tort de dire patauger parce que ça a l’air d’être péjoratif et c’est pas du tout ça.... ils ont toujours évolué dans le moi. Ils ont fait du moi une catégorie philosophique. Au point que nous... [ ?] on nous dit toujours : ça commence avec Descartes « moi je pense », et, bien sûr, c’est pas le moi ordinaire, on le sait, on apprend ça, c’est pas le moi ordinaire. Et, bizarrement, ça s’exprime sous la forme : « moi je pense ». Les allemands, eux... alors ça, les allemands ils en restent pas au « moi je pense », qu’ils ne trouvent pas clair, il leur faut une forme pure. Une forme pure : le je. Et la différence entre le moi et le "je", c’est que le moi est à la rigueur constitué, mais le "je" c’est le pur constituant. Les allemands s’élèvent jusqu’au fondement, ils ne peuvent respirer qu’au niveau du fondement. Euh... les anglais c’est très curieux. Vous savez à quoi on reconnaît un penseur anglais ? Et je me demande pourquoi. Dans le cas des français et des allemands il y aurait des moyens de répondre. Mais les anglais [ ?] parce que, eux, c’est des philosophes et vous les reconnaissez à ceci, tout de suite, c’est que « je », pour eux, ça ne veut strictement rien dire et est-ce que c’est par hasard que c’est les mêmes qui prennent comme méthode de la philosophie quelle expérience vécue quand je dis tel mot, quelle expérience vécue... ça a été ça l’acte fondateur de la philosophie anglaise, ça a été : je dis un mot - d’où le rattachement au langage dès le début de leur philosophie - je dis un mot : quelle expérience vécue puis-je exhiber, puis-je montrer comme correspondant à ce mot ? Alors...

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