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15- 07/04/81 - 2

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2.6 Mo MP3
 

Transcription Chloé Molina-Vée Gilles Deleuze 7/04/1981 15B

... son idée d’une couleur dominante, bon, son violet par exemple, et, il faisait une première gamme. Là il était peintre, c’était ça d’être peintre. Il faisait une première gamme. Gamme que je peux appeler, vous allez voir pourquoi, "gamme de lumière". Il faisait sa gamme de lumière. Vous sentez à quel point, on est déjà, ça va frôler, en effet, il faudra que vous me posiez la question et à laquelle je répondrai pas :
-  "et bah, il substituait au cliché de départ un nouveau cliché". C’est évident, c’est pour ça que..., que il pouvait pas rester longtemps dans cette technique. Bon, il faisait sa gamme de lumière, ça veut dire quoi ? Il avait la photo projetée et il peignait le tout en violet, le violet choisi, mais en allant des zones claires aux zones sombres.

-  Qu’est-ce que ça voulait dire au niveau de la peinture ? Ça veut dire que pour les zones claires, il mélangeait son violet à du blanc (ça c’est un acte de peindre) et que pour les zones sombres, il y avait de moins en moins de blanc et à la fin même pas de blanc du tout, c’était le pur violet jailli du tube. Voyons. Il faisait donc une gamme de lumière, de luminosité, obtenue par le mélange variable du blanc avec ce violet. Bien. Ensuite, qu’est-ce qu’il faisait ? Ça, c’était pour le fond. C’était pour le fond. Ou par exemple, pour le magasin. Mais le photographe avait pris une scène de rue, j’ai bien précisé, c’est-à-dire, des gens passant devant le magasin où des gens sur la porte de la boutique, tout ça... Le violet qu’il avait choisi c’était, techniquement, pour ceux qui voient cette couleur, c’était un violet de Bayeux, c’est-à-dire un violet qu’on appelle "chaud".

-  Plus tard, quand on parlera de la couleur plus précisément, mais la plupart d’entre vous le savent déjà, l’opposition des couleurs du point de vue de la tonalité, l’opposition fondamentale est celle du chaud et du froid. Le chaud en forme très gros, je dis... tout cela est très insuffisant puisque je ne parle pas encore de la couleur, le chaud étant une espèce de.... définissant une couleur avec un vecteur "d’expansion", de mouvement d’expansion ; le froid avec un mouvement de "contraction". Dans les couleurs élémentaires, le jaune est dit "chaud", le bleu est dit "froid". Bon.

-  Alors, son violet de Bayeux là, c’était un violet chaud. Là-dessus, il avait donc établi sa gamme de lumière, il allait passer à une gamme de couleurs. Il faisait une gamme ascendante de lumière, vers le violet de Bayeux pur. Il allait faire maintenant une gamme de couleurs. C’est-à-dire, la dominante "violet" étant chaude, il allait peindre un bonhomme en vert, par exemple, en vert froid, dans un vert froid, puisqu’il y a des verts froids, le chaud et le froid étant relatifs et dépendants des teintes. Il faisait un vert froid.

-  Donc, du point de vue de la couleur, il y avait cette opposition du vert froid, du petit bonhomme en vert froid et de la dominante "violet". Ca servait à quoi ? La juxtaposition de la zone "vert froid" par rapport au violet avait pour but, comme disent les peintres, de chauffer encore plus le violet. Bon, admettons. On verra tout ça au point de vue d’une conception très simple des couleurs. Voyez, quand vous vous trouvez devant, par exemple, un tableau impressionniste, vous avez tout le temps ces choses, ces thèmes ; les rapports de complémentaires, les rapports de chaud et de froid, comment une couleur froide réchauffe encore, chauffe encore plus une couleur chaude, etc.

-  Bon, donc, le vert, froid, chauffait encore plus le violet. Bon. Mais par rapport au vert froid comme nouvel élément, qu’est-ce qu’il allait faire ? Et se dessine à ce moment-là tout un circuit de couleurs. Il allait peindre un autre bonhomme en jaune, en jaune chaud. Cette fois-ci le jaune chaud, voyez, n’était pas en relation directe avec le violet, mais il était en relation avec le violet, par l’intermédiaire du vert froid, etc, etc. Il allait faire sa gamme de couleurs, jusqu’à ce que tout le tableau soit rempli.

-  Qu’est-ce qu’il avait fait ? pour revenir à notre thème. En quoi il y a une espèce de diagramme ? Où était le diagramme là ? C’est que dès le début il ne s’agissait que d’une chose, c’est un mauvais cas, précisément un mauvais exemple et on aura à se demander si c’est pas toujours comme ça chez les peintres qui ont eu rapport avec la photo. Bien loin de se servir de la photo comme si elle était un élément de l’art, il neutralisait complètement la photo et le cliché. Il neutralisait le cliché de telle manière, il le projetait sur sa toile (mais c’était tout à fait une manière de conjurer le cliché, beaucoup plus que de s’en servir) puisque l’acte de peindre ne commençait qu’à partir du moment où la photo allait être annulée au profit d’une première gamme de lumière, d’une gamme ascendante de lumière et d’une gamme de couleurs. Bon.

-  Alors, là, on retrouve mes trois temps : le moment pré-pictural, cliché, cliché, rien que des clichés. La nécessité d’un diagramme qui va brouiller, qui va nettoyer le cliché, pour qu’en sorte quelque chose : le diagramme n’étant qu’une possibilité de fait, le cliché, c’est le donné, c’est ce qui donné, donné dans la tête, donné dans la rue, donné dans la perception, donné, donné partout. Bon. Voyez alors, le diagramme intervient comme ce qui va brouiller le cliché pour que la peinture en sorte. Bien. Je retrouve mes trois temps là.

-  Mais je dis "lutte contre le cliché", peut-être est-ce que personne ne l’a menée alors aussi passionnément, aussi - je dirais, quitte à justifier ce mot plus tard, aussi - hystériquement que Cézanne. Cézanne et il me semble que chez Cézanne, il y a une extraordinaire conscience : "ma toile avant même que je la commence est pleine de clichés" et l’espèce d’exigence jamais satisfaite de Cézanne c’est : "comment chasser tous ces clichés qui déjà occupent la toile ?" C’est une lutte avec l’ombre, seulement, ma question - et l’on verra ce que ça peut vouloir dire - j’ai l’impression que les vraies luttes, c’est des luttes, toujours avec l’ombre. Y a pas d’autres luttes que la lutte avec l’ombre. Les clichés sont déjà là, ils sont dans ma tête, ils sont en moi, quoi, ils sont en moi, ils ont pas besoin... et quand Fromanger les fait surgir, pour les mettre sur sa toile afin de les détruire et d’en faire sortir un fait pictural, c’est une manière déjà de les conjurer. Ils sont déjà là et ils sont tellement déjà là que là, je reprends la liste des dangers.

-  Si vous passez pas par la chaos catastrophe, vous resterez prisonnier des clichés et on pourra dire : "ah oui, il a un joli coup de pinceau". Ca vaudra rien et sans doute le peintre le saura lui-même que ça vaut rien. Donc, ne pas passer par le chaos catastrophe, c’est-à-dire ne pas avoir de diagramme, c’est très, très fâcheux, ça veut dire, ne rien avoir à dire, ne rien avoir à peindre. Y a beaucoup de peintres qui peignent et qui n’ont rien à peindre. Bon. Mais y a quelque chose qui est aussi : malmener le cliché. Malmener le cliché, triturer le cliché. Ca paraît tout proche du diagramme, du chaos catastrophe et pourtant vous devez sentir que c’est... j’essaie de... c’est comme un pressentiment de tous les dangers, de tous les dangers pratiques. C’est beaucoup trop volontaire "malmener le cliché". Ca, malmener le cliché, les photographes ne cessent pas de le faire. C’est pas par là qu’ils deviennent des peintres. Bon, on peut toujours malmener le cliché, triturer tout ça. C’est pas... ça va pas non plus.

D’autre part, je disais, le danger que signalait Klee si le cliché, si le diagramme, si la catastrophe, si le chaos prend tout, c’est pas bien non plus. En d’autres termes, on cesse pas d’être entouré de dangers là, de dangers très, très redoutables. Alors, je pense à un texte, je vais pas le lire parce que j’ai de la peine à lire, je vais lire que... j’aurais voulu vous lire, c’est un texte de Lawrence, dont je crois je vous avais parlé juste, vous le lirez vous-même, c’est dans le recueil d’articles qui a paru en français sous le titre : "Eros et les chiens" où il y a un texte splendide sur Cézanne. Splendide. Où le thème du texte, il me paraît tellement beau, c’est... Lawrence, vous savez, il faisait des aquarelles, surtout à la fin de sa vie, il faisait des aquarelles, elles sont pas très bonnes mais il le savait, il le savait, il en avait besoin. Miller aussi faisait des aquarelles, Churchill aussi mais elles sont encore moins bonnes. [Rires]

[Intervention à côté de lui] Barthes aussi ?

Barthes, il faisait des aquarelles ? Mais bon, elles étaient bonnes peut-être. Alors, bon. Lauwrence il dit : "bah, voilà, vous comprenez, Cézanne, c’est ça". Et c’est pour ça que je voudrais que vous lisiez ce texte qui dit : "jamais un peintre n’a poussé aussi loin la lutte préalable contre le cliché." Avant de peindre. Et il dit et c’est ça que, euh là où le texte m’intéresse beaucoup de Lawrence, c’est que il dit : "mais vous savez, Cézanne, il avait complètement ses propres clichés." Et en effet, il pouvait faire... Le peintre qui se soumet à ses propres clichés, c’est quoi ? C’est lorsque le vrai peintre fait défaut ; comme si on se dit : "ah ça, c’est bien sûr, c’est un Cézanne mais c’est tout proche d’un faux Cézanne." On a l’impression qu’il était pas en forme. Pour ceux qui ont vu, moi j’ai été il n’y a pas longtemps à l’exposition Modigliani, curieux, y a vraiment des Modigliani, on a presque l’impression... y en a d’admirables, prodigieux mais c’est un peintre là où, je sais pas, il y avait quelque chose, pardonnez-moi, j’ai une impression un peu de gêne, comme si il avait été trop doué, comme si il y avait des Modigliani qui étaient à la limite, à la limite, un excès de don ou un excès de facilité. Heureusement Cézanne, il avait aucun don. Aucun don.

-  Et alors, sa lutte contre le cliché, ça l’a mené à quoi ? Ca l’a mené à quoi cette lutte contre le cliché ? Les pages de Lawrence sont très belles. A la fin, il dit : "bah oui... Qu’est-ce qu’il a réussi Cézanne, bon ?" Et bien, la formule très belle de Lawrence, il dit bien oui, finalement, "il a compris picturalement le fait", le fait de Cézanne, c’est quoi ? Ce qu’il a saisi, ce qu’il a fait, ce qui l’a amené à la peinture, c’est le "fait de la pomme". Ca, la pomme, il a compris, la pomme, il a très, très bien compris, jamais quelqu’un n’a compris une pomme comme ça. Qu’est-ce que ça veut dire : "comprendre en tant que peintre ?" Comprendre une pomme, ça, ça va être notre problème mais ça veut dire la faire advenir comme "fait", ce que Lawrence appelle "le caractère pommesque de la pomme." "Le caractère pommesque de la pomme", voilà ce que Cézanne a su peindre.
-  Bon. Bien. A l’issue de quoi, de quelle lutte contre le cliché, quelle recherche où Cézanne n’était jamais satisfait. En revanche, il dit : "bah, les paysages, ça va moins bien, quelle que soit la beauté des paysages". Il dit le problème de Cézanne, c’était que si il avait tellement compris le caractère pommesque de la pomme, il n’avait pas tellement compris, par exemple, le caractère féminesque des femmes. Et non, ça... Ses femmes. Et il dit, cette page merveilleuse, je crois où Lawrence dit : "bah oui, ces femmes, il les peint comme des pommes et c’est comme ça qu’il s’en sort." [Rires] Madame Cézanne, c’est une espèce de pomme, ça empêche pas que c’est des tableaux géniaux, il ne s’agit pas de... mais... et Lawrence dit : "bah, c’est forcé, hein, si à la fin de sa vie, un peintre peut dire, comme Cézanne : "j’ai compris la pomme et un ou deux pots", c’est déjà formidable."

-  Michel-Ange, qu’est-ce qu’il a compris ? On peut transposer, chercher ce que le..., à savoir, quel "fait" ils ont amené ? Je dirais, bon, Michel-Ange, entre autres, ils ont pas compris grand chose, hein, comprenez, vous savez, c’est comme tout, un écrivain, ça comprend pas grand-chose, un philosophe, ça comprend pas grand chose, faut pas exagérer... c’est pas des gens qui comprennent comme ça... un peintre, ça ne peint pas n’importe quoi. Bon, Michel-Ange, je dirais, qu’est-ce qu’il a compris ? Il a compris ce que c’était, c’est pas rien comprendre ça, ce qu’était, par exemple, "un large dos d’homme". Pas de femme. Un large dos de femme ou un étroit dos de femme, ça serait autre chose, ça serait d’autres peintres. Un large dos d’homme. Toute une vie pour "un large dos d’homme", d’accord, toute une vie pour un "large dos d’homme". Bon, ça vaut "la pomme" de Cézanne. Comme dit Lawrence, c’est pas des idées platoniciennes ça.

-  Bon, il a aussi compris d’autres choses Michel-Ange, mais enfin, c’est toujours assez réduit, ce qu’un peintre arrive à comprendre, c’est-à-dire les faits picturaux qu’il amène à jour. Bon, alors, qu’est-ce que c’est ça, puisque je parle des faits. Je peux pas dire tout ce que je dis... il me semble que c’est tantôt attaché à tel peintre mais c’est aussi des choses qui valent pour la peinture ou qui valent pas pour la peinture en général, quoi.

-  Je veux dire, ça a toujours été comme ça, la tâche du peintre, de tout temps, ça a été faire naître le fait pictural, ça a été lutter contre les données, oui, je reprends mes trois temps qui sont un peu scolaires mais souhaitons qu’il en sorte quelque chose :
-  la lutte contre le fantôme ou contre les donnés, l’instauration du diagramme ou du chaos catastrophe et, ce qui en sort, à savoir : le fait pictural.

-  Alors, je dirais presque, ça ne s’oppose pas, ça existe de tout temps dans la peinture mais je me dis, bon, ça peut exister de tout temps mais d’une manière plus ou moins larvée. Je parlais de Michel-Ange tout à l’heure. Je dirais presque que son importance en peinture pour moi, c’est que c’est, peut-être, peut-être, hein, il faudrait nuancer tout ça, il faut toujours beaucoup nuancer, c’est le premier peintre qui a mené à jour, sous sa forme la plus brute, ce que c’était qu’un "fait pictural". Je me dis, si il fallait dater cette notion, ça serait Michel-Ange.

-  Alors, si on essaie un peu là, maintenant, je prends donc un peintre tout à fait différent, par les dates, par le style de ceux que j’avais considéré la dernière fois, je dis : "le fait pictural", il naît dans sa réalité, c’est-à-dire, il s’impose sur la toile avec Michel-Ange. Ca serait ça l’apport, l’apport insondable de Michel-Ange.

-  Alors, si c’est vrai mon impression, je me dis, c’est le moment où jamais d’essayer de préciser, qu’est-ce que c’est qu’on pourrait appeler le fait pictural par opposition aux données pré-picturales. Encore une fois, les données pré-picturales, c’est le monde des clichés, au sens le plus large du mot, c’est-à-dire, ce contre quoi ou le monde des fantômes, ce contre quoi ou le monde de la fantaisie ou le monde de l’imaginaire, tout ce que vous voulez, tout ça là, j’y mets... ça, c’est le monde des données, c’est avec tout ça que le peintre a à rompre, à briser. S’il en reste là, il est perdu. S’il en reste là, ça sera un joli petit peintre et puis c’est tout quoi. Mais alors le fait pictural pourquoi est-ce que... il me semble que c’est Michel-Ange qui, d’une certaine manière, invente le fait pictural, ce qui contredit pas l’idée que j’ai aussi que... ça existait de tout temps mais c’est lui qui précisément le fait voir, nous le fait voir. Là, j’en reste au niveau des anecdotes parce que ça va nous faire avancer.

-  Michel-Ange d’abord, c’est avec lui que se fait véritablement un changement de statut du peintre. Je veux dire, le peintre, il fallait sans doute, toute sa personnalité, il fallait aussi son époque, l’époque est bonne pour ça mais le peintre cesse d’être un type qui exécute des commandes. Je veux dire, les autres, ça les empêchait pas d’être géniaux et de faire passer tout ce qu’ils voulaient mais ils discutaient pas, hein, si un Pape les... leur faisait une commande, ils discutaient pas. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau avec Michel-Ange, de très important au niveau de la pure anecdote ?

-  La première anecdote que je retiens de Michel-Ange, c’est que Jules II, il lui dit de faire ceci. Et Jules II, il a des idées très précises sur ce qu’il veut et rien du tout. Rien du tout. Michel-Ange fait complètement autre chose. En plus, il discute avec le Pape, il convainc le Pape et finalement le Pape il en a marre et il lui donne, comment on dit, carte blanche. Bon, ça, c’est quelque chose quand même de nouveau. Bien, vous me direz, qu’est-ce que ça veut dire picturalement cette anecdote qui sinon n’aurait pas grand intérêt ?

-  Bon, qu’est-ce que ça peut vouloir dire ? Je prends une deuxième anecdote. Michel-Ange, c’est un de ceux chez qui éclate - alors peut-être que ça existait avant, peut-être que c’était moins visible - éclate une splendide indifférence au sujet. Alors sans doute, tous les peintres, on verra ça, est-ce que c’est vrai ? mais peut-être que le sujet, ça fait peut-être partie du cliché. Le sujet où l’objet représenté, ça a peut-être été toujours, pour tous les peintres, ça, l’équivalent du cliché et c’est sans doute ça que de tout temps, il fallait brouiller pour qu’en sorte le fait pictural. En d’autres termes, le cliché, ça a toujours été l’objet. Bon. Alors on brouillait le cliché, on brouillait l’objet, pour en faire sortir quoi ? Bah, la réponse, elle est simple : le fait pictural qui était déjà la lumière et la couleur. Bien.

-  Mais il se trouve que avec Michel-Ange, cette indifférence à l’objet ou au sujet prend une espèce d’air d’insolence telle que - savoir quelle scène biblique représente Michel-Ange, savoir qu’est-ce que font les personnages du fond - et on a presque honte de poser ces questions. Le fait qu’on ait honte de poser ces questions est que particulièrement avec Michel-Ange, on ait honte de poser ces questions - là on se sent vraiment stupide quand on dit : "mais qu’est-ce que c’est que ces quatre bonhommes dans le fond ?". Par exemple, quatre bonhommes au fond de la Sainte Famille, tous nus, avec une attitude que... du point de vue de la figuration on ne peut appeler qu’une attitude homosexuelle prononcée. Qu’est-ce qui font ces quatre bonhommes ? On se sent gêné de poser une question comme ça tellement elle est stupide. Bon. C’est que... Bon. Dans la scène, ils font rien. Qu’est-ce que c’est que cette scène ? Ca s’appelle la Sainte famille. D’accord. Bon. Splendide indifférence au sujet là.

-  C’est par là que je veux procéder par anecdote. On lui commande un tableau sur une bataille, sur une bataille célèbre. Très bien. Il dit : "bon, d’accord". Et qu’est-ce qu’il fait ? Il fera pas le tableau, il pourra pas le faire. Il fait un carton. Qu’est-ce que représente le carton ? Un ensemble de jeunes gens nus. Dans l’eau, sortant de l’eau et dans le fond, des soldats. On dit : "Ouf, y a des soldats, c’est déjà ça", hein. [Rires]. Et un ensemble... qu’est-ce qu’il fait là, bon alors ? C’est un chef-d’œuvre de Michel-Ange ; ces jeunes gens nus dans l’eau, splendides, splendides, les soldats à l’horizon. Les érudits cherchent bien. Quand même on se dit pourquoi il appelle ça "Bataille de Cascina". Les érudits cherchent bien. Alors, on trouve un, un commentateur de l’époque qui dit que dans cette bataille, un petit groupe de soldats florentins a pris un bain... et que leur chef les a rappelés à plus de décence - ils ont absolument pas été surpris. Pas du tout surpris. Bon. Michel-Ange, le sujet, ça l’intéresse pas beaucoup. La bataille, il dit : "bon, je vais faire des jeunes gens nus dans l’eau." Il dit : "on veut une bataille, bon je vais flanquer..." alors il invente, épisode purement inventé que ces jeunes gens nus dans l’eau qui se baignaient auraient été surpris par l’ennemi, ça fait un peu bataille ça. [Rires]

-  Qu’est-ce que ça veut dire ? En quoi c’est plus que de l’anecdote ? Voilà. Je reviens - j’ai l’air de sauter mais c’est pas tellement des sauts. Tout ça reste très identique - je reviens à ce peintre actuel dont je vous parlais : Bacon. Bacon ne cesse dans ses entretiens de dire : "il n’y a que deux dangers de la peinture" - et ça c’est pas une idée originale parce qu’il me semble que ça toujours été l’idée de tous les peintres - "y a que deux dangers de la peinture, c’est l’illustration et pire encore, la narration". Un très grand critique de peinture, Baudelaire, parlait déjà de ces dangers : illustration et narration. Et ce qu’on appelle la figuration, généralement, c’est - la figuration - c’est le concept commun qui groupe ces deux choses : l’illustration et la narration. Alors devant certains tableaux, bon, qu’est-ce qui se passe ? Ah bah, oui, qu’est-ce qu’il fait ? Ah oui, c’est quelqu’un qui coupe la tête à quelqu’un d’autre, etc. C’est une bataille, bon. Y a tout un aspect figuratif, tout un aspect narratif.

-  Bien, alors vous comprenez, à force de faire des cercles et de revenir toujours à mon point de départ, je dirais la lutte contre le cliché, c’est la lutte contre toute référence narrative et figurative. Un tableau n’a rien à figurer et un tableau n’a rien à raconter. C’est la base. Si vous voulez raconter quelque chose, il faut prendre d’autres disciplines, il faut prendre des disciplines narratives. Un tableau n’a rien à faire avec un récit, c’est pas un récit. Donc, c’est bien, mais en même temps, comprenez, les narrations et les figurations, elles existent ; ce sont des données avant même que le peintre ait commencé à peindre, ce sont des données. Et elles sont là sur la toile, les figurations et les narrations.

-  Y a un certain nombre de tableaux qui pourraient être très beaux et dont on sait déjà que ce ne sont pas de grands tableaux, précisément parce que vous pouvez pas vous empêcher de vous dire : "tiens, mais qu’est-ce qui s’est passé ?" Non seulement : "qu’est-ce que ça représente", ça se serait... mais : "qu’est-ce qui s’est passé ?" Par exemple, Greuze, c’est une peinture narrative en quel sens ? C’est que vous éprouvez le besoin de... Y a un très beau tableau de je ne sais plus quel Hollandais qui présente un père grondant sa fille. Et la fille, elle, elle est vue de dos, un dos incliné. On peut pas voir ce tableau, faut quand même pas nous tendre des pièges à ce point-là, on peut pas voir ce tableau sans se dire mais : "quelle est l’expression de la fille ?" C’est pas bon, c’est pas bon. Je veux dire, ça peut être très joli, ça peut être formidable, c’est pas de la grande peinture, c’est vraiment un tableau qui est inséparable d’une narration quoi. Comprenez, ça va pas ça. Ce qui me gêne... je dis ça... mais vous... c’est pas du tout... ce qui me gêne abominablement dans un peintre actuel pourtant très bon, comme Balthus, c’est que... Balthus, on a constamment l’impression que l’image est prise, prélevée sur quelque chose qui se passe. Sur... Y a une histoire là-dedans. Je comprends que ceux qui aiment Balthus peut-être trouvent odieux ce que je dis alors, je supprime, hein, je barre cet exemple si fâcheux.

-  Bon, bon, bon, supprimer la narration et l’illustration, ça serait ça le rôle du diagramme et du chaos catastrophe. Donc supprimer toutes les données figuratives car les figurations et les narrations, elles sont données. Elles sont données. Donc, faire passer les données figuratives et narratives par le chaos catastrophe, par la catastrophe germe, pour qu’en sorte quelque chose de tout à fait autre, à savoir le fait.

-  Le fait, c’est quoi ? Bacon le définit assez bien et là, ça vaut vraiment pour toute la peinture. Le fait pictural, c’est lorsque vous avez plusieurs - on peut le voir mieux au niveau de plusieurs - lorsque vous avez plusieurs Figures sur le tableau, sans que ça raconte aucune histoire. Et Bacon prend un exemple qui pourrait nous toucher : "Les Baigneuses" de Cézanne. Il dit : "c’est formidable, il a réussi à mettre douze figures ou quatorze figures", prenez toutes les versions des Baigneuses, et il a réussi à mettre plusieurs figures, à faire co-exister sur la toile - sous-entendu sinon ça n’avait aucun sens, "avec nécessité", "avec nécessité" -. Bon. J’ajoute "avec nécessité" : faire co-exister plusieurs figures, sans aucune histoire à raconter. Si il y a une nécessité de cette co-existence, vous pressentez dés lors ce qu’est le fait pictural. Cette nécessité propre de la peinture.

-  Je prends un exemple particulièrement célèbre. Un très grand tableau du XIXè présente une femme nue dans un bois. Une femme nue et des hommes habillés. Tableau qui fit scandale, du point de vue figuratif, en effet, cette femme nue et ces hommes habillés. Vous l’appréhendez picturalement lorsque vous supprimez toute histoire. Cette histoire ne pourrait être que dégoûtante si il y avait une histoire. Qu’est-ce que c’est que cette femme nue assise dans l’herbe avec ces hommes habillés ? Ca serait une histoire de petits pervers, quoi. Comment supprimer toute donnée narrative, toute donnée figurative, pour faire surgir le fait pictural de ce corps nu par rapport aux corps habillés, la gamme de couleurs ou la gamme de lumière, etc ?

-  Alors, je reviens à Michel-Ange. Je reviens à Michel-Ange : dans ce tableau célèbre de Michel-Ange la Sainte Famille. On dirait que là, il est plus scrupuleux, il représente en effet la Sainte Famille et en même temps, l’indifférence au sujet éclate. Comprenez, c’est seulement de l’indifférence au sujet que peut sortir le "fait pictural", à savoir la peinture engendre son propre "fait". Et le "fait", c’est quoi ? C’est que, il y a trois corps. Le petit Jésus est comme sur l’épaule de la Vierge. Les trois figures sont prises - là, c’est très bien... vous verrez, vous l’avez dans l’esprit, vous voyez tout de suite - dans une espèce de mouvement de serpentin. On appelait à l’époque, ça venait de Vinci ce traitement des figures, mais Michel-Ange l’a porté à un point... Un mouvement de serpentin comme si les trois figures étaient à la lettre coulées en un jet continu. Pas étonnant après tout que ce soit un sculpteur qui ait porté aux yeux de tous ce que devait être le fait sculptural et pictural ; peut-être que la sculpture, c’était plus facile pour elle de faire surgir un fait sculptural. Mais en tant que peintre-sculpteur, Michel-Ange impose le fait nécessaire. Le "fait" "nécessairement" pictural, il l’impose. Ce mouvement de serpentin, en effet va être prodigieux parce qu’il donne à l’enfant Jésus, une position absolument dominatrice qui va dès lors complètement fixer l’expression de la figure. La figure de l’enfant Jésus n’a figurativement cette expression qu’en vertu de sa position dans le serpentin. Et les trois corps sont donc coulés dans une seule et même figure ; une même figure pour trois corps, c’est ça, y a pas d’histoire. Aucune histoire, aucune narration et la figuration même s’écroule. A ce moment-là le serpentin va distribuer toute une gamme de couleurs. Le serpentin joue exactement le rôle du diagramme. Qui brise avec les données figuratives et narratives pour faire surgir le "fait pictural".
-  Le "fait pictural", c’est trois corps en une figure.

-  Bon, "trois corps en une figure’", soit, soit, soit. La "nécessité"- là je peux pas vous dire, je trouve pas mes mots donc y a pas de problème - que il ne s’agit pas de le dire, il s’agit de le faire. Qu’il y ait une "nécessité picturale" d’une même figure pour trois corps, pas une "nécessité figurative", pas une "nécessité narrative", une "nécessité picturale", c’est-à-dire qui ne peux venir que de la lumière et de la couleur. Si bien que je dirais, nous les peintres, c’est des athées farouches. Et en même temps, c’est des athées qui hantent vraiment ou du moins, les peintres du... qui hantent le christianisme. La manière dont ils arrachent le christianisme à toute figuration et narration pour en tirer un "fait pictural". Ça on aura appris de ce thème. Pourquoi le christianisme leur semble-t-il tellement ou pourquoi est-ce qu’ils le vivent comme favorisant éminemment le surgissement du fait pictural. Ça date de longtemps ça, si vous voulez, c’est Byzance. Avec Byzance,c’estdéjààl’étatpur- quand je disaisMichel-Ange,c’estlui la naissancedu fait pictural - c’était idiot, quitte à me corriger. La peinture de mosaïque à Byzance, elle est fondamentalement, cette fondation du fait pictural. Bon.

-  C’était en mosaïque surtout, là, en peinture à l’huile, je me dis que peut-être après tout qu’il faut attendre. Or, comment on a appelé le mouvement qui coïncide avec Michel-Ange et dont Michel-Ange fait réellement partie ? Alors, je vais dire quelque chose sur ce point parce que ça m’intéresse beaucoup moi. Y a un terme d’école. On a désigné toute une école dans laquelle Michel-Ange est comme prise, comme fondateur, co-fondateur au moins et qui se prolongera bien après lui, on appelle ça les Maniéristes. Et les Maniéristes, pourquoi on a dit ça ? Maniéristes. C’est que les corps ont des attitudes très contournées. A la limite, elles sont très artificielles. Par exemple, dans la Sainte Famille, les quatre personnages du fond. Très artificielles, très... avec des grâces, des grâces tantôt homosexuelles, tantôt des grâces contorsionnées. Le Maniérisme, c’est bien intéressant comme... Or, chez un peintre comme Bacon, si vous voyez des tableaux de Bacon, vous retrouvez singulièrement - l’influence de Michel-Ange sur Bacon m’apparaît sûre. Si vous voulez voir ce que c’est que la découverte d’un large dos d’homme... il lui a fallu évidemment faire un triptyque, il en fallait trois. Y a un triptyque de Bacon qui représente vu de dos, un homme, une figure qui se rase, hein. Je le montre comme ça, vous verrez rien mais c’est juste pour que vous ayez une idée. Je le fais tourner lentement - Et j’ai honte de vous montrer des images, ça devrait vraiment être un cours sans images - Vous avez vu ? [Rires]

-  Bon, vous voyez les trois dos d’hommes. C’est intéressant parce que y a une gamme... la couleur je crois est nulle, nulle, nulle de la reproduction, parce que c’est une couleur difficile, hein. En fait, c’est... il y a une dominante rouge ocre, une dominante bleue sur le panneau central et à droite, co-existence du bleu et du rouge. Ce qui m’intéresse là-dedans, c’est que...

-  Prenons un problème, parce qu’on aura à le retrouver. La question de la peinture en vertu de ce qu’on vient de dire mais que vous saviez déjà, c’est pas de peindre des choses visibles, c’est évidemment de peindre des choses invisibles. Or, il ne reproduit du visible, le peintre, que précisément pour capter de l’invisible. Or c’est quoi, peindre un large dos d’homme ? C’est quoi ? Bah, c’est pas peindre un dos, c’est peindre des forces qui s’exercent sur un dos ou des forces qu’un dos exerce. C’est peindre des forces, c’est pas peindre des formes.
-  L’acte de la peinture, le "fait pictural", c’est lorsque la forme est mise en rapport avec une force. Or les forces, c’est pas visible. Peindre des forces, en effet, c’est ça, le "fait".

Tout le monde connaît le mot de Klee, la peinture, il dit : "il ne s’agit pas de rendre le visible, il s’agit de rendre visible", sous-entendu, rendre visible l’invisible. Rendre visible quelque chose d’invisible. Bon, rendre le visible, c’est la figuration. Ce serait le "donné pictural", c’est lui qui doit être détruit. Il est détruit par la catastrophe. La catastrophe, c’est quoi ? Alors on peut faire un petit progrès, la catastrophe, c’est le lieu des forces. Evidemment, ce n’est pas n’importe quelle force. "La catastrophe, c’est le lieu des forces".

-  Le "fait pictural", c’est la forme "déformée". Qu’est-ce que c’est qu’une "forme déformée" ? La déformation, ça, c’est un concept cézannien. Il s’agit pas de transformer, les peintres, ils ne transforment pas, ils déforment. La déformation comme concept pictural c’est que la déformation de la forme, c’est la forme en tant que s’exerce sur elle une force. La force, elle a pas de forme, elle. C’est donc la déformation de la forme qui doit rendre visible la force, qui n’a pas de forme. Qui doit faire rendre visible la force. Si y a pas de force dans un tableau, y a pas de tableau. Je dis ça parce que souvent, on confond ça avec un autre problème, qui est plus visible mais qui est beaucoup moins important. On confond ça avec un tout autre problème qui est celui de la décomposition et de la recomposition d’un effet. Je veux dire, prenez par exemple,
-  "peinture de la Renaissance : décomposition-recomposition de la profondeur".
-  Prenez des siècles après, "l’impressionnisme : décomposition-recomposition de la couleur".
-  Prenez après, "le cubisme ou d’une autre manière, le futurisme : décomposition-recomposition du mouvement".
-  Bon. C’est très intéressant ça mais ça ne concerne que les effets. C’est pas ça, l’acte de peindre, c’est pas ça. C’est pas décomposer, recomposer un effet. C’est quoi ? Je dis, c’est capturer une force. Et c’est ça, il me semble que veut dire Klee lorsqu’il dit, il ne s’agit pas de rendre le visible, il s’agit de rendre visible.

-  Donc, il faudra que la forme soit suffisamment déformée pour que soit capturée une force. C’est pas une histoire, c’est pas une figuration, c’est pas une narration. Et le rôle du diagramme, ça va être d’établir un lieu des forces telle que la forme en sortira comme "fait pictural", c’est-à-dire, comme forme déformée, en rapport avec une force, c’est dès lors la déformation de la forme picturale qui fait voir la force non-visible.

-  Je prends un exemple très simple parce que là aussi, Bacon a étrangement réussi, ça c’est un de ses domaines, toujours dans la série de questions pour chaque peintre. Qu’est-ce qu’il a compris picturalement ? Bacon, qu’est-ce qu’il a compris picturalement ? Bon, encore une fois, aucun peintre ne comprend beaucoup, hein. Trop fatigant de comprendre quelque chose. C’est pas faux de dire que Cézanne, il en a eu "pour la vie avec ses pommes". Bon, Bacon, si je me demande, bon, il a compris en effet, dans un cadre, dans un triptyque, il a compris "un large dos d’homme". Mais là, c’est pas faux de dire, c’est peut-être pas le meilleur Bacon parce que Michel-Ange l’avait compris et de la même manière.
-  Mais un large dos d’homme, ça veut dire y compris le rapport avec les forces. Quelles sortes de forces ? Là, toutes sortes de forces. Dans le cas de Michel-Ange et ça répondrait à ces variations mêmes de procédés de style, tantôt c’est des forces intérieures.

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