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89- 21/05/1985 - 2

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Gilles Deleuze - cinéma et pensée cours 89 du 21/05/1985 - 2 transcription : Nadia OUIS

...Et cette remontée le long de l’événement pour atteindre à ce qui reste dans l’événement de contemporain à nous, quelle que soit notre époque. C’est ce que Peguy baptisait de ce mot splendide, je dis splendide parce qu’il est typiquement l’invention d’un grand concept philosophique, dont les philosophes n’ont pas su se servir ensuite, « l’internel » et non pas l’éternel, « l’internel ». Atteindre l’internel, or explicitement, à propos du "Procès de Jeanne d’Arc", Bresson parlera de l’acte qui fait légende. Et je dirais que - ça n’a pas l’air de convenir à l’ensemble de l’œuvre de Bresson mais - ou bien on trouvera un mot voisin, ou bien celui-là convient, chez Bresson il s’agit toujours de remonter un événement, jusqu’à ce que Peguy appellerait l’Internel, c’est-à-dire jusqu’à cette part qui reste éternellement contemporaine et qui consiste dans la décision spirituelle impliquée par l’événement.
-  De l’événement temporel à la décision spirituelle internelle, voilà l’acte de légende selon Bresson.

Bon disons, acte politique de fabulation, mais c’est pas une liste close : acte moral de conte, acte supra-historique de légende, acte immoraliste de mensonge, etc, etc...Tout ce que vous voulez ! Voilà le troisième acte de parole, irréductible aux actes de paroles interactifs, et aux actes de parole réflexifs, du premier état de parlant, voilà le troisième acte de parlant, qui se définit pour moitié - je dis bien pour moitié, on a que la moitié encore - qui se définit pour moitié, l’acte de parole fait naître l’événement. Comment il le fait naître ? On a encore aucun moyen. C’est forcé puisqu’on tient qu’une moitié. Il n’y a pas de raisons de comprendre encore tout. Et j’ajouterais s’il fallait faire une revue des auteurs, vous voyez bien que les auteurs les plus différents se rangent là-dedans. Car pour faire un grand hommage à celui qui précisément a introduit, mais je crois dans un tout autre sens que celui où je l’ai pris, celui qui quand même a introduit la notion de style indirect libre dans la réflexion cinématographique : Pasolini. En quoi Pasolini est-il un cinéaste moderne ? Ou peut-il être dit "cinéaste moderne" ? Voyez son œuvre : du point de vue de l’acte de parole, Pasolini distribue son œuvre suivant des actes de paroles de mythes. De mythification. Ou peut-être que mythe est même trop insuffisant mais ce serait "Œdipe", "Médée", "Porcherie". Des actes de paroles de légende, au sens Peguy, Bresson, et c’est "l’Evangile selon Saint Matthieu". Des actes de parole de conte, et c’est "le Décaméron", et c’est... Complétez de vous-même.

E1 : "Les mille et une nuits" ? G.D. : Quoi ? E1 : "Les mille et une nuits" ? G.D. : "Les mille et une nuits" non mais l’autre, "Les contes de Canterbury".

Là aussi on pourrait prendre Pasolini ça nous prendrait une heure. Je demande juste que vous m’accordiez ce troisième point si vous le voulez bien, à savoir :
-  le style indirect libre n’est que la forme sous laquelle surgit dans le cinéma un acte de parole d’un tout nouveau type, que nous appelons pour plus de commodité, "acte de fabulation", avec toutes ses variantes.

Et que vous retrouverez partout, que vous retrouverez partout, et que vous retrouverez partout encore une fois, la marionnette, l’automate cinématographique est en rapport l’acte de parole sous cet aspect. Alors, Robbe-Grillet on y a à peine touché, Resnais ! Prenez "L’année dernière à Marienbad", on voit bien la différence avec l’automate impressionniste, qui était un automate moteur dans L’année dernière à Marienbad. L’automate, c’est-à-dire ’hypnotisé, le magnétisé n’a plus à faire qu’avec l’acte de parole. Et c’est un acte de parole quoi ? un acte de parole de fabulation, de mensonge, de conte, de tout ce que vous voulez, d’internation, tout ce que vous voulez n’importe, ça nous est égal, on a notre groupe. On peut pas demander plus.

Si ! On peut demander plus, quatrième point : Comment ? Comment expliquer que l’acte de parole puisse créer l’événement, car après tout, c’est nous revenir au théâtre, on en était sortis ! On disait aucun danger ! Mais c’est au théâtre que les actes de paroles créent l’évènement. Au cinéma c’est pas bon ça, que les actes de parole créent l’évènement. Ça serait du cinéma de théâtre ! C’est pas bien ça ! Alors ça va pas ! Si ça va ! Aucun danger toujours, car ce qu’on vient de commenter c’est la première moitié : l’image autonome sonore. L’image autonome sonore, pas totalement, mais au moins sous une de ses parties, c’est une première réponse, sous un de ses aspects, l’image sonore autonome se définit par le troisième acte de parole, l’acte de fabulation, en tant que l’acte de fabulation crée l’évènement. C’est ça : "l’autonomie de l’acte de parole". L’acte de parole a cessé d’être une composante de l’image visuelle. Il est autonome mais l’image visuelle aussi, elle est autonome ! Et qu’est-ce qu’elle fait l’image visuelle ? Car justement on n’est pas du tout comme au théâtre. Elle n’est pas du tout comme au théâtre, l’image visuelle ! L’acte de parole, il est devenu autonome que dans la mesure où l’image visuelle, elle est autonome aussi. Il n’y a aucun privilège de l’acte de parole sur l’image visuelle. Il faut que l’image visuelle se renouvelle autant que l’acte de parole. Vous me direz : elle était déjà autonome elle, elle était déjà autonome. Oui mais, sur elle pesait des appartenances du type : Hors-champ, composantes sonores, dont elle n’a plus besoin maintenant même si elle les garde, même si elle les garde comme hommage au vieux style. Alors ? Vous vous rendez compte ? Notre réponse ? Et c’est notre quatrième point. Et ça se déroule très très bien tout ça. C’est notre quatrième point. Pendant ce temps-là, pendant tout le temps où on parlait, qu’est-ce qu’elle faisait l’image visuelle ? qu’est-ce qu’elle faisait ? Qu’est-ce qu’elle faisait ? Elle devait le faire de son côté. Elle savait pas bien ce qu’elle faisait. C’est pas bien mais ça va recommencer, va falloir chercher d’une manière pointillée. Et pourtant là aussi on a une réponse.

Bon écoutez, hein, là je vous donne une première solution ou bien on en a assez ? Pour que vous y réfléchissiez juste, et puis on arrête. Voilà j’ai une idée. Pour une fois là elle est... J’ai une idée déjà dite depuis des années, grâce à Auger d’ailleurs et puis j’ai une autre idée, qui est venue là-dessus, celle-là toute récente alors ça va. L’idée d’Auger, pour ceux qui ont suivi le (inaudible) c’était il m’avait donné un mot formidable, il m’avait fait cadeau d’un mot, il n’y a pas de plus beau cadeau. Il m’avait dit je te donne un mot : et c’était espace quelconque. Et les espaces quelconques, on s’était convenus là-dessus, on avait cherché ce qu’il voulait dire au juste, lui il invoquait le cinéma expérimental, moi ce qui m’intéressait c’était la possibilité de l’étendre cette notion à l’ensemble du cinéma, et on était arrivés les autres années, je le rappelle pour ceux qui n’étaient pas là, à dire, les espaces quelconques c’est très simple : ce sont des espaces qui se présentent soit comme des espaces vides, c’est-à-dire sans présence humaine, soit des espaces dont les parties sont déconnectées, désorientées, les unes par rapport aux autres. Soit les deux à la fois, ça ne s’oppose pas. Espace vide ou déconnecté. Et on disait ah ben oui ça c’est bien, on peut appeler ça espaces quelconques. Pourquoi ? Parce qu’ils sont pas "qualifiés". Sous-entendus ils sont pas qualifiés par une action qui s’y passe. Ils s’opposent aux espaces de l’image-action. Quand il y a une action, il y a des gens dans l’espace et puis les parties d’espaces se raccordent. Là, c’est soit des espaces vides, soit des espaces dont le raccord est indéterminé. Il ne faut pas dire qu’ils ne se raccordent pas, il faut dire mieux. Ils se raccordent avec des faux raccords, par exemple. Ou bien ils se raccordent, les spécialistes verront tout de suite à quel auteur je pense. Si je dis faux-raccord plus raccord à 180°, et bien ils se raccordent avec des raccords à 180° , c’est à dire que l’espace tourne. Bon... Il s’y passe bien quelque chose mais qu’est-ce que c’est ? ce n’est pas de l’action. Et on distinguait, les autres années on distinguait :

-  les espaces qualifiés, en disant les espaces qualifiés sont des espaces dans lesquels s’actualisent des qualités et des puissances. Des qualités comme une couleur, et des puissances par exemple une force.

-  Tandis que les espaces quelconques c’est très différent. C’est des espaces qui se contentent de "présenter". Ils actualisent pas des qualités et des puissances. Ils les présentent pour elles-mêmes. Sans les subordonner à un schème sensori-moteur. Donc dès que vous aurez un espace vide ou un espace déconnecté, à condition qu’il aie une grande importance, il suffit pas que...A condition qu’il aie vraiment un rôle dans le film, on disait : on parlera "d’espace quelconque".

Voilà la première remarque. C’est que le cinéma moderne se définit par une montée - chez tous ces grands auteurs, chez tout ces grands auteurs sans exception - se définit par une montée fantastique des espaces quelconques. Et si j’en fais la liste historiquement, pour une fois, avec le néo-réalisme, au point qu’il nous semblait stupide de définir le néo-réalisme par un réalisme quelconque, le néo-réalisme se fait beaucoup plus définissable par l’écroulement du schème sensori-moteur, et dès lors la disparition de l’image-action, au profit de la montée des espaces quelconques. Espaces que vous retrouvez dans tout le néo-réalisme, sous formes des grands espaces désaffectés, et c’est pas par hasard que c’est après la guerre, les villes en démolition qui vont fournir, qui vont être le matériau extrinsèque qui va fournir et favoriser cette montée des espaces quelconques.

Et puis la Nouvelle-Vague et puis le nouveau cinéma américain avec notamment, l’école de New-York et Cassavettes. Où là dans les espaces disjoints, les espaces déconnectés sont parmi les plus beaux de toute l’histoire du cinéma. Bon, mais et puis quoi ? Les espaces désaffectés. Moi j’aime beaucoup un auteur comme Lumet, précisément parce qu’il a été parmi les américains le plus loin et le plus tôt à faire des utilisations d’espaces quelconques, que l’Amérique trouvait elle non pas dans les démolitions de la guerre mais trouvait dans les grands endroits désaffectés, les grands entrepôts désaffectés de New-York, par exemple. Ça ça servait la montée des espaces quelconques, et puis les espaces quelconques n’allaient pas se laisser ( ?) les espaces vides, ou les espaces déconnectés. Straub, les Straub, cas célèbres et j’insiste sur ceci, leur originalité est profonde, mais ce serait une erreur de les créditer de l’invention des espaces vides, cela va de soi. Leur originalité est ailleurs, ce n’est pas n’importe quels espaces vides sans doute, chez les Straub va éclater, c’est le mot éclater, les espaces vides.

Chez Marguerite Duras vont éclater les espaces vides, mais alors d’une autre manière sûrement. Je dis pas du tout que c’est la même chose. Pensez à "Son nom de Venise dans Calcutta désert", pensez à" Agatha et les lectures illimitées", les espaces désaffectés, il n’y a plus qu’un espace désaffecté et une plage, la plage de Trouville, vide. Pièce désaffectée d’un ancien grand hôtel et plage de Trouville à un moment où elle est vide. Bon. Mais si on remonte, et c’est pas fini tout ça. Et si on remonte et si on recherche les grands précurseurs, évidemment les espaces déconnectés de Bresson. On a vu les espaces déconnectés de Bresson. Voyez cet espace qui n’est jamais vu en entier, il n’ y a jamais jamais un espace global chez Bresson. Il y a toujours un espace anguleux qui ferme et qui va se connecter avec le morceau suivant qui ferme et qui est orienté d’une autre manière. Ça va être des fragments désorientés les uns par rapport aux autres, qui vont se connecter grâce à quoi ? A la puissance des puissances chez Bresson, à savoir grâce à la main ! La main. Et puis est-ce que c’est né avec Bresson ? Non, Auger l’a.... Bon il y a deux voies, quand est-ce que ça s’est formé dans le cinéma expérimental ces espaces quelconques ? quand est-ce que ça s’est formé dans le cinéma dit...En tout cas il y a quelque chose qui mettrait tout le monde d’accord et c’est bien connu, l’ancêtre des ancêtres...- mais on verra la prochaine fois, en quoi c’est le paradoxe du cinéma, à savoir Ozu. C’est Ozu de toute évidence qui invente et les espaces vides et les espaces déconnectés, désorientés, pourquoi ? comment il fait ça ? Or, pour notre satisfaction personnelle, ça nous crée un sacré problème : il l’invente au temps du muet, il l’invente au temps du muet. Qu’il n’aie pas besoin du parlant et qu’il arrive au parlant très très tard, pas tellement étonnant et quand il arrive au parlant il le percute en plein second stade, jamais du premier stade du parlant, il s’empare du premier stade du parlant c’est très très curieux ! Cas incompréhensible, incompréhensible, le paradoxe Ozu on va... On construira pour s’amuser un paradoxe Ozu.

Bien ! alors qu’est-ce que ça veut dire ça ? C’est là que je vous dis , on en était là les autres années, ça nous donne un début de réponse. Si c’est vrai que la montée, on pourra toujours trouver dans le cinéma d’avant-guerre des précurseurs, mis à part le cas Ozu là qu’on laisse complètement de côté. Mais à mon avis on en trouvera pas tellement sur les espaces vides et déconnectés, on en trouvera pas tellement - c’est vraiment un truc d’après-guerre. Ça peut se trouver comme ça mais ça veut rien dire. Comme thème fondamental du cinéma, faut attendre après-guerre .

Je dis que c’est ça la seconde moitié.
-  En même temps que l’image sonore s’incarne et prend son autonomie dans l’acte de parole, devenu acte de fabulation, c’est-à-dire devenu créateur de l’évènement, l’image visuelle assume quoi, elle ? Elle prend son autonomie par et dans les espaces vides et déconnectés, sans évènements ! Vides d’évènements ! Ça nous irait ça un peu. Mais ça ne suffit pas. Qu’est-ce que c’est ? Et dans quel sens ? Je disais, il ne suffit pas d’invoquer maintenant les espaces quelconques, il faut dire : oui ils ont tout une évolution. Et du début des espaces quelconques à ce qu’on voit chez Straub, chez Marguerite Duras, chez certains américains, chez Antonioni récent, pas au début d’Antonioni, chez Antonioni récent.

Ahhh...Il s’est passé quelque chose ! Comment le dire pour en finir ? Voilà c’est le seul point. Je pense que - et c’est ça que je voudrai vous donner - je pense que l’image visuelle ne se contente pas de faire monter les espaces quelconques ou de les révéler. Elle se contente pas de révélez...Voyez la complémentarité qu’on a : image sonore devenue acte de parole de fabulation, et image visuelle devenue révélation des espaces quelconques. En même temps qu’elle révèle les espaces quelconques, elle va devenir de plus en plus quoi ? Tout comme pour l’acte de fabulation je multiplie les mots inexacts ou exacts, mais je multiplie les mots.
-  De plus en plus l’image visuelle va devenir tellurique ; stratigraphique, tectonique, géologique.

Et ça a l’air de rien, on dira et ben et pourquoi pas des diapositives ? et pourquoi pas... ? On dira... Ça va être notre affaire. Montrer au cinéma que l’image tellurique prend au cinéma, que l’image stratigraphique prend au cinéma une valeur que seul le cinéma pouvait lui donner, et qu’il va porter jusqu’au sommet, les puissances des espaces quelconques. La puissance des espaces quelconques et que cette image tellurique, il va falloir la définir. Et que la première apparence qu’elle prend - il faut aller aussi doucement que pour l’autre aspect, voyez - Ce sont les déserts. L’image je dirai presque l’image géologique, pourquoi pas archéologique, oui l’image archéologique mais c’est l’archéologie de notre temps, l’archéologie ça ne veut pas dire forcément d’un temps trépassé. Il y a une archéologie de notre temps. Le désert croît, Nietzsche : le désert croît, c’est l’archéologie moderne. Le désert croît. Est-ce que l’image de "Théorème" de Pasolini est une image archéologique ? En tout cas une image géologique, c’est une image du sédiment de notre temps : le désert croît. L’industriel tout nu, devenu bête, Tiens ? L’acte de fabulation peut être un cri d’animal ? L’industriel tout nu devenu bête, poussant son cri, court dans un désert typico-italien qu’ils ont été chercher, je ne sais pas où. En Sicile, non ? Où c’est ? Par là quoi ! Et ce qui s’appelle la fin admirable de Théorème. C’est l’archéologie de notre temps c’est quoi ? C’est l’image tectonique, c’est l’image sédimentaire.

C’est les déserts d’Antonioni, le désert croît. Et "Porcherie" avec sa double partie : nos ancêtres cannibales et nos contemporains cochons. Qu’est-ce que c’est sinon l’archéologie de notre temps ? Les déserts de Pasolini sont l’archéologie de notre temps c’est-à-dire, l’image tectonique, géologique, stratigraphique du monde moderne. Chez Antonioni le génie est différent mais il se trouve qu’à cet égard c’est pareil. Les déserts d’Antonioni, que lui va chercher parfois jusqu’en Amérique. Et qui dans une scène célèbre de "Zabriskie point", vont essaimer le couple primordial.

L’image tectonique, c’est l’image sédimentaire. C’est le socle de notre monde, seulement le socle affleure, et affleure de plus en plus.

Si vous m’accordez ça, qu’il avait déjà cette puissante lancée, est-ce qu’il faudra s’étonner que - je ne dis pas du tout qu’ils en dépendent- mais par une logique qui est celle du cinéma et indépendamment de toute influence, on débouche ce que les Straub appellent textuellement eux-mêmes, séquence tellurique. Une séquence tellurique par rapport à quoi ? Qui occupe et qui définit l’image visuelle par rapport au nouvel acte de parole qui définit l’image sonore. Et c’est la fameuse séquence tellurique de Fortini/Cani. Et des séquences telluriques je crois qu’il y a peu de films des Straub qui la comportent de manière extrêmement variée avec des motifs complètement différents. Est-ce qu’il sont les seuls ? Je crois que évidemment, ils ne sont pas du tout les seuls.

Je dirai pour résumer, la nature tellurique, tectonique de l’image, accomplit dans le cinéma moderne la puissance préparée par les espaces quelconques et notre conclusion pour aujourd’hui c’est tout simple : c’est que lorsque l’image sonore et l’image visuelle deviennent heautonomes, deviennent respectivement autonomes l’une par rapport à l ’autre, l’image sonore renvoie à un nouveau type d’acte de parole que l’on peut appeler acte de fabulation - en même temps que l’image visuelle qui crée l’évènement - en même temps que l’image visuelle renvoie à un nouveau type d’espace, l’espace tellurique, l’espace tectonique, l’espace géologique, qui enfouit l’événement.

Lorsque l’acte de parole devient fondateur c’est-à-dire fabulateur, ce qui nous est révélé ce sont les fondations de la terre mais comme fondations muettes. L’image sonore sera l’acte fondateur de parole. L’image visuelle sera les assises géologiques de le terre.

"Les assises géologiques de la terre", qui est-ce qui disait ça ? On le verra, il s’appelle Cézanne. Les Straub à bon ou à mauvais droit peu importe, les Straub estiment faire un cinéma fondamentalement et essentiellement cézanien : l’image tellurique.

La prochaine fois, on fonce sur l’image sonore / cadrage, mais ça s’enchaîne. Voilà !

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