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89- 21/05/1985 - 1

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Gilles Deleuze cinéma - pensée cours 89 - 21/05/1985 - 1 Transcription : Magalí Bilbao Cuestas Correction : Sidney Sadowski

Ce n’est pas difficile, mais il faut arriver à suivre l’ordre des arguments. Il y a un ordre, et comme l’ordre des arguments m’échappe en partie...bon.

La dernière fois j’ai dit juste que - un peu tard il est vrai - on a fait un gain considérable. Mais un gain qui ne peut plus nous rapporter grand chose, qui peut nous rapporter que si on se reporte au passé. Le gain considérable que nous avons fait c’est que, concernant ce qu’on appelait - manière de dire - l’image classique au cinéma, on a enrichi le schéma sur lequel nous nous étions fondés depuis le début et puis même les autres années. je veux dire qu’on avait toujours présenté les choses sous la forme : l’image classique c’est l’image-mouvement dont découle une représentation indirecte du temps comme Tout-qui-change. Et puis voilà que dans le courant de nos analyses, on a ajouté une dimension, d’accord ? L’image-mouvement est telle qu’en découle une représentation indirecte du temps. Cette représentation indirecte du temps c’est le Tout-qui-change, d’accord ? Mais en plus et en même temps, la musique - comme musique de cinéma - donne du temps ou du Tout-qui-change, une présentation directe exclusivement sonore et musicale.

Alors c’était... ça venait à la fois nous donner de vives satisfactions parce que ça complétait bien le schéma - loin de le remettre en question - et puis en même temps, ça allait encore nous compliquer un peu les choses pour ce qu’il nous restait à faire. Puisque dans l’image dite moderne, nous avions d’autant plus de raisons de nous attendre à ce que le rôle de la musique et la nature de la musique changent dans ce qu’il nous reste à faire. C’est-à-dire que lorsque l’image-temps remplace l’image-mouvement, lorsque l’image-temps se fait directe, il va de soi que le rôle de la musique change puisqu’il n’y a plus besoin d’une présentation directe qui serait assumée par la musique.

Donc il va falloir... et puis où nous en sommes ? Eh bien, nous en sommes à comment définir - puisque nous avons consacré deux séances à essayer de définir le premier stade du parlant - nous en sommes à comment définir le second stade du parlant. Second stade du parlant, dont on fait dater les débuts avec l’après-guerre, en gros. Second stade du parlant qui définit le cinéma moderne puisque, encore une fois, la frontière du classique et du moderne ne nous a pas paru être le parlant lui-même mais, beaucoup plus, un second stade du parlant qu’il nous reste à définir. Or ce second stade du parlant, je dis tout de suite, puisque c’est ça qu’il nous reste à faire, que, si tout va bien, on doit le définir d’une part par une "autonomie" que prendrait l’acte de parole.
-  Ce qui implique évidement que l’acte de parole change de nature - une autonomie prise par l’acte de parole. C’est le premier point.

-  Deuxième point : cela implique forcement que l’image sonore elle-même - ou plutôt ça implique que le sonore cesse d’être une composante de l’image visuelle et devienne une image à part entière. Si bien que l’image moderne sera une image" audiovisuelle" au vrai sens du mot. Bien plus, elle impliquera une disjonction de l’image sonore et de l’image visuelle - pas nécessairement une contradiction - mais une disjonction de l’image sonore et de l’image visuelle.

Troisième point : si l’image sonore accède à l’autonomie, il faut bien donner un sens quelconque à l’idée... C’est-à-dire si le sonore devient une image, il faudra donner un sens, ou essayer de donner un sens à l’idée que le cinéma classique refusait, repoussait : l’idée d’un cadrage sonore propre à l’élément sonore. Si bien qu’on se retrouvera devant cette thèse qu’on traîne, mais qu’on n’a pas vraiment abordée :
-  dans le cinéma moderne, il n’y a plus de hors-champ.

Pourquoi ? Parce que, encore une fois, le hors-champ c’est une dépendance de l’image visuelle. Vous me direz, encore une fois, la question n’est pas la question du fait ; bien sûr en fait, le hors-champ peut subsister - exactement comme subsistent les éléments de l’image classique dans l’image moderne. Mais l’image moderne en tant que telle n’a plus besoin de hors-champ. Le hors-champ c’est une dépendance, c’est une appartenance de l’image visuelle. Si l’image sonore devient autonome, si l’image sonore et l’image visuelle sont respectivement autonomes, il ne peut plus y avoir de hors-champ. Qu’est ce qu’il y aura ? On l’a vu, il y aura interstice entre les deux cadrages. Cadrage sonore et cadrage visuel. Or un interstice entre deux cadrages est tout à fait différent d’un hors-champ de l’image visuelle.

-  Troisième et dernier point qu’il nous restera à voir : s’il y a bien cette autonomie ou ce rapport disjonctif entre l’image sonore et l’image visuelle - encore une fois le sonore ayant accédé à l’état d’image à part entière - s’il y a bien ce rapport, s’il y a bien cette autonomie respective des deux sortes d’images, image sonore, image visuelle, ça n’empêche pas qu’évidement, elles ne sont pas sans rapports. Il ne faut pas prendre au sérieux la critique mélancolique que lance Jean Mitry ; "s’il en est ainsi, alors, pourquoi pas n’importe quoi sur n’importe quoi, c’est-à-dire n’importe quel son sur n’importe quelle image visuelle". Vous comprenez bien qu’une telle situation, ce n’est pas possible, et n’expliquerait rien à l’intérêt que nous pouvons prendre tous au cinéma dit moderne. Il faut bien qu’il y ait un nouveau type de rapport entre le sonore et le visuel. Type de rapport différent de celui qu’il y avait dans l’image classique, complètement différent, d’une autre nature. Si bien que la prochaine fois, j’ai vivement souhaité, avec l’aide d’un certain nombre d’entre vous, qu’on refasse une dernière méthode-interview, et c’est par là qu’on commencera, parce que si on ne commence pas par là, où que j’en sois arrivé dans cette séance là aujourd’hui, on commencera par l’interview. C’est pour ça que... et vous-mêmes, vous voyez... [Interruption de l’enregistrement, reprise au milieu d’une phrase]

...malgré toutes les réserves que les acousticiens et les musiciens font parfois a l’égard d’une telle notion. Donc c’est ça qui sera évidement l’essentiel. Si on est amené à répondre non, ça nous mène à rien, dans un drame vivant, je range mes petits papiers et je m’en vais, ayant raté mon hypothèse et vous...et bah, on sera formidables. Moi je préférerais que ça rate, enfin, vous verrez, vous verrez.

Donc c’est par là qu’on commencera, donc aujourd’hui on entame le problème. Bien, soit. Second stade du parlant, comment le définir ? S’il y a un second stade du parlant après la guerre, comment le définir ? Et là faudrait pas me... vous n’avez pas ces mauvaises habitudes mais faut pas me bousculer parce que il y a tellement, tellement, tellement de choses ; et je voudrais commencer par rappeler très très vite les deux autres stades qu’on a vus.
-  Le stade du muet - qu’est ce que c’est ? Il y a du parlant, le parlant n’est pas entendu, il est lu. Bon, je ne reviens pas là-dessus. Il y a du parlant puisqu’ils articulent ; simplement, vous n’entendez pas. Le parlant est lu : l’intertitre. Encore une fois, je vais pas varier mes exemples : « je vais te tuer » ...non, je préfère changer, parce qu’à force de prendre des exemples stupides ça finira par arriver. « Je vais t’apporter des fleurs », c’est lu. Je dis, ça a beau être du style direct, le fait que vous le lisiez, le transforme en style indirect. Vous lisez comme s’il y avait : « il dit qu’il va lui apporter des fleurs ». Et je crois, d’une certaine manière, c’est un peu l’état qu’on a vis-à-vis du roman. Le roman nous présente des dialogues, des dialogues directs, mais que nous appréhendons - du fait même que nous les lisons - que nous appréhendons sous forme de style indirect, en style indirect. C’est l’état donc du "parlant lu" - stade du muet.

Je dis deuxième stade, qu’on a vu les deux dernières séances. Comment le définir ?
-  Le cinéma dit parlant, quand il cesse d’être muet. Qu’est ce qu’il se passe ? On peut dire en très gros, c’est tout simple : le parlant accède au style direct. Il est entendu, il n’est plus lu. Ça n’empêche pas que l’acte de parole, en tant qu’entendu - on l’a vu, ça a été toutes nos analyses précédentes - en tant qu’entendu, non pas en tant que lu, puisqu’il n’est pas lu, il est entendu - en tant qu’entendu, l’acte de parole au premier stade du parlant est vu, il fait voir et il voit lui-même. La voix qui voit. Et pourquoi tout ça, ce n’est pas étonnant ? Puisqu’on l’a vu : le premier stade du parlant ne nous donne nullement une image sonore, il fait du sonore une composante spécifique de l’image visuelle. Pourquoi ? On l’a vu aussi, je ne fais que résumer l’hypothèse que je faisais, à savoir : il trouve son acte, il trouve sa fonction la plus fondamentale - non pas la seule - mais il trouve sa fonction la plus fondamentale dans le peuplement du hors-champ, sous le double aspect du hors-champ relatif et absolu.

Or je ne cesserai de dire et de redire - parce que sinon, évidemment, tout s’écroule de mon hypothèse - le hors-champ, même sous sa forme absolue, est une appartenance de l’image visuelle. Le hors-champ par définition n’est pas vu ; c’est une composante de l’image visuelle, c’est une appartenance de l’image visuelle. Si bien que les actes de parole entendus - en tant qu’ils peuplent, en tant qu’ils ne se contentent pas d’être - je dirais les actes de parole entendus dans le premier stade du parlant ou bien sont localisés « in » comme on dit, c’est-à-dire sont localisés dans l’image vue ou bien ils sont localisés dans l’image vue - c’est la voix in - ou bien ils peuplent le hors-champ relatif ou absolu, et sous cette forme, en vertu de la nature du hors champ, ils ne sont plus localisés par l’image vue mais ce sont des appartenances de l’image visuelle - le hors-champ sous sa forme relative autant qu’absolue étant une dépendance de l’image visuelle. Si bien que, ça, ce sont les actes de parole off en tant qu’ils peuplent le hors-champ - soit sous sa forme relative soit sous sa forme absolue. Bien !

On a vu qu’à ce stade, on pouvait distinguer deux sortes d’actes de parole et que si on se proposait une sociologie des actes de parole, je vous disais, dans ce que on appelle la sociolinguistique, il y a un problème qui m’intéresse beaucoup, comme tous les problèmes de classification : c’est une classification des actes de parole. Il y en a eu beaucoup. je n’ai plus le temps de prendre cette histoire qui est pourtant très intéressante de la classification des actes de parole. Le cinéma nous en inspire une, pour le moment, où on commencerait par deux actes de parole.

On l’a vu,
-  les actes de parole interactifs qui sont soit de la voix in, soit de la voix off peuplant le hors-champ relatif ;
-  et d’autre part les actes de parole réflexifs du type : « je me souviens », « Je sais » qui peuplent le hors-champ absolu et qui renvoient à la voix off qui sait ou qui se rappelle ou qui imagine, etc. - la voix off toute puissante.

Remarquez qu’il y aurait beaucoup à développer - mais là on n’a plus le temps - parce que interactif et réflexif, il faudrait expliquer que réflexif, on le prend en un sens très précis. Réflexif, bon faut mieux distinguer ces deux actes de parole sinon ça ne va pas, ça ne va pas. Il est évident que "je me promène" n’est pas un acte de parole réflexif. Je veux dire les actes de parole sont pronominaux, mais le pronominal, tantôt il y a un faux pronominal du type "je me promène", ça il faudrait faire une étude linguistique - on n’a plus le temps - pour montrer, qui porterait sur le pronominal, on montrerait facilement que le "je me promène" est un faux pronominal. On arriverait à dire : les vrais pronominaux sont l’expression grammaticale des actes réflexifs, des actes de parole réflexifs. Comment on définirait les actes de parole réflexifs ? Ce serait très gai, on les définirait comme ce à partir desquels on peut faire et on peut produire le cogito, le "je pense". C’est-à-dire, on peut conclure du sens de l’acte de parole : "je pense". Là ce serait très agréable de retrouver des textes anciens, où par exemple Descartes montre abondamment que je ne peux pas dire et je ne peux pas conclure « je me promène donc je pense ». En revanche, je peux conclure et je peux dire « je me souviens donc je pense », « je doute donc je pense », « j’imagine donc je pense », « je sens donc je pense », etc. Alors le pronominal, je le définirais comme précisément les actes de parole où l’inférence est légitime ente l’acte de parole considéré et le « je pense » et l’expression et l’énoncé « je pense », si bien que « je me promène », vous ne pouvez pas dire « je me promène donc je pense ». Enfin peu importe, c’est dommage en même temps...

Voila on en était là, en gros. Là-dessus, coup de tonnerre, second stade du parlant. Je dis, et ça le distingue bien du premier stade, on ne sait pas encore comment mais on est tous sensibles au résultat, car le résultat nous en faisons l’expérience chaque fois que nous allons voir un grand film dit moderne - et quelles que soient ses attaches avec le cinéma classique. N’oubliez pas ma règle de prudence, constamment : la distinction classique/moderne, il faut à la fois la tenir comme absolue à certains égards - les critères de distinction - et comme absolument relative du point de vue pratique. A votre choix, tantôt elle est consistante, tantôt elle est toute relative, tantôt... tout ça c’est...bon.

Mais le coup de tonnerre, c’est quoi ? Est-ce que ça a paru comme un coup de tonnerre ? Peut-être, peut-être. Mais ça a paru comme un coup de tonnerre pour d’autres raisons, c’est-à-dire, quand le tonnerre tonne, on croit toujours que c’est autre chose. Il faut longtemps longtemps pour savoir que c’était ça que constituait le tonnerre. On se trompe toujours sur la nature de ce qui tonne, on croit toujours que c’est autre chose qui tonne que ce qui tonne vraiment. C’est pour ça que, en fait, ça tonne pas. Je ne crois pas aux événements bruyants - disait Nietzsche, « je ne crois pas aux événements bruyants ». Et pourtant c’est l’auteur du tonnerre et de l’éclair. Eh oui, les bruits, ça s’oppose pas.

Le coup de tonnerre, c’est quoi ?
-  C’est que le sonore cesse d’être une dépendance de l’image visuelle. Même, même et y compris par l’intermédiaire d’un hors champ. Le sonore cesse d’être une dépendance de l’image visuelle, il cesse d’être une composante spécifique de l’image visuelle, même par l’intermédiaire d’un hors-champ ; c’est-à-dire il acquiert l’autonomie, il devient lui même image. L’image sonore nait. Et en tant qu’image sonore autonome. L’image visuelle et l’image sonore - non, n’exagérons pas, n’allons pas trop vite - ou bien l’élément sonore et l’élément visuel vont être deux éléments autonomes d’une image audiovisuelle, ou bien comme je vous disais en me servant d’un mot kantien, l’image sonore et l’image visuelle vont être deux images héautonomes. L’image sonore devient une image autonome. On se répète ça, on se répète ça pour s’y habituer parce qu’à la fois ça a l’air d’une platitude mais après tout, je suis pas tellement sûr que ça soit une platitude, on n’est jamais sûr de ce qui est plat, pas plat.

Mais vous comprenez déjà qu’on est en train de flanquer en l’air. je reviens toujours à la notion de hors-champ et de voix off. Il n’y a plus de voix off, il n’y a plus du hors-champ, la voix off ça peuple le hors-champ. Plus de voix off, ni de hors champ, Pourquoi ? Parce qu’encore une fois la voix off comme le hors-champ impliquaient une dépendance à l’égard de l’image visuelle. Si l’image sonore acquiert l’autonomie, comment voulez-vous qu’il y ait un hors-champ, comment voulez-vous qu’il y ait une voix off ? Il va y avoir une image sonore qui va avoir sa plénitude, qui va avoir ses critères, évidemment.

Comment le dire sans faire de la provocation ? il n’y a que les philosophes qui ne font pas de provocation, les artistes ils sont bien forcés de faire de la provocation - comment le dire sans provocation ? Alors autant le dire avec provocation, ça donne quoi, dit avec provocation ? Eh bien c’est deux films, vous comprenez, nous voilà devant deux films, je vais vous montrer deux films. Le film de l’image et le film des voix. "Maintenant les deux films sont là - en italique : d’une totale autonomie - liés seulement, mais inexorablement, par une concomitance matérielle. Ils sont tous les deux écrits sur la même pellicule et se voient en même temps. L’auteur de ce texte s’est trahi. Il s’est trahi de telle manière qu’il nous dit attention, je fais de la provocation mais là-dessous il y a autre chose que de la provocation. Car il a fait une gaffe volontaire en disant : ils se voient en même temps, puisque normalement ils ne devraient pas se voir en même temps d’après la provocation, l’un doit s’entendre et l’autre se voir.

Donc là il y a un petit truc bizarre. Quant au film des voix, ce ne sont pas non plus des voix off - dans l’acception habituelle du mot. Forcément, si elles sont devenues indépendantes de l’image visuelle, c’est pas des voix off. Elles ne facilitent pas le déroulement du film ; au contraire, elles l’entravent, le troublent. On ne devrait pas les raccrocher au film de l’image. C’est ça qui fera dire à Mitry, alors quoi, n’importe quoi sur n’importe quoi, n’importe quel son sur n’importe quelle vision. On ne devrait pas les raccrocher au fil de l’image, elles sont sans doute échappées d’un autre matériau qu’un film.

Je retiens ce texte, donc, Marguerite Duras, Avant-propos de la femme du Gange, dans l’édition Gallimard, page 103, le texte commençant par - j’avais coupé pour ne pas que vous reconnaissiez l’auteur tout de suite " La femme du Gange" c’est deux films. C’est deux films : le film de l’image et le film des voix. Les deux films sont là d’une totale autonomie, liés seulement mais inexorablement par une concomitance matérielle, à savoir être écrit sur la même pellicule." Alors est-ce que ça veut dire qu’elle a pris des voix et puis qu’elle les a foutues sur n’importe quelles images ? On le croirait, à l’entendre. Bien, mais on sait bien que c’est pas vrai. Bien plus, du coup nous intéresse, si on lit le scenario de "La femme du Gange", un passage sur lequel nous aurons à revenir - qui m’intéresse beaucoup. Vous vous rappelez, donc, il y a deux films indépendants qui n’ont rien d’autre qu’une coexistence matérielle sur la pellicule. Je dirais : le film sonore et le film visuel, l’image sonore et l’image visuelle. Là ce n’est pas seulement autonomie de deux éléments d’une même image, c’est héautonomie de deux images. Les voix sont une image sonore, les vus sont une image visuelle ; héautonomie des voix et des vus.

Et voilà que page 183 du scénario, Marguerite Duras nous dit : "il y a un moment de jonction, il y a un moment de jonction entre le film de l’image et le film des voix "- entendez entre l’image visuelle et l’image sonore. "Le film de l’image touche ici, touche - et elle met en italique - touche ici le film des voix." Marguerite Duras pèse ses mots. Est-ce par hasard qu’elle emploie un mot tactile pour définir cette jonction du visuel et du sonore. Le film de l’image touche ici le film des voix, cela dure le temps d’une phrase." Curieux ce texte, surtout ce que viennent de dire les voix, on verra ça. "Mais ce contact - à nouveau, appel à la tactilité - ce contact provoque la mort. Le film des voix est également tué." On suppose que le film des vus est lui-même tué. Et en effet, plus loin, nous sommes arrivés également dans la fin du film de l’image. Voilà que quand l’image sonore et l’image visuelle se touchent - mais qu’est-ce que signifie se toucher ? Le film est mort, c’est-à-dire l’image sonore disparait, l’image visuelle disparait. Quand est-ce que ça se touche, pourtant ? Et est-ce que c’est vrai ? Non puisqu’il y a encore 20 pages de scénario. Que de mystères. Pourtant elle sait ce qu’elle dit. bien !

Disons juste... Recommençons. On recommence. Et tant qu’on n’aura pas une voix, on recommence. Alors chacun sait que Marguerite Duras c’est un cinéma que, d’une certaine manière, on peut qualifier d’un mot obscure, on peut dire que c’est un peu un cinéma d’avant-garde. Mais il y a de grands cinéastes modernes qui sont moins d’avant-garde ou qui paraissent moins d’avant-garde, qui ont un public plus commercial, si grand soit-il.

Voilà je prends dans le recueil d’articles de Éric Rohmer, "Le goût de la beauté", où il a recueilli un certain nombre d’articles. Page 39-40 on va voir, c’est un texte très curieux. Et je remarque juste, je vous y renvoie, que Rohmer éprouve le besoin de dire, pour parler du cinéma moderne : Depuis La règle du jeu - Il cite un certain nombre de cinéastes qu’il admire particulièrement et qu’il met à la base du cinéma moderne - "depuis La règle du jeu de Renoir, Les dames du bois de Boulogne de Bresson, depuis Orson Welles, il y a un décalage" - lui-même pensant qu’il continue ce décalage - "il y a un décalage entre la signification de la parole et celle de l’élément visuel, un contrepoint "- ça, ça m’intéresse rudement, vous allez voir pourquoi - "un contrepoint du texte et de la pellicule". Un contrepoint du texte et de la pellicule, disons un contrepoint de l’image sonore et de l’image visuelle. Il ajoute entre parenthèses : rien à voir - je ne cite pas exactement, mais je vous assure que je ne le déforme en rien - contrepoint qui n’a rien à voir avec le contrepoint dont se réclamait Eisenstein et Poudovkine. Je le dis, vous comprenez, il suffit quand on a une hypothèse, on ne demande pas grand-chose, on demande d’être réconforté, on demande qu’on vous console. Toute hypothèse donne plein d’angoisse, on a besoin d’être consolé, que quelqu’un vous dise « Ben oui, vas-y ».

Alors, bien. On l’a vu l’histoire du contrepoint soviétique. Le contrepoint soviétique, ça consistait à dire : pour que l’élément sonore ne soit pas redondant, ne fasse pas redondance avec l’image visuelle, il faudra en mettre la source hors-champ. Si Rohmer invoque un contrepoint dont il nous dit, dont il éprouve le besoin lui-même de nous dire « attention, c’est un contrepoint d’une toute autre nature », c’est un petit encouragement pour nous. Ah oui, on peut se dire, oh bah oui, on comprend tout de suite, peut-être bien que c’est un contrepoint. Hélas il est trop bref, et au lieu de prolonger il ferme sa parenthèse tout de suite. Il veut dire que c’est un contrepoint qui n’a plus rien à voir avec le hors-champ. Il n’a plus rien à voir avec le hors-champ parce que c’est un contrepoint entre une image sonore et une image visuelle, chacune étant respectivement autonome. Alors vous me direz, mais comment c’est un contrepoint encore si chacune est respectivement autonome ? Réponse dans notre programme prévu : respectivement autonome ou même héautonome, ça veut pas dire que ça va être sans rapport, simplement il va falloir déterminer le rapport, et le rapport, Il faut s’attendre à ce qu’il soit extrêmement, extrêmement complexe. Et vous voyez comme on avance : tout petit, tout petit.

Bon, deuxième point. Je viens juste de prendre acte de ceci : autonomie respective de l’image sonore et de l’image visuelle, où j’invoque l’exemple évident de Duras - accordez moi que j’aurais pu invoquer l’exemple évident des Straub mais comme on en parlera plus tard, bon. Mais où j’ai tenu à y joindre un auteur qui à la fois a une très grande importance dans le cinéma moderne mais qui passe, d’une certaine manière, qui passe plus facilement dans un public qui a plus de rapports avec du classique. Malgré ses rapports avec un cinéma classique, Rohmer insiste sur le nouveau type de rapport image sonore-image visuelle qui va animer son cinéma.

D’où, deuxième point. Comment le définir ? Vous comprenez, là je suis forcé, prenons les choses par un bout : autonomie respective de l’image sonore. Si le sonore devient une image autonome, il faut que quoi ? Là, il nous faut une raison d’avancer. Vous savez, on est tellement paresseux, quand on travaille dans la vie, on est tellement tellement paresseux que - dites-vous bien dans votre travail à vous - que on n’avance que contraint et forcé. Si vous n’êtes pas forcé d’avancer, vous n’avancerez pas. Alors nous, on est forcé d’avancer dans la situation où on s’est mis, la question c’est se mettre dans une situation où on peut pas arrêter. Si on est dans une situation où on peut arrêter, vous pensez, jamais personne ne travaillerait. Faut être forcé. Faut ne pas avoir de choix. Mettez-vous dans des situations où vous n’avez pas le choix. Nous on a pas le choix donc ça va, c’est bien. On n’a pas le choix parce qu’on est bien forcé de se dire maintenant, d’accord, mais si l’image sonore devient autonome et même héautonome, il nous faut un nouvel acte de parole. C’est que à ce moment-là, l’acte de parole auquel elle renvoie doit être d’un nouveau type. Ca ne peut plus être l’acte de parole interactif ou l’acte de parole réflexif.

Ô joie, il faudra que notre classification comporte un troisième type d’acte de parole. Oui, parce que deux actes de parole en tout ça faisait un peu pauvre. Alors se dire, voilà un troisième auquel on ne peut pas échapper, c’est parfait. Mais comme on ne peut pas aller trop vite non plus, il vaut mieux chercher comment il s’exprime, cet acte de parole.
-  Comment s’exprime l’acte de parole dans le cinéma moderne ? Là aussi on va faire des hypothèses, comme ça, quitte à dire : oh bah c’est pas évident, mais si vous creusez, il y a des cas où c’est évident, mais d’autres cas où c’est pas évident, mais si vous regardez les cas où c’est pas évident à partir de ceux où c’est évident, vous allez voir que c’est évident. Et alors, quoi ? Je disais, et là on retrouve un thème que j’ai essayé de développer depuis trois ans, donc ça va aller tout seul, même pour ceux qui n’étaient pas là.

Alors, je pourrai aller vite, on vient de voir : premier stade : le muet, le style indirect. Deuxième stade : le premier stade du parlant ; l’acte de parole devient entendu, c’est-à-dire accède au style direct. Qu’est-ce qu’il y a d’autre ? On l’a vu depuis des années, puisqu’on tournait autour de ça, ça nous intéressait : il y a une drôle de chose dont les grammaires savent pas bien que faire - et je ne recommence pas, je résume pour ceux qui n’étaient pas là. Il y a, hors du style indirect et du style direct, il y a le style dit indirect libre, le style indirect libre qui a été étudié par des linguistes très très forts. Et donc - je vous rappelle, c’est pour ça qu’on s’en était occupé il y a des années - et donc Pasolini a fait non seulement une étude poétique dans sa critique littéraire, dans ses livres de critique littéraire, mais une tentative d’application cinématographique très intéressante dans ses théories cinématographiques. Donc on ne sort pas du cinéma. Simplement là je voudrais parler pour mon compte. Et vous voyez tout de suite ce que je veux dire. Je veux dire :
-  peut-être que l’expression de l’acte de parole nouveau au second stade du parlant, c’est le style indirect libre.

Vous allez me dire : mais qu’est ce que ça vient faire, ça ? Votre réaction, pour ceux qui n’étaient pas là les autres années, ça devrait être : « il dit n’importe quoi ». Pour ceux qui étaient là les autres années ça devrait être : « il replace un vieux truc ». Et voilà que, et voilà que je suis forcé de redire très vite : qu’est-ce que c’est le style indirect libre ? C’est lorsque, dans un énoncé, il y a quelqu’un d’autre ; un autre se met à parler. Dans un énoncé renvoyant à un sujet, un autre sujet se met à parler. Une voix dans une voix. Un des linguistes qui, avant Pasolini, s’est occupé le plus du style indirect libre, c’est, je vous le rappelle, Bakhtine. Le grand Bakhtine. Et, pour pas en sortir, là je garde le même exemple, je garde le même exemple que j’ai donné, même s’il est pas emprunté a Bakhtine et qu’il est pleinement satisfaisant : exemple du moyen-âge - on va voir pourquoi je prends un exemple du moyen-âge dans Bakhtine - lequel Bakhtine s’intéressait beaucoup au moyen-âge. Bien, cet exemple c’est : « elle rassemble son énergie, elle souffrira plutôt la torture que de perdre son honneur ». En quoi est-ce du style indirect libre ? Vous voyez, « elle », le premier « elle », c’est un sujet d’énoncé. Mais le sujet d’énonciation, c’est un narrateur - vous, moi. « Elle rassemble son énergie », le sujet d’énonciation c’est, je suppose, le narrateur. « Elle souffrira plutôt la torture que de perdre son honneur », le second « elle » a pour sujet d’énoncé la même personne mais a pour sujet d’énonciation, non plus le narrateur, mais cette personne même. « Elle souffrira plutôt la torture que de perdre son honneur », c’est elle qui dit.

En d’autres termes, la définition que je vous proposais du style indirect libre - définition qui me semblait la plus simple, que je cherchais bien - je dirais : le style indirect libre, c’est une énonciation, c’est une énonciation faisant partie d’un énoncé qui dépend d’un autre sujet d’énonciation. C’est une énonciation qui fait partie d’un énoncé qui dépend d’un autre sujet d’énonciation.

Appliqué à l’exemple, ça devient lumineux. Une énonciation faisant partie d’un énoncé qui dépend d’un autre sujet d’énonciation, quelle est l’énonciation ? L’énonciation c’est : « elle souffrira plutôt la torture que perdre son honneur ». Cette énonciation fait partie d’un énoncé - l’ensemble de la proposition, « elle rassemble son énergie, elle souffrira »...etc. Ça fait partie d’un énoncé. Cet énoncé dépend d’un autre sujet d’énonciation - c’est le narrateur. L’énonciation a pour sujet l’héroïne, mais fait partie d’un énoncé qui renvoie à un autre sujet d’énonciation qui est le narrateur. Voyez, qu’est-ce qui apparait immédiatement ? Si vous êtes grammairien un peu, vous allez avoir une grande tentation. La tentation, ça va être de dire : le style indirect libre, c’est une forme impure, c’est un mixte, c’est un mixte de style direct et de style indirect. « Elle souffrira plutôt la torture que de perdre sa virginité ». Je vais donner un autre exemple, si vous le préférez, un autre exemple très dix-neuvième siècle cette fois-ci, très roman naturaliste dix-neuvième siècle, ou très Flaubert - chez Flaubert, il y a des très belles indirectes libres : « Je lui dis de ne pas faire le voyage ; elle prendrait toutes les précautions et n’avait aucun besoin de mes conseils ». Vous voyez bien que c’est une indirecte libre. « Elle prendrait toutes les précautions et n’avait aucun besoin de mes conseils », c’est ce qu’elle dit, elle. Mais ça fait partie de l’énoncé que moi je dis. « Je lui dis de renoncer à ce voyage ; elle prendrait toutes les précautions et n’avait aucun besoin de mes conseils ». C’est une énonciation faisant partie d’un énoncé qui dépend d’un autre sujet d’énonciation. Vous pouvez toujours dire : c’est un mixte de direct et d’indirect, de style direct et de style indirect. Bakhtine et tous les bons grammairiens n’ont pas de peine à montrer - là je vous épargne, parce que ça nous prendrait une demi-heure, vous me l’accordez - n’ont pas de peine à montrer que c’est pas vrai ; qu’il faut prendre et qu’on ne peut interpréter le style indirect libre que comme une forme autonome.

Bien, pourquoi je vous raconte tout ça ? Et, en même temps, on corrige tout de suite. On ne peut interpréter que comme une forme autonome. Bon ! Mais nous, tout en sachant ça, nous savons que le style indirect libre n’est pas un mixte, nous le savons, nous ne l’oublions pas. Mais on va faire comme si - pour plus de facilité pratique - on va faire comme si non pas c’était un mixte, mais comme si le style indirect libre était perpétuellement le passage de l’un à l’autre, de l’indirect au direct ou du direct à l’indirect. Ce n’est pas en faire un mixte. C’est juste, pour pas prolonger l’analyse, on va se dire : bon ce n’est pas un mixte, d’accord, mais traitons-le un peu comme le "passage", comme le passage saisi en acte. Alors je sais que c’est pas vrai à la lettre. Bon, mais c’est pour plus de commodité. Alors si vous me dîtes mais c’est pas vrai à la lettre, je dis ben oui, mais faites un effort, c’est pour simplifier. Et c’est presque vrai à la lettre puisque j’en fais pas un mixte en en faisant un passage. Je dis quelque chose d’insuffisant mais quelque chose qui n’est pas faux. On peut pas demander plus. Alors, bien, ça donne quoi, ça ? Imaginez quelqu’un - c’est possible - imaginez quelqu’un - toutes les manières d’écrire sont bonnes du moment qu’elles conviennent à celui qui les emploie - imaginez quelqu’un qui écrive d’abord en style indirect, en style indirect tout court, et qui met après en style direct. Vous comprenez que son style direct - c’est-à-dire qu’il met en dialogue après - comprenez que son style direct, bizarrement, va recueillir quelque chose de l’origine indirecte gommée. Ca va être un drôle de style direct. C’est un procédé, à moins que le quelqu’un n’en éprouve vraiment besoin. Bon, puis supposez l’inverse. Ca serait quoi l’inverse ? L’inverse ce serait quelqu’un qui commencerait à écrire en style direct et qui bizarrement passerait ou ferait comme si c’était de l’indirect [fin de l’enregistrement].

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