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88- 14/05/1985 - 3

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Gilles Deleuze - cinéma et pensée cours 88 du 14/05/1985 - 3 transcription : Claudie Zémiri correction : Marie Descure

-  Deleuze : Eh bah, on a fait un sacré bout alors c’est un peu... tu ne peux pas encore aller loin. Non, sans rire, si tu veux bien. Alors je voudrais maintenant la réaction sur ce thème. Pas seulement la réaction, les apports si l’on veut bien de Pascal... Euh ! Je veux dire d’une part, est-ce que en gros tu es d’accord avec les trois exemples, et je vais suivre les exemples pris. Ce n’est pas philosophiquement qu’il y avait comme deux, deux thèmes fondamentaux : micro / magnétophone. On est passé déjà avec comme thèmes fondamentaux : filtres modulateurs et stéréophonie. Et surtout est-ce que tu es d’accord avec la distinction des deux aspects. L’apparence et la réalité musicale et le dispositif spatial ou la... enfin tu vois les deux de toute façon. D’autre part, est-ce que tu en joindrais d’autre, toi, voilà enfin plein de choses, quoi.

-  Etudiante : Je crois qu’on a dit vraiment plein de choses... Je crois qu’il y a une chose que je ne comprends pas. Pour moi ça pose un petit peu la question, le problème de couple. Je voudrais dire qu’en même temps que, même nos règles, on a nos règles, oui nos règles c’est notre système ; alors on s’aperçoit aujourd’hui que c’est tout notre système de vie, qui sont des moyens de connaissance ; il n’empêche que... il s’agit toujours de partir d’informations afin de pouvoir les décoder, pour pouvoir les décoder et ensuite... aussi bien à l’oreille de chacun de nous, pour les informations et, être capable de les appliquer et de les différencier. Donc aujourd’hui, il y a ce qui nous fourni des informations, il n’empêche que c’est, non pas une image naturelle, mais, des modèles préexistants à l’établissement de beaucoup de... La synthèse du cours aujourd’hui, l’analyse de cette question, ne peut se faire que sur la capacité d’amasser des informations justes par rapport à un mode d’inadéquation. Et pour moi, ça, ça pose le problème entre (inaudible) son degré d’identification c’est-à-dire qu’on a envie d’un soulagement, on entend l’avion dans un enregistrement jusqu’à quel point on devrait quand même en partie reconnaitre l’avion. (Inaudible). Le cadrage, alors là je suis en train de ..., je ne sais pas. C’est que dans le sonore, il y a le bruit : soit la parole dans les cris ou de la musique... Il y a d’un côté souvent des bruits qui viennent dire que c’est vrai, que c’est bien (inaudible)... Il y a des voix qui sont très mouvantes, elles ont des timbres dans le timbre, une forme beaucoup plus chaude et puis alors là ça commence à être déjà très et puis il y a la musique elle-même transcendantale qui elle me paraît souvent apporter une ligne très... (inaudible) comme un narrateur. L’instrument, l’instrumental instrument, c’est la puissance d’une voix narratrice, mais pas que la narration c’est un narrateur. Et donc ce cadrage c’est de toute façon, c’est la relation c’est quelque chose de plusieurs mouvements mais ce n’est pas forcément le plan.

Deleuze : Non, à mon avis c’est un autre sujet, mais c’est très bien, tu lances un autre sujet comme étant celui qui t’intéresse et peut-être que... Oui, il me semble, mais peut être pas, peut être pas si tu continues on va peut être s’apercevoir... que pour le moment, pour moi, cela m’apparait être un autre sujet.

-  Etudiante : Non mais ça rejoint quand même ? Parce que, quand il disait que déjà tout micro est un filtre... Que déjà il déforme par rapport à ce qu’il appelle le réel ou la voix ou un son, mais en même temps je me souviens de ce qu’a toujours dit Bresson [1] au contraire enfin... où il disait que justement le dispositif micro/magnétophone captait et restituait de façon plus fidèle ce qu’entendait l’oreille que le dispositif caméra/objectif par rapport à ce que voit les yeux. Donc je ne sais pas si ça va dans le sens de ce décalage entre le cadré et le réel enfin, qui existe à la fois au niveau de l’image mais qui existe aussi au niveau du son, et d’après Bresson, beaucoup moins forcément. Enfin lui justement Bresson pense que le dispositif d’enregistrement et de restitution du son au cinéma est assez fidèle. Et justement lui qui travaille, alors là, c’est pour ça il travaille, c’est pour ça que je parle un peu de Bresson parce que c’est vrai que, tout ce qui a été dit tout à l’heure sur le travail d’une la matière sonore peut s’appliquer aux films de Bresson mais qui... Moi je crois que les moyens techniques des filtres en fait sont secondaires par rapport à nos questions...

-  Autre intervention : je pense qu’il y a...

-  Etudiant : [...] de la différenciation de la matière sonore, par rapport à un ensemble.

-  Autre intervention : Dans un de ses articles, Fremont, différencie la relation du son lui-même... C’est-à-dire que le son est assez fidèle, avant qu’il ne soit capté est-ce qu’il y a une référence, est-ce qu’il a une source ou bien, est ce que par exemple, soit par procédé d’information, soit par remontée musicale, soit par type d’instrument, soit par aptitude de technologie, les sons ont en eux- même un degré... On appelle ça de “tonicité” et ensuite, il y a une autre, un autre niveau de fidélité qui est la relation à l’image. Qu’est-ce que c’est que la limite entre un son qui n’a pas de tonicité et une image qui n’a pas non-plus de référence ? Et la relation...

-  Intervention étudiant : J’ai juste une remarque à faire, j’aimerais bien qu’on ne se pose pas, je vise personne, enfin aucun auteur en particulier, mais on ne se pose pas le problème des choses en soi, ça ne dérange pas de savoir ce qu’un son en lui même avant qu’il soit capté, filtré etc, etc... et le son pour lui-même et l’image pour elle-même mais vraiment le problème qu’on se pose il n’ y a pas de bon... c’est le problème kantien.

-  Etudiante : Non mais Bresson quand il entend une voix...

-  Etudiant : Il n’y a pas de voix en fait !

-  Etudiante : Non mais une voix, il a envie, d’une voix de quelqu’un donc de l’un de ses modèles, il a envie de la réentendre telle qu’il l’a choisie, donc c’est le dispositif de captage de cette voix de restitution de cette voix qui est important justement.

-  Etudiant : Pourquoi parler de filtre et de chose comme ça ? C’est évident que la chose technique n’est que secondaire, à la limite celle qui nous révèle comment procède la machine technique de représentation de l’image sonore ou la machine de présentation de l’image sonore, Bresson dit qu’il n’y a pas de son en soi pour lui ça ne voudra rien dire, il n’y a pas de naturalité du son, nous n’avons jamais que des procédures de restitution selon telle et telle modalité opératoire d’un son et à partir de ça, tout ce qui retourne à une pseudo naturalité du son à une pseudo ipséité du son en lui-même enfin tout ça c’est pratiquement de l’autonomie c’est la chose en soi... une problématique sans être dépassée.

-  Deleuze : Je voudrais juste défendre Richard parce ce que je crois sentir ce qu’il veut dire. Je prends le même texte, je crois que nous l’avons à l’esprit , celui de Fanno ; où il commence par les icônes au sens de rapport référentiel. Rapport référentiel à une source. Non ! pas à une source, je suis idiot, un rapport référentiel à quelque chose d’existant ou de préexistant. Alors il distingue donc, avec un... il distingue de ce point de vue, on peut distinguer les bruits, le langage et la musique dans mon souvenir. Mais il me semble que pour lui, loin d’y attacher beaucoup d’importance, bien sûr, tu as raison, il construit sa sphère, là-dessus, eh ! Il mettra au...

-  Etudiante : Non, je dirais non.
-  Deleuze : Ce n’est pas grave ça doit être... ce n’est pas grave. Et ça n’empêche pas que pour lui, en tant que musicien, j’ajoute moderne puisque de nouvelle conception ; il n’y a de différence entre les bruits, le langage et la musique que du point de vue référentiel et ce même point de vue référentiel, il s’en moque pas mal dès qu’il travaille dans le sens du son. Puisque la musique ce sera le traitement de l’ensemble du son, indépendamment de leur rapport référentiel.

-  Deleuze : Non, je dirais non.

-  Etudiante : Non parce que oui, oui ! Il peut y avoir un certain degré de signifiance, un degré d’iconicité et c’est l’échelle de rapport entre l’image et le son...

-  Deleuze : Là c’est le second sens d’iconicité, tu avais bien avancé qu’il y avait deux sens ?

-  Etudiante : Je pose la question sur ce que peut amener...amener vers la recherche par ordinateur, donc lui il le pose comme... ce point de vue il le pose comme... mais c’est quelque chose que moi, je soulève.

-  Deleuze : On va avoir un désaccord. Oui, oui, oui ! Non mais je vois où tu veux en venir, et ce n’est pas par hasard que je me disais c’est un autre thème sur lequel elle va, c’est parce que tu introduis quelque chose, tu vois ? Rien de particulier, ce n’est pas ce problème là. Pour moi il n’existe pas, loin de là...pas très important. Écoute, on procède d’abord comme ceci parce que là... Ce qu’il a dit ce n’est que l’aspect, est-ce que tu es d’accord en gros ? Ou est-ce que ça te parait... Quand il dit, ce n’est pas pour se moquer, c’est parce qu’il a trop d’amour et de haine pour Kant, il ne faudrait quand même pas nous ramener la chose en soi. Bien ! Alors, l’iconicité, elle nous renvoie bien à un élément sonore qui est comme préexistant. Sans iconicité, ça veut dire qu’il n’y a pas de rapport référentiel, qu’il y a pas de bruit d’avion, il n’y a pas de bruit, l’iconicité ! Bah c’est la musique.

-  Etudiante : Oui, mais moi parce que l’iconicité c’est par exemple reconnaitre simplement la source du son.

-  Deleuze : Non, c’est pas... peut-être qu’il va tout arranger par l’inspiration .

-  Etudiant : On reçoit une régularité extraordinaire tout simplement avec un son hyper saturé, et si on écoute des enregistrements d’avant guerre par exemple, on entend un orchestre de quarante à cinquante musiciens traiter un opéra avec vraiment une netteté, une propreté, un grand show de chaque ligne ; c’est extraordinaire. Alors il me semble qu’aujourd’hui par exemple, j’ai entendu tout à l’heure vous parliez des entrées et des sorties incessantes, donc une extrême précision des informations qui sont données par le son. C’est là où vraiment il y a un véritable cadrage ce qui est bien dans un rapport à l’iconocité des sons, des éléments sonores à une information, à une véritable idée des filtres, et tout ça le produit comme pur, comme appartenant à une musicalité. C’est vraiment un cadrage, à quelque chose qui fait à son tour un bloc mais alors proprement sonore.

-  Deleuze : C’est le mot iconicité qui... Il a deux sens complétement différents. Alors, il est temps de corriger ça. Il y a deux sens complétement différents, il y en a même peut-être trois d’après... la complexité. Une iconicité du type bruit d’avion, un avion passe, ça c’est, par apport référentiel. Quand tu nous dis il faut encore appeler iconicité, iconicité, ICONICITE le rapport à la source au sens de, non pas l’objet qui fait un bruit mais, alors là j’ai l’air de dire la même chose mais vous sentez bien que ce n’est pas du tout de la même manière qu’un avion fait un bruit et qu’une flûte produit le son, produit tel son. Le rapport de tel son, fait entièrement parti, il me semble, de ces profondeurs spatiales dont on a parlé tout à l’heure, et pas du tout de la référence à un objet. La flûte, elle n’intervient pas du tout comme objet spatial. Elle intervient , je dirais comme beaucoup plus (brouhaha), particulièrement comme vecteur temporel, elle intervient comme une figure de temps un peu comme le cadrage c’est une question de temps, ce n’est pas une question de découper l’espace, le cadrage c’est savoir quand le plan commence et quand il finit ce n’est pas une affaire d’espace c’est une affaire de plan. Le rapport d’un son à ce que tu appelles sa source ce n’est pas un rapport référentiel ni un rapport à l’iconicité mais par rapport à un son uniquement à ce qu’on peut appeler une force. La flûte c’est une force, ce n’est pas, c’est rien d’autre. Or, si tu veux dire un son a nécessairement un rapport avec une force, là je dirais c’est tout à fait le second schéma, le second schéma parce que... Tu es d’accord ? C’est le second schéma, non ?


-  Etudiante : Si...un même son peut être enregistré à des distances différentes, ce n’est pas un espace qui change. C’est vrai, c’est le déroulement de façon interne. De même que quand on écoute une musique classique les distances sonores. Je ne dis pas que c’est vrai, juste que ce n’est pas dans l’espace.

-  Deleuze : Complétement, oui, ça fait donc partie de... C’est ça, ça fait partie donc de ce qu’on pourrait appeler aussi bien force spatiale ou bien espace sonore intérieur, c’est à dire que en tant que autonome par rapport à l’espace visuel. Je suis tout à fait d’accord.

-  Etudiant : Mais ça a toujours existé les fondements de Strouba etc, dans les sons en général, dans les enregistrements ?

-  Deleuze : Alors, la grande question : est-il vrai que ça a toujours existé ? Tout dépend de ce que ça veut dire, les choses ont toujours existé, l’histoire de l’art elle nous apprend que des choses comme ça. Des choses ont existé mais on ne le voyait pas. La question ce n’est pas si les choses ont bien existé, la question c’est si on les voyait et si on les entendait. Dans une image qu’est-ce qu’on voit ? Qu’est-ce qu’on entend ? Et en plus, seconde question, est-ce que ça a toujours existé ? Je ne crois pas du tout que par exemple avant la stéréophonie, même, le c’est à dire le mouvement du son parcourant les 360°. Le voyage du son vers les 360° ...

-  Etudiant : Mais il existait déjà un mouvement parce qu’il avait l’arrière, l’avant...

-  Deleuze : Oui, oui et oui ! C’est comme si tu disais l’espace il a toujours existé. Le son il a toujours existé et le son il a toujours fait quelque chose dans l’espace. Et puis après ?

-  Etudiant : Non je comprend bien, quand il a dit qu’il y a une seconde utilisation de la stéréo, c’est le son enrichi, le son avec plus d’épaisseur...

-  Deleuze : Et toi tu dis que ça n’a pas existé ça avant ?

-  Deleuze : Tu dis que ça a existé avant ?
-  Etudiant : Oui, ça existait, je dis que l’on peut utiliser certains filtres pour donner un son plus riche, une fréquence, une utilisation de tout ce que vous voulez, le stéréo a été une utilisation de filtres, qui, je suis d’accord avec lui quand il dit que ce n’est pas... L’important ce n’est pas l’espace, ça, ça je suis d’accord avec les mots de “nom d’étudiant” aussi. Mais je crois que le problème de l’épaisseur du son et de la qualité, de l’utilisation des filtres, de l’autonomie du son et des rapports de force entre eux, ça a toujours existé.

-  Deleuze : On peut dire d’une certaine manière, quand on disait, bah oui faudrait aller voir le premier polyphoniste, c’est ça qu’ils font.

-  Etudiante : Oui, il aime les rapports de force pour le transposer dans le plan interne, mais plus...

-  Deleuze : Donc on peut dire les polyphonies sonores. Ca n’empêche pas que lorsque les procédés micro reprennent ou bien lorsque c’est repris dans la perspective d’une musique sérielle, qui est passée par une musique, qui est passée par la fin du 19éme et du 20éme siècle. Quand c’est repris par une musique il y a quelque chose de changé aussi, ce n’est pas la même chose, pas pareil et on entend pas les mêmes choses, tu peux pas me dire à bah oui cet air c’est un retour au premier polyphoniste, c’est pas un retour au premier polyphoniste c’est juste que c’est autre chose. C’est le dégoût de la technologie que je sens là.

-  Etudiant : Non pas du tout, non pas du tout, je trouve que c’est intéressant la technologie mais pas seulement la technologie, si vous ne trouvez pas quelque chose d’intérieur c’est-à-dire qu’il y avait déjà avant la technologie.

-  Deleuze : On l’a dit. On a fait un grand avertissement, la technologie n’a pas ses fins en soi. On ne pouvait pas en dire plus. Aujourd’hui on s’occupait un peu de technologie, on ne s’en occupe pas beaucoup, pas souvent, il est bien entendu qu’elle n’a pas ses fins en soi. Moi je dit que je n’en ai pas besoin de . Les phases supérieures à la technologie on sait ce qu’elles sont. En tout cas, je veux dire dans l’hypothèse que je propose. C’est accéder à l’autonomie de l’image sonore et de l’image visuelle. Alors sous quelle forme ? Pourquoi ? Ca on ne l’a pas encore vu, on a commencé à peine à le voir. C’est ça les phases plus hautes qui ne sont pas technologiques, accéder à l’autonomie de l’image, c’est quelque chose qui dépasse la technique, ça c’est un projet d’art, c’est un projet d’art qui est tout à fait mais... donc la technique peut être dite intérieure à ce projet. Et l’évolution technologique, qui ne doit rien à ce projet, pourtant ce qui nous intéresse c’est le moment où elle est intérieure à ce projet même. Ca me parait même être les principes mêmes de l’histoire de l’art. Quand les allemands ont fait de l’histoire de l’art, ça a été un de leur premier point. En quoi la technologie était intérieure et travaillait à l’intérieur de ce qu’ils appelaient (...) et que ce n’était pas par hasard que telle technologie était prise dans telle volonté d’art. Alors, la volonté d’art, on la tient je veux dire que toute cette année on a parlé que de ça. Alors, il faut de la place pour une séance de technologie, alors toi tu dis mais la technologie ça ne vaut pas pour soi-même, d’accord, mais...

-  Etudiant : Si j’ai dis ça, c’est parce que je trouve que, par exemple ce que vous considérez que le stéréo apporte a, c’est déjà avant le stéréo. C’est seulement pour ça. Je ne suis pas contre la technologie. Je dis, qu’avant le stéréo ça existait déjà. C’est tout.

-  Deleuze : Oui, enfin, je ne sais pas ce que ça veut dire. Est-ce que ça veut dire dans ce que faisaient les les Straub, il y avait ça déjà ? »

-  Etudiant : Non.

-  Deleuze : Non, ça ne veut pas dire ça, ça ne veut pas dire ça non plus que dans ce que fait Schönberg, c’était déjà (enregistrement coupé). Pour moi c’est comme si tu disais les couleurs, le traitement des couleurs et l’impressionnisme ça a existé avant. J’avoue que je ne sais pas, je ne sais plus, tu me troubles, ça me parait très bizarre. Je voudrais que tu réagisses ou si tu a des points de désaccord ou des points où tu vois des choses que tu veux ajouter.
-  Etudiant : (inaudible brouahaha)
-  Deleuze : Ca tu pourras en parler un peu la prochaine séance et il va falloir reprendre...on a pas fini donc... J’aimerais bien en finir avec cette histoire de technologie.

-  Etudiant : Il existe des partitions où la dissociation de deux cœurs est utilisée comme matériaux de décomposition. C’est déjà un effet de stéréo quand tu as un cœur A à gauche et un cœur B à droite et qu’ils se rencontrent, ils se parlent et échangent entre eux deux.

-  Deleuze : D’accord, oui, et la question c’est : où faire passer un critère de cette question je n’avais vraiment pas prévue, j’avais le sang neuf. Tu dis d’accord il n’y a rien à voir entre la musique moderne et la première polyphonie , ça je te l’accorde, mais enfin, tu dis, ce n’est pas la même chose, je ne dis pas en écoutant Ravel ou Debussi c’est un des premiers polyphonistes. Les techniques ne sont pas les mêmes.

-  Etudiante : Je ne connais pas la technique de la polyphonie, je...

-  Deleuze : Oui, bon, alors on revient à l’exemple de tout à l’heure, l’image électronique cette fois-ci l’image visuelle électronique, ou bien il faudrait des exemples de peintures, la couleur....je ne sais plus...

-  Deleuze : C’est clair ce qu’il dit mais j’arrive pas à le comprendre.

-  Etudiant : Il y a un nouveau champ opératoire qui révèle des choses qui étaient là de tout temps mais qui n’apparaissent que au travers de ce champ opératoire. D’autre part il y a de nouvelles forces qui apparaissent, qui évidemment étaient là de toute éternité. C’est pratiquement tautologique. C’est par exemple comme si, on prend la notion de mémoire dans l’histoire de la philo à tel siècle ou à tel moment, prenons la chez Bergson, on peut dire que cette notion était déjà là avant, à telle ou telle étape, mais qu’on avait pas su la formuler comme ça. C’est pratiquement la même chose. C’est une question de principe.

-  Etudiante : Dans le cinéma il y avait déjà un jeu avec...les différents sons.

-  Etudiant : Je ne parlais même pas, ni de musique ni de cinéma, parce que je parlais de traitement sonore par exemple. Je trouve que c’est très intéressant cette idée de cadrage sonore mais vous avez dit que les montages sonores ne suffisent pas. Tout ce que Dominique a dit, pour moi, ça ne nous amène à rien, tout ce qu’elle dit pour moi en tant ... je ne vois pas comment on pourrait penser...

-  Deleuze : Ca c’est de ma faute, elle ne parle pas en son nom, elle avait accepté de répondre à des questions que je lui posais, bon, je voulais ma séance de technique. Bon, j’ai besoin de toi, une dernière fois ; Bon explique nous, ça va peut être marcher. Je reviens, au second schéma de stéréophonie, pourquoi ce n’est pas de la simple polyphonie et en quoi c’est différent de la polyphonie ?

-  Etudiant : D’abord c’est tout simplement du stéréo, technologiquement, je vais te répondre à ras terre, parce que entre temps c’était le haut-parleur, non mais à la limite c’est presque ça. La différence alors entre la musique au 19ème siècle et celle d’aujourd’hui, c’est d’abord des opérateurs. La différence entre la monophonie et la polyphonie, c’est qu’on passe d’une source unique à une source double. Ca c’est une évolution dans un sens, bien que l’on puisse appeler ca comme on veut. Il y a la même distance entre une source unique et une source double à partir du haut parleur, entre pas de haut-parleur du tout et un haut-parleur. Je m’exprime correctement ? Ou pas ? Le rapport entre la polyphonie et la monophonie reproduite par disque, par exemple, est une nuance technologique qui équivaut, tout jugement qu’on pourrait mettre à part, tout jugement personnel, au son qualitatif et quantitatif qu’il y a entre un haut parleur et deux haut-parleurs comme source double.

-  Etudiant : Le passage d’un haut-parleur à deux haut-parleurs, veut dire qu’on pense aux problèmes de la stéréophonie en tant que problème spatial.

-  Etudiant : Ca permet au contraire d’avoir une méditation sur la perception interne et sur les forces internes du son qu’on ne pouvait pas voir avant avec la monophonie simlement. Ça nous permet de “théoriser” un point de vue qu’on ne pouvait pas “théoriser” avant parce qu’on n’en avait pas les données bien que les choses étaient là.

-  Deleuze : Je crois qu’il y aura un exemple que tout le monde pourrait comprendre. Faudrait trouver un exemple en peinture, un exemple en peinture, où le régime de la couleur change. Ce qu’on appellera la plus finalité est bien évidemment artistique. Et d’autre part, ça n’empêche pas que le nouveau régime de la couleur n’aurait pas pu intervenir si il n’y avait pas eu changement technologique concernant, soit le médium, soit l’équipement. Une fois que le nouveau régime apparait on peut revenir en arrière et dire : ah bah oui ça y était déjà. Ils le savaient déjà. Ils le sentaient déjà. Et ça n’empêche pas qu’il a fallu, je veux dire les choses aussi simples que, la couleur en tube a permis plus de choses que la couleur sur palette. Et pourtant on trouverait facilement avant la couleur en tube, on trouverait facilement des peintres. Tous les créateurs sont exactement dans une situation de (mot manquant) ou ils crient, ils crient, d’un crie ambiguë, ils crient : donnez-moi les nouveaux moyens, j’ai besoin de nouveaux moyens. Au sens technique, ( ?) a toujours défini sa musique comme ayant besoin de nouveau moyen à savoir il a été traversé d’un grand pré-sentiment de l’électronique. Il avait besoin de nouveaux moyens, il faisait de la musique indépendamment de ses nouveaux moyens, d’une admirable, mais complétement tendu. Ces nouveaux moyens, qu’il appelait tout ses vœux et peut être qu’il redoutait énormément, pensant que quand ça viendrait ça amènerait aussi la médiocrité, je parle de toutes les découvertes techniques dès qu’elles arrivent elles sont recouvertes d’une médiocrité qu’il y a certaines découvertes techniques dont on ne peut plus se servir. Prenez l’exemple des vidéos clip, c’est déjà "foutu" ou il faudra un renouvellement fantastique, tellement le marché a envahi et avant que ça ait pu donner quoi que ce soit. Ce qui serait un exemple précis, sur l’origine de la couleur en peinture quand les grands coloristes du 17éme arrivent, ben c’est pas par hasard que c’est le 17éme, qu’es-ce qui passe entre le 16éme et le 17éme, comme, je dis pas progrès, c’est pour ça, progrès c’est très ambiguë, comme développement technologique qui permet l’expression de certaines forces qui ne pouvaient pas s’exprimer, en tout cas, qui ne pouvaient s’exprimer pas librement, pas directement, qui pouvaient peut être s’exprimer mais indirectement. Qu’est-ce qui te fait dire dans un changement , les espaces de peintures n’ont pas cessé de changer, ça c’est de l’art, c’est de la volonté d’art. C’est évident qu’ils ont changé en même temps que, une certaine technologie optique se développe. Alors ça ne veut pas dire que entre l’espace de Raphaël et l’espace de Rembrandt il y a toute une optique qui a changé techniquement, technologiquement. Alors si tu disais l’espace de Rembrandt, c’était déjà chez Raphaël, non. Ce n’était pas chez Raphaël. Il obtenait les effets que Rembrandt obtient directement, Raphaël pouvait les obtenir que très, très indirectement, il pouvait les obtenir que à partir de son espace à lui.... moi c’est dans cette voie que j’essayerais de te répondre, mais je ne sais pas si ça te conviendrait mieux. Tu recommencerais à me dire, bon. Bon, on verra, écoutez on verra la prochaine fois. Bon c’est curieux cette séance, parce qu’on a avancé très très vite et toutes les difficultés sont venues à la fin.

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La voix de Gilles Deleuze en ligne
L’association Siècle Deleuzien