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83- 26/03/1985 - 3

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Gilles Deleuze - cinéma/pensée cours 83 du 26/03/1985 - 3 transcription : Mélanie Petrémont

J’ai oublié une petite conclusion, comme c’était l’essentiel, que tout le problème, tout le problème de départ c’était : en quoi les premiers penseurs du cinéma, ou les premiers grand auteurs, pouvaient assimiler le cinéma aux monologues intérieurs ?

Vous voyez qu’il y a plus de problème pour nous, car, je le disais, le monologue intérieur c’est quelque chose de très intéressant. Mais pourquoi ? Parce que, il y a eu la tentative des Soviétiques. Comprendre le monologue intérieur comme un protolangage. Un protolangage, il y a bien des choses, ça peut vouloir dire une langue primitive, une langue enfantine, on a vu ça, Vygotski, je fais allusion à cet auteur d’ailleurs très intéressant, donc. Et nous à l’issue de nos conclusions on peut dire uniquement, pour notre compte, hein ? - on se débrouille comme ça, c’est cela qu’on veut c’est pas (...) pis voilà, pour nous, ça va pas loin tout ça - . Le monologue intérieur ce n’est pas du langage. Il n’y a même pas lieu d’inventer un protolangage, vous comprenez on a plus besoin d’un protolangage. Ce qu’on appelle maintenant "monologue intérieur", et on dira : ben oui, le cinéma, c’est du monologue intérieur. Dans quel sens ? Le monologue intérieur, c’est pas du langage, c’est l’énonçable. C’est l’énonçable du langage. C’est-à-dire, c’est la matière non linguistiquement formée et pourtant cinématographiquement formée. S’il ne s’agissant pas du cinéma, je dirais : c’est la matière esthétiquement formée et non linguistiquement formée.

Donc je peux dire, eh oui le cinéma c’est du monologue intérieur. Si j’ai donné un monologue intérieur, ce statut d’être la matière non linguistique qui conditionne le langage et les opérations de langage. Mais je ne peux le dire que pour un cas, c’est là où il faudrait que vous ayez la gentillesse de me suivre jusqu’au bout, je ne peux le dire que pour ce qui concerne l’image-mouvement et les procès d’une image-mouvement, et les procès non langagiers de l’image-mouvement. Les procès non-langagiers de l’image-mouvement c’était : spécification en trois et intégration-différentiation. Alors là je peux dire oui : l’ensemble des images-mouvement et de leurs signes constituent le monologue intérieur, c’est-à-dire, l’énonçable. Ou la matière non-linguistiquement formée du langage. Elle ne ne fait pas partie du langage, elle constitue la matière non linguistiquement formée du langage. Et qu’en fait l’image-temps alors ? On a vu que l’image-temps était prise dans d’autres procès. Elle aussi, elle forme une matière non-linguistiquement formée, mais très différente et qui ne s’exprimera plus sous forme de monologue intérieur. Sous quelle forme ? Tout vient à point parfait, on ne pourra le dire que lorsque l’on aura étudié la question des énoncés proprement linguistiques - proprement cinématographiques.

Si bien que la prochaine fois, pour la rentrée après Pâques, je vous propose, ceux qui le veulent, que vous réfléchissiez un peu sur cet ensemble sémiotique/ sémiologique tel qu’on l’a fait depuis plusieurs sessions. Et puis on referait une séance là-dessus où vous, vous interviendrez, voilà. Vous interviendriez, j’en vois déjà un qui va intervenir, Passerone à propos de Pasolini, Eric à partir de Pasolini ou d’autre chose, certains d’entre vous au niveau de la sémiologie, voilà ! ou pour voir s’il y avait des choses à remettre au point, là je veux dire ça n’a pas de sens on a pas assez de temps pour le faire, et puis ça serait, heu...il vaut mieux terminer sur du tout facile. Ça nous lancerait dans un trop loin de notre départ ( ?).

Si bien que vient le moment toujours délicieux de vous dire on oublie tout ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. Simplement il faudra vous le rappeler (...) alors là on oublie complètement et puis on repart, alors on repart à zéro et on repart dans du rien du tout, dans des petites choses quoi.

Je vous disais bon, ben, maintenant il faut se dire : on tient l’énonçable cinématographique vaguement mais cet énonçable il renvoie à des actes d’énonciation.
-  Il y a donc des énoncés cinématographiques. Qu’est-ce qu’un énoncé cinématographique ? Rendez-vous compte qu’on a à faire, hein ? Parce que comme je vous disais, à mon avis on sera forcés de mener trois stades. De distinguer trois stades. Il n’y a pas d’unité du parlant. Il faudra distinguer un stade qui est celui du muet, et où il y a déjà des énoncés cinématographiques, un stade qui est celui du parlant, qui est un vaste remaniement des énoncés cinématographiques et qui va donner des genres - qui va apporter des genres nouveaux au cinéma - et contrairement à ce que l’on dit, avec aucun danger de faire du théâtre, ce sont des films nuls ! Ben quoi des films nuls ça ne pose pas de problème ! Ils sont nuls et puis voilà ! (rires) je ne vois pas où est le problème ? Il n’y a jamais eu de problème avec le parlant de faire du cinéma-théâtre. Jamais sauf, encore une fois, quand les films sont très, très mauvais, mais quand les films sont très mauvais ils ne posent pas de problème alors, ils ne posent pas de problème !

Comprenez que quand par exemple - je prends un grand genre qui coïncide avec le parlant : la comédie américaine. Ça arrête pas de parler ! Imaginez ça au théâtre, c’est grotesque, si ! Bien après la comédie américaine, quelqu’un au théâtre arrivera à produire des effets très semblables à ceux de la comédie américaine, c’est (... ?). Qui sont des chef-d’œuvres de théâtre, mais qui supposent évidemment le cinéma. Sans le cinéma il n’aurait pas pu. Bon, mais si vous pensez à une comédie américaine, et ben c’est fantastique quoi ! La manière dont les voix se recouvrent, il s’agit de faire parler tout le monde en même temps. Tout le monde en même temps, il y en a toujours un qui peut pas ! C’est par là que c’est du cinéma ! C’est pas du théâtre ! Vous essaieriez de faire ça au théâtre, mais c’est des effets lamentables ! Il faut que ça parle dans tous les sens ! La conversation à l’état pur, indépendamment de tout objet, ça c’est la comédie américaine, la conversation à l’état pur indépendamment de tout objet, ça c’est une invention du cinéma ! Jamais le théâtre avait risqué un truc comme ça ! Et encore une fois, quand Bob Wilson le refera, ce sera dans des conditions bien après le cinéma, il en ferra avec son génie à lui ! Heu bon mais, la conversation qui s’emballe partout, ben on se dit, c’est des fous ! Et à ce moment-là, on a une grande conscience ! c’est pour ça que la comédie américaine c’est pas rien, c’est très très important dans le cinéma, c’est des fous parce que, quand on se dit c’est de fous, mais c’est la folie ordinaire de la famille américaine et c’est présenté comme ça. Et on se dit : mais là dessus, chaque fois qu’on écoute une conversation, c’est eux qui découvrent la conversation ! Prenez une conversation de bistrot, on dit parfois vous comprenez que, on a fait des études très, très intéressantes parce qu’elles répondent à des lois difficiles et obscures, c’est très important ça, vous savez, il y a une question de distance, on peut s’approcher, pas trop, s’éloigner, il y a des questions de frontières de territoire, je te parle à telle distance, si tu franchis la distance, bon tout ça, il y a tout un problème d’espace de la conversation. Bon ça a été assez bien étudié par euh - du point de vue de la schizophrénie notamment il y a de très beaux textes de Laing, Ronald Laing, sur les conversations de schizophrènes mais il insiste pas assez sur le côté espace. Mais d’autres psychiatres ont vu ces problèmes d’espace, il suffit heu - ceux d’entre vous là je parle euh par exemple pour Eric - ceux d’entre vous qui fréquentent la clinique de la Borde, ben, quand on parle à un schizophrène, ils sont très accueillants, mais, on ne leur parle pas n’importe comment ! Je veux dire, d’abord c’est une forme de politesse, euh, et puis ensuite, si vous vous rapprochez trop, et même quand ils vous demandent un cigarette si vous vous rapprochez trop, ben non, ça va pas, hein ? Si vous restez loin ils peuvent très bien devenir agressifs alors par peur de moi, tout ça : ce qu’on appelle l’aisance avec l’autre, l’aisance avec le différent, et ben, un infirmier c’est quelqu’un qui a un rapport avec les schizophrènes tout comme quelqu’un qui a un rapport avec les enfants, mais je dis ça pourquoi ?

C’est que, c’est pas la conversation qui est un bon critère de la schizophrénie c’est l’inverse, c’est la schizophrénie qui est le critère fondamental de toute conversation. Si vous entrez dans un café, vous installez - maintenant je ne le fais plus mais j’aimais beaucoup, comme beaucoup de gens, entre nous - rester dans un café et écouter les gens, mais il suffit d’être dans certaines conditions et on se dit : mais c’est des fous furieux qui parlent ! La manière dont ils plaisantent dont il font semblant de se fâcher, dont un sujet vient couper l’autre, dont on y en a un qu’on fait taire toujours, qui est « ah !—,-ah !—, » qui veut dire des choses (rires) mais il pourra jamais je dire, c’est un peu comme ça dans les émissions de Polak, (rires) cent pour cent d’un point de vue psychiatrique, parce que notamment il y en a toujours un dont on sait d’avance qu’il ne parlera jamais, il commence et : « ah !—, ah !—... » et puis il y a celui dont on sait que - celui-là alors, il est comme Catherine Hepburn, moins joli mais - parce que c’était le génie de Catherine Hepburn, ça - elle parlait tellement vite, tellement vite, tellement vite, et avec une telle insolence de classe. Il y a aussi un problème très intéressant dans la comédie américaine, c’est une comédie quant même très politisée, très politique, l’insolence de classe de Catherine Hepburn est quelque chose de formidable, et la manière dont elle tue le bonhomme quoi ! Quelque soit l’acteur quoi ! D’ailleurs le rôle de l’acteur face à Catherine Hepburn, c’est essayer comme on dit d’en placer une !Et il ne pourra jamais. Il pourra jamais et pas parce qu’elle est bavarde, elle fait toujours une surenchère telle que le type il a toujours un degré de retard. Alors c’est très très curieux, et c’est une parole hein, qui sort tout d’un coup de tous les côtés, elle disparaît hors champ et elle revient de l’autre côté c’est très sonnant, c’est - bon, je dis ça comme ça.

Il y a donc des énoncés cinématographiques au niveau du parlant. Et en plus, il n’y a pas que ça, il y a des cas extraordinaires dans le parlant américain, et même dans les films - et peut-être surtout dans les films policiers. Je citais la comédie américaine, mais dans les films policiers, il y a là des trucs qui sont tellement bien que vous ne pouvez plus assigner une réplique qui a été dite par l’un, elle aurait pu être dite par l’autre. Il y a non seulement élimination de tout objet d’énonciation, la conversation portant sur n’importe quoi à la lettre, mais il y a élimination des sujets d’énonciation qui sont absolument interchangeables. Et les cas où c’est le plus frappant, c’est évidemment - c’est là où ça va le plus loin - c’est lorsque c’est entre un homme et une femme, alors là on a - et lorsque c’est dans une conversation amoureuse - il y a un cas que je trouve très sublime, cette fois-ci je cite les acteurs car il y a des fois où il faut citer les acteurs, heu c’est Laurène Bacall et Bogart si vous prenez chez Hawks, il a deux films de chez Hawks, ben dans leur espèce de rapport immédiatement amoureux, immédiatement passionnel, si vous fermez les yeux et s’il y avait pas une voix féminine et une voix masculine, ce que dit l’un, les énormités de ce que dit l’un ou plutôt l’une, fait que vous pourriez croire que c’est dit par l’homme. Là il y a une espèce de réversibilité absolue des points de vue dans la conversation où il devient impossible d’assigner un sujet d’énonciation. Vous avez un fourmillement d’énoncés. Bon tout ça c’est pour dire bon, un stade du parlé. Mais ce qu’on aura aussi à voir, c’est aussi pour vous dire un peu quel programme nous aurons - il sera très abondant - c’est évident que, après la guerre là aussi - c’est pour ça que la vraie frontière, la vraie rupture s’il y a rupture, qu’elle s’est pas faite au niveau du passage du muet au parlant. Après la guerre le parlant prend un tout autre statut. Un statut complètement différent. Et si pensez par exemple aux grands auteurs du parlant actuellement ben tout de suite heu - indépendamment bien sûr - il y a Resnais, il y a, ben il y en a beaucoup mais heu, mais ceux qui font vraiment du parlant un problème premier dans les conditions très particulières, c’est qui avant tout, c’est Straub, c’est les Straub, c’est Marguerite Duras, il est trop évident que, il faudra là, - c’est aussi un type d’énoncé cinématographique absolument nouveau, tout-à-fait nouveau.

Donc c’est une tâche assez longue qu’on a, mais encore une fois vous le sentez, qui sera très facile, non, pas pour le dernier niveau, pas pour les Straub par exemple, c’est pas rien les Straub, mais enfin, oui déjà, il me semble que là il y a eu une grande tentative pour analyser ces heu--- mais je pense qu’on aura quelque chose à tirer pour une théorie générale des énoncés, on aura quelque chose à tirer de ces stades du muet, du premier parlant, du second parlant.

Alors je veux juste dire très peu parce qu’on va s’arrêter, juste dire : ben oui, d’ailleurs, j’avais commencé à le dire, dans le cinéma dit muet, qu’est-ce qui se passe ? Vous vous rappelez, je rappelais les remarques de Mitry et de Chion, pour dire : et ben non, le muet il y jamais été muet puisqu’il y a articulation, il y a phonation, ils arrêtent pas de parler les gens, simplement vous n’entendez pas ce qu’ils disent. Bon, d’accord, il n’y a donc pas de cinéma muet. Mitry, Michel Chion ont absolument raison de dire : non, c’est pas un cinéma muet, ça n’est eux qui sont muets, c’est vous qui êtes sourds. C’est le spectateur qui est sourd, c’est très différent ! Je dirais s’il y a un cinéma muet, alors j’ouvre une parenthèse dans, chez Marguerite Duras lorsqu’elle supprime les mouvements de phonation de l’acteur, heu, ça c’est, on commence par le plus simple.

Alors qu’est-ce qu’il y a puisque le cinéma n’est pas muet ; il y a des énoncés. C’est pas difficile, je disais, vous avez deux images. Et la cinéma muet se définit par la coexistence de deux images. Il y a une image qui est vue, et une image qui est lue. L’image lue - commençons par le plus simple - s’appelle « intertitre ». alors on laisse de côté les objections parce qu’elle sont trop évidentes, il y a eu des films muets sans intertitre. Bon ça, il faudra expliquer ça, ça posera problème, est-ce que l’image lue se réduit à l’intertitre ? Non, évidemment non mais, on part du plus gros, hein ? Du plus simple, du plus évident. Mais je dis, regardez bien ce qu’il se passe, lorsqu’on est dans un régime d’intertitre. Je remarque le vu et le lu sont deux fonctions de l’oeil. Je peux dire : une image cinématographique, à ce stade, est visuelle. Simplement l’œil, il a deux fonctions : quant à l’image vue il a pour fonction : « vision », quant à l’image lue, il a pour fonction - quant à l’intertitre il a pour fonction - : « la lecture ». Ce sont deux fonctions très différentes.
-  Qu’est ce qui se passe pour l’intertitre comme image lue ?

Eh bien, moi ce qui me frappe, c’est que l’image lue prend toujours une espèce d’universalité abstraite. Elle prend une espèce d’universalité abstraite au point que, si directe qu’elle nous soit proposée, nous la transformons toujours en style indirect. A savoir, je vous ait donné un exemple, je crois, et c’est de là que je repars à nouveau, heu... image vue : on voit un homme l’air cruel, qui sort un couteau et qui s’avance vers une pauvre jeune fille en brandissant son couteau.

Pour faire un essai, je vais vous le faire vraiment, et, intertitre : « je vais te tuer ! » Bon. c’est évident que nous, spectateurs, nous lisons : « il dit qu’il va la tuer » car, même dans la connerie de la notion d’identification, qui vraiment m’apparaît - vous savez les histoires s’identifier, pas s’identifier - s’il y a identification, c’est avec l’image vue, c’est pas avec l’image lue. L’intertitre « je vais te tuer ! » je le lis réellement : « il dit qu’il va la tuer », c’est-à-dire, l’image lue est lue au style indirect même quand elle se présente en style direct. C’est en ce sens qu’elle prend une espèce d’universalité abstraite. Tandis que, je m’avance un peu je dis : elle vaut pour quelque chose qui est de l’ordre d’une loi quelconque. C’est ça l’universalité abstraite. Il dit qu’il va la tuer au nom de la loi du plus fort, même si c’est le plus fort c’est encore une espèce de loi. Tandis que l’image vue, se charge de tout ce qu’on pourrait appeler, il me semble, tout ce que j’appellerais, la « naturalité ». Elle a quelque chose de naturel. Elle se charge de l’aspect naturel des choses et des êtres. Et je dirais même que c’est ça qui fait la beauté des images visuelles dans le cinéma muet. Et que c’est ça, on le verra, qui disparaîtra. Je veux dire, il y a une naturalité de l’image visuelle. C’est un peu comme si l’image visuelle se chargeait de la nature, et que l’image lue, l’intertitre, se chargeait, ce qui n’est pas nature quoi, de l’universalité abstraite de la loi. Vous me direz : oh ça va trop vite là, ça va vite ben... pas au sens de difficile mais au sens d’arbitraire. Un critique de cinéma : Louis [rupture dans l’enregistrement)

— -Donc on est pas dans le cas Murnau, mais si la cas Murnau nous a servi c’est que, même lorsque donc, qu’est-ce que nous montre en gros, le cinéma muet, quand il nous montre pas la vie des îles, quand c’est pas Nanook et quand c’est pas Taboo. Qu’est-ce qu’il nous montre ? Il nous montre une société. Il nous montre la structure de cette société. Il nous montre les situations dans cette société. Patron, ouvrier, militaire, etc... Il nous montre les places et les fonctions dans cette société. il nous montre les actions et réactions des gens qui occupent telle place ou qui remplissent telle fonction. Voilà. Structure - situation, place et fonction, actions et réactions. Tout cela social, oui, tout cela, social. Bien plus, il nous montre - l’image visuelle de ce cinéma - nous montre les conditions de l’acte de parole, à savoir, dans telle situation, tu dois répondre ou tu dois parler. Le personnage parle ou le personnage répond. Donc ça, c’est les conditions de l’acte de parole. On nous montre aussi - l’image visuelle - nous montre les conséquences de l’acte de parole. Par exemple quelqu’un vient dire quelque chose et il reçoit une gifle. J’appelle ça : conséquence d’un acte de parole. Bien plus on nous montre même l’articulation de l’acte de parole. Ce personnage articule dans le cinéma muet. Bien, eh bien, je dis et je maintiens : c’est pour ça - j’insiste là dessus - que même dans ces conditions, le cinéma muet, l’image vue, l’image visuelle nous présente la nature d’une société. Tout comme elle nous présente la nature d’une société, de ses attitudes et de ses rôles, de ses fonctions et de ses places, et elle nous présente également la physique sociale des actions et réactions. D’accord c’est une nature sociale mais une société, ça a une nature. Par exemple il y a une nature du capitalisme. Il y a une nature du capitalisme, il y a une physique sociale des actions et réactions. Il y a une physique sociale de celui qui commande et une physique sociale de celui qui obéit. Action - réaction. Je dis donc : même lorsque l’image muette, lorsque l’image vue dans le cinéma muet, vous présente les éléments de la plus pure civilisation, et non pas une vie supposée naturelle immédiate, cette image vue reste comme naturalisée. Et encore une fois c’est ça qui fait sa beauté. Les décors peuvent être volontairement présentés comme les plus artificiels. Ces décors ont une nature. Pensez à un des plus grands du cinéma muet, hein, les décors de "L’Herbier". Pourtant, c’est pas des décors de la nature. C’est des décors de grande architecture, bon bien, l’image est profondément naturaliste. Et c’est ce poids de naturalité qui fait en grande partie la beauté de l’image muette. Qui fait comme un secret de l’image muette.

Alors bien sûr, là aussi je prévois, j’essaie toujours de prévoir, ben dans ce cas, le maximum d’objections. On peut me dire : mais attention, oui mais euh... ça n’empêche pas que euh... on pourrait me dire : « vois les Soviétiques, penses aux Soviétiques ! » Ils ne cessent pas de montrer que la société elle est selon eux fondamentalement transformable par l’acte de révolution. Oui et c’est vrai, je pense à un texte bien connu d’Eisenstein - dont j’ai parlé une autre année - où il fait ses reproches à Griffith, et où il dit : quand on regarde les films de Griffith, on a toujours l’impression que les riches et les pauvres sont donnés par nature. Que c’est leur nature. Et Eisenstein s’y oppose en disant : avec moi, non ! Moi ce que je veux montrer c’est que richesse et pauvreté sont les produits de la société. Donc il a l’air de s’opposer à cette espèce de naturalité. Mais pas du tout ! Mais en fait, pas du tout ! C’est pour ça que ce serait pas une objection. Ce qu’il faut dire simplement et c’est pas étonnant, c’est que Eisenstein et Griffith conçoivent la nature de deux manières totalement différentes. Et même opposée. Pour une raison simple, c’est que Griffith se fait une conception de la nature à l’américaine, à savoir : la nature est fondamentalement un organisme. C’est une nature organique. Et la société est une nature organique. Notamment la société américaine. Il y a des sociétés malades, il y a des sociétés bien portantes, la société américaine, c’est la société bien portante par excellence, c’est la société organique. C’est la nature organique. Donc riches et pauvres appartiennent à une nature organique.

Pour Eisenstein, bien qu’il emploie lui-même pour son compte le terme organique, il lui donne évidemment un tout autre sens, puisque pour lui, il n’y a pas de données organiques de la nature et la nature ne se définit pas organiquement, elle se définit dialectiquement.

Et ça veut dire quoi, ça veut dire que la nature et le double processus de transformation - comme le disait Marx - dans une belle phrase, euh... « le double processus d’une transformation de l’être naturel de l’homme et de l’être social de la nature ». Il y a un être naturel de l’homme et il y a un être social de la nature et la dialectique est la mouvement par lequel l’homme et la nature vont échanger leurs déterminations ce qui implique une transformation de la société. Mais, il va de soit que pour Eisenstein comme pour Griffith, il y a une nature du capitalisme ! Il y a une physique sociale des actions et réactions dans une société ! Exemple fameux : où l’on voit ce qu’il faut entendre par la naturalité de l’image muette, dans la fameuse séquence des brouillards d’Odessa, du cuirassé Potemkine, Eisenstein explique que trois éléments sont mis en jeu, et que l’image est construite sur trois éléments : l’eau, la terre et l’air. Oui : l’eau la terre et l’air. L’eau du port, l’air : les brouillards, la terre : l’endroit où a été porté le mort. Et il dit : il manque le quatrième élément. Et le quatrième élément c’est l’homme qui va le faire surgir, dans quoi ? Avec le feu ! Et sous forme d’une explosion révolutionnaire. C’est un texte typique, il me semble pour montrer qu’en effet, là, eux qui commenteraient mot à mot au niveau du cinéma, la phrase de Marx : transformation de l’être naturel de l’homme et de l’être humain de la nature, c’est-à-dire, identité dialectique de la nature et de l’homme. C’est en amenant le quatrième élément de la nature : le feu, que l’homme va assumer la transformation de la société. En l’occurrence : le passage - qui ici va échouer dans le cas du "Cuirassé Potemkine", mais le passage promis, le passage inévitable dans l’avenir dans la société capitaliste à une société communiste, mais les deux sociétés ont une nature.

Comprenez, c’est en ce sens que je maintiendrais que dans le muet, l’image vue a une espèce de naturalité. Si bien que quelque chose que Bazin disait uniquement pour le muet - non pardon - disait pour le cinéma en général, me paraît plutôt valoir pour le muet. Bazin disait : vous comprenez, au cinéma on va du décor à l’homme tandis qu’ou théâtre on va de l’homme au décor. Si bien que dans le cinéma, le décor fait toujours fonction de nature. Il voulait pas dire de chose naturelle, il n’ignorait pas que les décors pouvaient être des décors de ville, ça n’empêche pas ! C’est que à ce moment-là ce qui est présenté c’est la nature de cette ville. La nature de cette société. Il ajoutait : même les visages humains sont traités de cette manière. Même les visages humains sont traités comme quoi ? A votre choix : comme des décors, ou comme des paysages, comme des événements chargés de naturalité, et, il donnait l’exemple célèbre de "La Passion de Jeanne d’Arc" de Dreyer. Où les visages comme il disait déjà, où les visages, ils sont des paysages. Et ça, ce qui est proprement cinématographique et pas du tout, évidemment, théâtral. Que le théâtre - alors lui, de l’homme à une nature supposée, là au contraire, le cinéma va toujours d’une nature supposée à l’homme, même si cette nature supposée est le simple visage. Le simple visage de l’homme où en effet, quand vous prenez un gros plan d’un juge de Jeanne d4arc, où il y a Jeanne d’Arc elle même, vous voyez à chaque fois ces visages en gros plan qui sont de véritables paysages. Avec cratères euh... on peut tout voir. Alors ça, ça me paraît juste. Une véritable naturalité de l’image visuelle.

Dès lors, l’image visuelle est vraiment naturalisée. Vous voyez, l’opposition pour moi elle n’est pas entre nature et histoire. Pas du tout ! L’image visuelle elle est aussi bien - elle est naturalisée en tant qu’historique, c’est la nature de cette société. c’est la nature de cette ville, c’est la nature de ce moment historique. Bon. Alors, cette image visuelle, elle est historico-naturelle. Et elle s’oppose à quoi ? Encore une fois, elle s’oppose à l’intertitre, à l’image lue. Qui lui, n’est pas historico-naturel. Qu’est-ce qu’il est alors ? Il est discours. L’image lue, elle est discours. Discours qui en tant que lu sera mis normalement au style indirect. Donc n’aura pas de naturalité.

Bien, qu’est-ce que ça veut dire ? ça veut dire que je ne distingue pas nature et histoire, je distingue quoi et quoi ? Finalement ce que je veux dire est une chose très simple parce que Benveniste l’à très bien dit, Benveniste, "Problèmes de linguistique générale", pages 241-242 : il dit, et c’est une chose très très simple, on peut pas dire.. - il dit : il faut distinguer deux plans : il y a ce qu’il appelle le plan du récit. Peu importe les mots qu’il emploie. Le plan du récit c’est ceci : « les événements sont posés comme ils se sont produits, à mesure qu’ils apparaissent à l’horizon de l’histoire ». Vous voyez que c’est parfaitement dans l’histoire... « les événements apparaissent comme ils se sont produits » - non - « les événements sont posés comme ils se sont produits, à mesure qu’ ils apparaissent à l’horizon de l’histoire.] Ça peut être des événements de la nature, ou des événements historiques. Ça peut être le tonnerre, un orage, ou ça peut être un acte humain, des gens descendent dans la rue, ou des gens se promènent dans une ville, personne ne parle ici ! Personne ne parle, ça veut dire : il n’y a pas quelqu’un déterminé qui parle. Voilà, les événements semblent se raconter d’eux-mêmes. En effet dans beaucoup de récits classiques, c’est ça qu’il y a. Voilà la plan du récit, qui couvre donc, les événements aussi bien de la nature que de l’histoire. Et qui se définit comment - encore une fois - ce plan du récit c’est : personne ne parle d’ici, bien que ça soit un récit, se sont les événements qui se racontent d’eux-mêmes. C’est comme si je vous disais : « oui, le quatorze juillet il s’est passé ceci ». Voilà. C’est comme si les événements parlaient d’eux-mêmes. Et Benveniste y oppose le plan du discours. Et se réclame d’une distinction fondamentale entre récit historique et discours. Et le discours, dit-il, là c’est suivant la définition qu’il aime et qu’il ne cessera de donner du discours, c’est là où interviennent les véritables personnes. Les véritables personnes linguistiques qui sont au nombre de deux - selon lui - « je » et « tu », puisque « il » n’est pas une personne. « Il » fait partie du récit. Mais « je » et « tu » sont des variables d’énonciation. Là où interviennent des variables d’énonciation il y a réellement discours, c’est-à-dire, il y a discours lorsqu’il y a quelqu’un qui dit « je ». Il y a quelqu’un qui dit « je » lorsque il y a quelqu’un, le même, qui dit « tu » à quelqu’un d’autre qui va dire « je » à son tour.

J’ajoute juste - et pour ceux qui se reporteront au texte de Benveniste, vous verrez qu’il l’a prévu - si je lis un discours, je suis comme forcé machinalement, mécaniquement, de le mettre en discours indirect. Si je lis, quand je l’entends je l’entends comme un discours direct. Par exemple j’entends l’un d’entre vous dire : euh, « tu m’embêtes », bon, euh, tu m’embêtes, ou bien : « j’irai demain » bon, ça j’entends ça. Si je lis : « tu m’embêtes, dit-il », je traduis naturellement : « il dit que ». Je le traduis en style indirect. Ça n’empêche pas que est complètement concernée, la distinction entre le plan du récit et le plan du discours pour moi, ça ne coïncide pas tout-à-fait avec les deux éléments que j’essaie de dire l’image visuelle, qui historique ou non, - voilà exactement la dualité que j’essaie d’introduire - l’image visuelle historique ou non est toujours lestée d’une sorte de naturalité. Et loin que ce soit un reproche au cinéma muet je dis que c’est un secret de l’image visuelle du cinéma muet. Et à l’autre pôle, c’est l’image lue qui se charge du discours, c’est l’intertitre qui se charge - je dirais presque, alors, pour suivre Benveniste - c’est l’image vue qui se charge du récit, c’est l’image lue, l’intertitre, qui se charge du discours.

D’où - problème fondamental - encore une fois, assurer l’entrelacement entre l’image vue et l’image lue. Et ce sera ça, le problème du parlant : assurer l’entrelacement. Et assurer l’entrelacement se fera de deux façons. Et le cinéma muet n’est pas définissable indépendamment de cet entrelacement. Ou bien recherche graphique, qui vont lier l’image vue à l’image lue. Déjà recherche graphique chez Griffith. Célèbre recherche graphique de l’Ecole soviétique. Par exemple, le « frères, frères, frères, frères », qui grossit sur l’écran, je ne sais pas si vous vous rappelez. Quand les révolutionnaires arrivent, et s’adressent aux soldats de la réaction, et lancent leur grand appel, « frères » qui commence petit et qui grossit, qui grossit, bon : « frères, frères, frères », il y a eu beaucoup de cas comme ça où la recherche graphique--- ou bien, pas forcément les meilleures, mais toutes les possibilités de faire trembler les lettres, enfin, tout ce que vous imaginez. Les recherches graphiques ont quant même été très loin. Il doit y avoir des livres spécialisés là-dessus, sur les recherches graphiques au moment du muet. Griffith il signait ses cartons, il les signait, il y avait la signature de Griffith, hein ? Sur ses grands intertitres. C’est dire à quel point il les considérait comme faisant partie intégrante de l’image cinématographique.

Ou bien je vous le disais, et je termine là-dessus, l’entrelacement - heu - l’autre cas, il me semble que c’est celui qui a été le plus loin, le génie c’est : Vertov. Pas dans "L’Homme à la caméra" qui ne comporte pas de sous-titre, mais dans ses exercices précédents où là, il y a un entrelacement du texte et de l’image visuelle, c’est quelque chose qu’on n’a jamais atteint. On l’a jamais atteint depuis. C’est quelque chose de prodigieux, ça.

Bon, et puis il y a l’autre procédé, l’autre procédé qui en un sens est plus subtil. On introduit des éléments scripturaux, donc lisibles, lus, on introduit des éléments scripturaux dans l’image vue. Par exemple, c’est la méthode, c’est beaucoup de la méthode de Murnau dans "Taboo", le message est présenté dans l’image visuelle, il y a dans un film de terreur, vous avez un cimetière avec des inscriptions sur les croix, vous avez du lisible dans le vu, ce qui posait des problèmes dès le début du cinéma muet, on a la nécessité de tourner, par exemple à Vincennes, plusieurs fois en langages différents, suivant les pays dans lesquels on allait distribuer le film, alors ça, vous trouvez ça constamment, le rôle de la lettre dans le cinéma muet, par exemple, la lettre là que quelqu’un lit, même si ensuite il est redoublé par l’intertitre qui donne le thème de la lettre, vous avez quant même vu l’élément lisible dans l’image. Vous voyez cette fois, il n’y a pas simplement entrelacement, il y a injection du lisible dans le visible.

Et ça cette, méthode, évidemment elle est très très intéressante parce que, elle nous permet des combinaisons très subtiles, et quand on parle - et certains auteurs qui aujourd’hui ont rapproché le cinéma moderne du muet - évidemment font appel, et ne manquent jamais de faire appel et de rapprocher à tord ou à raison, je sais pas si c’est reprochable, le rôle, par exemple chez Godard, des textes écrits injectés dans l’image visuelle, le cas le plus célèbre et le plus simple étant le cahier de Pierrot le fou. Le cahier de "Pierrot le fou" qui a une telle importance, est le cas typique d’une image visible, d’une image lue, qui doit être lue, et qui est insérée dans l’image visuelle elle-même.

Exactement, on en est là, j’aimerais que vous réfléchissiez à ce point, et ça nous permet, exactement, alors je voudrais que vous arriviez à poser la question suivante, là aussi, pendant les vacances : quand le parlant arrive :

-  Qu’est-ce qui peut apporter de nouveau ? Dans cette répartition des deux images : l’image vue et l’image lue. Qu’est-ce qu’il apporte de nouveau ?

On pourra sentir, et il me semble que si l’on est apte à comparer des mêmes thèmes, traités en muet, et traités en parlant, heureusement j’en vois deux mais ce qui m’intéresse pour vous les dire tout de suite, deux faciles, c’est pour que pendant les vacances vous réfléchissiez, si vous, vous en avez d’autres.

Je vois un premier thème : la dégradation. Où là, on a la chance d’avoir la dégradation c’est très intéressant comme processus social. Le processus social de la dégradation. Au sens de dégrader quelqu’un. Lui ôter ses insignes quoi. Tout, et là, "Le dernier des hommes" de Murnau, c’est une version muette d’une dégradation. La dégradation du grand portier. Au début du parlant, "l’Ange bleu" de Sternberg, la dégradation du professeur de lycée. Là c’est du parlant.

Deuxième exemple : la collaboration. Première collaboration muette, collaboration patronat et police - notons pour simplifier hein - police pègre dans "La Grève" d’Eisenstein. Le peuple des tonneaux. Le peuple des tonneaux qui va servir de briseurs de grève. Collaboration police sous-prolétariat. Ou police pègre plus facilement. Version parlante au début du parlant : "M le maudit". La grande et célèbre collaboration police-pègre pour trouver l’assassin. C’est à ces niveaux qu’on pourrait faire des exercices pratiques on les ferra, avec comme question, voyons : qu’est-ce que le parlant apporte de nouveau s’il apporte quelque chose de nouveau, ou qu’est-ce qu’il apporte de nouveau.

Ça nous permettra de définir le nouveau régime d’images. Nous supposons qu’avec le parlant il y a un nouveau régime d’images. Pas plus beau, oh certes pas plus beau ! Mais différent. Alors je demande à certains d’entre vous s’ils ont une idée sur une comparaison, il faut des films du début du parlant, hein ? Pour que ce soit..., où vous voyez une version muette à la fin du muet et une version parlante à la - donc - qui soit du même genre que thème de la dégradation, thème de - tu vois - la collaboration, etc... Bon et bien reposez-vous bien.

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